III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 19 OCTOBRE (2ÈME SÉANCE)
Article 2 (précédemment réservé)
M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2, précédemment réservé.
La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. À l'occasion de la discussion sur l'article 2, je voudrais revenir sur ce qui, pour nous, est le fil conducteur de votre politique depuis quatre ans et demi, l'injustice fiscale. Il faut vous reconnaître une grande constance en la matière alors que, sur beaucoup de sujets, le Président de la République a pratiqué le zigzag au moins autant que le bling-bling.
M. Gaël Yanno. Un peu de respect.
M. François de Rugy. Vous avez fait des cadeaux à ceux qui n'en ont pas besoin, les plus aisés, les plus fortunés, ceux qui ont les plus gros patrimoines et les plus hauts revenus, et vous faites payer les classes moyennes et les revenus modestes par toute une série de petites recettes de poche, comme les hausses sur les mutuelles, la taxe sur les factures de téléphone, etc. Vous avez preuve d'une grande imagination dans ce domaine.
Pour résorber le déficit - nous ne contestons pas qu'il faille le faire et ensuite réduire la dette -, il faut répartir l'effort de façon juste et équitable.
L'impôt sur le revenu qui, heureusement, n'est pas la seule recette, est le symbole soit de la justice, soit de l'injustice fiscale. L'impôt sur le revenu, toutes les études l'ont montré depuis des années, a été mité, troué de part en part si l'on peut dire. En cause, une assiette de plus en plus étroite, des taux réduits pour les plus hautes tranches, et une multiplication des niches fiscales.
Au départ, les niches fiscales avaient été instaurées pour essayer de compenser l'effet des hautes tranches. En fait, on a réduit les plus hautes tranches tout en multipliant les niches fiscales dont profitent les plus fortunés, tout le monde le sait.
Nous souhaitons une réforme de grande ampleur. J'assume pleinement, monsieur Mariton, la fusion de l'impôt sur le revenu et la CSG, l'individualisation de l'impôt, le prélèvement à la source.
M. Hervé Mariton. Bref, vous voulez supprimer le quotient familial !
M. Jacques Myard. C'est ridicule.
M. Nicolas Perruchot. Les familles ont de quoi s'inquiéter.
M. Henri Emmanuelli. Pas les nôtres.
M. François de Rugy. Si on veut que l'impôt soit acceptable dans notre pays, il doit être juste et prélevé à la source. Dans nos amendements, nous proposerons des tranches plus progressives et plus justes.
M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.
M. Christian Eckert. Nous ne sommes pas fatigués, monsieur le président.
M. le président. Moi non plus.
M. Christian Eckert. Nous serons là jusqu'au bout, dans la joie et la bonne humeur, mais dans la fermeté.
Ma intervention décevra probablement M. Mariton. Le débat sur le quotient familial de l'impôt sur le revenu est un bon débat, mais difficile à mener. Pour ma part, j'ai encore besoin de travailler sur ce thème avec mes collègues.
M. Hervé Mariton. Hélas, d'autres ont tranché.
M. Henri Emmanuelli. Non, vous ne savez pas lire !
M. Nicolas Perruchot. Si, et cela vient encore d'être confirmé !
M. Christian Eckert. Laissez-nous parler, mes chers collègues. Parlez pour vous, mais ne pensez pas à notre place.
La réflexion que nous menons sur la familialisation, le quotient familial ou le crédit d'impôt est un débat très difficile d'un point de vue technique. Il nous faut encore affiner les choses. C'est notre problème, pas le vôtre. Assumez vos divergences.
M. Hervé Mariton. Nous n'avons pas de divergences à ce sujet.
M. Christian Eckert. Pour ma part, je n'ai pas tranché la question car elle mérite un travail, des simulations et un certain nombre de calculs.
M. Hervé Mariton. Cela pourrait être limpide, biblique !
M. Henri Emmanuelli. Ce que nous proposons est plus juste.
M. Christian Eckert. D'autre part nos amendements doivent être considérés dans leur globalité. Si, à l'article 2, nous proposons la création d'une tranche d'impôt supplémentaire, je précise qu'elle ne s'appliquerait, dans notre esprit, qu'à condition d'adopter ultérieurement des amendements sur les prélèvements libératoires, que nous souhaitons supprimer. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. Charles de Courson. Très bonne nouvelle.
M. Christian Eckert. Ce n'est pas un scoop, chers collègues. Cela fait des années que, dans chaque loi de finances, nous vous proposons de revenir sur les prélèvements libératoires. Certains y sont désormais convertis, mais pour notre part, nous sommes constants.
Nous voulons supprimer les prélèvements libératoires et globaliser l'assiette de l'impôt sur le revenu.
M. Hervé Mariton. En résumé, vous voulez augmenter les impôts.
M. Christian Eckert. Si vous l'aviez fait, cela vous aurait évité de construire une usine à gaz avec la nouvelle assiette « conjugalisée ». J'avoue qu'il reste pour nous un certain nombre de points d'interrogation - en tout cas, c'est mon cas - sur la notion de quotient familial, et notamment l'idée d'un crédit d'impôt.
M. Hervé Mariton. Quand il y a un bon dispositif, il ne faut pas s'interroger.
M. Jean-François Mancel. Oui, quel aveu !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. J'observe que vous ne vous interrogez pas lorsque vous créez un troisième impôt sur le revenu. Vous le conjugalisez, vous ne le familialisez pas. C'est très différent de notre impôt sur le revenu.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non !
M. Pierre-Alain Muet. Il faut mener une vraie réflexion sur l'imposition du revenu. Nous sommes le seul pays qui après en avoir deux, en a désormais trois grâce à votre inventivité fiscale. Nous avons besoin de reconstituer ce qui existe à peu près dans tous les pays : un impôt sur le revenu qui représente 10 % du revenu. Lorsque l'on fait la somme de la CSG, de l'impôt sur le revenu et de ce petit impôt dérisoire que vous créez, on arrive à peu près à la même chose.
M. Hervé Mariton. Dans les autres pays, il n'y a pas le quotient familial.
M. Henri Emmanuelli. On le garde, on le met ailleurs.
M. Pierre-Alain Muet. Mais nous devrons nous interroger sur les trois formes de « conjugalisation » et de familialisation de l'impôt. Il faudra bien choisir.
Monsieur Mariton, ce que nous disons dans le projet socialiste, c'est que nous aurons un vrai débat sur ce sujet.
M. Hervé Mariton. On ne peut voter sur un débat, mais sur une politique !
M. Pierre-Alain Muet. Écoutez-moi, monsieur Mariton. Vous répondrez ensuite.
Nous disons seulement que nous avons besoin d'un vrai débat sur l'impôt sur le revenu.
M. Gérard Charasse. Sur la justice fiscale.
M. Pierre-Alain Muet. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'impôt sur le revenu a été créé en 1914, et qu'il a été un peu révisé en 1917. Il est donc très ancien. À cette époque, la conception de la famille n'était pas la même, les femmes n'avaient pas le droit de vote, etc. Une réflexion s'impose.
Depuis que l'on a plafonné le quotient familial et qu'on regarde par décile ce que donne l'aide familiale par enfant, le résultat est le même sur les neuf premiers déciles. Toutes les études le montrent. C'est quatre fois plus élevé sur le dernier décile en raison du quotient familial. On peut donc s'interroger sur la façon de familialiser. Les Allemands ont un impôt conjugalisé, pas familialisé. Ils ont un crédit d'impôt par enfant.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Si le modèle familial, c'est l'Allemagne...
