B.- LE NIGERIA ET LA FRANCE
I.-
Un intérêt bien compris
a.-
Un partenaire essentiel de la nouvelle politique africaine
La redéfinition de la politique africaine de la France s'est
notamment traduite par une extension du " champ " traditionnel,
essentiellement issu des territoires anciennement colonisés, aux pays
lusophones et anglophones. Plus largement d'ailleurs, la politique d'aide au
développement française n'est plus désormais
concentrée sur le seul sous-continent africain.
Dans ce cadre, il est clair que le Nigeria, poids lourd
démographique et économique, situé à un carrefour
stratégique du sous-continent, apparaît comme un partenaire
désormais incontournable, dont le rôle va bien au-delà de
ses seules " qualités " de cinquième fournisseur de
pétrole.
En particulier, le désengagement officiel de la France, sur le
plan militaire, d'une région qui apparaît désormais comme
"
un vaste champ d'observation des nombreuses formes de la violence
politique contemporaines
"
92(
*
)
, confère désormais au
Nigeria un rôle de premier plan en matière de
sécurité régionale
93(
*
)
.
Principaux extraits de la conférence de presse
du Président Jacques Chirac à Abuja, le 23 juillet 1999
" C'est la première fois qu'un Président français en
exercice rend visite au Nigeria ".
" Il s'agit d'un geste fondateur d'une relation nouvelle, et qui est pour
nous très importante ".
" La santé politique et économique du Nigeria conditionne
pour une large part la santé publique et économique d'une partie
très importante de l'Afrique ".
" L'élargissement du champ de coopération de la France
concerne au premier chef le Nigeria ".
" Le Nigeria qui est aujourd'hui, sous l'autorité du
Président Obasanjo, engagé dans un grand effort de modernisation
de son administration, de gestion de ses affaires publiques, dans un grand
effort de redressement économique et financier, ... a besoin
d'être aidé sur cette voie pour qu'il puisse être, demain,
une zone essentielle pour cette région du monde, de paix et de
développement ".
Si vous me demandez mon avis personnel, je dirai que je souhaite que, dans le
cadre de cette réforme du Conseil de Sécurité de l'ONU, le
Nigeria soit présent comme membre permanent du Conseil de
Sécurité ".
b.-
Des intérêts économiques
conséquents : le cinquième fournisseur
énergétique, un stock d'investissements de 12 milliards de
francs
Peu conséquente au début du siècle, à
l'exception de l'implantation de la BNP, présente depuis 1949, et des
deux comptoirs de la CFAO et de la SCOA installés dès le
début du siècle, la présence économique de la
France devient relativement importante au moment de l'Indépendance.
L'installation de Total dès 1956 puis de Elf en 1962, avant le
début du
boom
pétrolier, suscite l'arrivée de Dumez
dès 1958, de Air Liquide et Brossette en 1960, de la BIAO en 1961 et de
Michelin en 1962.
Si les deux grands comptoirs de négoce -la CFAO et la SCOA-
sont déjà implantés respectivement depuis 1902 et 1926,
ils ne sont enregistrés officiellement qu'en 1969, avec la
première grande vague d'implantations qui intervient avec la fin de la
guerre du Biafra et le début du
boom
pétrolier.
Une seconde vague d'implantations intervient à la fin des
années 1970, dans le cadre d'un programme nigérian intensif
d'aménagement des infrastructures financé sur recettes
pétrolières.
En 1983, avant le choc pétrolier, on recensait une centaine de
groupes français, représentés par 180 filiales, et une
communauté française de 11.500 personnes.
Historique de l'implantation des entreprises françaises |
|
CFAO |
1902 |
SCOA |
1926 |
BNP |
1949 |
Total |
1956 |
Dumez |
1958 |
Air Liquide |
1960 |
Brossette |
1960 |
BIAO |
1961 |
Elf |
1962 |
Michelin |
1962 |
Peugeot |
1972 |
Fougerolle |
1973 |
SGE |
1975 |
Bouygues |
1975 |
SAE |
1977 |
SPIE-Batignolles |
1977 |
Degremont |
1978 |
BEC Frères |
1978 |
Compagnie Générale de Géophysique |
1978 |
SOCEA |
1979 |
Alsthom |
1979 |
Trindel |
1979 |
Dragages et Travaux Publics |
1980 |
Par la suite, le choc pétrolier de 1986, la récession profonde
qui intervient à partir de 1993, le durcissement du régime Abacha
à compter de 1995, mais aussi le jeu des fusions et absorptions, a
réduit fortement le nombre des entreprises françaises
présentes sur place, aujourd'hui de l'ordre d'une centaine, mais de gros
calibre.
