Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 17 - 1er septembre 1997

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Compte rendu de la visite au Mali

d'une délégation du Groupe sénatorial

FRANCE - PAYS DE L'AFRIQUE DE L'OUEST

- du 1er au 5 avril 1997 -

Le groupe sénatorial France - Afrique de l'Ouest souhaitait, pour 1997, organiser une mission dans un pays sahélien. Son choix s'est porté sur le Mali, afin d'étudier le processus de transition démocratique et la situation économique.

La délégation, présidée par M. Jacques Legendre, sénateur (RPR) du Nord, président du groupe, était composée de :

- M. Jean Faure, sénateur (Union Centriste) de l'Isère ;

- M. Yann Gaillard, sénateur (app. Rassemblement pour la République) de l'Aube ;

- M. François Trucy, sénateur (Républicains et Indépendants) du Var ;

- M. Georges Berchet, sénateur (Rassemblement démocratique et social européen) de Haute-Marne.

Elle était accompagnée par M. Bernard Rullier, administrateur des services du Sénat, secrétaire exécutif du groupe.

Une mission de députés s'étant rendue dans ce pays afin d'expliquer la politique d'immigration de la France, il n'a pas paru utile à la délégation du groupe d'aborder cet aspect des relations franco-maliennes, même si l'émigration malienne en France est apparue comme un élément des préoccupations de nos interlocuteurs maliens.

Le Président de la République française et le Président Konaré ont décidé en décembre 1995 de désigner chacun un expert chargé d'étudier ces questions. Pour examiner avec les autorités de Bamako les moyens propres à réduire ce courant migratoire et à faciliter le retour des personnes en situation irrégulière, M. Jacques Godfrain, alors ministre de la Coopération, a effectué deux visites au Mali, les 23 et 24 septembre 1996 puis les 26-28 janvier 1997.

De fait, l'attention de la délégation s'est portée sur la préparation des élections législatives. Le séjour de la délégation, du 1er au 5 avril 1997, coïncidait en effet avec la préparation du premier tour de ces élections, qui devait se tenir le 13 avril dernier et a été reporté au mois de juillet 1997.

Elle a également apprécié les efforts économiques de ce pays, notamment agricoles, dans la région de Tombouctou.

Enfin, elle a constaté les effets, pour la communauté touarègue, de la paix civile dans le Nord, après plus de six années de rébellion (1990-1996) .

I. UN RÉGIME DÉMOCRATISÉ MAIS UNE DÉMOCRATISATION INACHEVÉE

Le Mali est une jeune démocratie. Compte tenu des problèmes économiques que rencontre ce pays, le chemin de la démocratisation sera long, comme l'a montré le report des élections législatives du mois d'avril au mois de juillet 1997.

A. UNE JEUNE DÉMOCRATIE

1. Un président élu au suffrage universel

Après deux expériences autoritaires (Modibo Keita 1960-1968, puis Moussa Traoré 1968-1991) qui ont duré de l'indépendance, le 22 septembre 1960 à 1991, soit pendant vingt et un ans, le Mali s'est ouvert au pluralisme, après une phase de transition démocratique, entre mars 1991 et avril 1992, organisée par le général Amadou Toumani Touré.

La démocratisation du régime a débuté avec l'élection présidentielle d'avril 1992 et l'accession au pouvoir du président Alpha Oumar Konaré, élu avec 70 % des voix, contre 30 % à son principal adversaire, M. Tiéoulé Mamadou Konaté.

Lors de l'audition que le chef de l'État a accordé à la délégation, le 2 avril 1997, celui-ci a évoqué les événements de 1991, à l'origine de la démocratisation du Mali. Après avoir rappelé la longue tradition du tout-État et du parti unique que ce pays avait connu, comme en Guinée, et contrairement à d'autres pays de la zone, comme la Côte d'Ivoire ou le Sénégal, le Président de la République a indiqué que, lors de son accession au pouvoir, les observateurs lui avaient prédit qu'avant six mois, il serait obligé de démissionner. Il a souligné qu'il arrivait à l'échéance normale de son mandat.

Le chef de l'État a ensuite évoqué les difficultés rencontrées lors des premières années de son mandat : satisfaire les revendications salariales, de manière progressive, réformer le système scolaire afin d'augmenter le taux de scolarisation, qui ne dépassait pas 50 %, régler le conflit du Nord. Á cet égard, il a souligné que le Mali constituait aujourd'hui une Nation, dans la mesure où il n'existait pas une seule famille malienne qui n'était constituée de plusieurs ethnies. Il a précisé que la revendication tourègue portait sur la justice sociale et la solidarité interrégionale.

