II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 4 septies (nouveau)

I. - Le a du II de l'article 1465 A du code général des impôts est complété par les mots : « constaté sur l'ensemble de l'arrondissement ou du canton ou dans une majorité de leurs communes dont le chef-lieu ».

II. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement, et corrélativement pour l'État par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. - Les pertes de recettes pour l'État sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. RAPPORT SÉNAT N°107 (2011-2012) TOME II

Commentaire : le présent article, introduit à l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement et de la commission des finances, propose de modifier le zonage des zones de revitalisation rurale (ZRR), par le changement de prise en compte du critère de déclin de la population.

I. LE DROIT EXISTANT

Créées par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, les zones de revitalisation rurale (ZRR) ont pour objet de favoriser l'implantation d'entreprises dans des territoires confrontés à des difficultés particulières , tels que le déclin démographique ou des handicaps géographiques, économiques et sociaux. Le législateur entendait ainsi corriger les inégalités de conditions de vie des citoyens français.

Les entreprises qui s'y créent, implantent, sont transmises ou, encore, reprises bénéficient de différents régimes fiscaux et sociaux préférentiels , pour un coût global de plus de 500 millions d'euros , répartis entre environ 80 % d'exonérations de cotisations sociales 1 ( * ) et 20 % d'exonérations fiscales . Parmi ces dernières, les dispositifs en matière d' impôt sur le revenu (IR) ou d' impôt sur les sociétés (IS) concernent aussi les zones d'aide à finalité régionale (ZAFR), dont le zonage est soumis à des règles complexes 2 ( * ) .

Le bénéfice de ces exonérations est toujours subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 3 ( * ) du traité CE aux aides de minimis .

Le zonage emporte aussi des exonérations de certains impôts locaux , sous réserve d'une délibération en ce sens par les collectivités territoriales concernées, tels que la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Une faculté similaire est offerte pour la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie et celle pour frais de chambres de métiers et de l'artisanat , toujours sur délibération des organismes consulaires concernés.

En outre, les entreprises bénéficient en ZRR d'une exonération de cotisations sociales patronales au titre de l'embauche 4 ( * ) . Cette exonération est élargie à l'ensemble du personnel des organismes d'intérêt général, sans limitation de durée ni plafond de rémunération.

L'éligibilité au dispositif repose sur un zonage selon trois critères appliqués aux communes 5 ( * ) :

- un critère de faible densité démographique , évalué à l'échelle des cantons, des arrondissements ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). La commune doit ainsi relever d'un canton ou d'un EPCI à fiscalité propre dont la densité de population est inférieure à 31 habitants par km², ou d'un arrondissement dont la densité de population est inférieure à 33 habitants par km² ;

- un critère socio-économique , évalué au niveau de la commune 6 ( * ) . Celle-ci doit remplir une des trois conditions suivantes : avoir connu une perte de population, une perte de population active, ou détenir un taux de population active agricole supérieur au double de la moyenne nationale, c'est-à-dire supérieur à 8,3 % de l'ensemble de la population active ;

- un critère institutionnel , à savoir l'appartenance à un EPCI à fiscalité propre. Afin d'inciter à l'intercommunalité, les communes qui se regroupent ou qui se rapprochent d'un EPCI existant permettent à l'ensemble de l'EPCI de bénéficier de leur classement en ZRR si elles représentent plus de 50 % de la population de celui-ci. A contrario , elles conservent le bénéfice de leur classement en ZRR à titre individuel si elles satisfont aux critères sans représenter 50 % de la population de l'EPCI. Il en résulte que les EPCI ne sont pas tous classés dans leur intégralité, certains n'ayant donc qu'une partie de leurs communes en ZRR.

En fonction de ces critères, le pouvoir réglementaire constate par arrêté le classement des communes en ZRR. Aux termes de l'arrêté du 9 avril  2009 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale, les ZRR concernent ainsi aujourd'hui le tiers des communes et du territoire national , mais seulement 8 % de la population totale . La carte de la page suivante permet d'illustrer cette large couverture du territoire par le zonage ZRR en vigueur.

Source : DATAR

Les zones de revitalisation rurale (ZRR)

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de nos collègues députés Michel Bouvard, Patrice Martin-Lalande et Marie-Christine Dalloz, contre l'avis du Gouvernement et de sa commission des finances 7 ( * ) , le présent article a été introduit à l'Assemblée nationale .

Il propose de modifier le zonage des ZRR, par un changement de calcul du critère socio-économique de déclin de la population. Evalué au niveau de la commune, il s'agirait de le constater désormais au niveau :

- de l'ensemble de l'arrondissement ou du canton ;

- ou dans une majorité de communes , dont le chef-lieu doit faire partie, qui composent ce canton ou cet arrondissement .