Il est clair en effet que malgré une certaine
altération de leurs marges et le net durcissement des conditions de
sécurité, notamment dans le delta, pratiquement tous les grands
groupes ont préféré rester sur place, considérant,
malgré les difficultés, que "
le solde
insécurité juridique/marges réalisées reste
très positif
", ainsi que l'a déclaré l'un de
leurs représentants à la délégation
sénatoriale lors d'une réunion tenue sur les problèmes de
sécurité dans le delta
94(
*
)
.
Au total, nos relations économiques et commerciales sont
clairement substantielles.
De fait, on peut évaluer à 12 milliards de francs le
stock d'investissements français au Nigeria. Après le fort
désengagement de 1993, le solde net des flux est en constante
progression pour atteindre 600 millions de francs par an en 1998.
En termes d'échanges commerciaux, le montant des exportations
(CAF-FAB, hors matériel militaire) s'est élevé en 1998
à 3,35 milliards de francs pour un montant d'importations de 4,37
milliards de francs. La France est aujourd'hui le
cinquième
fournisseur du Nigeria
, sur un marché de 120 millions d'habitants.
Les implantations françaises actuelles restent
diversifiées, puisque, outre le secteur énergétique, elles
s'articulent autour de cinq pôles principaux :
Pétrole et gaz :
- Elf : 5
ème
partenaire de la NNPC pour
l'exploitation/production.
- Total : premier distributeur du pays de produits
pétroliers - fortement avancé dans l'offshore et dans le secteur
du gaz naturel.
- Sociétés de services et d'ingénierie
pétrolière et gazière
95(
*
)
.
Nigeria,
6
ème
fournisseur mondial de brut de la France
(1997)
|
Tonnage total |
% |
Arabie Saoudite |
18.894 |
20,4 |
Norvège |
16.800 |
19,6 |
Royaume-uni |
13.698 |
16,0 |
Russie |
7.741 |
9,0 |
Iran |
6.456 |
7,5 |
Nigeria |
4.257 |
5,0 |
Algérie |
4.111 |
4,8 |
Iraq |
3.794 |
4,4 |
Syrie |
3.097 |
3,6 |
Libye |
2.456 |
2,9 |
Autres |
4.572 |
5,2 |
Total |
85.876 |
100,0 |
Source : PPE Lagos
1 er fournisseur africain
Nigeria |
43,2 % |
Algérie |
20,4 % |
Libye |
15,4 % |
Gabon |
8,2 % |
Angola |
5,8 % |
Cameroun |
2,7 % |
Tunisie |
2,1 % |
Guinée équatoriale |
1,2 % |
Congo-Brazzaville |
0,8 % |
Source : PPE Lagos
Automobile et associé :
- Peugeot, avec l'usine d'assemblage de Kaduna -qui montait 50.000
véhicules dans les années quatre-vingt, aujourd'hui
sous-utilisée, mais qui reprend du " service " avec le
lancement des " Boxers "
96(
*
)
.
- Michelin, qui développe aujourd'hui les plantations
d'hévéas devenus plus " intéressantes " qu'en
Asie du Sud-Est, à la fois en amont de la fabrication locale de
pneumatiques et pour l'exportation de gomme.
BTP :
- Face à une forte concurrence allemande, libanaise,
israélienne et italienne, la présence française reste
importante : Bouygues, Fougerolle, Dumez, Lafarge, SPIE-Batignolles, SGE,
Degrémont et BEC Frères.
Services :
- Secteur bancaire : Banque Belgolaise-Groupe Suez,
Crédit Lyonnais, Paribas, Banque SBA.
- Transports : Bolloré, Air-France.
- Contrôle technique : Véritas.
- Eau : Lyse (Lyonnaise des Eaux).
