CHAPITRE PREMIER :
LA PARTICIPATION DES AUTORITÉS
YÉMÉNITES A LA
COALITION
ANTITERRORISTE
La
lecture de certains articles de presse après les attentats du
11 septembre a pu laisser craindre le pire pour l'avenir du Yémen.
L'éventualité de nouvelles cibles pour les frappes
américaines, après l'Afghanistan, a engendré de nombreuses
rumeurs. C'est ainsi que le «
Sunday Times
» du 25
novembres 2001 évoquait, avec la Somalie et le Soudan, le Yémen
comme pays susceptible de devenir la cible d'actions militaires
américaines. Le Monde titrait déjà le 16 octobre 2001
«
Le Yémen craint toujours d'être une cible de la
riposte américaine
». Le quotidien récidivait le 21
décembre 2001 dans un article intitulé
« l'Amérique choisit ses nouvelles cibles
».
Ces rumeurs se fondaient sur des éléments objectifs liés
au climat d'insécurité yéménite et surtout aux
attentats anti-occidentaux commis au Yémen les années
précédentes. Elles se nourrissaient aussi d'un aperçu
rapide et superficiel du Yémen qui pouvait vite conduire à la
caricature.
Le Yémen, pays où l'enlèvement d'occidentaux par des
tribus mécontentes constituait depuis quelques années un
«
folklore
» sans conséquence grave, a connu
deux actes terroristes tragiques. Le premier en décembre 1998 a
été l'enlèvement par une mystérieuse
«
Armée islamique d'Aden-Abyane
» de
touristes occidentaux, dont trois, deux Britanniques et un Australien, ont
trouvé la mort au cours d'affrontements avec l'armée. Le chef de
ce groupe, Abou l-Hassan Al-Mihdar, a, depuis, été
exécuté et neuf de ses complices emprisonnés. Parmi eux
figure le fils du citoyen britannique Abou l-Hamza, un des
célèbres prédicateurs islamistes de Londres, dont le
gouvernement yéménite demande en vain, depuis lors,
l'extradition. Le second surtout a profondément altéré les
relations entre les Etats-Unis et le Yémen dès avant le 11
septembre. L'attaque contre le croiseur américain USS Cole dans le port
d'Aden en octobre 2000 a coûté le vie à 17 marins
américains et fait 35 blessés. Cet attentat a nourri une forte
méfiance des Etats-Unis, non seulement vis à vis des conditions
de sécurité qui règnent au Yémen, mais aussi quant
à la perméabilité du Yémen au terrorisme et aux
conditions dans lesquelles l'enquête de police s'est
déroulée : la coopération au cours de
l'enquête, qui n'est pas terminée malgré la volonté
de Sanaa, jugée précipitée, n'a pas été sans
heurts ni frictions. Les conditions de l'enquête ont été
sévèrement jugées par les Américains, encore plus
sévèrement depuis le 11 septembre, car derrière cet
attentat sanglant se trouve selon toute vraisemblance Oussama Ben Laden.
Ce nom a été l'origine de nombreux fantasmes sur le Yémen.
Oussama Ben Laden, en effet, qui est né et a passé toute sa
jeunesse en Arabie Saoudite dont il a longtemps possédé la
nationalité, est le fils d'un entrepreneur yéménite en
travaux publics qui a quitté, il y a plus de quatre-vingts ans,
l'Hadramaout pour faire fortune chez le grand voisin du Nord. Cette filiation a
gêné le Yémen tant elle a pu engendré de confusions
après le 11 septembre. Si l'on ajoute à cela les trop fameux
«
afghans
», combattants yéménites
volontaires en Afghanistan au temps de l'invasion soviétique, qui ont
été intégrés dans l'armée
yéménite à leur retour, on aboutit, à
côté d'une situation sécuritaire indéniablement
mauvaise, à un déferlement de clichés sur le Yémen
qui aurait pu conduire à une perception erronée des
volontés de l'Etat yéménite de la part des
américains.
Le ton dans la presse a changé : peu après la
réunification des Yémen du Sud et du Nord, il y a plus de dix
ans, les yéménites étaient des montagnards
«
junkies
» dont l'activité consistait
à mâcher du qât; aujourd'hui ce sont des barbus islamistes
solidement armés.
Dans ce contexte politique défavorable, les élites politiques
yéménites ont fait preuve de rapidité et d'intelligence.
Sous l'égide de son Président, le Yémen a choisi, avec
fermeté, le bon camp et a rejoint la coalition terroriste.
L'attentat contre le Limbourg n'a évidemment rien changé :
l'enquête est menée conjointement entre autorités
françaises et yéménites et beaucoup ont vu dans les
responsables de l'attentat des personnes qui cherchent à
déstabiliser le régime