Un tel dispositif conduirait à élargir le bénéfice des avantages fiscaux consentis aux entreprises en ZRR sans que les effets soient mesurables à ce stade : en permettant de classer des communes en ZRR sans prendre en compte leur situation spécifique, mais la situation globale du canton ou de l'arrondissement dans lesquels elles se situent, on permet à de nouvelles communes de bénéficier du régime ZRR, qui est par ailleurs déjà étendu aux reprises d'activité par l'article 65 du présent projet de loi de finances.

L'exposé des motifs de l'amendement à l'origine du présent article fait valoir que les critères classiques de définition des ZRR poseraient d' importantes difficultés d'appréciation et que la concertation qui devait s'engager sur la refonte de ces critères n'aurait jamais débuté .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le souhait des députés d'accélérer d'accélérer la réflexion en cours est compréhensible tant il est vrai que le Gouvernement a eu tendance à reporter le débat année après année.

Certes, une concertation a bien débuté. Le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010 a décidé de proposer de nouveaux critères de classement en ZRR et a chargé le ministre en charge de l'aménagement du territoire et la DATAR de réaliser des simulations et de proposer une réforme des critères du zonage des ZRR. Et en effet, le ministère de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire a mis en place cette année, avec le concours de la DATAR, un groupe de travail de douze parlementaires pour réfléchir aux critères à prendre en considération pour déterminer les territoires ruraux nécessitant des politiques publiques spécifiques.

Ce groupe de travail n'a pas rendu ses conclusions (plutôt prévues pour la fin de l'année 2011, voire le premier trimestre 2012), mais d'après les informations recueillies auprès du ministère et de la DATAR, il n'est pas sûr qu'il propose des évolutions marquées des critères de classement en ZRR. Les évolutions des périmètres des EPCI et des cantons devraient être mieux connues avant de procéder à de telles modifications.

On peut s'interroger sur l'intérêt de modifier isolément tel ou tel critère de classement en ZRR sans en mesurer précisément les conséquences, territoriales et budgétaires. Il appartient donc au Gouvernement de fournir des engagements précis et un calendrier pour la refonte du dispositif ZRR, qui pourrait, par exemple, prendre en compte des indicateurs de richesse des territoires.

Le rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales , présidé par Henri Guillaume, s'est montré très critique sur ces dispositifs, jugés très souvent inefficaces 8 ( * ) . Le statu quo ne saurait donc tenir lieu de politique en la matière.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Dont 60 millions d'euros pour les exonérations de cotisations sociales patronales au profit des organismes d'intérêt général.

* 2 Les ZAFR, fixées par un décret du 7 mai 2007, s'inscrivent dans le cadre de lignes directrices adoptées en 2005 par la Commission européenne et couvrent 15,5 % de la population nationale, sachant que certaines communes peuvent être à la fois en ZAFR et en ZRR.

* 3 Ces articles sont désormais les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Le montant total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 200 000 euros sur trois ans.

* 4 D'une durée d'un an, l'exonération est totale jusqu'à 1,5 SMIC puis dégressive jusqu'à 2,4 SMIC.

* 5 Le décret n° 2005-1435 du 21 novembre 2005 relatif aux critères de classement en ZRR fixe les différents seuils d'éligibilité.

* 6 Les communes appartenant à un canton ou à un arrondissement dont la densité démographique est inférieure ou égale à 5 habitants par km² sont classées en ZRR sans devoir répondre à un de ces trois critères socioéconomiques.

* 7 Notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général, a précisé lors des débats que la commission des finances « a repoussé cet amendement, tout en indiquant au Gouvernement qu'il est urgent de traiter ce sujet. Il paraît que le groupe de travail est enfin constitué et travaille de façon active. Ses travaux devraient donc déboucher avant la fin de la législature ».

* 8 De même, en novembre 2009, le rapport interministériel sur l'évaluation des mesures en faveur des ZRR, avait bien mis en évidence que le zonage résultant des critères actuels ne prend pas en compte certains territoires en difficulté et qu'il retient, à l'inverse, certains territoires qui ne rencontrent pas de réelles difficultés. La première des propositions de ce rapport recommandait d'adapter le système d'information fiscal afin de connaître et de suivre régulièrement le coût des différents dispositifs, le profil des établissements bénéficiaires et la territorialisation des aides. En dépit du rapport Guillaume de 2011, la mise en place de telles données constitue toujours un préalable nécessaire à une évaluation régulière, rendue d'autant plus nécessaire que les exonérations sociales et fiscales en faveur des ZRR ont un coût considérable (plus de 500 millions d'euros, réparties entre environ 80 % pour les cotisations sociales et 20 % pour les exonérations fiscales).