M. Pierre-Alain Muet. La plupart des pays ont un impôt individualisé. Quand les impôts sont récents, ils sont plutôt individualisés avec des crédits d'impôt par enfant, identique pour tous les enfants, quel que soit le rang de l'enfant dans la famille. S'il est une réforme qui mérite d'être élaborée par la concertation et le débat, c'est bien celle de l'imposition sur le revenu. Ne vous inquiétez pas. Si nous sommes aux affaires, nous aurons l'occasion de reprendre ce débat.
M. Christian Jacob. Il faudrait peut-être trancher avant !
M. Pierre-Alain Muet. Nous devons sérieusement nous pencher sur l'imposition des revenus en France. Le débat mérite d'être mené au sein de cette assemblée, mais aussi avec toutes les associations concernées, l'UNAF notamment, ainsi que les syndicats. La fusion éventuelle de l'IR et de la CSG mérite un débat avec les partenaires sociaux. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas, presque un siècle après la création de l'impôt sur le revenu, avoir un grand débat si nous voulons refonder une imposition du revenu. Nous l'ouvrirons ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. L'échange qui vient d'avoir lieu est extrêmement intéressant sur le fond et la forme.
Sur le fond, nous venons d'entendre M. Muet aligner un certain nombre d'exemples étrangers et de considérations - et c'est cohérent avec toute la littérature socialiste disponible aujourd'hui - qui toutes impliquent la critique du quotient familial.
M. Pierre-Alain Muet. Mais non.
M. Hervé Mariton. Je vous rappelle qu'il a été créé en 1948. C'est un élément solide de notre pacte social. C'est un élément de stabilité de notre politique familiale.
M. François de Rugy. Rien à voir !
M. Hervé Mariton. Vous prendriez une grave responsabilité à le supprimer. Voilà pour le fond.
Sur la forme, si vous hésitez, c'est parce que vous comprenez qu'il y a un danger politique à être clair sur ce que vous proposeriez.
M. Pierre-Alain Muet. Absolument pas.
M. Hervé Mariton. Vous êtes même conscients de vous être engagés trop avant sur ce terrain. Vous faites le procès du quotient familial, tout en disant dans le même temps qu'il faut un débat. Entendons-nous. Évidemment, il faudra un débat parlementaire.
M. Pierre-Alain Muet. Pas seulement.
M. Hervé Mariton. Mais il va y avoir en France des élections. Ce serait bien que l'on sache ce que vous proposez. Or ce qui ressort aujourd'hui de l'ensemble de vos réflexions, c'est, hélas, la suppression du quotient familial. Ne le cachez pas derrière un brouillard de débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Bernard Carayon. Très bien.
M. le président. Je vous rappelle que le débat porte en principe sur l'article 2...
La parole est à M. Henri Emmanuelli.
M. Henri Emmanuelli. Monsieur Mariton, je comprends que dans l'état dans lequel se trouve la majorité, elle cherche des bouées. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Et vous avez le sentiment d'avoir trouvé une bouée.
M. Jacques Myard. Vous êtes dans les cordes.
M. Henri Emmanuelli. Je confirme ce qu'a dit M. Muet : il y a matière à réfléchir très sérieusement sur l'impôt sur le revenu. La comparaison de son rendement dans notre pays par rapport aux autres démocraties européennes vous en convaincra.
Je prendrai un exemple et ce ne sera pas celui du quotient familial, car vous ne trouverez nulle part dans la littérature socialiste que nous voulons sa suppression, contrairement à ce vous dites !
M. Hervé Mariton. J'ai écouté Mme Aubry !
M. Henri Emmanuelli. Mais relisez donc attentivement les documents !
Deuxième élément de réflexion : nous sommes l'un des seuls pays ...
M. Hervé Mariton. Et le Luxembourg !
M. Henri Emmanuelli. J'allais parler non du Luxembourg, mais du nombre de contribuables imposables sur le revenu. Nous savons tous que plus de la moitié des foyers fiscaux ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu. J'ai entendu des tas d'hommes politiques de droite, à commencer par M. Balladur, appeler au retour à une imposition globale même si elle est très faible pour les petits revenus. C'est un autre débat.
Ce que nous proposons avec la fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu, c'est une manière de répondre à cette question. Alors, ne tombez pas dans la caricature !
M. Hervé Mariton. Vous êtes favorable à la poll tax !
M. Jean Mallot. C'est vraiment n'importe quoi !
M. Henri Emmanuelli. Vous n'allez pas bien ce soir. Je ne m'appelle pas Margaret Thatcher, moi. La différence se voit, non ? Hélas pour moi, je n'ai pas sa notoriété.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Sa douceur peut-être ? (Sourires.)
M. Henri Emmanuelli. Et, heureusement, je n'ai pas provoqué les mêmes dégâts.
Nous débattrons de tous ces sujets, que cela vous plaise ou non : l'assiette, le revenu de référence, le quotient familial mais aussi le nombre d'assujettis.
De toute façon, ce que vous êtes en train de faire ce soir, c'est d'essayer de noyer le poisson pour faire croire que vous allez vers davantage de justice et d'équité avec votre misérable petite surtaxe alors que vous avez fait un cadeau de 1,8 milliard d'euros à ces contribuables.
Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est faux !
M. Hervé Mariton. On vous a répondu vingt fois à ce sujet !
M. Henri Emmanuelli. Mais j'étais dans l'hémicycle et vous n'y étiez pas encore !
Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est vous qui n'y étiez pas !
M. Henri Emmanuelli. Tous les collègues vous diront que je suis ces débats, il vous suffira de lire les comptes rendus dans le Journal officiel . Vous êtes gênée.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Pas du tout, c'est moi qui étais présente et si vous n'en avez pas souvenir, c'est que vous étiez absent !
M. Henri Emmanuelli. Excusez-moi, je ne me souvenais pas que c'était vous, cela ne m'a pas marqué, voilà tout.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ne soyez pas grossier !
M. le président. L'amendement n° 283 présenté par M. Sandrier, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Brard, M. Bocquet, M. Braouezec, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :
Substituer aux alinéas 5 à 7 les huit alinéas suivants :
« - 10 % pour la fraction supérieure à 12 146 € et inférieure ou égale à 19 600 € ;
« - 18 % pour la fraction supérieure à 19 600 € et inférieure ou égale à 29 300 € ;
« - 30 % pour la fraction supérieure à 29 300 € et inférieure ou égale à 46 420 € ;
« - 47 % pour la fraction supérieure à 46 420 € et inférieure ou égale à 78 500 € ;
« - 62 % pour la fraction supérieure à 78 500 € et inférieure ou égale à 124 247 € ;
« - 74 % pour la fraction supérieure à 124 427 € et inférieure ou égale à 252 993 € ;
« - 90 % pour la fraction supérieure à 252 993 € et inférieure ou égale à 460 830 € ;
« - 95 % pour la fraction supérieure à 460 830 €. »
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
M. Jean-Claude Sandrier. Nous savons tous que l'impôt sur le revenu est théoriquement le plus juste parce qu'il est le plus progressif, et qu'il est d'autant plus juste que le nombre de tranches est élevé et les taux suffisamment échelonnés pour s'adapter aux capacités contributives des ménages.
Au nom de la concurrence fiscale et de prétendus critères d'attractivité qui n'ont jamais été étayés par la moindre démonstration, cet impôt a été régulièrement et volontairement l'objet d'attaques au cours des vingt dernières années. On est ainsi passé de treize tranches avant 1986 à sept en 1994 sous le gouvernement Balladur, puis quatre en 2007 avec un taux marginal ramené à 40 % alors que ce taux était supérieur à 65 % en 1982.
