II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 5 ter (nouveau)

À la quarantième ligne de la dernière colonne du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, le nombre : « 5,66 » est remplacé par le nombre : « 7,20 ».

III. RAPPORT SÉNAT N°107 (2011-2012) TOME II

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson, propose de réduire un avantage fiscal sur le fioul domestique, afin de dégager des recettes susceptibles de financer une baisse du coût du travail agricole.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA TAXE INTÉRIEURE DE CONSOMMATION

La taxe intérieure de consommation (TIC) est la principale taxe supportée par les produits pétroliers. Son régime est codifié aux articles 265 et 265 bis du code des douanes ,

Aux termes de l'article 265 précité, les produits énergétiques mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible sont passibles de la TIC. Seuls sont taxés les usages du fioul en tant que carburant ou combustible de chauffage. Les différents produits concernés sont énumérés dans deux tableaux 1 ( * ) , avec leurs tarifs.

Le taux de référence est le tarif appliqué au gazole, à hauteur de 42,84 euros par hectolitre .

Certains produits bénéficient d'un tarif réduit. C'est le cas du régime du gazole sous condition d'emploi.

B. LE RÉGIME FISCAL PRIVILÉGIÉ DU GAZOLE SOUS CONDITIONS D'EMPLOI

1. Un régime destiné à favoriser la mécanisation du secteur agricole et des travaux publics

Le régime fiscal privilégié du gazole sous condition d'emploi vise à permettre l'utilisation de fioul domestique en lieu et place du gazole pour certains véhicules et certains usages. Ce régime permet l'utilisation de carburant faiblement taxé afin de favoriser certaines professions, notamment les agriculteurs et les entreprises de travaux publics .

Il a été instauré par la loi n° 66-923 du 14 décembre 1966 portant modifications de diverses dispositions du code des douanes. Le texte initial, codifié à l'article 265 B du code des douanes, a été retouché à plusieurs reprises, notamment pour tenir compte de la création du marché intérieur communautaire, mais n'a pas subi de modifications significatives.

Par le biais de ce régime, le fioul domestique utilisé comme carburant diesel à usage professionnel bénéficie d'un taux réduit par rapport à celui du gazole, à hauteur de 5,66 euros par hectolitre .

Le rapport du comité Guillaume sur l'évaluation des niches fiscales relève que sa justification première était de favoriser la mécanisation du secteur agricole et des travaux publics mais qu'aujourd'hui, la mesure favorise plutôt la compétitivité de ces secteurs .

Le coût de cette dépense fiscale est estimé à 1,1 milliard d'euros .

2. Une dépense fiscale efficace dans son objectif, mais qui a des effets négatifs sur l'environnement

D'après le rapport du comité Guillaume sur l'évaluation des niches fiscales, la mesure a un impact significatif sur la rentabilité des entreprises des deux domaines concernés et contribue à la compétitivité internationale du secteur, en couvrant notamment l'exposition relativement forte des entreprises aux variations du prix du carburant.

En revanche , le dispositif est contradictoire avec l'objectif de réduction des émissions polluantes défini dans le Grenelle de l'environnement. Il a donc un effet néfaste en termes environnementaux .

Le Commissariat général au développement durable, cité par le rapport Guillaume, affirme dans une étude sur les dépenses fiscales nuisibles à l'environnement que le coût environnemental lié aux émissions de CO2 du taux réduit de TIC applicable au fioul domestique utilisé comme carburant diesel s'élève à 17 millions d'euros , à travers une émission de 497 grammes de CO2 supplémentaires pour chaque euro de subvention.

Enfin, le montant de la part de la dépense fiscale revenant aux agriculteurs (454 millions d'euros) doit être mis en perspective avec les nombreux autres soutiens publics dédiés à l'agriculture (13,2 milliards d'euros).

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. UN RÉTRÉCISSEMENT D'UNE NICHE FISCALE SUR LE GAZOLE...

