III. RAPPORT SÉNAT N°107 (2011-2012) TOME II
Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, plafonne et écrête les ressources fiscales affectées à certains organismes et opérateurs de l'Etat.
I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement , sur avis favorable de la commission des finances. Il prend place dans le cadre du « milliard d'euros d'économies supplémentaires » annoncé par le Gouvernement préalablement à l'examen du projet de loi de finances pour 2012.
A. LES OPÉRATEURS ET ORGANISMES FAISANT L'OBJET DE LA MESURE
Le présent article institue un plafond à 48 taxes affectées à 31 établissements ou groupes 1 ( * ) d'établissements en 2012. Parmi eux, 7 entités sont affectataires de plusieurs taxes 2 ( * ) .
1. Une liste construite « par élimination »
La liste des organismes faisant l'objet du plafonnement est fondée sur le recensement de l'ensemble des personnes morales autres que l'Etat affectataires de taxes, duquel ont été retranchées les entités ou catégories pour lesquelles un plafonnement n'apparaissait pas justifié. Pour mémoire, le tome I de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2012 chiffre à 232 milliards d'euros le produit de ces taxes affectées. Trois types d'exemption ont été retenus :
1) les exemptions fondées sur la nature du destinataire de la taxe . Par principe, ont ainsi été exclues du plafonnement toutes les taxes affectées aux administrations de sécurité sociale, aux collectivités territoriales ainsi qu'à leurs établissements et aux organismes paritaires et assimilés (227,3 milliards d'euros, dont 157,5 milliards d'euros au bénéfice du secteur social et 39,4 milliards d'euros au bénéfice des collectivités territoriales) ;
2) les exemptions fondées sur la nature de la taxe . Ont donc été exclues les affectations correspondant à des redevances pour service rendu ou appliquant une logique de péréquation au sein d'un secteur économique, Les prélèvements assimilables à des redevances ou répondant à une logique de péréquation sont par exemple les redevances des agences de l'eau, la redevance d'archéologie préventive affectée à l'INRAP ou encore les taxes affectées 3 ( * ) à la Caisse de garantie du logement locatif social. Ces exemptions laissent hors du champ de la mesure 3,1 milliards d'euros de taxes affectées ;
3) les exemptions des organismes pour lesquels la taxe affectée s'accompagne déjà d'un mécanisme indirect de plafonnement , via une subvention d'équilibre portée par le budget général. Cette exemption porte sur 1,6 milliard d'euros de taxes affectées et concerne notamment l'Agence de services et de paiement 4 ( * ) ou le Fonds de solidarité 5 ( * ) .
Les organismes concernés par la mesure de plafonnement sont donc :
1) 21 opérateurs de l'Etat , définis comme les entités dotées de la personnalité morale, exerçant une activité de service public qui puisse explicitement se rattacher à la mise en oeuvre d'une politique définie par l'Etat et se présenter dans la nomenclature par destination selon le découpage en mission-programme-action, bénéficiant d'un financement assuré majoritairement par l'Etat , directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, et placées sous un contrôle direct de l'Etat , qui ne se limite pas à un contrôle économique ou financier mais relève de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration. Ces opérateurs devraient percevoir 3,36 milliards d'euros de ressources affectées en 2012 ;
2) 7 centres techniques ou fédérations de centres techniques affectataires de 131 millions d'euros en 2012 et intervenant dans le domaine des matériaux de construction, de l'habillement, de l'ameublement et du bois, des industries mécaniques, du cuir, de la chaussure et de la maroquinerie, des produits agricoles, de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l'orfèvrerie et des arts de la table ;
3) une autorité publique indépendante (l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, affectataire de 11 millions d'euros) et une autorité administrative indépendante (le Médiateur national de l'énergie, affectataire de 7 millions d'euros) 6 ( * ) ;
4) une association , l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP), affectataire de 6,8 millions d'euros. Bien que cette association ne constitue pas un opérateur de l'Etat, ses missions, son activité et ses modalités de financement sont retracés dans le jaune « Effort financier de l'Etat dans le domaine de la culture et de la communication ». Cette association entre par ailleurs dans le champ des organismes divers d'administration centrale (ODAC) et constitue donc une administration publique au sens de la comptabilité nationale.