L'impôt sur le revenu a été dans le même temps mité de mesures dérogatoires dont la Cour des comptes souligne qu'elles ont augmenté de 142 % entre 2004 et 2009. Ces niches représentent un manque à gagner de 16 milliards d'euros au moins si l'on en croit le rapport d'information de notre rapporteur général.
Plutôt que de privilégier comme vous le faites le régime injuste de l'impôt proportionnel et de la hausse de la TVA, nous pensons qu'il serait plus utile et surtout plus juste de redonner toute sa place à l'impôt sur le revenu.
C'est le sens de notre amendement qui propose en outre de plafonner le montant des revenus globaux des ménages à 460 000 euros en taxant au taux de 95 % la fraction supérieure à cette somme, sans préjudice de la suppression des niches qui affectent cet impôt.
L'adoption de cet amendement permettrait de dégager 11 milliards d'euros de recettes supplémentaires.
(L'amendement n° 283, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 10 présenté par M. de Rugy, est ainsi libellé :
Substituer aux alinéas 6 et 7 les cinq alinéas suivants :
« - 30 % pour la fraction supérieure à 26 975 € et inférieure ou égale à 70 830 € ;
« - 43,1 % pour la fraction supérieure à 70 830 € et inférieure ou égale à 100 000 € ;
« - 52,1 % pour la fraction supérieure à 100 000 € et inférieure ou égale à 200 000 €;
« - 62,1 % pour la fraction supérieure à 200 000 € et inférieure ou égale à 500 000 €;
« - 72,1 % pour la fraction supérieure à 500 000 €. ».
La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Nous le disons et le répétons : nous voulons redonner de la progressivité à l'impôt sur les revenus - j'insiste sur le pluriel - et en faire un impôt équitable.
Aujourd'hui, tout le monde le sait, la taxation pèse très différemment sur les contribuables. Certes, seule la moitié des foyers fiscaux sont assujettis à l'impôt sur le revenu, mais la CSG et la CRDS pèsent sur un beaucoup plus grand nombre. À cela s'ajoutent les cotisations sociales qui grèvent lourdement les revenus du travail alors que les revenus du capital, eux, bénéficient de prélèvements libératoires.
Les très gros contribuables, sans se focaliser sur le cas de Mme Bettencourt, sont assujettis à des taux d'imposition beaucoup plus faibles, proportionnellement à leurs revenus, que les smicards ou les salariés moyens.
Dans ces conditions, nous appelons à une réforme d'ampleur, qui repose sur la fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu. Nous ne pouvons pas la soumettre à la représentation nationale sous forme d'amendements, tout le monde en est bien conscient.
Par cet amendement, nous visons à introduire de la progressivité avec des tranches plus différenciées selon le niveau de revenu.
(L'amendement n° 10, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements, n os 284, 344, 88, 159, 354, 78, 3, pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 284 présenté par M. Sandrier, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Brard, M. Bocquet, M. Braouezec, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :
Substituer à l'alinéa 7 les trois alinéas suivants :
« - 50 % pour la fraction supérieure à 72 317 € et inférieure ou égale à 150 000 € ;
« - 60 % pour la fraction supérieure à 150 000 € et inférieure ou égale à 360 000 € ;
« - 70 % pour la fraction supérieure à 360 000 €. ».
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l'amendement n° 284, dans le même esprit que le précédent.
M. Jean-Claude Sandrier. Le même esprit certes, mais le barème et les tranches, ce n'est pas tout à fait pareil, monsieur le président.
Nous proposons avec cet amendement de relever le taux de la plus haute tranche de l'impôt sur le revenu en le portant de 41 % à 50 % et de créer deux tranches supplémentaires, l'une à 60 % pour la fraction supérieure à 150 000 euros mais inférieure à 360 000 euros, et enfin une tranche à 70 % pour la fraction supérieure à 360 000 euros, taux que quelques-uns d'entre vous jugeront sans doute excessif mais qui ne l'est pas tant que cela.
Ainsi que l'a souvent rappelé Thomas Piketty, ces taux ne paraissent aberrants que lorsque l'on ignore l'histoire. En 1932, pour ne prendre que cet exemple, Roosevelt porta le taux supérieur de l'impôt fédéral à 63 %, puis 79 % en 1936, 91 % en 1941,...
M. Bernard Carayon. C'est du vol !
M. Jean-Claude Sandrier. ... niveau qui s'appliqua aux États-Unis jusqu'en 1964, avant d'être réduit à 77 %, puis 70 % en 1970.
Pendant près de cinquante ans, des années trente jusqu'aux années quatre-vingt, jamais le taux supérieur ne descendit au-dessous de 70 % et il fut en moyenne de plus de 80 %.
En France, comme dans la plupart des pays développés, le taux marginal a atteint 90 % pendant l'entre-deux-guerres, puis s'est stabilisé autour de 70 %, comme nous le préconisons ici. Cela n'a pas empêché des taux de croissance économique de l'ordre de 4 % à 5 % par an tout au long de cette période.
M. le président. L'amendement n° 344 présenté par Mme Zimmermann, M. Bouchet, M. Couanau, M. Decool, M. Dupont-Aignan, M. Grand, M. Guilloteau, M. Hillmeyer, Mme Hostalier, M. Huet, M. Jacquat, M. Labaune, M. Le Mèner, Mme Louis-Carabin, M. Lefranc, M. Maurer, M. Christian Ménard, Mme Pavy, M. Remiller, M. Spagnou, M. Vialatte et M. Villain, est ainsi libellé :
Substituer à l'alinéa 7 les quatre alinéas suivants :
« - 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 euros et inférieure ou égale à 100 000 euros ».
« - 42,5 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros et inférieure ou égale à 250 000 euros ;
« - 45 % pour la fraction supérieure à 250 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros ;
« - 50 % pour la fraction supérieure à 500 000 euros. ».
La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour défendre l'amendement n° 344.
Mme Marie-Jo Zimmermann . Aujourd'hui, la France est sous surveillance et nous avons quelques inquiétudes les uns et les autres. Il est temps de mettre en place une certaine justice sociale. C'est la raison d'être de cet amendement qui crée trois tranches supplémentaires.
Le redressement des finances publiques passe à la fois par des économies budgétaires mais également par un effort fiscal supplémentaire, chacun contribuant selon ses moyens, dans une juste proportion.
Actuellement, le taux d'imposition sur le revenu le plus élevé est de 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 euros par part. Dans un souci de solidarité nationale, le présent amendement crée trois nouvelles tranches aux taux de 42,4 %, 45 % et 50 %.
Madame la ministre, je pense qu'aujourd'hui, un amendement de ce type peut tout à fait être compris par le Gouvernement.
M. Daniel Garrigue. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 88 présenté par M. de Rugy, est ainsi libellé :
Au début de l'alinéa 7, substituer au taux :
« 41 % »
le taux :
« 46 % ».
La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l'amendement n° 88.
M. François de Rugy. Cet amendement est un amendement de repli par rapport à celui que j'ai défendu précédemment. Il fait écho à l'article 3 que nous avons examiné avant l'article 2, dans une logique assez étrange.
