B. AU MALI

Le Mali est également un pays prioritaire de l'aide française 5 ( * ) . Confronté à une croissance démographique particulièrement forte (3,6 %), et se situant au 182 e rang de l'Indice de développement humain, ce pays est confronté à la nécessité d'un développement économique alors que sa situation sécuritaire demeure préoccupante.

Le Président Ibrahim Boubacar Keïta, élu le 4 septembre 2013, à la suite d'un coup d'État (22 mars 2012) et d'une vague d'attaques djihadistes menées à partir du nord, a annoncé un ambitieux programme de dialogue national et de réformes de gouvernance. Un ministère de la réconciliation nationale et du développement des régions du nord a été mis en place à l'issue des élections présidentielles.

1. Des réformes ambitieuses engagées

Le gouvernement malien a entrepris des réformes dans plusieurs domaines, finances publiques, institutions, gouvernance des entreprises et foncier. Ses réformes ont un double objectif, à savoir promouvoir le développement du pays et garantir le respect des règles et principes de la gouvernance démocratique. Les dirigeants rencontrés ambitionnent de redéfinir le rôle de l'État dans une stratégie de développement économique et social du pays.

La réforme foncière a été présentée à la délégation par le ministre des domaines de l'État, des affaires foncières et du patrimoine, M. Tiéman Hubert Coulibaly. Elle a pour finalité la mise en place d'un cadastre à l'horizon 2018. Son coût estimé est de 30 milliards de francs CFA sur cinq ans (45,6 millions d'euros). La réforme engagée, très ambitieuse, doit permettre de moderniser l'appareil d'État et de sa gouvernance.

Cette réforme engage l'avenir et la stabilité politique et économique du pays, tout en garantissant des ressources propres aux collectivités territoriales. La stabilité sociale du pays est en effet corrélée à sa capacité à gérer équitablement le domaine foncier. L'insécurité foncière qui caractérise les relations entre propriétaires et occupants au Mali est la principale source d'engorgement des tribunaux à l'heure actuelle : environ 80 % des conflits portés devant la justice traitent du domaine foncier. Cette instabilité est notamment à l'origine de drames familiaux. Lors de l'entretien avec la délégation, M. Tiéman Hubert Coulibaly a assuré que les recettes liées à la réforme seront supérieures à son coût dès lors qu'elle sera pleinement effective.

À cette occasion, le ministre a remercié la France pour la mise à disposition d'un conseiller dédié au sein de son cabinet. La réforme vise aussi à inclure une formation universitaire et continue dans tous les métiers liés au foncier.

La loi foncière agricole est en cours d'achèvement et conjugue un double objectif, maintenir une agriculture familiale et encourager la création d'agropoles, c'est-à-dire de technopoles agro-alimentaires. Le Mali ambitionne de devenir une puissance agricole, favorisée par un contexte de sécurisation foncière, et de contribuer à l'autosuffisance alimentaire des populations d'Afrique de l'Ouest.

2. Les négociations inter-maliennes et le processus de réconciliation nationale

Les négociations inter-maliennes qui se déroulent à Alger depuis le deuxième semestre 2014 ont pour objectif d'apporter une réponse politique aux revendications des groupes armées du nord du pays. Elles s'inscrivent dans la poursuite des efforts qui avaient déjà conduit à l'Accord préliminaire de Ouagadougou (18 juin 2013) et à la feuille de route signée par les parties maliennes le 24 juillet 2014 (« Feuille de route des négociations dans le cadre du processus d'Alger »), qui vise à aboutir à un accord de paix général et sans exclusive mettant un terme à la crise malienne. Les groupes terroristes sont exclus des pourparlers et sont combattus sur le plan militaire et idéologique. Les espoirs placés par le Mali dans ces accords sont immenses. Le processus de réconciliation nationale vise une paix durable au Mali et s'inscrit dans un programme de développement accéléré des régions du nord.