2. Un dispositif à vocation permanente
Le dispositif proposé par le présent article est d'application permanente . Le I dispose en effet que le produit des impositions « est plafonné annuellement conformément aux montants » inscrits au tableau. Il en résulte que si le législateur n'abroge pas l'article ou n'en actualise pas les montants chaque année, ce sont les plafonds fixés pour 2012 qui continueront de s'appliquer, année après année. Le caractère permanent de la mesure est également assuré par la codification , dans tous les articles instituant les taxes affectées concernées, d'une mention précisant que les affectations s'opèrent dans la limite du plafond fixé par l'article 16 ter de la loi de finances pour 2012 (IV du présent article).
L'ensemble doit néanmoins s'interpréter comme instituant une clause de rendez-vous annuelle au cours de laquelle les plafonds d'affectation seront actualisés en fonction du rendement des taxes, de la situation financière des organismes et des besoins résultant de leurs missions. Ce réexamen pourra également, le cas échéant, permettre de réviser la liste des organismes concernés par le plafonnement. Il convient de préciser que ce réexamen annuel ne pourra intervenir qu'à la faveur d'une loi de finances , l'article 36 de la LOLF disposant explicitement que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».
Les II et III du présent article définissent enfin les modalités techniques garantissant l'effectivité de l'application du plafonnement. Il est ainsi précisé :
1) que les plafonds portent sur des encaissements annuels nets des remboursements et dégrèvements et avant déduction de tout frais d'assiette et de recouvrement ;
2) que dans le cas où l'imposition affectée est directement recouvrée par la personne qui en est affectataire, le produit annuel excédant le plafond est reversé au budget général dès la constatation du dépassement du plafond et au plus tard le 31 décembre de l'année du recouvrement. En l'absence de reversement, l'ordonnateur du ministère exerçant la tutelle administrative de l'établissement procède, après mise en demeure de l'établissement concerné de reverser le produit excédant le plafond, à l'émission d'un titre de recettes à l'encontre de l'affectataire ;
3) dans le cas où l'imposition affectée est recouvrée par les comptables du Trésor et que ce recouvrement fait l'objet de frais imputés à la charge de l'affectataire, les frais de recouvrement ne sont facturés qu'à hauteur du produit de la taxe versée.
L'adoption du présent article a conduit l'Assemblée nationale à adopter deux amendements de coordination :
1) supprimant l'article 29, qui fixait le montant du produit de la vente des biens confisqués à l'AGRASC à 1,8 million d'euros ;
2) supprimant, à l'article 28, le plafonnement de la taxe sur la délivrance d'un premier titre de séjour affectée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
B. LES EFFETS DE LA MESURE SUR LES ENTITÉS CONCERNÉES
1. Les organismes plafonnés
La plupart des entités concernées par le présent article (24 sur 31) ne subissent aucune perte de recettes par rapport au rendement prévisionnel de leurs taxes affectées en 2012. En effet, le plafond se contente de reprendre ledit montant prévisionnel ; les opérateurs sont, en quelque sorte, « pris au mot » des prévisions qu'ils ont établies par le législateur. C'est donc uniquement si les taxes rapportent plus que la prévision que l'excédent sera reversé au budget général ou conservé par lui. Le tableau ci-après récapitule les opérateurs et organismes plafonnés sans écrêtement.
Cette mesure de plafonnement « simple » couvre 1,9 milliard d'euros , soit un peu plus de la moitié (55 %) du gisement de taxes affectées concerné par le présent article. Par définition, ce plafonnement simple ne suscite aucune économie prévisionnelle . Le budget général ne bénéficiera de reversements que si le rendement des taxes concernées excède la prévision, en cours d'exécution.
