III. UN CONTEXTE POLITIQUE MARQUÉ PAR UNE FORTE CONCENTRATION DES POUVOIRS
A. UN EFFONDREMENT DU PARTI ROYALISTE, L'ÉMERGENCE COMPLEXE D'UNE OPPOSITION
1. L'organisation de la vie politique au Cambodge
L'organisation de la vie politique au Cambodge est particulièrement complexe , car elle repose sur un équilibre subtil entre différents mouvements et personnalités politiques, afin d'éviter un retour au climat de violence qui régnait encore dans les années 1990 et qui présente toujours un risque de résurgence.
Après la signature des accords de Paris en 1991, les premières élections libres ont lieu en juin 1992 , sous l'administration de l'ONU. Le parti royaliste FUNCINPEC 31 ( * ) présidé par le Prince Norodom Ranariddh, fils aîné du Roi Sihanouk, remporte alors 45,47 % des suffrages soit 58 sièges et le Parti du Peuple Cambodgien (PPC) 38,22% soit 51 sièges, les 11 sièges restants étant détenus par deux petits partis. Le 2 juillet 1992 un gouvernement est formé. MM. Ranariddh et Hun Sen sont co-premiers ministres du gouvernement. La plupart des ministères sont cogérés par les membres du FUNCINPEC et du PPC.
Dès 1994, des évènements violents ont lieu , avec d'une part des offensives contre les bastions khmers rouges, qui refusent les accords de Paris, et d'autre part des tentatives de coups d'Etat 32 ( * ) . Par ailleurs, des tensions importantes se font jour au sein du gouvernement, qui amènent le limogeage de Sam Rainsy alors ministre des finances et de l'économie (FUNCINPEC) et la démission du prince Norodom Sirivudh, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. La tension culmine en juillet 1997 , avec des affrontements dans Phnom Penh entre les forces des deux co-premiers ministres, dont Hun Sen sort vainqueur.
En juillet 1998 ont lieu de nouvelles élections législatives qui confortent le Parti du Peuple Cambodgien qui remporte 41,42 % des voix, contre 31,70 % des voix au FUNCINPEC et 14,75 % des voix au Parti Sam Rainsy (PSR). Mais si le PPC détient la majorité absolue à l'Assemblée, un article de la Constitution de 1993 oblige toujours la formation du gouvernement à la majorité des deux-tiers, donc exige un gouvernement de coalition.
Depuis plusieurs années, la vie politique cambodgienne s'est donc organisée autour de trois grandes formations : le Parti du Peuple Cambodgien (PPC) du Premier Ministre Hun Sen, homme fort du pays, le parti royaliste FUNCINPEC présidé par le Prince Norodom Ranariddh, fils aîné du Roi Sihanouk, également président de l'Assemblée nationale, et le Parti Sam Rainsy (PSR).
Les deux premiers partis, PPC et FUNCINPEC, forment une coalition au pouvoir, dominée dans les faits par le PPC, tandis que le PSR se situe dans l'opposition, dénonçant régulièrement des atteintes aux droits de l'homme. M. Sam Rainsy a plusieurs fois quitté le Cambodge, pour se réfugier notamment en France, arguant de menaces sur sa vie, avant d'y retourner.
Cette situation de coalition entre un partenaire fort, le PPC, et un partenaire faible, le FUNCINPEC, devient cependant de plus en plus difficile à maintenir, en raison d'un effondrement progressif du parti royaliste.
* 31 Front uni pour un Cambodge neutre, pacifique et coopératif
* 32 Le 2 juillet 1994 a lieu une tentative de coup d'état du prince Chakrapong et du général Sin Song à Phnom Penh. Le coup d'Etat avorte sans effusion de sang. Le prince Chakrapong s'exile en Malaisie et le général Sin Song est arrêté.