Chimie-Pharmacie :
- Atochem, Rhône-Poulenc (May & Baker),
Société Commerciale des Potasses et de l'Azote, Air Liquide.
Distribution :
- CFAO, SCOA, Brossette.
Par ailleurs, dans le contexte du processus de privatisation et de la
normalisation espérée de l'environnement des affaires, un certain
nombre de nouveaux créneaux sectoriels apparaissent désormais,
particulièrement porteurs : électricité,
électronique et télécommunications, pharmacie, assurances,
notamment, mais aussi sécurité aéroportuaire et secteur de
l'alimentation.
A cet égard, la venue d'une délégation
élargie du MEDEF prévue au premier trimestre 2000, mais aussi
l'envoi -non encore programmé- de missions de prospection de l'Agence
Française de Développement
97(
*
)
, paraissent judicieux.
Il reste que tant que la normalisation des relations
financières du Nigeria (et notamment l'apurement de la dette)
98(
*
)
ne sera pas " à tout le
moins amorcée ", l'Etat français (concrètement la
Direction du Trésor) refuse d'accorder la garantie COFACE ou la
procédure FASED
99(
*
)
-à l'exception des projets d'équipement pétrolier,
garantis par des recettes pétrolières
offshore
100(
*
)
.
Situation des échanges France-Nigeria en 1998 |
||
|
Millions de francs |
Pourcentage du total |
Principales exportations françaises |
|
|
- spécialités pharmaceutiques |
412 |
12,3 % |
- pièces et équipements spécifiques pour automobiles |
373 |
11,1 % |
- produits pétroliers raffinés |
276 |
8,2 % |
- voitures particulières |
253 |
7,6 % |
- produits de la robinetterie |
138 |
4,1 % |
- matériel aéronautique, thermique et frigorifique |
116 |
3,5 % |
- sucre |
114 |
3,4 % |
- tubes d'acier |
99 |
3,0 % |
- matériel informatique |
96 |
2,9 % |
|
|
|
Principales importations françaises |
|
|
- pétrole brut |
4080 |
93,4 % |
- produits de la pêche en mer |
75 |
1,7 % |
- fruits tropicaux, café, cacao |
66 |
1,5 % |
|
|
|
II.-
Une concrétisation encore symbolique : 17 millions de
francs en 1999...
A la veille de la visite d'Etat du Président Obasanjo en France,
prévue les 6 et 7 février prochains, la concrétisation,
notamment institutionnelle, du renforcement des liens de la France avec le
Nigeria demeure encore au niveau des déclarations de principe.
a.-
La présence institutionnelle : réduite au
minimum vital
Ainsi, le dynamisme et la pugnacité incontestables de son
Excellence Monsieur Philippe Peltier, Ambassadeur de France au Nigeria depuis
novembre 1996, ne peuvent sans doute à elles seules compenser le
caractère très ramassé
101(
*
)
de l'équipe à sa
disposition sur place
102(
*
)
. En
particulier le service de coopération culturelle, technique et
d'enseignement du français est apparu à la
délégation sénatoriale quelque peu démuni de moyens
-humains comme financiers.
Il pourrait donc être bienvenu de
renforcer en
priorité le service de coopération culturelle et technique, y
compris au niveau des assistants techniques présents sur le terrain
.
Mais il apparaît également souhaitable,
conformément à une pratique courante dans les pays de l'ancien
champ et qui a largement fait ses preuves, de
placer des Français
-conseillers ou assistants techniques- à la disposition de certains
ministres et d'un certain nombre d'organismes clés de l'administration
centrale
: banque centrale, ministère des finances (notamment
douanes et recettes fiscales), ministères de la justice et de
l'intérieur, pétrole, commission nationale de planification,
présidence, notamment.
L'ampleur des enjeux et du potentiel encore en cours
d'évaluation pourrait également justifier que le poste
d'expansion économique soit " complété " dans
l'action qu'il mène avec une parfaite compétence et
efficacité par -sinon l'installation rapide d'une " antenne ",
voire d'une agence- de
l'Agence Française de Développement
-au moins l'envoi, dans les meilleurs délais, de missions de travail
exploratoires de l'AFD, ainsi que la réactivation du dispositif
PROPARCO
103(
*
)
.
b.-
Les perspectives de la " francophonie "
nigériane : une souhaitable intensification des moyens et
diversification des instruments
Dans le contexte actuel d'évolution sensible de la
politique africaine de la France, faite d'une diversification qui n'exclut pas
la consolidation des acquis, le Nigeria constitue, à l'évidence,
un partenaire de tout premier ordre.