Nous proposons de porter de 41 % à 46 % le taux applicable à la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Je dois dire que j'ai applaudi l'intervention de M. Méhaignerie tout à l'heure lorsqu'il a défendu un changement en ce sens. Il s'agit d'un amendement de compromis mais je crois toute de même qu'il aurait une autre dimension que les dispositions adoptées tout à l'heure à l'initiative du rapporteur général dans une logique cosmétique et une volonté d'affichage, comme l'ont souligné mes collègues, dispositions très compliquées avec des modulations de taux de 3 % à 4 % selon que l'on situe à 250 000 ou 500 000 euros par part, que l'on est marié, veuf, etc.
Ce que nous proposons est clair, net, simple et précis.
M. Hervé Mariton. Et cher pour le contribuable !
M. François de Rugy. Il s'agit d'un geste de justice sociale, de justice fiscale, qui n'est pas limité à une période dans le temps. Nous entendons simplement réintroduire de la progressivité dans l'imposition sur le revenu. Bien sûr, nous pouvons discuter du seuil de déclenchement. Nous proposons qu'un passage à 46 % s'opère pour la tranche supérieure. Elle était assujettie à un taux de 40 %, que vous avez relevé à 41 %, dans une volonté là encore purement cosmétique.
Nous proposons un symbole fort de justice fiscale dans une période où, de toute façon, nous allons être obligés de faire des efforts, comme l'a souligné notre collègue.
M. le président. L'amendement n° 159 présenté par M. Charasse, Mme Girardin, Mme Berthelot, M. Giacobbi, M. Giraud, M. Likuvalu, Mme Jeanny Marc, Mme Orliac, Mme Pinel et Mme Robin-Rodrigo, est ainsi libellé :
I. - Compléter l'alinéa 7 par les mots :
« et inférieure à 100 000 € ; ».
II. - En conséquence, après l'alinéa 7, insérer l'alinéa suivant :
« - 46 % pour la fraction supérieure à 100 000 €. ».
La parole est à M. Gérard Charasse, pour défendre l'amendement n° 159.
M. Gérard Charasse. Il vise à instaurer une nouvelle tranche dans le barème de l'impôt sur le revenu, fixée à 46 % à partir de 100 000 euros par part et à pérenniser la taxation sur les hauts revenus.
Trois raisons le motivent.
Il s'agit tout d'abord de réintroduire davantage de progressivité dans l'impôt sur le revenu. Nous avons rappelé dans la discussion générale qu'il convenait de mettre fin à la tendance actuelle à la dégressivité de l'impôt sur le revenu.
Il s'agit ensuite de rétablir l'équilibre des comptes publics.
Il s'agit enfin de rétablir la confiance de nos concitoyens dans l'impôt. Ceux-ci se rendent bien compte que certains contribuables ou certaines entreprises n'acquittent l'ensemble des sommes qu'ils devraient payer. Cela finit par entraîner une défiance à l'égard de l'institution fiscale. Ce n'est pas une bonne chose : il faut établir un impôt sur les revenus véritablement progressif.
M. le président. L'amendement n° 354 présenté par M. Muet, M. Eckert, M. Sapin, M. Emmanuelli, Mme Filippetti, M. Cahuzac, M. Goua, M. Baert, M. Carcenac, M. Balligand, M. Bartolone, M. Launay, M. Bapt, M. Nayrou, M. Lurel, M. Claeys, M. Jean-Louis Dumont, M. Bourguignon, M. Hollande, M. Idiart, M. Habib, M. Moscovici, M. Vergnier, M. Lemasle, M. Rodet, Mme Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, est ainsi libellé :
I. - Compléter l'alinéa 7 par les mots :
« et inférieure à 100 000 euros ; ».
II. - En conséquence, après l'alinéa 7, insérer l'alinéa suivant :
« - 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros. ».
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour défendre l'amendement n° 354.
M. Pierre-Alain Muet. Cette série d'amendements montre une chose, c'est que beaucoup de nos collègues souhaitent que l'on rétablisse une vraie progressivité de l'impôt sur le revenu. Nous proposons une tranche à 45 % à partir de 100 000 euros, qui constitue un premier pas.
Cet amendement est évidemment lié à la suppression des prélèvements forfaitaires car, nous le savons, pour les tranches supérieures, et déjà pour la tranche à 41 %, les revenus du capital ne sont pas taxés au barème mais sont soumis à prélèvements libératoires.
Il est également lié à la suppression de niches. C'est pourquoi nous avons déposé beaucoup d'amendements connexes.
M. Hervé Mariton. Cela fait beaucoup d'impôts !
M. Pierre-Alain Muet. Non, monsieur Mariton, cela fait simplement un peu de justice fiscale là où il en manque beaucoup.
Ce qui me frappe dans notre débat, c'est que pour la première fois, à droite comme à gauche, des amendements sont déposés pour rétablir une progressivité de l'impôt sur le revenu.
M. Dominique Baert. Nos collègues de l'opposition se rendent bien compte que quelque chose ne va pas !
M. Pierre-Alain Muet. C'est une dimension que vous avez voulu évacuer, madame la ministre, avec votre taxe et avec l'inversion des articles dans la discussion.
Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est tout l'inverse.
M. Pierre-Alain Muet. Je trouve que ce débat mérite vraiment de se dérouler car une sorte de consensus est en train de se construire sur la nécessité de réintroduire de la progressivité.
M. le président. L'amendement n° 78 présenté par M. Garrigue, est ainsi libellé :
I. - Compléter l'alinéa 7 par les mots :
« et inférieure ou égale à 120 000 € ».
II. - En conséquence, après l'alinéa 7, insérer l'alinéa suivant :
« - 46 % pour la fraction supérieure à 120 000 €. ».
La parole est à M. Daniel Garrigue, pour défendre l'amendement n° 78.
M. Daniel Garrigue. Nous avons fait une grande avancée ce soir : tout le monde reconnaît la nécessité de refondre l'impôt sur le revenu... (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. Hervé Mariton. Comme vous y allez !
M. Daniel Garrigue. ...avec une assiette qui serait celle du revenu fiscal de référence et avec la volonté d'agir dans le sens à la fois de la justice et du rendement.
Il s'agit donc d'un amendement transitoire, en attendant que cette réforme voie le jour.
M. le président. L'amendement n° 3 présenté par M. Piron, M. Bernard, M. Blessig, M. Loïc Bouvard, M. Cornut-Gentille, M. Couanau, M. Jean-Yves Cousin, M. Couve, M. Decool, M. Favennec, M. Grand, M. Grenet, Mme Grommerch, M. Heinrich, Mme Hostalier, M. Jacquat, M. Jégo, M. Lecou, M. Lejeune, Mme Louis-Carabin, M. Alain Marc, M. Marcon, M. Méhaignerie, M. Pancher, Mme Pavy, M. Pinte, M. Raison, M. Reynès, M. Richard, M. Rolland, M. Vanneste et Mme Zimmermann, est ainsi libellé :
I. - Compléter l'alinéa 7 par les mots :
« et inférieure ou égale à 150 000 € ; ».
II. - En conséquence, après le même alinéa, insérer l'alinéa suivant :
« - 46 % pour la fraction supérieure à 150 000 €. ».
La parole est à M. Michel Piron, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Michel Piron. Cet amendement vise à créer une tranche d'impôt supplémentaire, dont le taux serait non plus de 41 % mais de 46 %, à partir d'un seuil de 150 000 euros de revenus imposables par part, c'est-à-dire 300 000 euros pour un ménage sans enfant. Cela reviendrait à demander à un couple sans enfant gagnant environ 400 000 euros bruts par an - 33 000 euros par mois - un effort supplémentaire de 2 500 euros par an. Voilà qui permet de mesurer l'effort demandé.