Soulignant que la décentralisation au Mali s'était accompagnée d'une intégration régionale, il a évoqué le Nigeria. Rappelant que cet État, première puissance régionale, était également le premier partenaire de la France en Afrique sub-saharienne, il a estimé nécessaire d'intégrer le Nigeria dans une union économique et monétaire, voire dans une communauté de défense régionales.

Il a estimé que la coopération à l'intérieur du Mali, tout comme la coopération entre la France et les pays d'Afrique, ne devait pas être synonyme d'assistanat. Le chef de l'État a salué l'aide de la France au processus de paix dans le Nord, chiffrant le coût de celui-ci à moins de 10 millions de dollars au total, alors que les dépenses consacrées par la communauté internationale à l'Angola dépassaient 1 million de dollars par jour, et que celles consacrées aux pays de la région des grands lacs étaient encore plus élevées. Rappelant le rôle carrefour du Nord du Mali, il a estimé que si cette zone était déstabilisée, toute la région le serait.

Évoquant les élections législatives, il a précisé qu'il avait été contraint de dissoudre l'Assemblée nationale afin de respecter les délais constitutionnels. Il a souhaité des élections paisibles et régulières afin de permettre à 1'élan démocratique de se poursuivre malgré des résultats économiques fragiles.

Le Président de la République a ensuite abordé le sort des anciens dirigeants du pays, dont l'ancien chef de l'État, Moussa Traoré, et précisé qu'il avait commué sa peine de mort en peine de prison, afin de le « condamner » à vivre pour assister à la naissance du Mali démocratique. Il a évoqué le sort de l'ancien chef des forces armées, lequel, malgré une peine de prison, a été soigné en France.

Brossant le tableau de la situation économique du pays, il a souligné les atouts dont disposait le Mali : 1 million d'hectares de terres arables, faisant du pays un grenier potentiel de la région, du coton, de l'or, des ressources humaines.

Rappelant que près d'un malien sur trois vivait hors des frontières, le chef de l'État a évoqué la situation de la communauté malienne en France. Il a déploré que de jeunes Maliens apprennent la langue arabe en France, et soient influencés par les idées intégristes. Il a estimé qu'ils n'étaient pas assimilables dans la mesure où ils refusent d'être intégrés et sont à la recherche de leur identité culturelle. Il a proposé l'aide du Mali dans la lutte contre l'immigration clandestine, soulignant que l'émigration provoquait une baisse importante de la consommation intérieure. Il a jugé que la solution résidait dans le développement économique du Mali.

En réponse à M. Jean Faure, le chef de l'État a jugé très utile la visite que le M. Jacques Godfrain, alors ministre de la Coopération, avait effectuée en septembre 1996 dans la région de Kayes, le principal foyer de l'émigration malienne. Il s'est félicité de la mise en oeuvre d'une politique de coopération décentralisée, soulignant l'impact de micro-crédits, d'une valeur équivalente à 50 ou 100 francs français, qui permettent de soutenir des initiatives individuelles viables, et qui sont remboursés à hauteur de 90 %.

En réponse à M. François Trucy, le Président de la République a évoqué les maladies endémiques du Mali. S'agissant de la prévention du SIDA, il a précisé que le coût d'un préservatif équivalait, au Mali, à un repas. Il a donné des indications sur le développement des centres de santé communautaires qui dispensent des soins élémentaires minimums.

Revenant sur les propos du chef de l'État relatifs aux jeunes Maliens habitant les banlieues françaises, M. Yann Gaillard a souhaité savoir quel discours il fallait tenir à leur égard. Le chef de l'État a alors décrit les conditions matérielles de l'émigration. Il a rappelé le manque d'infrastructures du Mali, et a évoqué le rôle des filières clandestines de passeurs. Rappelant la tenue d'un forum à Kayes du 27 au 30 janvier 1997, avec la participation des associations de Maliens en France, il a estimé qu'en l'absence de réalisation concrète dans l'année correspondant aux projets de coopération annoncés lors de ce forum, il serait difficile d'empêcher les gens d'émigrer. Il a jugé par ailleurs que les expulsions ne tariraient pas les flux.

Remerciant le Président de la République pour l'entretien accordé à la délégation, d'une longueur inhabituelle, M. Jacques Legendre a reçu, au nom de la délégation, le présent traditionnel offert aux visiteurs de marque : un bélier. L'animal a ensuite été confié à l'Ambassade de France.

