M. Yoshirô HOSOMI, vice-maire de Kyoto
Je vais vous présenter les politiques de la ville de Kyoto pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il existe une formule en anglais « Do you Kyoto ? » employée dans le sens de « Agissez-vous pour l'environnement ? ». J'ai appris que cette formule inspirée par le Protocole de Kyoto avait été lancée par une association à but non lucratif de Seattle. Elle semble se répandre de par le monde puisqu'il paraît que la chancelière allemande Angela Merkel fait partie des personnes qui l'emploient.
J'ai effectué hier une visite au Lycée Kyoto de Poitiers. Cet établissement portant le nom de notre commune a été conçu pour lutter contre le réchauffement climatique, et son bâtiment est notamment équipé de panneaux photovoltaïques et d'un système de récupération des eaux pluviales. Au-delà du simple nom de la commune, Kyoto est considéré aujourd'hui comme le symbole des actions en faveur de l'environnement. Nous en éprouvons une grande fierté, mais en même temps nous nous sentons investis d'une responsabilité dans l'édification d'une société à faibles émissions de CO 2 .
Monsieur le Professeur Yasui a tenu tout à l'heure des propos un peu pessimistes, mais la ville de Kyoto déploie tous les efforts possibles pour réduire les gaz à effet de serre. Nous ne renoncerons pas, car nous souhaitons que la réponse à la question « Quelle est la ville modèle en matière d'environnement au Japon ? » soit Kyoto.
Je vais maintenant vous parler des initiatives de Kyoto et des défis à relever. Comme vous le savez, Kyoto est une ville chargée d'histoire. Kyoto a été la capitale du Japon pendant mille ans environ, à partir de l'an 794. C'est dans notre commune que se concentrent 20 % des trésors nationaux du Japon. On y dénombre également quatorze patrimoines mondiaux de l'UNESCO. Les temples et sanctuaires de notre ville, sa nature et ses très belles rues anciennes où s'alignent les maisons traditionnelles de marchands attirent chaque année du Japon et de l'étranger plus de 50 millions de touristes. Je me réjouis d'ailleurs que notre ville ait accueilli 55 000 touristes français en 2008.
Il est important de souligner que Kyoto est une grande ville qui existe toujours après avoir été la capitale du Japon pendant plus de mille ans. C'est une chose très rare, qui a peu d'équivalents dans le reste du monde. La ville de Kyoto compte de nos jours 1,47 million d'habitants et occupe la sixième place parmi les 1 800 communes japonaises en termes de démographie. C'est une ville manufacturière qui sait fusionner le savoir-faire des maîtres de l'artisanat traditionnel et les technologies de pointe pour créer des innovations. Kyoto est également une ville universitaire et les étudiants représentent environ 10 % de sa population. Il s'agit donc d'une commune très dynamique.
La ville de Kyoto a accueilli en 1997 la Conférence des parties sur les changements climatiques (COP3) lors de laquelle a été adopté le Protocole de Kyoto. Consciente de cet honneur et des responsabilités qui en découlent, la commune s'est toujours engagée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons d'ailleurs obtenu certains résultats. En 1990, la ville de Kyoto a émis 7,72 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Depuis, le volume d'émissions de CO 2 a connu des variations en hausse ou en baisse, mais en 2007, il s'est élevé à 7,26 millions de tonnes, soit 6 % de moins qu'en 1990. A titre indicatif, les émissions de gaz carbonique au Japon ont augmenté de 8,7 % pendant la même période.
Je vais maintenant vous présenter les initiatives prises par notre commune pour réduire les émissions de gaz carbonique. D'abord, une série d'actions ont été menées dans le cadre du Projet COP3, à partir de la signature du Protocole de Kyoto en 1997. Ensuite, d'autres actions ont été initiées après le dépôt de candidature et la distinction de la Ville comme « ville modèle pour l'environnement » par l'Etat en 2008.