Opérateurs et organismes plafonnés sans écrêtement
(en millions d'euros)
Nota bene : pour l'OFII, le montant prévisionnel 2012 tient compte des réformes prévues dans le cadre du présent projet de loi de finances.
Source : réponses au questionnaire
2. Les organismes écrêtés
7 opérateurs voient leur plafond fixé en-deçà des recettes attendues en 2012. Dans ces cas, le plafonnement aboutit donc à un écrêtement par rapport à la prévision de recettes 2012. Le tableau qui suit enseigne que les ressources affectées concernées par l'écrêtement représentent un total de 1 576,3 millions d'euros. L'écrêtement ramène ce total à 1 482,6 millions d'euros (-6 %), soit un retour potentiel vers le budget général de 93,7 millions d'euros.
Opérateurs et organismes faisant l'objet d'un écrêtement
(en millions d'euros)
Source : réponses au questionnaire
L'écrêtement représente une diminution des ressources globales 7 ( * ) des entités concernées comprise entre 1,4 % pour Voies navigables de France et 5,1 % pour le Centre national du cinéma et de l'image animée. On observe que la plupart des écrêtements sont, en valeur absolue, inférieurs à 10 millions d'euros , à l'exception de l'écrêtement des ressources du CNC (70 millions d'euros).
Le Gouvernement justifie les écrêtements opérés par le fait que les recettes des opérateurs concernés ont évolué favorablement au cours des dernières années, et en tout état de cause plus rapidement que la dépense de l'Etat. Au cas par cas , les justifications avancées sont les suivantes.
L'écrêtement de 2 millions d'euros du Conservatoire du littoral (CELRL) porte les ressources prévisionnelles de taxe de francisation des navires de 39 à 37 millions d'euros. Ce montant représente environ 5 % des recettes prévisionnelles et 11 % du résultat bénéficiaire prévisionnel. Le Gouvernement juge que « ce plafonnement ne devrait pas affecter le fonctionnement du (conservatoire), dont le résultat d'exploitation 2010 s'est élevé à 18,9 millions d'euros » . Les deux tiers de ses dépenses ont un caractère discrétionnaire. Le Gouvernement considère que le montant limité de l'écrêtement ne portera pas préjudice au rythme d'acquisition de l'opérateur et à l'atteinte de l'objectif du « Tiers naturel » en 2050 8 ( * ) .
Le plafonnement proposé pour le Centre des monuments nationaux aurait pour effet de diminuer le produit de la taxe sur les paris en ligne de 2 millions d'euros (soit 8 millions d'euros au lieu de 10 millions d'euros). Le Gouvernement considère que cette diminution est « absorbable » compte tenu des ressources d'investissement de l'établissement, qui s'élèvent, avant plafonnement et tous financements confondus, entre 25 et 30 millions d'euros annuels selon les exercices, dont 15 millions d'euros de subventions budgétaires. L'enquête de la Cour des comptes sur le CMN, diligentée par votre commission des finances en 2010, avait mis en évidence un fonds de roulement important et en forte croissance depuis 2007 (97 millions d'euros fin 2010) 9 ( * ) . Au surplus, nos collègues députés membres de la Mission d'évaluation et de contrôle 10 ( * ) (MEC) de l'Assemblée nationale, ont jugé, dans de récents travaux, que l'affectation au CMN d'une fraction du produit de la taxe sur les paris en ligne ne reposait sur aucune justification pertinente et que devrait lui être substitué un financement budgétaire.