De " tradition " anglophone, ce pays, le plus important du
continent par sa dimension et sa démographie, enclavé au sein
d'un environnement régional purement francophone, a officiellement fait
état de sa volonté de " francophonisation ". La France
se doit d'y répondre de la meilleure façon.
Or, près de trois ans après la " main
tendue " par le général Abacha, les réalisations dans
ce domaine paraissent bien insuffisantes, sinon médiocres, au regard des
besoins et de l'enjeu ainsi
exprimés, dans un contexte de
concurrence qui se renforce nettement.
Le général Abacha ayant décidé, en
décembre 1996, de rendre le " français deuxième
langue officielle ", l'essentiel des crédits de coopération
affectés au Nigeria (15 millions de francs en 1998, 16,7 millions de
francs en 1999), ont été concentrés sur la seule
coopération linguistique, afin de " cibler " au mieux un
objectif éminemment ambitieux. La priorité a donc
été donnée, dans l'immédiat, à
l'introduction du français comme langue obligatoire dans le secondaire.
Il n'y a pas eu d'augmentation nette des moyens.
Certes, la France dispose d'ores et déjà sur le terrain
d'un réseau non négligeable : huit alliances
françaises, deux organismes de formation des professeurs
déjà anciens et réputés, le Centre français
de documentation de Jos et le Village français de Badagry, le Centre
culturel de Lagos, le Centre de recherches sur l'Afrique d'Ibadan (IFRA), enfin
un ensemble d'accords de coopération linguistique signés avec la
moitié des Etats de la Fédération.
Toutefois dans le contexte actuel, il serait certainement utile de
conforter encore et de revitaliser ce réseau, qui existe effectivement
depuis longtemps, et de procéder à une modernisation des accords
ainsi passés, dont certains ont une ancienneté supérieure
à dix ans...
L'objectif désormais fixé est la formation d'environ
10.000 maîtres de l'enseignement secondaire
104(
*
)
en cinq ans et la mise à leur
disposition d'un matériel pédagogique -notamment audiovisuel-
efficace. Une première voie a été explorée pour
utiliser les " formateurs " béninois voisins. Elle n'a pas,
semble-t-il, réalisé tous les espoirs fondés sur elle,
notamment pour des questions de rémunération
105(
*
)
. La délégation
sénatoriale a eu le sentiment que cette " solution "
était quelque peu en panne, sans toutefois avoir été
réellement utilisée au maximum de ses potentialités.
L'ambassade du Nigeria envoie également des stagiaires
nigérians dans les centres de formation à l'enseignement du
français au Bénin (CEBELAE de Cotonou), au Togo (Village du
Bénin de Lomé) et en Côte-d'Ivoire (CUEF d'Abidjan). Mais
cette solution est limitée par les problèmes
d'hébergement. Là encore, l'instrument utilisé reste
ponctuel, malgré pourtant un réel intérêt
régional qui mérite certainement d'être davantage
exploré.
L'appréciation, nécessairement rapide, de la
délégation sur ce sujet la conduit aux remarques suivantes :
L'effort fait sur l'enseignement doit d'abord, pour mieux
" s'enraciner ", s'appuyer sur le
développement de notre
coopération culturelle, notamment audiovisuelle
. Or celle-ci semble
pâtir -en termes de moyens humains et financiers- de l'accent mis sur la
seule coopération linguistique.
La délégation sénatoriale a été
relativement frappée par ce " décalage " regrettable.
Elle estime par ailleurs que d'autres instruments mériteraient sans
doute d'être davantage mis à profit.
Ainsi, au-delà du seul financement de " projets ",
l'appui français pourrait se manifester par le biais de
missions
d'expertise du ministère de l'Education nationale
, lesquelles ont
largement fait la preuve de leur efficacité immédiate
auprès d'autres partenaires étrangers. De même, pourrait
être utilement développé le recours aux
co-tutelles
universitaires
106(
*
)
. Enfin,
il apparaît éminemment souhaitable de mettre en place, dans les
meilleurs délais, un système performant de
fichiers des
boursiers
, assorti d'un suivi permanent
107(
*
)
.