2. Une vie politique en phase de recomposition

Un dîner organisé, le 2 avril 1997, à l'Ambassade de France avec des anciens députés maliens représentant l'ensemble des organisations politiques constituant l'Assemblée nationale malienne, dissoute, a permis à la délégation de mieux apprécier l'évolution de la vie politique au Mali. Participaient notamment à ce dîner M. Lahaou Touré (ADEMA), M. Lamine Sanogo (PMDR), M. Mountaga Tall (CNID), M. Salif Konaké (RDT), Mme Kané Nahan Sanou (MIRIA).

M. Ibrahim Boubacar Keïta dirige le Gouvernement depuis février 1994. Il dirige également la principale force politique, l'ADEMA - PASJ, l'alliance pour la démocratie au Mali - Parti africain de la solidarité et la justice, lequel compte 75 députés sur 116 et 231 conseillers municipaux sur 751.

La signature d'une plate-forme d'alliance politique avec l'ADEMA et le remaniement ministériel du mois de juillet 1996 ont ouvert le Gouvernement au PARENA (Parti pour la renaissance nationale), issu d'une scission du principal parti d'opposition, le CNID. Ce remaniement a élargi l'assise électorale du chef de l'État en vue des élections générales (présidentielle, législatives et locales) qui devaient se tenir au printemps 1997.

En prévision de celles-ci, les principaux partis politiques se sont regroupés en trois grands blocs. Le premier est celui de la mouvance présidentielle représenté par la convergence nationale pour la démocratie et le progrès (CNDP) dominée par l'ADEMA.

Le second réunit au sein du RFP (Rassemblement des Forces pour le Progrès), un large éventail de sept partis d'opposition allant du CNID (Comité national d'initiative démocratique), premier parti d'opposition qui a participé au Gouvernement d'avril 1993 à février 1994, au MPR (Mouvement patriotique pour le renouveau), lequel se réclame de l'héritage de l'ancien parti unique, créé en janvier 1995.

Certains doutent de la solidité d'une alliance qui unit les représentants du renouveau démocratique, regroupés au sein du CNID, avec les anciens partisans de l'ex-président Moussa Traoré réunis au sein du MPR et qui se veut représenter l'opposition radicale.

Le troisième bloc, et dernier né (5 janvier 1997), qui porte le nom de Front pour le Changement et la Démocratie (FCD), regroupe six partis dont l'US-RDA et le MIRIA. Cette nouvelle alliance constitue un pôle d'opposition modérée.

Cette recomposition de la vie politique malienne, qui témoigne de la vitalité du jeu démocratique, a cependant été gelée par l'annulation, puis le report des élections législatives.

B. UN PROCESSUS ÉLECTORAL HEURTÉ

Pendant l'hiver 1996-1997, les autorités maliennes ont porté une attention toute particulière à la bonne organisation des élections qui devaient se tenir au printemps 1997. Ces élections auraient dû consacrer, par un « sans faute » une évolution réussie du pays dans la voie démocratique. Hélas, il n'en a rien été.

Un nouveau code électoral, contesté par l'opposition, a tout d'abord été invalidé par la Cour constitutionnelle le 25 octobre 1996, après avoir été adopté le 27 septembre par l'Assemblée nationale. Un nouveau texte, qui a recueilli l'accord d'une partie de l'opposition, a été adopté le 8 janvier 1997. Il prévoit un scrutin majoritaire à deux tours pour les législatives et la présidentielle, ainsi que la création d'une commission électorale nationale indépendante. Le calendrier électoral avait prévu l'organisation d'un scrutin législatif les 9 et 23 mars, le scrutin présidentiel les 4 et 18 mai, et l'élection des conseillers communaux le 1er juin 1997. La future Assemblée doit compter 147 députés contre 114 actuellement.

Les élections législatives ont ensuite été repoussées du mois de mars au mois d'avril 1997. La mauvaise organisation du scrutin, supervisé par la commission électorale nationale indépendante, a fait que le premier tour s'est déroulé, le 13 avril, dans une confusion telle que les élections législatives ont été annulées et reportées au 20 juillet et au 3 août 1997.

Peut-on considérer pour autant que la démocratie malienne soit en panne ? Un jugement nuancé doit être porté sur une situation complexe.

Plusieurs indications permettent de créditer le pouvoir d'une incontestable « bonne volonté » démocratique.