Je passe très rapidement sur un aspect technique : la fixation de ce seuil permettrait de récolter quelque 322 millions d'euros. Ce n'est certainement pas, me direz-vous, à la hauteur de l'énormité de notre dette ! Certes, et non seulement j'ai rappelé que je souscrivais totalement aux mesures gouvernementales concernant la diminution d'un certain nombre de dépenses publiques, et je crois qu'il en faudra d'autres. Mais je le redis : la diminution des dépenses publiques, ou de certaines dépenses, ne suffira pas. Si l'on doit consentir des efforts fiscaux, ceux-ci doivent être mieux partagés. C'est le sens de la proposition d'une meilleure progressivité de cet impôt.
Je passe vite sur un autre aspect technique : là où le Gouvernement, avec un seuil à 250 000 euros, touche 15 000 à 20 000 contribuables, nous en touchons 80 000 à 100 000.
M. Hervé Mariton. C'est bien là le problème !
M. Michel Piron. Je rejoins là la préoccupation majeure du rapporteur général, qui nous déclarait encore en commission des finances qu'un bon impôt, c'est un impôt dont l'assiette est large. J'élargis ici l'assiette, et je ne doute donc pas de son soutien.
Dernier aspect technique, j'entends dire que les revenus deviendraient majoritairement patrimoniaux à partir de 250 000 euros. Or je me permets d'indiquer que, des éléments fournis par Bercy au cours de douze réunions qui se sont déroulées après la loi de finances de l'an dernier, il ressortait un tout autre seuil : 100 000 euros. C'est une question technique - tout dépend de l'intégration des revenus patrimoniaux barémisés ou non barémisés.
J'en termine par le choix politique devant lequel nous nous trouvons. C'est l'impôt lui-même qu'il nous faut peut-être réinterroger, et je ne suis pas de ceux qui pensent qu'« impôt » est un gros mot. Avons-nous trop de prélèvements obligatoires ? Oui.
M. Hervé Mariton. Oui, bien sûr !
M. Michel Piron. Avons-nous trop d'impôt sur le revenu ? Certainement pas.
Le rapport de la Cour des comptes sur la convergence avec l'Allemagne, qui date du mois de mars 2011, nous rappelle que l'impôt sur le revenu des personnes physiques en Allemagne représente 9,6 % du PIB. Chez nous, ce même impôt représente 2,6 % du PIB, mais il convient d'y ajouter CSG et CRDS, ce qui porterait le total à 7,2 % du PIB.
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, nous sommes donc loin, très loin de la convergence avec l'Allemagne.
L'impôt n'est-il pas tout simplement la mesure du consentement à la construction du bien commun ? Nous avons la chance de vivre dans un pays qui dispose d'équipements publics d'un niveau exceptionnel. Il faut aussi les prendre en considération. Je crois qu'encore une fois, consentir à l'impôt, c'est aussi consentir à un certain mode de vie en société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Daniel Garrigue et M. Jean-Marie Rolland. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette série d'amendements a reçu des avis défavorables.
Je voudrais répondre plus précisément à notre collègue Michel Piron.
La réponse à la question qu'il pose, nous l'avons en réalité apportée il y a un instant en votant l'article 3. Michel Piron nous dit que sa proposition élargit l'assiette, mais je ne peux pas le suivre sur ce terrain : l'assiette du revenu fiscal de référence est beaucoup plus large que celle du barème de l'impôt sur le revenu !
Il se trouve que j'ai les chiffres en tête. À 100 000 euros de revenus, les revenus du patrimoine représentent en moyenne un quart des revenus, et ceux du travail trois quarts. Dans le barème, on ne touche donc que 75 %. À 250 000 euros, les revenus du patrimoine atteignent les 50 % ; au barème, on ne les touche pas, alors que le revenu fiscal de référence les prend en compte.
Le choix que nous avons fait est vraiment un choix structurant : certains, et ce n'est pas inexact, ont parlé d'un « troisième impôt sur le revenu ».
M. Henri Emmanuelli. Un choix aussi structurant que celui du bouclier fiscal !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Ce choix très structurant, c'est celui du revenu fiscal de référence comme assiette fiscale.
C'est la raison pour laquelle je n'ai d'ailleurs pas du tout émis de fin de non-recevoir à la proposition d'Hervé Mariton, qui estime que si cette nouvelle assiette devait prospérer dans l'avenir, il faudrait se poser la question de la familialisation. Il a raison sur ce point.
M. Hervé Mariton. Merci.
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Monsieur Piron, je voudrais vous convaincre que votre question, légitime, a déjà trouvé sa réponse - une réponse encore plus juste et mieux adaptée à la situation d'aujourd'hui.
Les différentes mesures fiscales concernant les ménages que nous avons adoptées depuis 2009 n'ont eu qu'un seul but : ne pas pénaliser le pouvoir d'achat des classes moyennes et des plus modestes. Au lieu d'imposer les revenus du travail, comme on le ferait en augmentant le barème, nous avons exclusivement augmenté l'imposition des revenus du patrimoine. Ainsi, dans le cadre de la réforme des retraites, nous avons porté la fiscalisation des plus-values immobilières de 16 à 19 % ; pour les plus-values mobilières, nous sommes passés de 18 à 19 %. À cela s'ajoutent des prélèvements sociaux qui sont passés de 10 à 13,5 %, soit 35 % d'augmentation !
En l'espace de deux ans, nous sommes ainsi passés d'une fiscalisation des revenus du patrimoine qui était en moyenne de 28 % à 32,5 %. C'est là qu'a porté l'effort, et pour une bonne raison ; il est dommage que Pierre Méhaignerie nous ait quittés, car il aurait pu dire, comme il l'a souvent fait, que plus le revenu augmente, plus le taux d'épargne augmente. Nous avons donc essayé de protéger la consommation et le pouvoir d'achat en faisant porter l'effort sur les plus aisés, parce que c'est leur épargne qui diminue alors, et non pas leur consommation, moteur de notre politique économique.
Les décisions prises depuis deux ans suivent donc, tant du point de vue de la justice fiscale que de celui de l'efficacité économique et de la croissance, une logique très solide.
J'ai fait quelques calculs. Sur environ 30 000 à 40 000 ménages, nous avons tout de même - avant la contribution exceptionnelle - augmenté la fiscalité de 1,9 milliard d'euros ! Je viens de détailler quelques mesures, mais quand on fait le total, cela représente 1,9 milliard d'euros.
M. Christian Eckert. Et vous avez allégé l'ISF de combien ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général . La réforme que nous propose le Gouvernement est donc, à mon sens, objectivement meilleure que la mesure de barème que nous propose Michel Piron. Elle est, je voudrais en convaincre notre collègue, plus juste et plus efficace économiquement.
Un jour, peut-être, je ne le nie pas, il faudra faire cette grande réforme de l'impôt sur le revenu.
M. Henri Emmanuelli. Eh oui, dans un an !
M. Pierre-Alain Muet. Au prochain PLF !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Mais je voudrais dire encore un mot de ce sujet.
J'ai entendu M. de Rugy, j'ai entendu M. Muet, j'ai entendu M. Eckert : leurs réformes m'effrayent.
M. Henri Emmanuelli. Ça ne m'étonne pas tellement.
M. Christian Eckert. N'ayez pas peur !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Ils m'effrayent, car la grande réforme qu'ils proposent, c'est un gigantesque impôt sur le revenu qui résulterait de la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG.