Tout d'abord, dans le cadre du Projet COP3, la ville de Kyoto a lancé, pour la première fois au Japon, un programme d'utilisation du biodiesel. Ce programme consiste à collecter, avec la coopération des habitants, de l'huile de friture usagée pour la transformer en biocarburant dans une raffinerie. Actuellement la ville compte 1 400 points de collecte d'huile de friture usagée et environ 178 000 litres d'huile sont ainsi collectés chaque année. L'usine de raffinage est la propriété de la commune et produit 5 000 litres de biodiesel par jour. C'est la plus importante usine de ce type au Japon. En 2008, 1 522 kilolitres d'huile ont été raffinés et les 170 véhicules de collecte de déchets ainsi que 95 bus municipaux roulent au biodiesel. Cela permet non seulement une réduction de 4 000 tonnes de CO 2 , mais aussi de diminuer les émissions de dioxyde de soufre contenu dans le gazole. En outre, ce programme favorise la prévention de la pollution de l'eau puisque les habitants ne jettent plus d'huile alimentaire dans l'évier. De plus, la mobilisation des habitants autour de ce projet renforce les liens entre eux et les sensibilisent à la protection de l'environnement. En 2008, nous avons également mené une coopération technique avec la ville de Bogor, en Indonésie, en matière de production de biodiesel.
Par ailleurs, nous avons élaboré en 2003 les « stratégies 21 pour les déchets ». Dans ce cadre, nous avons, en coopération avec les habitants, rendu payante la collecte des déchets ménagers en 2006, et avons ensuite mis en place la collecte sélective en 2007. Ces actions ont eu pour conséquence de réduire le volume des déchets, de 860 000 tonnes en 2001, année de référence, à 670 000 tonnes en 2008, soit une baisse de 22 %. Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre du secteur des déchets ont baissé de 210 000 tonnes à 160 000 tonnes, soit une baisse de 24 %.
Ensuite, Kyoto a été la première commune à créer une structure visant à mener des actions en faveur de l'environnement en partenariat avec les citoyens et les acteurs économiques. La portée de certaines initiatives que la ville de Kyoto a prises dans le cadre de cette structure appelée « Forum Agenda 21 pour Kyoto » ne se limite pas au territoire de la commune. Je voudrais vous présenter aujourd'hui quatre initiatives prises dans ce cadre.
Tout d'abord, le Forum Agenda 21 pour Kyoto a établi en mai 2001 une norme relative au système de management environnemental de Kyoto (KES). Parallèlement à la norme internationale ISO 14001 qui concerne les systèmes de management environnemental, la norme KES est plus spécifiquement adaptée à la mise en place d'un système de management environnemental par les PME. Le Forum a été le principal acteur de la création de la KES. A ce jour, 637 PME ont été certifiées conformes à KES, ce qui a permis la réduction de 116 000 tonnes de CO 2 par an. Et à l'échelle nationale, le nombre de certificats KES délivrés s'élève à 3 069.
Deuxièmement, le Forum a créé son propre label « économies d'énergie ». Ce label permet aux consommateurs d'identifier facilement des produits électroménagers à haute performance énergétique. Aujourd'hui ce label est utilisé à l'échelle nationale, mais au départ, c'était l'initiative de Kyoto.
Troisièmement, dans le cadre des actions du Forum Agenda 21 pour Kyoto, un Centre pour l'environnement de Kyoto a été créé en avril 2002 pour commémorer la Conférence des parties sur les changements climatiques de 1997. Cet établissement, pôle d'éducation à l'environnement et de soutien aux actions de protection de l'environnement, accueille non seulement les habitants de Kyoto, mais aussi de nombreux visiteurs venant d'autres régions du Japon et de l'étranger. Le Centre a accueilli 93 000 personnes en 2008, et le nombre total des visiteurs depuis son ouverture se monte à 640 000. Grâce à une approche sensorielle et expérimentale, les visiteurs découvrent, touchent et sentent ce qui est exposé. Le bâtiment du Centre est équipé par ailleurs de panneaux photovoltaïques, d'un système de récupération des eaux pluviales et de pompes à chaleur géothermiques. Le Centre assure également la formation de bénévoles dans le domaine de l'environnement.