Par ailleurs, l'importance des intérêts
économiques, le maintien sur place -" envers et contre tout "
mais au prix d'une expatriation limitée au strict minimum- de
représentants de grosses sociétés françaises, doit
se traduire par une analyse approfondie en amont des
débouchés
et de la
demande potentielle locale de nos
entreprises
. De même, une attention particulière doit
être apportée à la
formation professionnelle
aux
techniques françaises (fût-ce au prix parfois d'un enseignement
initial en anglais...).
Enfin, une
utilisation plus large du
" multilatéral " francophone
108(
*
)
serait certainement
bénéfique. Outre un intérêt politique
évident, elle permettrait de disposer d'un levier financier
conséquent, très supérieur aux seuls moyens strictement
bilatéraux
109(
*
)
. Ainsi,
pourraient être étudiées une intégration à
l'AIMF (
Association internationale des maires francophones
), mais aussi
une association progressive du Nigeria aux instances de l'APF
(
Assemblée parlementaire de la francophonie
), d'abord à
titre d'observateur, puis comme membre à part entière.
Il pourrait également être intéressant de
mobiliser davantage les conséquentes ressources de l'
Agence
universitaire de la francophonie
, et enfin de réfléchir au
montage -sur place- de manifestations " francophones " en liaison
avec les importantes communautés libanaise et maghrébine.
L'ensemble de ces questions a vraisemblablement été
abordé au cours des
Assises du français à Abuja
,
qui devaient en principe se tenir en novembre. Votre délégation
n'a pas eu d'informations particulières à ce sujet
110(
*
)
.
c.-
L'entrée du Nigeria dans la "
Zone de
solidarité prioritaire "
? : 2,5 millions de
francs en 1999 pour la coopération scientifique et technique
Il convient certes de se féliciter de l'entrée
officielle du Nigeria dans la "
Zone de solidarité
prioritaire
" (ZSP) française, qui permet notamment
l'accès aux ressources du Fonds de Solidarité Prioritaire
(ex-FAC), ainsi qu'aux instruments traditionnels de la coopération
française jusqu'il y a peu réservés aux anciens pays du
" champ ". Toutefois, la traduction concrète de cette
décision ne s'est pas encore manifestée.
Par comparaison avec
ses voisins francophones
111(
*
)
,
et surtout calculée par habitant, l'aide apportée au Nigeria en
1999 conserve un niveau qui pourrait rapidement être qualifié de
dérisoire
.
L'effort français d'aide :
|
|||||||
1.- Aide civile |
|||||||
|
Population
1
|
APD bilatérale totale 2 |
Aide projet FAC 3 |
Assistants techniques 4 |
|||
Nigeria |
124,8 |
23 MF |
-- |
2 |
|||
Cameroun |
13,9 |
167 MF |
56 MF |
186 |
|||
Niger |
9,8 |
552 MF |
23,5 MF |
93 |
|||
Tchad |
7,1 |
281 MF |
27,0 MF |
101 |
|||
Bénin |
5,6 |
155 MF |
25,0 MF |
53 |
|||
Togo |
4,3 |
190 MF |
22,7 MF |
33 |
|||
1 1997 |
|
|
|
|
|||
2 1997 |
|
|
|
|
|||
3 1998 - hors projets " intérêt général " et " intérêts ", qui représentent un total de 502 MF |
|||||||
4 1999 |
|
|
|
|
|||
2.- Aide militaire |
|||||||
|
Formation de stagiaires 1 |
Coopérants militaires sur place 2 |
Aide en
matériel
3
|
||||
Nigeria |
-- |
-- |
-- |
||||
Cameroun |
27 |
39 |
12,6 |
||||
Niger 4 |
(2) |
(39) |
-- |
||||
Tchad |
17 |
35 |
12 |
||||
Bénin |
29 |
19 |
5 |
||||
Togo |
37 |
22 |
5 |
||||
1 dans les écoles nationales à vocation régionale - chiffres 1999 |
|||||||
2 au 31 décembre 1999 |
|||||||
3 budget 2000 |
|
|
|
||||
4 contexte de suspension de la coopération française |
En l'état actuel des informations fournies à la
délégation sénatoriale dans le cadre de la
préparation de sa mission, tous les secteurs étaient
considérés comme prioritaires :
" L'intégration du Nigeria à la Zone de
Solidarité Prioritaire (ZSP) devrait permettre la relance de notre
coopération scientifique et technique autour des priorités
suivantes :
a.-
Développement social et coopération
éducative
:
- santé,
- réforme hospitalière, formation de médecins, de
chirurgiens et de personnel médical,
- lutte contre les maladies endémiques (malaria, SIDA,
méningite et autres maladies tropicales),
- recherche en pharmacopée tropicale,
- SAMU (une mission des SAMU de Brest et de Paris a déjà eu
lieu cette année),
- développement rural et communautaire,
- formation vétérinaire,
- promotion des formations supérieures, bourses d'excellence.