Un tel processus avait été mis en oeuvre au Niger en 1995 afin de créer les conditions d'un équilibre entre les différents groupes de population dans l'organisation institutionnelle. Pour le ministre des affaires étrangères du Niger, Bamako devra également faire preuve de discernement, afin de défendre ses intérêts sans faire trop de concessions, car l'État malien a cessé d'exister dans les zones Touaregs, qui sont devenues des secteurs de l'économie criminelle et des trafics illicites. Il sait gré à la France de son intervention, qui a sauvé le Mali et a eu, plus largement, un impact positif pour l'ensemble de la sous-région. Le ministre souhaite que son pays sache en tirer les conséquences pour s'imposer dans le cadre difficile des négociations d'Alger.

Le Premier ministre du Mali, M. Moussa Mara, a considéré que le choix de l'Algérie dans la médiation s'imposait pour des raisons historiques et géographiques, arguant par ailleurs d'une capacité d'action et d'influence de ce pays sur les groupes armés, ainsi que de sa proximité avec la région de Kidal. La communauté internationale (CEDEAO, Union africaine, Union européenne) y est également associée.

Le cadre de l'accord doit comporter plusieurs volets : réconciliation, décentralisation et développement économique. D'après M. Moussa Mara, la question des groupes armés prend ses racines dans l'extrême pauvreté. La Conférence des donateurs « Ensemble pour le renouveau du Mali », qui s'est déroulée le 15 mai 2013 à Bruxelles, a débouché sur des promesses à hauteur de 3,25 milliards d'euros sur deux ans, auxquelles la France contribue pour 280 millions d'euros.

Ces négociations ont un enjeu majeur, la « régionalisation », qui suppose une mise en oeuvre effective et réaliste de la décentralisation. Le gouvernement malien a pour ambition, en effet, de donner davantage de moyens aux régions, avec la création d'agences de développement régional, l'élection des présidents de région au suffrage universel, de renforcer le lien direct entre les partenaires techniques et financiers et les régions, et d'offrir des perspectives d'emplois dans l'armée et l'administration pour les populations du nord. Le développement économique du nord du Mali est par ailleurs une condition indispensable à la résolution du conflit, selon plusieurs dirigeants politiques.

Le 20 février dernier, sous les auspices de l'Algérie et de l'Organisation des Nations Unies, a été signée entre le gouvernement malien et six groupes armés du nord du Mali une déclaration prévoyant la « cessation immédiate de toutes les formes de violence » et appelant les parties à s'abstenir de « tout acte ou propos provocateurs » . Les six groupes signataires sont le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (Hcua), le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), le Mouvement arabe de l'Azawad-dissident (MAA-dissident), la Coordination pour le peuple de l'Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements et fronts patriotiques de résistance (CM-FPR).

Il convient de souligner que cet accord repose sur un cessez-le-feu qui avait déjà été acté au cours du mois de mai 2014. Il prévoit six mesures majeures : l'arrêt de toute violence, le respect des accords déjà signés, la mise en place de mécanismes de protection de la population civile et d'arrêt de toute hostilité de quelconque groupe, la participation à la Commission technique mixte de sécurité, la libération des détenus et surtout la poursuite des négociations dans le cadre du Processus d'Alger.

Une nouvelle étape vers la paix semble avoir été franchie après l'accord paraphé dimanche 1 er mars par le gouvernement malien et les groupes du nord-Mali qui lui sont proches sous la médiation d'Alger. La Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) a cependant demandé un délai supplémentaire pour consulter sa base.

Cet accord consacre l'unité du Mali et la souveraineté de l'État sur l'ensemble du territoire, tout en reconnaissant que l'Azawad, nom donné par les responsables politiques et militaires des mouvements au nord-Mali, est une "réalité humaine". Il prévoit la création d'assemblées régionales élues au suffrage universel direct dans un délai de dix-huit mois et une plus grande représentation des populations du nord au sein des institutions nationales. Une refonte de l'armée malienne est également envisagée pour intégrer les combattants des mouvements armés du nord.

La conclusion de cet accord dont la signature n'est prévue qu'à la fin du mois de mars ne doit pas masquer une réalité sur le terrain susceptible d'en fragiliser l'application puisque s'y entrechoquent la recrudescence des attaques djihadistes, la présence de trafiquants et l'émergence de nouveaux groupes armés.


* 5 Après avoir été suspendue entre mars 2012 et février 2013 par la France, la coopération bilatérale a été relancée.

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