II. LE BILAN DES PREMIÈRES ANNÉES D'APPLICATION DE L'ALENA
Quel bilan provisoire de ce dossier peut-on dresser ?
A. DES EFFETS STRUCTURELS LIMITÉS
Répondant aux souhaits des gouvernants des trois pays de faire croître le commerce, particulièrement celui du Canada avec le Mexique, le volume des échanges a augmenté. Il en a résulté un déficit croissant des États-Unis vis-à-vis du Mexique. Rappelons que telle était la règle du jeu du système : faciliter les échanges entre pays. L'ALENA n'est cependant pas le seul responsable de ce phénomène. En effet, la forte dévaluation du peso mexicain a renforcé la présence mexicaine (notamment au travers d'investissements) aux États-Unis.
Il me semble - les intervenants et les spécialistes de la question me contrediront peut-être - que l'application des accords de l'ALENA n'a pas provoqué d'effets structurels considérables. Les hommes politiques avaient pourtant parlé soit en termes dithyrambiques soit en termes dramatiques de l'ALENA ; certains avaient évoqué des conséquences très bénéfiques, d'autres au contraire des effets désastreux. Jusqu'à présent, il me semble que les différents secteurs des trois pays n'ont pas été profondément affectés. Ainsi, dans le secteur du textile, les États-Unis et le Mexique exportent respectivement de grandes quantités de tissus et de vêtements. Des compensations se sont donc opérées à l'intérieur des secteurs : il n'y a pas eu d'effets structurels majeurs.
Il n'y pas eu non plus d'effets notoires sur l'emploi. Aujourd'hui, l'ALENA n'est plus contesté, comme il le fut jadis. Souvenez-vous en effet des débats politiques que suscita l'ALENA et des réactions de Pat Buchanan ou Ross Perrot ! Ce dernier, lors de sa dernière campagne, n'a guère mentionné l'ALENA. Ceci révèle l'acceptation de l'ALENA par les hommes politiques. Il ne constitue plus en tout cas un enjeu politique.
B. DES POINTS FAIBLES À COMPENSER
1. Au Mexique
Quelques points de faiblesse subsistent cependant. Le Mexique, pays de grand potentiel et de grand avenir, a connu, en décembre 1994, une grave crise financière, parfois qualifiée par les économistes « d'effet tequila ». Nous sommes quasiment parvenus au terme de cette mais celle-ci n'est pas encore totalement achevée. Les milieux financiers s'interrogent sur la force du peso mexicain, qui a glissé ces dernières semaines. Ce matin, le cours est de 7,91 peso pour un dollar, ce qui constitue un chiffre très bas. En décembre 1994, il était en effet de 3,45 peso pour un dollar. Le peso s'est donc fortement déprécié. Cette donnée est problématique en raison du taux d'inflation du Mexique, supérieur à 20 %, très différent de celui de ses deux partenaires canadien et américain. Le peso joue donc en quelque sorte un rôle de soupape de sécurité.
Personnellement, je suis peu inquiet vis-à-vis des phénomènes de guérilla apparus au Mexique, dans le Chiapas, d'une part, et dans l'État de Guerrero, d'autre part. Je ne pense pas en effet qu'il s'agisse de mouvements très importants. Le principal parti politique mexicain est néanmoins en cours d'évolution, d'ailleurs courageusement menée par le Président Zedillo. L'avenir reste cependant à confirmer dans ce domaine. Le pays connaît en tout cas une grande transformation.