B. LES GRANDS PROJETS COMME DERNIER RECOURS
La délégation du groupe sénatorial a pu constater au cours de ses entretiens combien les projets de développement du port d'Aden et d'exploitation du gaz liquide tenaient au coeur de ses interlocuteurs yéménites. Ces projets à fort potentiel constituent un véritable espoir pour l'ensemble des acteurs politiques et économiques. Pour autant, la faisabilité de ces projets est encore incertaine et leur importance, au regard des réformes structurelles menées par le gouvernement, ne doit pas être surestimée.
1. Le développement du port d'Aden
Les
projets en cours visent à redonner au port d'Aden son rayonnement dans
l'Océan Indien et à lui faire jouer un rôle
d'entraînement pour une partie du pays. Ils portent sur le
développement d'un terminal conteneurs et la création d'une zone
franche.
Le Terminal Conteneurs d'Aden (ACT), mis en service en mars 1999, a
été officiellement inauguré en septembre 1999. Du fait de
sa localisation géographique, il est en mesure de desservir la
Péninsule arabique ainsi que l'Afrique de l'Est et du Sud.
Géré par une coentreprise entre une société
saoudienne et l'autorité portuaire de Singapour, il devrait offrir
à terme 1.650 mètres de quais et pouvoir traiter 2 millions de
« Ton Equivalent Units » (TEUs) par an. La première
phase du projet est déjà achevée : le Terminal
Conteneurs compte d'ores et déjà 700 mètres de quai et
offre une capacité de 500.000 TEUs par an.
Le Terminal Conteneurs d'Aden est déjà un succès, avec
120.000 TEUs pour sa première année d'exploitation et une
prévision de 250.000 TEUS en 2000. Le port accueille 1,5
porte-conteneurs par jour et fonctionne sur la base de 20.000TEUs par mois.
La Zone Franche d'Aden (AFZ) recueille, elle, en revanche, un certain
scepticisme. Elle est régie par la loi sur les zones franches n° 4
de 1993 qui propose notamment aux entreprises étrangères
l'exemption de droits de douanes, de taxes sur les activités
commerciales et industrielles pour une durée de 15 ans renouvelable,
l'absence de contrôle de contrôle des changes, de mouvements de
capitaux et d'impôts sur le revenu du personnel non
yéménite. La zone franche est aujourd'hui très
désorganisée et la délégation du groupe
sénatorial en déplacement à Aden n'a pu malheureusement
que constater le faible nombre d'entreprises implantées.
Le gouverneur d'Aden M. Ghanem a par ailleurs indiqué à la
délégation la possibilité d'approfondir le port,
actuellement limité aux bateaux de moins de 40.000 tonnes.
Le développement du port d'Aden devra en tout état de cause faire
face à la concurrence des autres ports de la région, notamment du
nouveau Terminal Conteneurs de Salalah dans le sultanat d'Oman.
2. L'exploitation du gaz naturel liquéfié
Le
Yémen possède des réserves prouvées de gaz naturel
de
14 trillions de pieds
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situés principalement sur les
champs de Marib et de Jannah. L'exploitation de ces réserves constitue
une opportunité majeure pour l'industrie yéménite et les
autorités ont lancé un grand projet intitulé
« Yemen LNG » qui devrait permettre d'exploiter plus de
10.000 km² de champs pour une production annuelle de gaz naturel liquide
de 5,3 M/tonnes pendant une période de 25 ans.
Le gouvernement yéménite a retenu la société
française Total comme chef de file du consortium international
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*
)
chargé d'exploiter les gisements
de gaz naturel de Marib. Cette exploitation nécessite la pose de deux
gazoducs, l'un jusqu'à Sanaa et l'autre jusqu'à la côte,
l'installation d'une usine de liquéfaction, la création d'un port
à l'Ouest de Mukalla (Bal Haf) et l'exportation du gaz
liquéfié.
L'exploitation du gaz naturel devrait occasionner 500 emplois et des
exportations à hauteur de 700 millions de dollars par an, dont 15%
seront attribués à l'État yéménite et 85%
devraient dans les premières années amortir les frais
engagés.
Le projet bute encore aujourd'hui sur le montant des investissements à
réaliser, plus de 2,6 milliards de $, et sur la difficulté de
s'assurer des débouchés, en raison principalement d'une forte
concurrence de l'Iran et des Émirats Arabes Unis notamment sur le
marché du gaz naturel. S'ajoutent à ces facteurs
économiques le problème d'insécurité
récurrent autour de Marib.
Après quelques années difficiles, le projet a été
« remobilisé » par le lancement début juin
2000 des appels d'offres pour la réalisation des infrastructures du
projet. Des «
heads of agreements
» pour l'achat du gaz
yéménite ont été signés en mars 2001 avec
l'Inde : elles constituent un premier pas encourageant, même si le
début de la production ne pourra intervenir au mieux avant 2004/2005.
La délégation du groupe sénatorial a constaté que
le Yémen attend beaucoup de la France sur ce projet. S'il ne devait pas
se réaliser, les relations entre nos deux pays, en l'absence de
coopérations significatives dans d'autres domaines, pourraient se
trouver affectées.