Le plafonnement des ressources du CNC à 706 millions d'euros 11 ( * ) permet, selon les réponses du Gouvernement au questionnaire, « d'éviter des effets d'aubaine non anticipés sur les taxes comme cela a été le cas ces dernières années : l'écart entre les prévisions de recettes et les recettes effectivement encaissées a été particulièrement élevé ces dernières années : 13 % en 2009 (soit un écart de 71,6 millions d'euros entre le budget prévisionnel et l'exécuté) et 31 % en 2010 (soit un écart de 178,3 millions d'euros entre le budget prévisionnel et l'exécuté). La dynamique des taxes (+ 52 % entre 2006 et 2010 et +30,2 % entre 2010 et le budget primitif 2011) a permis au CNC de constituer d'importantes réserves , qui (...) permettent donc largement d'assumer les nouveaux enjeux liés notamment au numérique » . Selon les éléments transmis par le centre à votre rapporteure générale, la trésorerie de l'établissement atteindrait 789 millions d'euros fin août 2011 , soit 313 jours de fonctionnement. Cette trésorerie permet au CNC de constituer des provisions obligatoires pour pourvoir aux soutiens automatiques et sélectifs qu'il délivre (419 millions d'euros) et aux reports de restes à payer (46 millions d'euros). D'autres provisions facultatives sont passées pour recueillir les financements liés au « Plan numérique » (200 millions d'euros), pour faire face aux aléas baissiers sur le produit des taxes (57 millions d'euros) et pour des travaux immobiliers (7 millions d'euros).
La mesure intéressant le Centre national pour le développement du sport (CNDS) se traduira, d'une part, par un plafonnement à 174 millions d'euros du produit des jeux exploités par la Française des jeux et, d'autre part, par une diminution de la contribution sur les mises jouées sur les paris sportifs d'environ 5 millions d'euros . Cet écrêtement représente moins de 2 % des ressources du CNDS et ne semble pas de nature à remettre en cause le niveau d'intervention actuel ou le financement de l'Euro 2016, pour lequel demeure en vigueur le prélèvement spécifique de 24 millions d'euros sur les sommes misées sur les jeux exploités par la Française des jeux.
Enfin, trois écrêtements concernent :
1) le Centre national du livre , soit -1,7 millions d'euros, sur un budget de 38 millions d'euros. Le fonds de roulement disponible de cet établissement s'élève à 20 millions d'euros (7 mois de fonctionnement) 12 ( * ) ;
2) la Société du Grand Paris (-7 millions d'euros), qui connaît une forte sous-exécution de ses dépenses en 2011 et dont le fonds de roulement atteint un niveau élevé ;
3) Voies navigables de France (-6 millions d'euros), qui a bénéficié d'une augmentation importante des concours publics sur 2011-2013 (+ 30 millions d'euros par an de taxe hydraulique et +40 millions d'euros de subvention de l'AFITF), lui permettant de constituer un fonds de roulement de près de 40 millions d'euros fin 2011.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE SUR LES TAXES AFFECTÉES
Le présent article crée un précédent de nature à améliorer l'information et le contrôle lacunaires du Parlement sur les taxes affectées, alors même que ces modes de financement présentent de nombreux effets pervers.
1. Un contrôle parlementaire lacunaire
L'information et le contrôle du Parlement sur la fiscalité affectée se sont améliorés sous l'empire de la LOLF, sans pour autant que leur pleine effectivité soit garantie .
L'article 2 de la loi organique dispose ainsi que « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui », son article 34 prévoit que la loi de finances « autorise, pour l'année, la perception des ressources de l'Etat et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat » , son article 36 interdit l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat en dehors des lois de finances et son article 51 renforce enfin l'information du Parlement en prévoyant la remise d'une annexe explicative comportant la liste et l'évaluation, par bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires, des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat.
Il est exact que la lecture combinée du tome 1 de l'annexe « Voies et moyens », qui recense l'ensemble des impôts affectés à des personnes morales autres que l'Etat, et du jaune « Opérateurs de l'Etat », qui isole les opérateurs bénéficiant de ressources fiscales, permet de bénéficier d'une information actualisée sur l'évolution de la fiscalité affectée. Cette information n'est toutefois pas toujours cohérente 13 ( * ) , et surtout largement insuffisante pour apprécier finement la dynamique des ressources affectées et de son impact sur la situation financière des affectataires.