Or l'impôt sur le revenu, aujourd'hui, rapporte 60 milliards d'euros ; seuls la moitié des Français le payent. La CSG rapporte 80 milliards d'euros ; tous les Français la payent.
M. Charles de Courson. C'est plutôt 80 %.
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cela veut dire qu'avec cette réforme, la CSG ne serait plus payée que par la moitié des Français - comme l'impôt sur le revenu ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
On aurait donc un transfert, un choc fiscal massif vers les classes moyennes...
M. Pierre-Alain Muet. Mais c'est absurde !
M. Henri Emmanuelli. C'est ridicule.
M. Gérard Bapt. Nous ne sommes pas à la convention de l'UMP !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . ...et ce choc fiscal serait d'autant plus fort que, comme la CSG n'est pas familialisée, le quotient familial disparaîtrait. En résumé, ce que nous proposent les socialistes avec leur grande réforme, c'est la réforme de tous les dangers.
M. Christian Eckert. Vous me décevez, monsieur le rapporteur général.
M. Pierre-Alain Muet. On s'attend à entendre cela dans la bouche de M Mariton, mais pas dans celle de Gilles Carrez !
M. Hervé Mariton. Ce qu'il dit est parfaitement juste !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cette réforme aboutira au matraquage fiscal des classes moyennes et des familles.
Et d'ailleurs, quand on regarde les chiffres de plus près, on apprend que cette réforme dont ils rêvent commencerait à pénaliser les Français à partir de 4 000 euros de revenus par mois. Or qui a dit, il y a quelques années, qu'on était riche à partir de 4 000 euros de revenus par mois ? C'est François Hollande !
Eh bien tout cela, il faut l'expliquer aux Français. Et M. de Rugy a dit une chose qui montre à quel point leur réforme est fin prête. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Mine de rien, avec son air innocent habituel, il nous a annoncé qu'ils feront le prélèvement à la source.
Et pourquoi feront-ils cela ? Avec le prélèvement à la source, vous ne voyez plus rien.
M. François de Rugy. Si, si, on voit très bien !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Vous ne voyez plus ce que vous payez, puisque c'est prélevé en amont, directement sur la feuille de paye ! Ils ont inventé le matraquage fiscal clandestin et sans douleur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. J'aimerais moi aussi convaincre que la mesure que vous venez d'adopter est plus puissante, en termes de rendement, et en même temps plus juste, que celle qui est proposée par Michel Piron - auquel je m'adresse particulièrement, mais j'aurai aussi un mot pour Marie-Jo Zimmermann.
Je voudrais parler à Michel, car l'amendement qu'il propose...
M. le président. Madame la ministre, l'usage est de s'en tenir au nom patronymique.
M. Jean Mallot. Michel ! Michel ! Michel ! (Rires.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. S'il vous plaît, nous parlons de choses sérieuses.
M. Dominique Baert. Regardez le bonheur de Michel Piron !
M. Philippe Vigier. Un peu de détente ne fait pas de mal.
M. Dominique Baert et M. Pierre-Alain Muet. Résistez, monsieur Piron ! (Sourires.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. L'amendement de Michel Piron rapporterait 365 millions d'euros au budget de l'État. L'amendement que vous venez d'adopter rapportera 420 millions d'euros. Autrement dit, la contribution exceptionnelle de solidarité va frapper beaucoup plus durement les ménages qui sont plus aisés, car son assiette est beaucoup plus large et qu'elle prend en compte l'ensemble des revenus.
Ce qu'a très bien expliqué le rapporteur général, c'est qu'à partir d'un certain moment, il y a les revenus du travail, les revenus d'activité, et puis il y a tous les revenus accessoires ; et quand on est vraiment riche, on dispose de revenus accessoires beaucoup plus importants que les revenus du travail.
Et je rappelle à Michel Piron que le coeur de notre projet, c'est la valeur travail. Quelqu'un qui se lève tôt le matin, qui va travailler, et qui a un bon salaire ne doit pas, selon nous, être taxé autant que quelqu'un qui vit de revenus du patrimoine.
La contribution exceptionnelle est donc, je le crois vraiment, un impôt plus puissant, qui rapporte plus, et aussi plus juste, parce qu'il frappe davantage tous ces revenus accessoires qui sont les revenus des vrais grands patrons, ou des vrais ménages très aisés, qui ne touchent pas que des salaires.
Je voudrais aussi dire, à Michel Piron et à Marie-Jo Zimmermann, que nous connaissons tous ici leur fibre sociale : nous la respectons, nous la partageons. Moi aussi, je suis une gaulliste sociale.
Je veux répéter ici qu'au cours de ce quinquennat, les dépenses sociales de l'État ont augmenté de 37 % : l'allocation adulte handicapé a augmenté de 33 %, le minimum vieillesse de 25 % ; nous avons créé le revenu de solidarité active : le vrai bouclier social, c'est nous qui l'avons créé et nous devons en être fiers.
Nous devons défendre ce bilan, car jamais les filets de protection sociale n'ont été aussi solides dans notre pays ; c'est aussi pour cela que les Français traversent la crise de façon peut-être moins douloureuse que dans d'autres pays - cela se voit dans la rue de ces pays. Il est important de répéter que nous avons fait les gestes nécessaires pour les plus fragiles.
Et je refuse d'entendre ce discours selon lequel les Français les plus favorisés ne paient pas l'impôt sur le revenu ou en paient moins. Grâce à l'effort de réduction des niches fiscales que nous avons engagé, aujourd'hui les 100 ménages les plus favorisés paient 36,5 % d'impôt sur le revenu, tandis que les 1 000, les 10 000, les 50 000 et les 100 000 ménages les plus favorisés paient respectivement 35 %, 33 %, 30,4 % et 28,3 %. Il y a donc bien progressivité de l'impôt. Plus on gagne d'argent en France, plus l'impôt sur le revenu est élevé. Tels sont les chiffres d'aujourd'hui, et ils sont le fruit de votre action, de votre mandat. C'est vous qui avez réduit les niches fiscales. Soyez-en fiers, mais ne chargez pas la barque pour les classes moyennes supérieures qui ne sont pas les vrais très hauts revenus.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. La réponse de Mme la ministre est excellente, mais je reconnais que les questions de M. Piron sont intéressantes.
M. Michel Piron. Merci !
M. Hervé Mariton. Nous évoquons souvent la question de la convergence fiscale avec l'Allemagne, mais il serait bon que cela ne signifie pas systématiquement l'augmentation de nos impôts pour égaler ceux des Allemands. Compte tenu des nombreux cas où nos impôts sont supérieurs aux leurs, si nous les augmentons dans les rares cas où ils sont inférieurs, je vous laisse imaginer l'ardoise finale...
Monsieur Piron, pour avoir bénéficié des mêmes informations et participé aux mêmes travaux que moi, vous savez qu'en Allemagne l'impôt sur le revenu inclut une part de fiscalité économique qui rend la comparaison plus difficile...
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission . C'est vrai !
M. Hervé Mariton. ...et qui montre en tout cas que l'écart n'est pas tout à fait celui que vous avez indiqué.
Vous avez évoqué la question de la progressivité. Les travaux de Thomas Piketty ont été pris comme vérité d'évangile dans notre Assemblée, alors que leur présentation scientifique est particulièrement contestable. Par ailleurs, la fraction où l'impôt sur le revenu devient stable est extrêmement réduite, en tout cas très inférieure aux 30 000 foyers que Michel Piron ou d'autres proposent de prendre en compte. Comme l'indique le rapporteur général, il y a par ailleurs chez M. Piketty un changement constant d'échelle, ce qui pose problème.