D'une manière générale, depuis 1992, la démocratisation des institutions maliennes a progressé de façon continue, sans à coups, avec la mise en place d'une Cour Constitutionnelle, d'un médiateur de la République, d'un Conseil supérieur de Communication et d'un Comité national d'égal accès aux médias d'État. On doit même souligner une procédure originale, sans doute unique au monde. Poussées par les accusations extérieures d'exactions dans le Nord, les autorités maliennes se soumettent, depuis décembre 1994, aux critiques d'un «jury d'honneur» sur leur attitude en matière de Droits de l'Homme. L'exercice d'interpellation démocratique se renouvelle ainsi chaque année le 10 décembre, à l'occasion de l'anniversaire de la déclaration universelle des Droits de l'Homme. En décembre 1996, les autorités ont été interpellées notamment sur les dysfonctionnements de la justice.

Il faut par ailleurs noter que l'annulation des élections législatives organisées en avril 1997 a été prononcée alors même que le parti au pouvoir, l'ADEMA, arrivait largement en tête en étant crédité de 42 % des suffrages, suivie par l'US-RDA (8,2 %), du MPR (6,4 %), du CNID (5,9 %) et du PARENA (5,8 %), plusieurs autres formations obtenant moins de 5 % des suffrages.

Malgré cet échec, l'élection présidentielle a néanmoins été organisée après la mission de la délégation. Elle a cependant été boycottée par les candidats des principaux partis d'opposition, ce qui a permis la victoire du premier tour, le 11 mai 1997, du président sortant, M. Alpha Oumar Konaré, avec 95,9 % des voix, contre 4,1 % pour le dirigeant d'une petite formation de l'opposition.

Le nouveau ministre de la Coopération, M. Charles Josselin, a assisté à la cérémonie d'investiture du Président Konaré, le 8 juin 1997. Cette présence a été particulièrement appréciée par les autorités de Bamako.

Le report des élections législatives ne doit donc pas sonner le glas de la jeune démocratie malienne.

Les problèmes rencontrés lors de la consultation sont certainement davantage imputables au sous-développement économique, et notamment à l'insuffisance des infrastructures et des communications, qu'à un réel déficit démocratique. Le personnel politique malien est déjà expérimenté. Lors d'une rencontre avec des députés alors en campagne, la délégation a pu constater la qualité et le haut niveau de maturité de la classe politique malienne. Toutefois, si le déroulement matériel des opérations de vote a laissé à désirer, nul n'en a contesté l'honnêteté. Là où il a pu se tenir, le scrutin a été libre et secret, comme l'ont constaté les quarante observateurs étrangers, mandatés soit par leur pays, soit par des organisations non gouvernementales. Le communiqué qu'ils ont publié le 15 avril 1997 souligne ainsi que « la plupart des difficultés et irrégularités proviennent de ce que les listes électorales n'ont pas été établies à temps et que, dans nombre de cas, elles ne reflétaient pas la réalité du corps électoral » . On retrouve là l'une des faiblesses de l'organisation des élections dans de nombreux pays en voie de développement, liée à l'insuffisance voire à l'absence de système d'état-civil fiable.

Paradoxalement, c'est le respect trop scrupuleux des règles constitutionnelles qui est responsable de cette impréparation due à une certaine précipitation.

Rappelons en effet que le mandat de la précédente législature expirait le 17 avril 1997. Ne pas tenir les élections à la date prévue, en mars, aurait provoqué un vide institutionnel et aurait constitué une violation de la Constitution que d'aucuns n'auraient pas manqué de reprocher au chef de l'État. « Pour mettre au pied du mur Gouvernement, opposition, et société civile, le chef de l'État a jugé bon de dissoudre l'Assemblée nationale le 3 mars, ce qui rendait impératif la tenue d'un scrutin dans un délai de quarante jours » a ainsi observé l'hebdomadaire Jeune Afrique.

Outre les difficultés matérielles d'organisation, on peut s'interroger sur l'adaptation du mode de scrutin à la réalité politique du pays.

Par ailleurs, certains mettent en cause la mise à l'écart de l'administration territoriale par la commission électorale nationale indépendante pour la préparation de la consultation et l'absence de la révision annuelle des listes électorales. Relevons enfin qu'aucun financement public des campagnes n'est organisé, et que les partis de l'opposition, souvent très individualisés, sont dans le plus grand dénuement.

En tout état de cause, le premier tour des élections législatives a été organisé le 20 juillet 1997 malgré le boycottage persistant d'une partie de l'opposition qui a pris le parti, sans doute au vu des résultats du premier tour des élections annulées, de pratiquer la politique de la chaise vide. Cette attitude explique un taux élevé d'abstentions et l'écrasante domination de l'Assemblée nationale par l'ADEMA, qui a obtenu 130 sièges sur 147.

Un nouveau Gouvernement est en cours de constitution, mais le Premier ministre a été reconduit.