Au surplus, ces données sont simplement annexées au projet de loi de finances et ne revêtent aucun caractère contraignant , contrairement aux subventions pour charges de service public des opérateurs, exprimées en crédits limitatifs, justifiées au premier euro et votées , et aux emplois des opérateurs, qui font l'objet d'un plafond également voté par le Parlement.
Au total, la seule disposition normative intéressant les ressources affectées figure à l'article 1 er de chaque loi de finances, qui dispose que « la perception des impôts, produits et revenus affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant l'année conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi ». Il s'agit donc d'un article de pure reconduction , manifestant le consentement à l'impôt et faisant l'objet d'un vote de principe. En outre, s'agissant des dépenses des opérateurs exclusivement financés par des taxes affectées, l'autorisation parlementaire est tout simplement absente .
2. De nombreux effets pervers
Les travaux parlementaires ont maintes fois mis l'accent sur les effets potentiellement pervers associés aux affectations de taxes.
Votre rapporteure générale avait déjà souligné, dans le cadre de travaux consacrés aux agences de sécurité sanitaire, que « l'affectation de taxes à des opérateurs de l'Etat constitue une entorse à l'esprit de la LOLF » 14 ( * ) et entraînait une sous-optimisation des moyens alloués aux opérateurs et un pilotage par l'Etat de ces derniers amoindri.
Au surplus, les taxes affectées, pour peu qu'elles soient dynamiques, peuvent inciter les affectataires à indexer le rythme de leurs dépenses sur celui de leurs recettes, et ce avec d'autant plus de facilité que les entités tierces à l'Etat sont soustraites à la régulation budgétaire, et notamment au gel des crédits. Ce phénomène inflationniste a caractérisé la situation du CNC ces dernières années, nonobstant les missions supplémentaires qui lui étaient dévolues par ses tutelles.
Par ailleurs, l'aisance financière de certains opérateurs conduit leur ministère de tutelle à leur transférer certaines dépenses budgétaires . Cette externalisation donne au ministère (soumis à une discipline budgétaire plus stricte) des marges de manoeuvre supplémentaires, et constitue un point de fuite puisque les opérateurs sont situés hors du champ de la norme de dépense.
Enfin, l'existence d'un financement exclusivement fiscal peut affaiblir la tutelle ministérielle , à plus forte raison lorsque les opérateurs en question, à l'instar du CNC ou du CNL, sont devenus de quasi « fermiers généraux » et assurent directement le recouvrement de leurs taxes. Nos collègues députés de la MEC relèvent ainsi avec raison que « pouvant jouir de marges financières confortables, responsables de la régulation d'un secteur qui en fait les interlocuteurs privilégiés voire unique des professionnels concernés, parfois dotés de réelles prérogatives de puissance publique via un pouvoir de réglementation, les opérateurs peuvent être tentés de pousser au maximum le processus d'autonomisation par rapport à leur tutelle, quand bien même, juridiquement et hiérarchiquement, celle-ci est supposée contrôler leur action » 15 ( * ) .
B. LES AMÉNAGEMENTS SOUHAITABLES AU PRÉSENT ARTICLE
Le présent article constitue une innovation de nature à améliorer l'information et le contrôle du Parlement sur les taxes affectées. Au demeurant, et comme le démontre le précédent résultant de l'instauration d'un plafond d'emplois des opérateurs, l'existence d'une telle disposition en loi de finances conduira les organismes concernés à fiabiliser leurs prévisions et améliorera la qualité et la sincérité des documents budgétaires.
Pour autant, il apparaît nécessaire d'apporter un certain nombre de modifications rédactionnelles et d'assouplissements au dispositif adopté par nos collègues députés.
Votre rapporteure générale considère que la liste élaborée par le Gouvernement manque de cohérence et soumet au plafonnement des entités qui ne devraient pas en relever . Il convient donc de limiter la portée du présent article aux seuls opérateurs de l'Etat, et d'y soustraire :
1) les deux autorités indépendantes que sont l'ARAF et le Médiateur national de l'énergie ;
2) les centres techniques industriels et l'Association pour le soutien du théâtre privé, dont l'action et le mode de financement obéissent peu ou prou à une logique de service rendu ou de péréquation sectorielle .