Enfin, le Forum a été associé en décembre 2004 à l'élaboration d'un règlement municipal de la commune de Kyoto contre le réchauffement climatique. Il s'agit du premier règlement municipal en la matière qui s'appuie sur les habitants et les entreprises. Il prévoit un niveau d'émissions de CO 2 en 2010 inférieur de 10 % à celui de 1990, et des obligations contraignantes pour les habitants et les entreprises. Ce règlement a servi de modèle aux autres collectivités locales japonaises ayant ensuite adopté des dispositions similaires.
Confortée par ces expériences, la ville de Kyoto a présenté sa candidature à l'appel à projets « Villes modèles pour l'environnement » destiné à réduire les émissions de gaz à effet de serre par des actions innovantes. Le 23 janvier 2009, notre commune a été distinguée par l'Etat comme ville modèle pour l'environnement. A la suite de cette distinction, nous avons élaboré un plan d'action qui prévoit des objectifs ambitieux : diminution des émissions de CO 2 de 40 % d'ici 2030 et de 60 % d'ici 2050 par rapport à 1990. Nous poursuivons nos actions pour atteindre ces objectifs en partenariat avec les habitants et les entreprises.
Permettez-moi de vous présenter trois actions stratégiques prévues dans le cadre de notre plan d'action. La première initiative concerne la promotion de la marche à pied. Comme Kyoto est une ville touristique, nous nous sommes fixé comme objectif d'augmenter le taux d'usage des alternatives à l'automobile. A cet effet, nous avons réglementé la circulation automobile et avons aménagé des parkings relais. D'autre part, en tirant parti de la configuration urbaine compacte de la ville, nous privilégions la marche à pied et favorisons des modes de déplacement doux. Cette politique pourrait se traduire par une réduction d'environ 600 000 tonnes de CO 2 . La consommation énergétique du bus ne représente qu'un tiers de celle de l'automobile, et le métro dépense neuf fois moins d'énergie que cette dernière. Pour faire de Kyoto une ville durable et animée où les citoyens se déplacent en transports en commun, il faut placer les citoyens au centre de la politique du cadre de vie. Une approche intégrée du développement urbain tenant compte de différents aspects tels que l'environnement, les transports et les contacts humains nous permettra de rendre notre commune plus attractive pour les piétons. Nous organisons également des manifestations pédestres comme le marathon et les randonnées.
La deuxième stratégie est la préservation de la culture du bois. La ville de Kyoto présente de belles ruelles avec des maisons traditionnelles en bois. Celles-ci sont de très beaux exemples de la culture du bois. Ces bâtiments en bois ont été construits avec le bois provenant des forêts qui couvrent les trois quarts de la superficie de la ville. Nous favorisons la construction en bois pour la préservation de cette culture qui constitue notre identité, et pour le développement durable. Les maisons traditionnelles de Kyoto qui créent de beaux paysages urbains sont un condensé de savoir-faire et de sagesse traditionnels. Aussi nous allons construire des maisons exemplaires en termes de performance énergétique qui allient le savoir-faire traditionnel et les dernières technologies de maîtrise de l'énergie. Avec ces nouveaux logements, une réduction des émissions de CO 2 de 135 000 tonnes est prévue pour 2020. Notre concept d'aménagement urbain permettra de créer un paysage urbain durable, et de concilier les fonctions d'une grande ville et l'identité d'une ville historique.
Comme vous le savez, l'exploitation forestière gérée de façon durable absorbe le CO 2 et a des effets bénéfiques pour prévenir le réchauffement climatique. Pour la ville de Kyoto dont les trois quarts de la superficie sont boisés, il est important d'aménager les forêts et d'utiliser des bois d'éclaircissage pour compenser les émissions de CO 2 . Cependant, les bois d'importation étant beaucoup moins chers aujourd'hui, les bois provenant des forêts japonaises sont peu utilisés. De ce fait, la sylviculture et l'aménagement forestier connaissent une situation difficile. Aussi nous cherchons à promouvoir l'utilisation des bois produits sur notre territoire pour la construction des nouveaux logements dont je viens de vous parler. En outre, les bois d'éclaircissage et la sciure sont valorisables sous forme de granulés de bois ou de compost. Ces solutions contribuent à la fois à l'aménagement des forêts de notre territoire et à la préservation de cette source d'absorption du gaz carbonique. Nous prévoyons ainsi de réduire les gaz à effet de serre de 400 000 tonnes à l'horizon 2030.