Les prochaines échéances électorales sont les élections municipales, prévues au mois de décembre 1997.

II LE MALI : UN PAYS PAUVRE AVEC CEPENDANT DES ATOUTS

A. L'UN DES PAYS LES PLUS PAUVRES DU MONDE

Le Mali fait partie des « pays les moins avancés » (PMA). Le PIB par habitant s'élève à 252,5 dollars par an. La population malienne, qui s'élève à 9,5 millions d'habitants, est jeune (44 % de la population a moins de 18 ans et croît au rythme de 2,7 % par an) et peu éduquée (le taux de scolarisation n'atteint pas 20 %).

Cette situation s'explique par des handicaps naturels importants.

L'économie malienne pâtit de l'enclavement du pays, grand comme deux fois et demie la France (1 240 000 km 2 ), qui renchérit le coût des importations, et notamment des importations peu compressibles d'énergie, et qui entrave le développement des exportations.

L'économie malienne est dominée par le secteur agricole (40 % du PIB et 70 % de la population active). L'aridité des sols et la pluviométrie faible et aléatoire la rendent particulièrement dépendante des facteurs climatiques.

Le Mali bénéficie cependant d'un atout : la présence sur son sol de minerai d'or. L'ouverture de la mine de Sadiola va permettre une forte croissance de la production et de l'exportation d'or. Les recettes de ce secteur ont atteint 34 milliards de francs CFA en 1995 et constituent la troisième ressource d'exportation. Il est envisagé une production de 10 tonne/an pour 1997 pour la seule mine de Sadiola. La banque mondiale estime que le Mali pourrait être le troisième producteur d'or en Afrique en l'an 2000 avec 12 tonnes/an.

B. LES A TOUTS DE L'ÉCONOMIE MALIENNE

1. Une situation financière assainie

L'audience accordée à la délégation par le ministre des Finances, M. Soumaïla Cissé, ancien étudiant de l'Université de Grenoble, a permis de dresser un bilan de la situation financière du Mali.

Le Mali mène une politique d'ajustement structurel depuis 1982. Elle n'a cependant pas empêché une forte dégradation de la situation des finances publiques à la fin des années 80 et jusqu'en 1993.

Avec l'octroi d'une facilité d'ajustement à partir de 1992, le Mali a entrepris d'assainir la situation de ses finances publiques. Le directeur du FMI a souligné les bons résultats obtenus par le Mali. La trésorerie publique reste cependant fragile et l'attention des autorités a été appelée sur les risques de dérapage de la masse salariale, à l'approche des élections. Selon les prévisions des autorités maliennes, l'aide budgétaire extérieure, en diminution, ne sera plus nécessaire à partir de 1997.

La dette extérieure malienne constitue encore un frein au développement. L'encours de la dette représente 135,7 % du PIB en 1995. Le Mali a obtenu la consolidation en Club de Paris de sa dette extérieure bilatérale, ce qui a représenté 166 millions de francs français dont 40 millions de francs français par la France. Si les effets de cette mesure sont encore marginaux par rapport à la dette extérieure totale (1,2 million de francs français), la décision constitue un message politique fort vis-à-vis de la bonne gestion des finances publiques des autorités maliennes. Le Mali n'a plus d'arriérés extérieurs.

Le ministre des Finances a souligné que le Mali avait retrouvé une crédibilité financière auprès de ses partenaires extérieurs et avait restauré la confiance à l'intérieur.

En réponse à M. François Trucy, le ministre a évoqué les projets d'équipements du fleuve Niger. Il a souligné que l'ensablement menaçait et qu'il fallait élargir la période de navigabilité du fleuve, limitée à deux mois, mais que cette action nécessitait une approche concertée avec les pays concernés, l'Association du Bassin du Niger siégeant à Niamey. L'absence d'un grand barrage conduit à des variations de débits trop importants et ne permet pas de produire de l'électricité, le Mali utilisant l'énergie thermique.

En réponse à M. François Trucy, le ministre a ensuite précisé le régime de la fiscalité au Mali, en rappelant que 240 entreprises fournissaient 80 % des recettes fiscales du pays, lesquelles étaient composées à 80 % de recettes douanières.

En réponse à une question de M. Georges Berchet sur la fiscalité malienne, le ministre a rappelé que les droits de douanes seraient supprimés entre les cinq pays membres de l'Union économique et monétaire de l'Ouest Africain à compter du 1er juillet 1997, et que les taux de TVA seraient harmonisés, des différences importantes portant sur l'assiette ou le taux existant entre les pays de l'Union.

