I. UNE DÉCISION RAPIDE ET DÉTERMINÉE AU LENDEMAIN DU 11 SEPTEMBRE...

A. UNE RÉACTION RAPIDE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE YÉMÉNITE

1. Une dénonciation rapide des attentats

Dès le 11 septembre 2001, à l'unisson des dirigeants de l'immense majorité des pays du monde, le gouvernement yéménite déclarait dans un communiqué lu par son porte-parole que « le Yémen dénonce vivement ces actes terroristes, quels que soient leurs auteurs (...) et renouvelle sa condamnation du terrorisme, qui menace la sécurité et la stabilité dans le monde ».

Le 13 septembre 2001, le chef de la diplomatie yéménite Abou Bakr Al-Kourbi soulignait à Prague que « l'auteur des attentats terroristes aux Etats-Unis doit être arrêté et puni, qu'il s'agisse de (Oussama) ben Laden ou de quelqu'un d'autre », condamnant les « actes de terrorisme sans précédent » dans une interview à la radio tchèque CRO et ajoutant « si l'implication d'Oussama ben Laden dans les attaques terroristes se confirme, les Etats-Unis auront droit à demander son extradition ».

Le Président de la République Ali Abdallah Saleh a immédiatement pris la mesure de la situation en réunissant son Conseil national de défense le 15 septembre 2001. A l'issue de la réunion, un communiqué affirmait que le Yémen "appelle à combattre le terrorisme sous toutes ses formes et lutter contre ses auteurs quels qu'ils soient". Le texte soulignait « la nécessité d'une concertation des efforts internationaux en vue de lutter contre le terrorisme, quelle que soit sa source, en tant que phénomène grave qui menace la sécurité et la stabilité dans le monde ». Il ajoutait « qu'une coopération régionale et internationale étroite à tous les niveaux est requise » , concluant que les attentats du 11 septembre étaient « contraires à tous les principes religieux et humains ».

Le président yéménite Ali Abdallah Saleh dépêchait quelques jours après un émissaire auprès de son homologue américain George W. Bush, porteur d'un message relatif à « la coopération bilatérale, les derniers développements (...) liés aux attaques terroristes du 11 septembre et les efforts internationaux visant à combattre le terrorisme ». Dans le même temps, il dépêchait son fils aîné, le colonel Ahmed Ali Abdallah Saleh, à Amman porteur d'un message sur les attentats anti-américains au roi Abdallah II de Jordanie, qui devait rencontrer quelques jours plus tard le président Bush.

Ali Abdallah Saleh obtenait également des garanties de modération de la part des principaux hommes forts yéménites, y compris ceux aux positions anti-américaines, en rappelant les conséquences désastreuses qu'avait eu après la guerre du Golfe le soutien officiel du Yémen à l'Irak.

L'ambassade des Etats-Unis à Sanaa, fermée au lendemain des attentats meurtriers du 11 septembre sur le sol américain, rouvrait alors ses portes pendant une demi-heure pour recevoir des condoléances, plusieurs personnalités politiques ainsi que des représentants d'organisations non-gouvernementales et des journalistes se relayant pour présenter leurs condoléances au chargé d'Affaires et au conseiller politique à l'ambassade.

La rapidité de la réaction yéménite était à la mesure de la pression américaine : dès le 16 septembre, le ministre yéménite des Affaires étrangères Abou Bakr Abdallah al-Kourbi recevait une lettre de Washington lui demandant de coopérer dans l'enquête sur les attentats de New York et de Washington.

Cette réaction officielle ne pouvait totalement masquer les réactions de la « rue » yéménite, qui, si elle éprouvait de la compassion pour les victimes des attentats, tendait à exprimer une certaine solidarité avec les thèses d'Oussama Ben Laden. Les cassettes d'Oussama Ben Laden ont connu après le 11 septembre un succès accru et les messages de soutien ont fleuri sur les murs de quelques maisons.

A la mi-novembre 2001 les cassettes d'Oussama Ben Laden devenaient introuvables, en raison de fortes pressions des autorités. Pour convaincre de la bonne foi yéménite, le Président de la République yéménite reprenait l'initiative en organisant en novembre 2001 une tournée officielle aux Etats-Unis, en France et en Allemagne.

2. La tournée internationale du Président de la République

Face aux rumeurs d'intervention américaine, la tournée du Président de la République retournait la situation à son profit. Le 27 novembre 2001, Ali Abdallah Saleh était reçu par le président américain George W. Bush, sur l'invitation de celui-ci selon des sources américaines, après une entrevue avec le secrétaire d'Etat américain Colin Powell.

Avant la rencontre, Ari Fleischer, porte-parole de la Maison Blanche, indiquait que les Etats-Unis se déclaraient satisfaits des efforts de coopération du Yémen depuis les attentats du 11 septembre. « Le Yémen a fait preuve d'un sursaut d'énergie utile dans sa coopération avec les Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme », remarquait Ari Fleisher, précisant que le président Bush avait été « satisfait » de la décision des autorités yéménites de surseoir à l'organisation du procès de suspects dans l'attentat ayant gravement endommagé le contre-torpilleur américain USS Cole, en octobre 2000, dans le port d'Aden.

A l'issue de son entretien avec M. Bush qui a duré 45 minutes, le président yéménite pouvait affirmer que son pays était un « partenaire » des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme tout en reconnaissant que certaines différences d'appréciation empêchaient encore la signature d'un mémorandum d'accord entre les deux pays sur la coopération anti-terroriste et le développement.

Le porte-parole de la Maison Blanche Ari Fleischer, confirmait que durant l'entretien qui avait été presque entièrement consacré à la lutte contre le terrorisme, le président Saleh avait « exprimé le désir d'être un très solide partenaire des Etats-Unis » dans la bataille contre la terreur et précisait que les discussions avaient porté en particulier sur la nécessité de tarir les sources de financement du terrorisme et le renforcement du partage de renseignements.

Le 30 novembre 2001, à l'issue d'un entretien à l'Élysée avec le Président Jacques Chirac, le président yéménite Ali Abdallah Saleh se déclarait contre l'élargissement de la guerre en Afghanistan à d'autres pays et affirmait avoir eu « des assurances » à cet égard de la part des pays amis où il s'est rendu. De retour de Washington, il déclarait « J'ai obtenu des assurances de la part de tous les amis des pays où je me suis rendu en visite. Il y a une compréhension à cet égard, et nous espérons qu'il n'y aura pas élargissement de la guerre". Il a par ailleurs assuré que « le Yémen déploie les efforts, dans toute la mesure du possible pour contribuer à cette lutte anti-terroriste, pour traquer les terroristes où qu'ils se trouvent ».

Jacques Chirac, de son côté, selon le porte-parole de l'Elysée Catherine Colonna, marquait l'appréciation de la France pour « la volonté du Yémen de coopérer dans la lutte contre le terrorisme » et réitérait les « réserves » de la France quant à une extension des actions militaires au-delà de l'Afghanistan, « sauf si des preuves formelles étaient établies de liens avec les réseaux terroristes d'Al-Qaïda ». « La France, a ajouté le chef d'Etat français attache "du prix" à sa concertation avec le Yémen. Elle entretient des "relations d'amitié" avec ce pays et elle est "attachée à son unité et à sa stabilité". »

Cette dernière tournée a eu pour effet d'arrimer fortement le Yémen dans le bon camp, même si sa coopération avec les Etats-Unis ne va pas sans difficultés. Le crise au Proche-Orient et la volonté d'intervention américaine en Irak fragilisent considérablement cette coopération.

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