La troisième stratégie s'articule autour d'un mode de vie plus respectueux de l'environnement. Pour construire une société sobre en carbone, il est nécessaire de changer non seulement de politique urbaine, mais aussi de mode de vie. La ville de Kyoto encourage donc ses habitants à tenir un livre de comptabilité énergétique. En effet, il est temps que les citoyens remettent en question la production de masse, la consommation de masse et la course au confort qui fait consommer de l'énergie tard dans la nuit. Il s'agit d'un nouveau mode de vie : marcher au lieu de prendre son véhicule, privilégier le bois comme matériau de construction, par exemple. Fort heureusement, l'idée de ne rien gaspiller, le concept de « mottainai » en japonais, est bien ancrée dans l'esprit des Japonais. Ce concept est également défendu par la Kényane Wangari Maathai par exemple. Et les Japonais savent depuis toujours observer le changement des saisons et vivre en harmonie avec la nature. A Kyoto, encore aujourd'hui, on asperge d'eau le pavé ou le jardin lorsqu'il fait très chaud en été pour se rafraîchir et on trouve des maisons avec un patio.
En commémoration du protocole de Kyoto, entré en vigueur le 16 février 2005, le 16 de chaque mois est devenu la journée « Do you Kyoto ? ». Les habitants et les entreprises sont encouragés à agir pour l'environnement. Dans ce cadre, l'éclairage de 605 bâtiments tels que la mairie ou la Tour de Kyoto est éteint et les gens dînent aux chandelles dans les restaurants. Les particuliers sont invités à ne pas regarder la télévision et à ne pas faire de jeux chez eux. Des milliers de personnes y participent.
D'autre part, nous conseillons de régler la température des bureaux à 28°C en été, et à 19°C en hiver. Au Japon, il est recommandé de s'habiller léger en été et chaudement en hiver dans le cadre de la campagne « Cool bizz » et « Warm bizz », mais Kyoto assure depuis longtemps la promotion de la tenue d'été sans cravate.
La ville de Kyoto participe également à la recherche et au développement des véhicules propres de prochaine génération et à leur diffusion. Kyoto abrite ainsi de nombreuses entreprises qui développent leurs activités à l'échelle internationale et 37 universités. Concernant le développement des véhicules propres et des piles à combustible, nous tirons parti des entreprises implantées sur notre territoire, telles que Mitsubishi Motors et GS Batteries et encourageons les partenariats entre entreprises et universités. Par ailleurs, nous aménageons 42 bornes de recharge pour les voitures électriques et disposons de 59 voitures de fonction propres. Si j'inclus les véhicules roulant au biodiesel dont je vous ai parlé, il y a actuellement 519 voitures propres au niveau de la commune. Nous nous efforçons également de promouvoir le changement de comportement de nos concitoyens vis-à-vis de la voiture. Nous vivons dans une société de l'automobile, mais il faut passer aujourd'hui à une société qui privilégie la bicyclette et limiter l'utilisation des véhicules automobiles. Pour cela, nous promouvons l'autopartage et la conduite écologique qui consiste par exemple à éviter de freiner et d'accélérer brusquement.
Pour finir ma présentation, je voudrais faire une citation tirée des propos d'un astronaute : « Le premier ou le deuxième jour, nous montrions tous du doigt notre propre pays ; les troisième et quatrième jours, chacun montrait son continent ; le cinquième jour, nous étions silencieux et regardions seulement la Terre, qui était belle et unique ». Si nous partagions le même point de vue que ces astronautes et la même volonté, - il est encore temps -, la planète peut être sauvée. J'en suis persuadé. Je vous remercie.
M. Bruno LEPRAT
Merci beaucoup. Nicole Gontier, pour la communauté urbaine de Dunkerque, sorte de super agglomération, quelle est votre réaction aux propos de Monsieur Hosomi ? Kôshirô Okamura nous a rejoints et participera à la prochaine table ronde et à nos échanges à l'issue de la présentation de Madame Gontier.