b.-
Développement économique et environnement
:
- eau et assainissement, gestion des bassins, irrigation,
- technologie agro-alimentaire,
- environnement et cadre de vie, transports,
- aviation civile, météorologie, en coordination avec
l'ensemble des pays de la région,
c.-
Coopération institutionnelle
:
- secteur économique : appui à la gestion, sciences
économiques,
- formation en administration publique et en sciences politiques (avec l'IIAP
et l'ENA),
- coopération police, lutte contre les grands trafics et la
criminalité,
- coopération décentralisée, gestion
municipale ".
Concrètement, la concentration de l'enveloppe actuelle du
poste (soit 16,7 MF) sur l'enseignement du français a réduit la
totalité des moyens disponibles pour cette " relance " de la
coopération scientifique et technique à 2,5 millions de
francs
, ce qui correspond à une
baisse des crédits de 60 %
entre 1995 et 1999
. En outre, il n'y a actuellement
aucun assistant
technique français présent sur le terrain
.
Il reste donc à l'évidence à mettre en oeuvre
concrètement ces orientations, incontestables sur le plan des principes,
peut-être en les hiérarchisant dans un premier temps, pour
définir rapidement des projets susceptibles d'être
adoptés
112(
*
)
dès
l'exercice 2000, dans le cadre du nouveau Fonds de Solidarité
Prioritaire, qui devrait bénéficier, pour cet exercice, de 1.250
millions de francs en autorisations de programme et 922 millions de francs en
crédits de paiement.
Deux secteurs à forte visibilité -et à
retombées non négligeables pour les entreprises
françaises- pourraient effectivement être
privilégiés dans l'immédiat et bénéficier
d'une concentration des moyens disponibles : la gestion de
l'eau
113(
*
)
et la
santé
114(
*
)
.
De même, en bonne complémentarité avec l'objectif
de développement de l'enseignement du français, il
apparaîtrait judicieux de pouvoir accélérer les projets de
coopération -déjà largement mis au point par les services
français
115(
*
)
dans le
secteur audiovisuel
. La dérégulation en cours depuis 1992
constitue en effet une occasion irremplaçable pour des opérateurs
comme CFI et RFI de se renforcer sur un marché jusqu'ici dominé,
pour des raisons historiques, par les anglophones
116(
*
)
.
d.-
La coopération militaire et sécuritaire :
répondre à un besoin nigérian
La délégation sénatoriale a eu le sentiment,
d'une part, que " beaucoup était à faire " en
matière de
coopération militaire
au sens strict, mais
également dans le cadre de la sécurité civile, notamment
par le biais d'une
" civilisation " des forces armées
,
et, d'autre part, que, à cet égard, et malgré la
réelle importance de la concurrence anglo-saxonne
117(
*
)
, la France pouvait prétendre
occuper un terrain non négligeable.
Il semble particulièrement opportun de renforcer encore les
mesures déjà envisagées en matière d'
accueil de
stagiaires
de l'Ecole de guerre nigériane (dans les écoles
d'application, au CIP, à l'IHEDN...) -avec
visites intensives des
matériels français
-, de renforcement de
l'
enseignement du français dans les écoles militaires
nigérianes
, de participation concrète à la
restructuration des forces armées
nigérianes, et de
revitalisation des anciens
contrats d'armement
118(
*
)
, parallèlement à
l'exploration de nouvelles possibilités
119(
*
)
.