Enfin, je veux dire à mes collègues socialistes que j'ai participé récemment avec Jean-Patrick Gille à un colloque sur la famille. Il a eu l'honnêteté de dire qu'il fallait supprimer le quotient familial, car c'est la seule manière de financer la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je trouve ce débat très intéressant.
Pour sa part, le groupe Nouveau centre ne votera aucun de ces amendements...
M. Christian Eckert. Quel courage !
M. Charles de Courson. ...parce que l'assiette de l'impôt sur le revenu est beaucoup plus étroite que celle du revenu de référence, et parce que le rapport entre le revenu fiscal et le revenu de référence augmente au fur et à mesure que vous progressez dans l'échelle des revenus. Ce n'est pas en augmentant le barème que vous parviendrez à taxer les hauts revenus, à moins de supprimer tout ce qui relève du forfait, c'est-à-dire les plus values...
M. Christian Eckert. Vous êtes là depuis dix ans. Qu'avez-vous donc fait ?
M. Charles de Courson. Mais si vous ne coordonnez pas ce mouvement de suppression des prélèvements forfaitaires en Europe, vous aboutirez à un écart considérable, uniquement sur une partie des revenus du patrimoine.
L'amendement de Michel Piron rapporterait 365 millions et concernerait environ 60 000 familles, tandis que la disposition que nous avons adoptée à l'article 3 permettra de dégager une recette de 420 millions et concernera 25 000 familles, soit une majoration en moyenne de l'impôt sur le revenu de 17 000 euros. L'assiette de cette mesure est beaucoup plus large, donc beaucoup plus juste.
Il faudra supprimer progressivement le prélèvement forfaitaire, mais dans un cadre européen.
M. Dominique Baert. On a compris que vous ne faites rien !
M. le président. Il faut conclure, monsieur de Courson !
M. Charles de Courson. Encore deux minutes, monsieur le président.
M. le président. Non, deux minutes, c'est le temps global qui vous est imparti.
M. Charles de Courson. Mes chers collègues socialistes, vous proposez de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu. C'est un problème grave et sérieux.
M. le président. Monsieur de Courson, vous avez un temps de parole contraint et la question que vous évoquez a déjà été abordée.
M. Charles de Courson. On ne peut pas fusionner ces deux impôts sur une assiette autre que celle de la CSG, ce qui veut dire qu'il faudrait supprimer toutes les niches fiscales, ainsi que le quotient familial. Sinon, vous échouerez, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Gilles Carrez ayant présenté les choses de manière moins subtile qu'à l'accoutumée,...
M. François de Rugy. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. ... .je souhaite intervenir à mon tour.
La comparaison en pourcentage de PIB du rendement de l'impôt sur le revenu en France et en Allemagne tient évidemment compte de la part qui, en France, relève de l'impôt sur les sociétés et en Allemagne de l'impôt sur le revenu. Cette répartition est faite par le conseil des prélèvements obligatoires et les chiffres qui ont été donnés par nos collègues sont exacts. De fait, quand on compare l'impôt sur le revenu en France plus la CSG à l'impôt sur le revenu correspondant à notre périmètre en Allemagne, on constate un écart de deux points de PIB, ce qui veut dire que l'Allemagne taxe beaucoup plus le travail que la France, car actuellement la taxation des revenus du capital dans ce pays est moins forte que chez nous,...
M. Philippe Vigier. Absolument !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. ...et elle le restera puisque vous venez d'en voter l'aggravation.
Il est surprenant que le Président de la République ait décidé la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne dès lors qu'en Allemagne la fiscalisation du travail est bien plus importante que dans notre pays.
Monsieur le rapporteur général, il faut veiller à ne pas condamner trop durement le prélèvement à la source ou la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG, ne serait-ce que parce que Jean-François Copé a prôné les deux publiquement et de manière explicite.
M. François de Rugy. Quand il était ministre du budget !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Il est même allé plus loin en indiquant qu'il fallait certes régler un problème d'année blanche, mais que ce problème serait techniquement assez facile à résoudre. Je pense qu'il a raison sur ce point, même si cela ne pourra pas se faire en quelques mois ou quelques trimestres.
Quant à la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG, le rapporteur général a pris comme hypothèse de départ - peut-être était-ce celle de l'UMP à l'époque où Jean-François Copé prônait cette fusion - que l'assiette retenue pour l'impôt fusionné serait l'assiette actuelle de l'impôt sur le revenu, ce qui immanquablement l'amène à dire que ceux qui acquittent l'impôt sur le revenu paieraient la CSG de ceux qui ne la paieraient plus.
M. Hervé Mariton. C'est ce que dit Jean-Patrick Gille !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Je ne crois pas ! Monsieur Mariton, vous êtes un très bon connaisseur de Pouchkine et du programme de l'UMP, mais je crois être meilleur connaisseur de la programmation future ou actuelle du parti socialiste. Restons dans nos domaines de compétences respectifs !
M. Hervé Mariton. Dites-nous en davantage ! (Sourires.)
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Je ne crois évidemment pas que, dans l'hypothèse où, soit l'UMP, soit le parti socialiste, fusionnerait l'impôt sur le revenu et la CSG, l'assiette de la CSG serait réduite de moitié, ce qui aurait pour conséquence que ceux qui acquittent l'impôt sur le revenu paieraient deux fois plus de CSG qu'aujourd'hui. Cette vision me paraîtrait complètement déraisonnable, irréaliste et, pour tout dire, folle. Mais peut-être que, si l'assiette de la CSG devenait celle de l'impôt sur le revenu, M. Carrez trouverait des accents moins sévères pour condamner cette fusion.
Au-delà de la polémique - « vous avez proposé cela mais fait ceci, qu'allez-vous faire, et vous qu'avez-vous fait » - qui sévit depuis un quart d'heure mais qui fait partie du débat parlementaire et ne choque personne, la vraie question est celle de l'harmonisation des assiettes, c'est-à-dire celle des niches. Certains règlent la question de manière radicale autant qu'universitaire. Il a été fait référence à un brillant universitaire.
M. Hervé Mariton. Il n'est pas brillant, il est dangereux !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Il prône un système d'impôt sur le revenu qu'il faudrait probablement instaurer dans un pays qui n'existerait pas et que l'on créerait, un pays qui n'aurait aucun système fiscal et aucune tradition dans ce domaine...
M. Hervé Mariton. C'est le rêve enchanté !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Monsieur Mariton, je vous ai connu plus calme et plus serein !
Vous faites référence à cet universitaire que vous avez le droit de ne pas trouver brillant tandis que d'autres pensent le contraire. J'estime, pour ma part, qu'il l'est de fait, ce qui ne veut pas dire qu'il a toujours raison.
Si un pays nouveau était créé, et une fiscalité inventée pour lui, sa proposition serait tout à fait digne d'intérêt. Mais le problème est qu'il propose de plaquer sa théorie sur un pays ancien et dont la fiscalité est elle-même ancienne. On ne peut pas faire bouger les lignes avec la violence qu'il imagine. Nous sommes nombreux, à droite évidemment, mais aussi à gauche, croyez-moi, à avoir expliqué que si ce système était en théorie satisfaisant, il était rigoureusement inapplicable dès lors que l'on accepte que la politique, c'est l'art du possible.
M. Philippe Vigier. Très bien !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Je crains donc que le système proposé par Thomas Piketty ne soit pas applicable.