En réponse à une question de M. Georges Berchet sur le système scolaire, le ministre a annoncé la mise en oeuvre, à compter de l'automne 1997, d'un plan décennal portant sur l'ensemble du système éducatif, les efforts passés ayant été limités à l'éducation de base. Il a souligné les difficultés considérables du pays dans ce domaine, les classes comptant parfois jusqu'à 150 élèves, avec d'importantes disparités régionales. Évoquant l'enseignement supérieur, il a rappelé que l'université avait connu un afflux d'étudiants et que la fonction publique diminuant ses recrutements, il convenait d'instituer des grandes écoles recrutant sur concours après l'université.

Abordant le problème des bourses accordées par la France aux étudiants maliens, le ministre des Finances a considéré qu'il s'agissait d'un problème clef de l'avenir des relations franco-maliennes. Il a déploré que des étudiants maliens dont la situation matérielle et financière était garantie par la Banque centrale de l'Ouest Africain, qui possède un compte créditeur à la Banque de France, n'aient pas pu se rendre en France pour leurs études en raison des obstacles administratifs ou sanitaires mis à l'entrée et au séjour des étrangers. Il a prédit que si ces difficultés n'étaient pas aplanies, les étudiants africains poursuivront, dans une vingtaine d'années, leurs études au Canada ou aux États-Unis.

En réponse à une question de M. Jacques Legendre, le ministre a convenu que la situation de la justice commerciale n'était pas satisfaisante pour garantir les investissements étrangers, la justice au Mali manquant de locaux et d'effectifs, avec moins de 200 magistrats.

Interrogé par M. Yann Gaillard sur la part de libéralisme dans l'économie malienne, le ministre des Finances a concédé que la démocratisation n'avait pas diminué suffisamment l'étatisation de l'économie, l'État restant le premier employeur et le premier acheteur de biens et de services du pays.

2. L'impact mitigé de la dévaluation

Le changement de parité du franc CFA en janvier 1994 a constitué un choc important pour l'économie malienne. Si les populations urbaines ont subi une forte baisse de leur niveau de vie, les autorités ont adopté les mesures permettant au secteur rural de tirer parti d'un gain de compétitivité.

L'inflation pour l'année 1996 aura été de 3 % légèrement inférieure à l'objectif fixé par le FMI. Une pluviométrie satisfaisante a permis d'atteindre à nouveau l'autosuffisance alimentaire en céréales en 1996.

Au total, le solde commercial s'est amélioré, passant d'un déficit de 90 milliards CFA en 1993 à un déficit de 80 milliards CFA en 1994. Les importations maliennes ont augmenté en valeur, du fait de la dévaluation, mais se sont contractées en volume. Les échanges maliens se sont orientés vers la zone franc, et notamment la Côte d'Ivoire et le Sénégal (1er et 3e fournisseurs). Les trois principales sources de recettes d'exportation sont le coton, le bétail et l'or. La dévaluation du franc CFA a rendu sa compétitivité à la filière coton. Avec une production de 400 000 tonnes pour la saison 1995-96 et un bénéfice escompté de 30 millions de francs, le Mali est le premier producteur d'Afrique sub-saharienne de coton-fibre. Le coton représente 43 % des recettes d'exportation.

Lors de l'entretien accordé à la délégation, le ministre des Finances a précisé que si la dévaluation avait constitué un traumatisme, le moratoire qui avait été décidé sur les augmentations de prix de produits de base en avait limité les conséquences pour la population. Il a jugé globalement positive la dévaluation, qui a permis un retour des investissements étrangers, lesquels se heurtent désormais à la faiblesse du nombre de projets industriels à financer.

III. LE RETOUR DE LA PAIX CIVILE DANS LE NORD DU MALI

Après presque six ans de rébellion au Nord du Mali, la paix est revenue.

A. LA FIN D'UNE RÉBELLION DE SIX ANS

Depuis 1990, les relations dans le Nord entre les populations nomades (touaregs et maures) et sédentaires (surtout songhaï) se sont dégradées. Les autorités de la transition démocratique on recherché une solution politique à la crise qui sévissait depuis plusieurs années dans le Nord du Mali. Le Pacte national, signé sous l'égide de l'Algérie en 1992, prévoyait l'autonomie de gestion des régions septentrionales et leur mise en valeur. Sa mise en oeuvre a surtout achoppé sur les problèmes d'intégration des combattants touaregs et maures dans les forces armées et de sécurité et le retour à la vie civile pour ceux qui n'ont pu être intégrés.

Au cours de l'année 1994, le Nord a connu un regain de violence. Outre les attaques des rebelles contre les populations sédentaires et les représailles des forces militaires et des milices, les différents mouvements touaregs se sont opposés les uns aux autres.

