C. UNE COOPÉRATION ET UNE INTERVENTION MILITAIRE FRANÇAISES SANS VOIX DISCORDANTE

L'intervention française au Mali a été saluée et défendue par l'ensemble des interlocuteurs de la délégation. La participation de l'armée nigérienne à cette opération a été votée à l'unanimité de l'Assemblée nationale de ce pays. Il existe, en effet, un consensus politique sur ce point, qui s'est dégagé de l'ensemble des entretiens qui ont été accordés à la délégation. Le maintien de la paix et de la sécurité dans la sous-région ne peut être assuré par les seules forces militaires africaines. Le Premier ministre du Niger, M. Brigi Rafini, a tenu à souligner qu'il avait « senti la France à [ses] côtés depuis que ces événements ont surgi dans la sous-région » .

1. De l'opération Serval à l'opération Barkhane

En vertu de la résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité de l'ONU, en date du 25 avril 2013, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a succédé, le 1 er juillet 2013, à la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma).

L'opération Serval lancée par la France le 11 janvier 2013 a permis au Mali de recouvrer son intégrité territoriale et de réduire l'intensité de la menace terroriste. Cette intervention militaire a créé les conditions d'un retour à l'ordre constitutionnel et de la stabilisation du pays, avec l'élection en août 2013 d'un nouveau président de la République, M. Ibrahim Boubacar Keïta, qui a recueilli 77,61% des voix (résultats officiels).

Le 1 er août 2014, l'opération Barkhane a remplacé les opérations Serval et Épervier . Venant en appui aux pays partenaires de la bande sahélo-saharienne , elle repose sur trois  piliers : paix, sécurité et développement. Elle est conçue comme une mission d'accompagnement des États africains pour leur permettre d'assurer eux-mêmes leur propre sécurité, dans une approche à la fois globale et régionale.

La zone d'intervention s'étend de la Mauritanie au Tchad. La totalité des forces et des moyens est concentrée à Gao : 3 000 soldats, 20 hélicoptères, 10 avions de transport, auxquels s'ajoutent les moyens de renseignement présents à Niamey.

Barkhane a défini trois zones d'action : la région de Gao, Tombouctou et la forêt, et Kidal, la menace la plus forte se situant dans cette dernière région. L'opération comprend un volet de renforcement des liens avec les populations, pour laquelle un budget dédié de 300 000 euros est prévu.

Il s'agit aussi de mettre Barkhane en appui des bailleurs de fonds et des agences du gouvernement malien afin d'initier le développement du Mali, plus particulièrement celui des villes du nord. La première tranche qui s'est achevée à la fin du mois de juillet dernier, comprenait 19 projets au profit des communes pour un montant de 600 000 euros. La seconde tranche, lancée en août 2014, regroupe 86 projets au profit d'associations, et d'entrepreneurs locaux, financés à 75 % par l'Ambassade de France et à 25% par l'agence malienne. Ces projets se situent autour de quatre villes du nord et rayonnent dans les villages environnants.

Le Niger a accepté la présence sur son territoire des forces armées françaises et américaines. Lors de sa visite du détachement Air de l'armée française situé sur l'aéroport de Niamey, sous la conduite du Colonel Bruno Merret, ont été présentées à la délégation les capacités offertes par les drones Reaper et Harfang dans la détection et l'identification au sol de cibles potentielles, notamment de l'armement individuel, avec une transmission de l'image en temps réel, et par les Mirage 2000 en matière de destruction.

Le visionnage de l'enregistrement d'une opération menée au nord du Mali a permis à la délégation de se rendre compte des conditions dans lesquelles sont conduites les opérations anti-terroristes menées par l'armée française et du soutien logistique apporté par les drones de reconnaissance dans la collecte du renseignement.

La délégation a été très impressionnée par les opérations de renseignement et de lutte contre les groupes armées terroristes conduites par ce détachement dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne, et tient à saluer son professionnalisme et son expertise.

2. Un exemple de coopération : le SCLCT

Le Service central de lutte contre le terrorisme (SCLCT), qu'a eu l'occasion de visiter la délégation du groupe d'amitié, a été mis en place dans le cadre d'une coopération avec la France. Ce service est opérationnel depuis septembre 2009 et placé sous l'autorité du directeur général de la police nationale du Niger. Il comprenait au départ dix commissaires et officiers de police judiciaire, puis a été progressivement complété à quasi-parité par des effectifs de la gendarmerie nationale et de la garde nationale du Niger. Il compte actuellement 81 fonctionnaires.

Le service de sécurité intérieure (SSI) de l'Ambassade de France accompagne le SCLCT depuis sa création en formation et équipements (projet FSP JUSSEC SI «Justice et Sécurité en région sahélo-saharienne»). Doté d'un budget propre, et ayant mené à bien plus d'une centaine d'affaires liées aux principaux groupes terroristes d'Afrique de l'Ouest, notamment de démantèlement de réseaux, le SCLCT peut être aujourd'hui considéré comme un opérateur incontournable de la lutte contre le terrorisme.