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson, avec l' avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement , propose d'atténuer de 1,54 euro la réduction accordée au fioul domestique utilisé comme carburant diesel à usage professionnel.

A cette fin, il modifie la quarantième ligne de la dernière colonne du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, pour remplacer le tarif de 5,66 par hectolitre par le tarif de 7,20 par hectolitre .

Le rendement de cette hausse du tarif est estimé à 80 millions d'euros, dont 34 millions proviendraient de l'agriculture, et 46 millions du BTP, au profit du budget de l'Etat.

B... QUI CONTRIBUERAIT À FINANCER UNE BAISSE DU COÛT DU TRAVAIL AGRICOLE

Le présent article n'affecte pas les recettes dégagées par l'atténuation de la dépense fiscale à un usage spécifique, conformément au principe d'universalité budgétaire.

Toutefois, il ressort des débats tenus à l'Assemblée nationale que les ressources supplémentaires dégagées auraient vocation à compenser une partie de la mesure de baisse du coût du travail agricole , alors que le secteur est confronté à de graves difficultés économiques depuis plusieurs années, et qu'il fait face à la concurrence de nos voisins. Notre collègue député Bernard Reynès, dans un récent rapport sur le coût de la main d'oeuvre agricole 2 ( * ) , a indiqué que le coût horaire est de 13 euros en France, alors qu'il est par exemple de 6 euros en Allemagne.

Dans cette perspective, et à l'initiative de Charles de Courson et Gilles Carrez, nos collègues députés ont adopté, lors de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances, un amendement portant additionnel rattaché à la mission « Agriculture » - devenu l'article 48 bis - visant à réduire le coût du travail salarié pour les emplois salariés à durée indéterminée dans le secteur agricole, par une exonération de paiement des cotisations patronales . Il devrait s'agir de réduire ce coût horaire à 12 euros, au lieu de 13 euros.

D'après les informations transmises par le Gouvernement, le coût d'une telle mesure - 210 millions d'euros - serait compensé par le dispositif proposé par le présent article - à hauteur de 80 millions d'euros - mais surtout par les nouvelles taxes sur les boissons, proposées aux articles 5 octies et 5 nonies du présent PLF, dont votre commission propose la suppression 3 ( * ) .

D'une part, la contribution sur certaines boissons contenant des sucres ajoutés (article 5 octies ) procurerait 240 millions d'euros de recettes supplémentaires, 120 millions d'euros au profit de l'Etat. D'autre part, la contribution sur certaines boissons contenant des édulcorants (article 5 nonies ) produirait 40 millions d'euros de recettes supplémentaires, également au bénéfice de l'Etat.

Le coût des exonérations de charges patronales agricoles serait donc surcompensé puisque le total de ces recettes serait de 240 millions d'euros, soit 30 millions d'euros de plus que le coût envisagé de la mesure d'allégement du coût du travail dans le secteur agricole.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article revient, de manière modérée, sur un avantage fiscal applicable au fioul utilisé comme gazole à usage professionnel par les agriculteurs ou par les entreprises de BTP, ce qui va dans le sens de la réduction des niches fiscales.

Ce dispositif présente l'avantage de majorer les recettes de l'Etat de 80 millions d'euros.

Comme l'a montré le débat à l'Assemblée nationale, ce surplus de recettes sera consacré à la mise en oeuvre d'un engagement pris par le Président de la République sur la réduction du coût du travail agricole.

La pertinence de ce dispositif sera appréciée par nos collègues Yannick Botrel et Joël Bourdin, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Agriculture », qui examineront au fond l'article 48 bis , inséré en seconde partie par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Tableau B : produits pétroliers et assimilés, et tableau C : autres produits énergétiques.

* 2 « Etude et propositions concernant les enjeux du coût de main d'oeuvre dans le secteur de la production agricole », rapport au Premier ministre, juin 2011.

* 3 Voir les commentaires de ces articles dans le présent rapport.