Cela nous interdit-il de réfléchir à l'évolution d'une fiscalité caractérisée par le paiement de la CSG, au moins par 80 % des Français, dès le premier euro, si faibles que soient leurs revenus ?
Je peux comprendre que certains libéraux, dont vous êtes, monsieur Mariton, soient contre la progressivité de l'impôt sur le revenu et favorables à un impôt proportionnel. Mais je ne suis pas sûr que tous vos collègues de l'UMP partagent votre point de vue. En tout cas, je suis certain que personne, sur les bancs de l'opposition, ne le partage.
Cela dit, notre débat est tout sauf médiocre. Je suis pour la progressivité, alors que vous êtes pour la proportionnalité, et parce que je suis pour la progressivité j'ai le droit de m'interroger sur une réforme fiscale qui permettrait, alors que la CSG est maintenant à plus de 8 %, qu'elle ne s'applique pas à ce taux-là et dès le premier euro,...
M. Hervé Mariton. Alors, qui paye ?
M. le président. Mes chers collègues, il ne s'agit pas d'un dialogue entre M. Mariton et le président de la commission !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Monsieur le président, si je peux me permettre, vous devriez vous adresser à M. Mariton davantage qu'à moi !
M. le président. Je m'adresse aux deux puisque chacun en joue visiblement.
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Une réforme de l'impôt sur le revenu devrait prévoir que chacun paie sur ses revenus dès le premier euro, et quel que soit l'origine de ces revenus, avec bien évidemment une progressivité et un taux de départ extrêmement faible. Sinon nous continuerons d'avoir un système qui voit aujourd'hui des jeunes femmes employées à temps partiel dans des grandes surfaces devoir payer 8 % de CSG, alors que leur rémunération mensuelle est de 600, 700 ou dans le meilleur des cas 800 euros, pendant que de très grandes fortunes - je ne donnerai aucun nom - paient en moyenne 12 à 15 %. La faiblesse de cet écart devrait inciter certains de nos collègues favorables à la proportionnalité intégrale à réfléchir à la progressivité, seule condition de la justice fiscale.
M. Dominique Baert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Je souhaite répondre au rapporteur général qui a parlé de mon innocence, ce dont je le remercie car je ne me sens nullement coupable des turpitudes fiscales qui durent maintenant depuis quatre ans et demi.
Vous avez parlé de matraquage fiscal clandestin : mais c'est que vous en connaissez un rayon ! Car il y a une réforme dont les Français commencent à voir le résultat : c'est celle de la taxe professionnelle, puisque vous avez transféré un impôt payé par les entreprises vers un impôt sur les ménages, à savoir la taxe d'habitation. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Dans la mesure où nous souhaitons renforcer la progressivité de l'impôt, la somme de l'impôt sur le revenu et de la CSG baissera pour les smicards. Oui, monsieur Mariton, je me préoccupe, moi, des petits salaires des smicards et je préfère en effet qu'on arrête de dire qu'un enfant de député a plus de valeur qu'un enfant de smicard. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Bien sûr, nous prendrons en compte les charges de famille.
Quant au prélèvement à la source, cher rapporteur général du budget, il revient à établir une transparence totale et à éviter toute mauvaise surprise comme aujourd'hui où l'on demande aux gens de payer sous forme d'impôt de l'argent qu'ils ont déjà dépensé. Le prélèvement à la source ne réserve, lui, que de bonnes surprises car, comme vient de le souligner le président de la commission, on ne supprimera pas la totalité des crédits d'impôts et des exonérations, ce qui serait complètement fou au vu de la situation actuelle. Je n'ai jamais prétendu que l'on pouvait supprimer d'un trait de plume l'intégralité des niches fiscales.
Les contribuables bénéficieront de remboursements a posteriori et donc auront de bonnes surprises à la place des mauvaises que leur réserve le système actuel.
M. Hervé Mariton. Vous êtes d'une naïveté !
M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.
M. François de Rugy. Je souhaite finir sur ce point, monsieur le président.
Vous savez, monsieur le rapporteur général, ce qu'il en est de l'optimisation fiscale : dans le système actuel, les bénéficiaires de très hauts revenus ont intérêt à payer des gens pour leur dire comment bénéficier de déductions fiscales. On doit en trouver beaucoup parmi les donateurs du « premier cercle ».
M. Christian Eckert. Ça fait mal, n'est-ce pas, chers collègues de la majorité ?
M. Camille de Rocca Serra. Que c'est médiocre !
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Je note qu'au-delà des groupes SRC et GDR, une cinquantaine de députés de la majorité sont également favorables à la révision des barèmes de l'impôt sur le revenu. Si ces dix amendements sont rejetés aujourd'hui, on reviendra forcément à brève échéance sur cette question dans la mesure où nombreux sont les partisans d'une plus grande justice sociale.
M. Christian Eckert. Très juste !
M. le président. La parole est à M. Michel Piron.
M. Michel Piron. Je formulerai deux observations techniques, puis une ultime interrogation. D'abord, si l'on veut établir une comparaison, il convient de rappeler que le produit de l'impôt auquel vous soumettez, avec le revenu fiscal de référence, les personnes qui gagnent plus de 250 000 euros par part imposable, comprend les revenus du travail et les revenus patrimoniaux. Ensuite, lorsque l'IRPP concerne la fraction de revenus supérieure à 150 000 euros, on n'intègre évidemment pas tous ceux qui sont au forfait, c'est-à-dire au prélèvement libératoire plus CSG-CRDS. Il faudrait totaliser les deux pour faire une vraie comparaison.
Seconde remarque : il y a deux assiettes, l'une technique, dont vous avez parlé, et l'autre qui concerne le nombre de contribuables, que j'ai évoqués. La première, le RFR que vous avez vanté à juste titre, est une assiette très large. Si cette assiette, à laquelle je souscris, est excellente, pourquoi n'avoir pas baissé le seuil de 250 000 à 150 000 euros ? Voilà la bonne réponse que j'attendais du Gouvernement.
En effet, quitte à me répéter, est-il injustifiable, insupportable, de demander à un ménage qui gagnerait quelque 400 000 euros bruts par an une participation de 2 500 euros supplémentaires à l'effort consenti par tous eu égard à la situation actuelle ? Non seulement j'estime que c'est justifiable mais je pense que c'est même recommandable, voilà le sens de mon amendement.
(L'amendement n° 284 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 344 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 88 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 159 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 354 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 78 n'est pas adopté.)
M. le président. Avant que je mette aux voix l'amendement n° 3 de M. Piron, Mme la ministre souhaite s'exprimer.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement et, à défaut, maintient son avis défavorable.
M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Piron ?
M. Michel Piron. Vous me demandez de retirer mon amendement, madame la ministre. Je vous le dis très clairement : votre réponse ne me satisfait pas. Ce n'est donc pas à la faveur de votre réponse mais parce que j'ai bien noté l'absence, au sein de la majorité, d'une majorité pour voter cet amendement, que je le retire.
M. François de Rugy. Il y a eu des pressions !
M. Michel Piron. Et je regrette d'autant plus vivement qu'une partie importante de la majorité n'ait pas été comprise, que ma proposition avait beaucoup de sens dans le contexte des efforts que vous demandez aujourd'hui aux Français. Reste, j'y insiste, que ce retrait ne vaut pas approbation de votre réponse.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
M. Henri Emmanuelli et M. Pierre-Alain Muet. Nous souhaitons reprendre cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Je vais donc le mettre aux voix.
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)