L'expertise technique apportée par la France a permis d'évoluer vers une coopération d'accompagnement et de la concrétiser par des résultats solides dans la lutte contre les groupes terroristes au Sahel. Ainsi, des formations à la procédure pénale, aux filatures et à la collecte et au traitement de renseignements, à la saisie informatique et aux aspects psychologiques des auditions ont été assurées par des spécialistes français.

La France apporte également son appui au projet JUSSEC, programme de réforme des systèmes judiciaire, douanier et de sécurité intérieure.

3. La coopération européenne

La mission civile EUCAP SAHEL, qui relève de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), a été lancée le 1 er août 2012 en réponse à la demande des autorités concernées. Sont proposées des actions de formation et de conseil auprès des forces de sécurité intérieure du Niger et du Mali, qui s'inscrivent dans l'objectif d'un meilleur contrôle du territoire dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Les experts de l'Union européenne forment et entraînent les forces de sécurité nigériennes et maliennes, pour une durée de deux ans. C'est un enjeu essentiel pour assurer la stabilité de ces pays et soutenir les réformes entreprises.

La mission s'inscrit dans le cadre de l'adoption par l'Union européenne d'une « Stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel », adoptée en mars 2011, qui concerne surtout le Mali, la Mauritanie et le Niger, et tend à compléter les autres instruments européens de développement et de stabilité mis en place. Cette stratégie s'articule autour de quatre axes principaux :

- permettre aux pays de la région d'assurer leur sécurité, indispensable à leur développement économique et à la réduction de la pauvreté ;

- soutenir et renforcer la coopération régionale ;

- renforcer les capacités des Etats de la région dans le domaine des actions essentielles des pouvoirs publics ;

- encourager le développement économique des populations du Sahel et contribuer à créer un environnement plus sûr, tout en préservant les intérêts des citoyens européens.

Par ailleurs, à la demande des autorités maliennes, et conformément aux décisions internationales prises en la matière, en particulier la résolution 2085 (2012) du Conseil de sécurité des Nations unies, l'Union européenne a lancé le 18 février 2013 la mission de formation des forces armées maliennes EUTM Mali.

Cette mission, qui n'a pas de visée militaire directe et s'inscrit dans le processus de réconciliation nationale, se situe hors du théâtre des affrontements armés et doit permettre d'accompagner les autorités maliennes dans la reconstitution de leur armée, afin de contribuer à un retour à l'ordre dans la partie nord et d'assurer une réforme des forces armées, après la lourde défaite de l'armée malienne face aux groupes armés à Kidal.

Les formateurs de l'EUTM regroupent vingt-trois nationalités, et un effectif de 577 personnes, réparties entre l'état-major de Bamako et le camp d'entraînement à Koulikoro. Les quatre pays principaux contributeurs sont l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique et la France, pour un coût de 30 millions d'euros sur deux ans. La France est le pays le plus impliqué dans cette mission de formation.

La délégation a rencontré le Général de brigade Marc Rudkiewicz, responsable de la mission de mars à octobre 2014 à Bamako. Elle a ainsi pu mesurer la qualité de l'encadrement et sa grande expertise de la situation et de ses enjeux.

La mission comprend deux volets, une action de formation militaire individuelle et collective, et une action de conseil en appui au ministre de la défense. En premier lieu, il s'agit d'une mission d'entraînement des soldats maliens et, plus particulièrement, de formation des groupements techniques interarmes en capacité d'action avec les moyens dont dispose le Mali pour assurer la sécurité de son territoire. Cette formation se déroule sur une période de douze semaines.

Après un premier mandat de février 2013 à mai 2014, qui a permis la formation de quatre groupements tactiques interarmes (trois déjà effectifs au nord, un quatrième en voie de reconstitution au sud), un second mandat a été défini pour une période de deux ans et doit conduire au doublement de ce nombre.

En second lieu, l'appui à la réforme de l'armée malienne comprend une fonction d'audit et de conseil, assurée par vingt conseillers francophones expérimentés. L'horizon de 2018 a été fixé pour atteindre un modèle d'armée. Le projet de loi d'orientation et de programmation militaire pour les années 2015-2019, examiné lors de la dernière session extraordinaire de l'Assemblée nationale, enclenche ainsi le début du processus politique, après sa présentation au Premier ministre le 21 août dernier.

L'appui au pilotage de la réforme comprend un accompagnement logistique et d'intelligence. Le projet est piloté par l'armée de terre française pour la gestion des ressources humaines maliennes, en coordination avec les équipes de CAP Sahel et de la Minusma.

Visite du détachement Air de l'armée
française situé sur l'aéroport de Niamey

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