Au cours des débats, la ministre du budget a ensuite indiqué qu'il faudrait envisager le plafond des ressources affectées aux opérateurs « dans son ensemble » . Cependant, tel qu'il est actuellement rédigé, le présent article institue un plafond taxe par taxe . Votre rapporteure générale estime nécessaire d'assouplir le dispositif pour les opérateurs multi-affectés 16 ( * ) en précisant que le plafond s'entend, pour ces derniers, du montant global des taxes affectées. De la sorte, si une des taxes n'atteignait pas son rendement prévisionnel, le produit des autres pourrait dépasser leur plafond à due concurrence et dans la limite du plafond global.
Enfin, il apparaît opportun de préciser selon quelles modalités l'information et le contrôle du Parlement seront assurés . Une information systématique des commissions des finances en cas de dépassement des plafonds et leur justification annuelle dans le jaune « Opérateur de l'Etat » constituent, à cet égard, le minimum requis.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 1 Certaines taxes affectées sont perçues par plusieurs entités, s'agissant notamment des centres techniques.
* 2 L'Agence nationale des titres sécurisés, le Centre national du cinéma et de l'image animée, le Centre national pour le développement du sport, le Centre national du livre, France AgriMer, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et la Société du Grand Paris.
* 3 Cotisation et cotisation additionnelle versées par les organismes HLM et les SEM, versée par les organismes HLM et les SEM, prélèvements sur le potentiel financier des organismes HLM et SEM (péréquation entre organismes de logement social).
* 4 Affectataire de la taxe sur la cession à titre onéreux des terrains nus ou des droits relatifs à des terrains nus rendus constructibles du fait de leur classement.
* 5 Affectataire de la contribution de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi versée par les employeurs du secteur public et parapublic et des droits de consommation sur les tabacs.
* 6 Les autorités publiques indépendantes se distinguent des autorités administratives indépendantes par le fait qu'elles sont dotées de la personnalité juridique de droit public.
* 7 Telles que retracées dans les budgets prévisionnels 2011, dernières données disponibles.
* 8 En 2050, l'objectif du Conservatoire est d'atteindre le tiers naturel, en protégeant 200 000 hectares en métropole et plus de 70 000 hectares en outre-mer, soit 30 % du linéaire côtier, c'est-à-dire un tiers du littoral préservé définitivement de l'urbanisation.
* 9 Voir le rapport d'information de notre collègue Yann Gaillard « Le Centre des monuments nationaux : un colosse aux pieds d'argile ? » (n° 48, 2010-2011).
* 10 Rapport d'information de MM. Richard Dell'Agnola, Nicolas Perruchot et Marcel Rogement (n° 3798, XIII° législature) sur la fiscalité affectée aux opérateurs culturels.
* 11 L'écrêtement de 70 millions d'euros porte sur la part distributeurs de la taxe sur les services de télévision, dont le rendement global passe de 300 à 230 millions d'euros. Voir le commentaire de l'article 5 bis .
* 12 Le rapport précité de la MEC de l'Assemblée nationale préconise la rebudgétisation du financement du CNL.
* 13 Le jaune « Opérateurs » de l'Etat contient par exemple un certain nombre de discordances entre la fiscalité affectée retracée à la rubrique « Les recettes fiscales affectées aux opérateurs » et les chiffrages repris dans les budgets prévisionnels présentés opérateur par opérateur...
* 14 Rapport d'information n° 355 sur le dispositif des agences en matière de sécurité sanitaire (2006-2007) de Madame Nicole Bricq au nom de la commission des finances du Sénat.
* 15 Rapport de la MEC précité.
* 16 ANTS, CNC, CNDS, CNL, France AgriMer, OFII et SGP.