Les autorités ont mis en oeuvre plusieurs initiatives afin de favoriser un retour à la paix : consultations régionales en août 1994 et rencontres de sensibilisation en mai-juin 1995, auprès des populations du Nord et des réfugiés dans les pays limitrophes. Mais les progrès principaux sont dus aux initiatives des populations civiles et des autorités traditionnelles, progressivement rejointes par les représentants des groupes touaregs. Au niveau local, la sécurité a ainsi pu être restaurée dans certaines zones.

Une rencontre entre le Gouvernement et les bailleurs de fonds s'est tenue à Tombouctou les 16 et 17 juillet 1995, afin de définir une stratégie de développement du Nord. Cette réunion a consacré le retour à la normale dans le Nord malien.

Afin de confirmer le retour de la paix dans cette région du Mali, le Gouvernement a organisé une manifestation importante « Flamme de la Paix » qui s'est déroulée les 27 et 28 mars 1996 à Tombouctou en présence de nombreuses personnalités maliennes et étrangères et au cours de laquelle les dirigeants des Ganda Koye (milices d'autodéfense des populations songhaï sédentaires) ont prononcé la dissolution de leurs organisations et reconnu le caractère indivisible du Mali. La délégation a visité le site où cette cérémonie s'est déroulée et qui devrait accueillir un monument la commémorant.

Désormais, la communauté tourègue se reconnaît comme partie intégrante la nation malienne, et le Mali reconnaît la communauté tourègue comme l'une de ses composantes à part entière.

La réalisation rapide des programmes de développement annoncés est devenue la condition de la réussite du processus de paix tant les espoirs créés dans les populations concernées sont grands.

La délégation a tenu à apprécier d'elle-même l'impact de ces programmes en se rendant dans le Nord, à Mopti puis à Tombouctou.

B. LES ESPOIRS DE LA SEDENTARISA TION DES NOMADES TOUAREGS

En rendant visite au campement touareg de Tintelout, situé à quelques 35 kilomètres de Tombouctou, la délégation a pu constater la réalité du processus de sédentarisation, ses espoirs mais également ses limites.

La participation massive de toutes les communautés du Nord au processus de rencontres intercommunautaires pour la réconciliation et la consolidation de la paix, en novembre 1994 - janvier 1995, semble constituer un gage de la solidité et de la durabilité du retour de la paix.

L'évolution positive de la situation dans les régions septentrionales a déjà permis le retour de plus de 73 000 des 120 000 touaregs et maures réfugiés en Mauritanie, en Algérie et au Burkina. Le Haut Commissariat pour les Réfugiés envisage pour la fin de l'année 1997 le rapatriement de l'ensemble des réfugiés, la fermeture des camps et la suppression des programmes de soins et d'entretien. 5 000 réfugiés maliens devraient toutefois s'installer dans leur pays d'accueil. Par ailleurs, 2 931 combattants des mouvements rebelles ou du mouvement Ganda Koye ont été cantonnés, comme prévu par les accords de Tamanrasset de 1994. Ces combattants doivent être pour partie intégrés dans les forces militaires maliennes et pour partie rendus à la vie civile. Le processus est en cours de réalisation, 1 435 membres des anciens MFUA et de la milice Ganda Koye ayant été intégrés dans l'armée.

La pacification s'est appuyée sur un important effort financier. Un fonds d'aide pour la réconciliation et la consolidation de la paix dans le nord du Mali, alimenté par une subvention du Gouvernement norvégien, grâce à l'intercession de l'Aide de l'Église Norvégienne, auquel ont adhéré les coopérations allemande, suisse et canadienne, a permis d'organiser et de financer 22 rencontres.

Le cantonnement de 3 000 combattants a été financé avec l'appui du PNUD, qui a constitué un fonds spécial afin de financer le retour de la sécurité dans cette région, le Programme d'appui à la réinsertion des ex-combattants du Mali. La France participe au développement des régions du Nord-Mali avec un projet pour un montant de 65 millions de francs. Les besoins du plan d'action du HCR établis par ses soins pour la période juin 1996-décembre 1997 s'élèvent à 13 millions de dollars dont moins de la moitié a été couvert par les contributions des donateurs.

La pacification prépare le développement du tourisme, notamment à partir de Tombouctou et de Gao. Certaines initiatives, comme celle de Pont Afrique, qui entend réconcilier manne touristique et développement économique équilibré, les bénéfices touristiques étant intégralement réinvestis sur place et étant gérés par les communautés villageoises ou nomades, méritent d'être saluées. Il est en effet évident que cette région n'est pas capable de supporter un tourisme de masse, les contraintes du climat rendant l'accès du Nord en tout état de cause difficile. La visite de cette région se mérite.

