B. UN PROCESSUS ÉLECTORAL HEURTÉ
Pendant l'hiver 1996-1997, les autorités maliennes ont porté une attention toute particulière à la bonne organisation des élections qui devaient se tenir au printemps 1997. Ces élections auraient dû consacrer, par un « sans faute » une évolution réussie du pays dans la voie démocratique. Hélas, il n'en a rien été.
Un nouveau code électoral, contesté par l'opposition, a tout d'abord été invalidé par la Cour constitutionnelle le 25 octobre 1996, après avoir été adopté le 27 septembre par l'Assemblée nationale. Un nouveau texte, qui a recueilli l'accord d'une partie de l'opposition, a été adopté le 8 janvier 1997. Il prévoit un scrutin majoritaire à deux tours pour les législatives et la présidentielle, ainsi que la création d'une commission électorale nationale indépendante. Le calendrier électoral avait prévu l'organisation d'un scrutin législatif les 9 et 23 mars, le scrutin présidentiel les 4 et 18 mai, et l'élection des conseillers communaux le 1er juin 1997. La future Assemblée doit compter 147 députés contre 114 actuellement.
Les élections législatives ont ensuite été repoussées du mois de mars au mois d'avril 1997. La mauvaise organisation du scrutin, supervisé par la commission électorale nationale indépendante, a fait que le premier tour s'est déroulé, le 13 avril, dans une confusion telle que les élections législatives ont été annulées et reportées au 20 juillet et au 3 août 1997.
Peut-on considérer pour autant que la démocratie malienne soit en panne ? Un jugement nuancé doit être porté sur une situation complexe.
Plusieurs indications permettent de créditer le pouvoir d'une incontestable « bonne volonté » démocratique.
D'une manière générale, depuis 1992, la démocratisation des institutions maliennes a progressé de façon continue, sans à coups, avec la mise en place d'une Cour Constitutionnelle, d'un médiateur de la République, d'un Conseil supérieur de Communication et d'un Comité national d'égal accès aux médias d'État. On doit même souligner une procédure originale, sans doute unique au monde. Poussées par les accusations extérieures d'exactions dans le Nord, les autorités maliennes se soumettent, depuis décembre 1994, aux critiques d'un «jury d'honneur» sur leur attitude en matière de Droits de l'Homme. L'exercice d'interpellation démocratique se renouvelle ainsi chaque année le 10 décembre, à l'occasion de l'anniversaire de la déclaration universelle des Droits de l'Homme. En décembre 1996, les autorités ont été interpellées notamment sur les dysfonctionnements de la justice.
Il faut par ailleurs noter que l'annulation des élections législatives organisées en avril 1997 a été prononcée alors même que le parti au pouvoir, l'ADEMA, arrivait largement en tête en étant crédité de 42 % des suffrages, suivie par l'US-RDA (8,2 %), du MPR (6,4 %), du CNID (5,9 %) et du PARENA (5,8 %), plusieurs autres formations obtenant moins de 5 % des suffrages.
Malgré cet échec, l'élection présidentielle a néanmoins été organisée après la mission de la délégation. Elle a cependant été boycottée par les candidats des principaux partis d'opposition, ce qui a permis la victoire du premier tour, le 11 mai 1997, du président sortant, M. Alpha Oumar Konaré, avec 95,9 % des voix, contre 4,1 % pour le dirigeant d'une petite formation de l'opposition.
Le nouveau ministre de la Coopération, M. Charles Josselin, a assisté à la cérémonie d'investiture du Président Konaré, le 8 juin 1997. Cette présence a été particulièrement appréciée par les autorités de Bamako.
Le report des élections législatives ne doit donc pas sonner le glas de la jeune démocratie malienne.
Les problèmes rencontrés lors de la consultation sont certainement davantage imputables au sous-développement économique, et notamment à l'insuffisance des infrastructures et des communications, qu'à un réel déficit démocratique. Le personnel politique malien est déjà expérimenté. Lors d'une rencontre avec des députés alors en campagne, la délégation a pu constater la qualité et le haut niveau de maturité de la classe politique malienne. Toutefois, si le déroulement matériel des opérations de vote a laissé à désirer, nul n'en a contesté l'honnêteté. Là où il a pu se tenir, le scrutin a été libre et secret, comme l'ont constaté les quarante observateurs étrangers, mandatés soit par leur pays, soit par des organisations non gouvernementales. Le communiqué qu'ils ont publié le 15 avril 1997 souligne ainsi que « la plupart des difficultés et irrégularités proviennent de ce que les listes électorales n'ont pas été établies à temps et que, dans nombre de cas, elles ne reflétaient pas la réalité du corps électoral » . On retrouve là l'une des faiblesses de l'organisation des élections dans de nombreux pays en voie de développement, liée à l'insuffisance voire à l'absence de système d'état-civil fiable.
Paradoxalement, c'est le respect trop scrupuleux des règles constitutionnelles qui est responsable de cette impréparation due à une certaine précipitation.
Rappelons en effet que le mandat de la précédente législature expirait le 17 avril 1997. Ne pas tenir les élections à la date prévue, en mars, aurait provoqué un vide institutionnel et aurait constitué une violation de la Constitution que d'aucuns n'auraient pas manqué de reprocher au chef de l'État. « Pour mettre au pied du mur Gouvernement, opposition, et société civile, le chef de l'État a jugé bon de dissoudre l'Assemblée nationale le 3 mars, ce qui rendait impératif la tenue d'un scrutin dans un délai de quarante jours » a ainsi observé l'hebdomadaire Jeune Afrique.
Outre les difficultés matérielles d'organisation, on peut s'interroger sur l'adaptation du mode de scrutin à la réalité politique du pays.
Par ailleurs, certains mettent en cause la mise à l'écart de l'administration territoriale par la commission électorale nationale indépendante pour la préparation de la consultation et l'absence de la révision annuelle des listes électorales. Relevons enfin qu'aucun financement public des campagnes n'est organisé, et que les partis de l'opposition, souvent très individualisés, sont dans le plus grand dénuement.
En tout état de cause, le premier tour des élections législatives a été organisé le 20 juillet 1997 malgré le boycottage persistant d'une partie de l'opposition qui a pris le parti, sans doute au vu des résultats du premier tour des élections annulées, de pratiquer la politique de la chaise vide. Cette attitude explique un taux élevé d'abstentions et l'écrasante domination de l'Assemblée nationale par l'ADEMA, qui a obtenu 130 sièges sur 147.
Un nouveau Gouvernement est en cours de constitution, mais le Premier ministre a été reconduit.
Les prochaines échéances électorales sont les élections municipales, prévues au mois de décembre 1997.