Interrogé à l'occasion de l'examen du projet de loi de
finances pour 2000 sur les moyens nouveaux donnés à l'aide en
matériel militaire
120(
*
)
,
le Gouvernement a précisé qu'il s'agissait de "
prendre
en compte l'élargissement de la ZSP
" et que ces moyens
étaient censés profiter "
en priorité au
développement des écoles nationales à vocation
régionale, à la mise à niveau des forces de
sécurité intérieure, à la réorganisation des
forces armées, à l'équipement des unités
appelées à participer à des opérations de maintien
de la paix et à la création de systèmes centralisés
de répartition de matériel
". Ces indications pourront
certainement trouver au Nigeria un terrain d'application idéal.
De même, une intégration effective et complète du
Nigeria au dispositif franco-anglo-saxon RECAMP
121(
*
)
(
Renforcement des Capacités
Africaines de Maintien de la Paix
) paraît éminemment
souhaitable, compte tenu du poids politique, démographique et
géographique de ce pays
122(
*
)
, et à l'heure où la
France se désengage clairement de l'intervention militaire directe.
Le volet de la
coopération
" sécuritaire "
mérite certainement d'être
renforcé.
D'une part, l'installation d'une
antenne locale du SCTIP
à Lagos/Abuja paraît opportune, à la fois pour donner un
signal positif à la communauté économique française
présente sur place, mais aussi pour assurer l'efficacité des
politiques menées dans les pays francophones voisins en matière
de suppression des trafics en tout genre, pour lesquels le Nigeria
apparaît comme une évidente plaque tournante
123(
*
)
.
D'autre part, l'avenir de la
police nigériane
constitue, à l'évidence, pour le nouveau Gouvernement
démocratiquement élu, une urgence et un enjeu
considérable. La sécurité dans la région du
delta
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*
)
, d'abord, mais aussi
dans la région du nord, où les conflits religieux semblent
vouloir se multiplier, constituent désormais un véritable
" test " pour le nouveau Gouvernement.
Sérieusement mis à mal par les régimes
militaires précédents, la police nigériane a besoin d'une
profonde remise en ordre à la fois matérielle et morale. Les
demandes exprimées par le Gouvernement nigérian à la
partie française -surtout depuis certaines déclarations
malheureuses des américains- sont multiformes : formation,
matériel, équipement, munitions,
télécommunications, transports. Dans ce cadre, il est clair que
la compétence et l'offre françaises devraient pouvoir, utilement,
trouver à s'exprimer.
En conclusion, il paraît important que soit rapidement
négocié un accord de coopération en bonne et due forme, et
que ne demeure pas trop longtemps au niveau des seules déclarations de
principe la mise en place des institutions décidée par les deux
présidents français et nigérian le 23 juillet 1999 :
- trois commissions mixtes spécialisées : une
commission de politique étrangère, une commission
économique et financière, une commission de coopération
regroupant les secteurs culturels, technique et scientifique ;
- un forum consultatif de dialogue permanent, présidé,
côté français, par une haute personnalité et,
côté nigérian, par M. Ernst Shonekan
125(
*
)
, reprenant notamment l'impulsion
créée par l'exercice "
vision 2010
"
126(
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)
qu'avait mené celui-ci en
1997-1998. Il devrait réunir des personnalités d'horizons
divers : politique, parlementaire, administration, secteur
privé ;
- une grande commission mixte co-présidée par le
Premier ministre français et le Vice-président nigérian,
se réunissant une fois par an pour analyser les rapports des trois
commissions mixtes spécialisées et du forum consultatif de
dialogue permanent.
On rappellera en effet que les Britanniques, d'une part, les
Chinois, de l'autre, viennent eux-mêmes d'annoncer la mise en place
d'organismes de même nature, et que les anglo-saxons, déjà
très présents sur le terrain, multiplient les actions
concrètes dans les domaines stratégiques de la communication et
de la coopération militaire, sécuritaire et institutionnelle
.
Il serait regrettable que l'élan donné par la
visite du Président français en juillet 1999, répondant
ainsi à la " main tendue " par le général Abacha
puis par le Président Obasanjo, fasse long feu...
La France doit rapidement se donner, au Nigeria, les moyens de sa
politique.