La sédentarisation des populations nomades repose sur un pari. L'échec économique et la « déculturation » qui pourrait résulter de la modification radicale des modes de vie constituent deux hypothèques qui pèsent sur sa réussite.

CONCLUSION

Les relations politiques franco-maliennes méritent d'être renforcées dans la mesure où il s'agit d'un pays qu'il faut conforter tant pour ses efforts démocratiques, malgré un contexte difficile, pour sa bonne tenue sur les plans économique et financier que pour les résultats acquis dans le règlement du conflit du Nord.

La France est le premier partenaire économique du Mali, son premier client et son premier fournisseur (devant la Côte d'Ivoire) avec une part de marché d'environ 25 %.

Á la suite de la dévaluation du franc CFA, nos exportations après avoir décliné (-21 %) en 1994, ont fortement augmenté (+ 63 %) et dépassé en 1995 (866 millions de francs français) le niveau de 1993. Le solde commercial s'établit à 829 millions de francs français en 1995 au bénéfice de la France. Nous exportons principalement des machines et appareils mécaniques ainsi que des équipements pour automobiles.

Sont présentes au Mali, 28 sociétés, filiales de groupes français, employant plus de 2 700 personnes. 36 sociétés dirigées par des ressortissants français emploient 1 050 personnes et réalisent environ 13 milliards de francs CFA de chiffre d'affaires.

La France doit redevenir le premier partenaire politique de ce pays. Depuis la réintégration de la zone franc, en 1984, il s'est fait le champion de l'intégration économique régionale. Il a été au centre des concertations en matière de sécurité menées entre pays voisins concernés par le problème touareg. Il joue un rôle de médiateur en Centrafrique. Il participe à plusieurs force d'interposition ou a fourni des contingents d'observateurs dans plusieurs pays africains.

La démocratisation malienne est un processus en cours. La France ne doit pas cesser de soutenir cette jeune démocratie et doit l'accompagner dans les moments difficiles, les crises qu'elle traverse. La démocratie a un coût, particulièrement élevé pour un pays l'un des plus pauvre du monde, ce qui l'honore d'autant.

La relation franco-malienne n'a, dans la passé, pas été aussi proche et familière comme avec d'autres pays d'Afrique sub-saharienne. Pour affermir et resserrer cette relation, une attention particulière doit être portée aux flux migratoires de maliens en France. Cependant, l'importance de ces flux ne doit pas être surestimée. Plus de 35 000 Maliens vivent en France en situation régulière, mais il y aurait, d'après le ministère français de l'Intérieur, 7 000 personnes en situation irrégulière. La régularisation conditionnelle décidée par le nouveau Gouvernement devrait permettre d'avoir rapidement une idée plus précise de la situation.

D'une manière générale, l'avenir de la relation singulière franco-africaine réside dans le traitement actuel de la formation des futures élites africaines. Au Mali particulièrement, la francophonie est fragile. Certes, le français est la langue officielle, mais par défaut, comme dans de nombreux pays d'Afrique sub-saharienne Or, certaines familles maliennes qui souhaitent et peuvent offrir des études à leurs enfants en France se voient souvent opposer un refus de visa alors même qu'elles présentent toutes les garanties matérielles et financières. Par ailleurs, le déclin du nombre et du montant des bourses accordées par la France est particulièrement inquiétant.

Ces deux phénomènes se conjuguent pour alimenter une réorientation des demandes de visa pour effectuer des formations de l'Europe vers les États-Unis ou le Canada, au risque d'accentuer la distance de ces pays d'avec la France. Il ne faut pas surestimer l'attractivité que représente notre pays pour les élites africaines, lesquelles, dans un contexte de mondialisation des échanges et notamment des séjours des personnes, iront plus volontiers là où une politique d'immigration plus intelligente car plus sélective est instituée.

Á cet égard, il apparaît urgent à la délégation de sédentariser, de renforcer et de mieux former le personnel des consulats. Trop de vacataires temporaires, ne connaissant rien aux sociétés locales, confrontés à une législation mouvante et de plus en plus complexe, sont tentés d'opposer des refus globaux là où plus de discernement serait souhaitable.

L'avenir du rôle de la France en Afrique passe donc par l'accueil et la formation d'une part importante des élites africaines et par un soutien indéfectible de notre pays au processus de démocratisation de ces pays, qui ne doit pas réduire notre coopération au seul champ économique et financier.

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