Actes de colloque - 15 mai 2010

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Actes du Colloque organisé le vendredi 22 janvier 2010

au Palais du Luxembourg à Paris

par le Centre japonais des collectivités locales (CLAIR Paris)

sous le haut patronage de l'Ambassade du Japon en France

et du Groupe sénatorial d'amitié France-Japon

Centre japonais des collectivités locales (CLAIR Paris)

- 2010 -

M. Bruno LEPRAT, journaliste, animateur du colloque

Bonjour à toutes et à tous. Comment le développement durable est-il abordé par les collectivités locales françaises et japonaises ? Quelles actions sont privilégiées ? La définition du développement durable est-elle la même dans les deux pays ? Telles sont les questions que ce nouveau colloque de CLAIR Paris, organisé avec le soutien du Sénat français, souhaite traiter.

Deux tables rondes vous sont proposées aujourd'hui sur la maîtrise de l'énergie, d'une part, et sur la gestion des déchets d'autre part. Au préalable, un point sera effectué sur le développement durable, ses enjeux et le cadre juridique dans lequel évoluent les collectivités.

En préambule, pour lancer ce 7 ème colloque organisé par CLAIR depuis 1997, se succéderont David Assouline, sénateur de Paris, vice-président de la commission de la culture, de l'éduction et de la communication et président du groupe d'amitié France-Japon, Juichi Takahara, ministre plénipotentiaire de l'Ambassade du Japon en France et Kenji Naruta, directeur général de CLAIR Paris. Jacques Valade, ambassadeur itinérant pour l'Asie et ancien sénateur, conclura cette manifestation.

ALLOCUTIONS D'OUVERTURE

M. David ASSOULINE, sénateur de Paris, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, président du groupe d'amitié France-Japon

Monsieur le directeur de CLAIR, Monsieur le Ministre plénipotentiaire, Mesdames et Messieurs, je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui au Palais du Luxembourg pour cette nouvelle édition du colloque organisé par le Centre japonais des collectivités locales, sous le patronage du groupe d'amitié France-Japon du Sénat et de l'Ambassade du Japon en France. J'ai succédé à la présidence du groupe d'amitié à notre ancien collègue sénateur Jacques Valade, qui n'a pas coupé les liens avec le Japon puisque le Président de la République l'a nommé ambassadeur itinérant pour l'Asie et l'a chargé d'une mission de réflexion sur le développement de la coopération décentralisée. Il nous fait l'honneur d'être présent parmi nous cet après-midi. Je l'en remercie et je ne doute pas que vos échanges de vue contribueront à nourrir sa propre réflexion.

Les colloques précédemment organisés sous la double égide de CLAIR et du Sénat s'inscrivent dans la politique de coopération décentralisée que le Sénat a souhaité mettre en oeuvre depuis plusieurs années et dont les axes ont été redéfinis par son bureau au mois de décembre. Nous sommes donc au coeur de la mission du Sénat, qui vise à représenter les collectivités locales et à constituer un acteur, un moteur ou un facilitateur dans la coopération décentralisée. Les précédentes manifestations franco-japonaises ont eu successivement pour thème les nouvelles technologies de l'information, la décentralisation et les politiques culturelles, sujets majeurs et encore tout à fait d'actualité. Le thème retenu cette année concerne les collectivités locales et le développement durable en France et au Japon. Ce sujet nous semblait s'imposer dans le contexte du débat qui se tient en France, du Grenelle de l'environnement et de l'actualité législative. Le Parlement a en effet adopté, le 3 août 2009, la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle (Grenelle I), qui implique étroitement les collectivités territoriales. Nous nous situons d'autant plus dans l'actualité que nous sortons du Sommet de Copenhague qui, même si les attentes ont été déçues, a manifesté, par son retentissement mondial, une prise de conscience généralisée dans le monde, en particulier des citoyens mais aussi des collectivités locales, sur cet enjeu majeur pour nos générations. La formule désormais célèbre « Penser globalement, agir localement » rappelle que toute ambition de développement durable au niveau international doit être suivie d'actions concrètes au niveau local. Il est bien clair que les territoires occupent une place essentielle pour la mise en oeuvre des stratégies de développement durable. C'est en effet dans les domaines de l'aménagement du territoire et des politiques urbaines et locales que cette préoccupation est intégrée. Indépendamment des impulsions nationales ou internationales, si un recensement devait être effectué des initiatives locales et des collectivités territoriales dans le monde, de la petite commune jusqu'aux grandes régions, nous serions surpris de l'ampleur du travail accompli et de la prise de conscience dans ce domaine. Mettre au coeur cette coopération décentralisée revient donc à oeuvrer et continuer à inciter cette prise de décision, qui devra un jour intervenir de façon plus audacieuse, sur les enjeux du réchauffement climatique et du développement durable en général.

En 2003, la France avait décidé de favoriser la mise en place de 500 Agendas 21 locaux en 5 ans, notamment sur les territoires bénéficiant d'une aide publique comme les grands projets urbains, les parcs naturels régionaux, les groupements de communes ainsi que les pays ou agglomérations. En juin 2008, 260 expériences territoriales de développement durable avaient été recensées, représentant une couverture de la population française de 56 % environ.

Cet engagement ne fait que progresser. Appliqué aux collectivités, le développement durable contribue en effet à l'attractivité des territoires, aux investissements, au tourisme et au bien-être, et constitue un avantage concurrentiel pour les collectivités soucieuses d'un environnement sain et d'un cadre de vie agréable. Cela consiste pour les responsables politiques à promouvoir, dans une perspective globale et de long terme, des projets très divers, contribuant à mieux assurer le développement économique, la valorisation de l'environnement et la cohésion sociale. Depuis une dizaine d'années, de nombreuses initiatives ont été prises et les efforts ont d'abord porté sur les domaines de la prévention des déchets, de la gestion des ressources, de la construction ou de la régulation des produits chimiques pour les cultures. Plus récemment, les enjeux primordiaux, notamment pour les grandes villes, sont devenus ceux relatifs aux transports. Bien entendu, le bien-être passe par la politique de lutte contre le bruit et de protection des paysages. Lors de l'examen du projet de loi relatif au Grenelle de l'environnement, le Sénat, à l'initiative de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, dont je suis vice-président, a adopté plusieurs dispositions visant à mieux concilier l'impératif de protection du patrimoine avec les objectifs du développement durable. Ces dispositions visent d'une part à favoriser l'intégration des préoccupations environnementales dans les règlements d'urbanisme, notamment dans les secteurs sauvegardés, et d'autre part à mieux maîtriser l'impact de la publicité sur les paysages. Le législateur a fixé le cadre mais c'est aux collectivités locales qu'il appartiendra d'appliquer ces règles dans l'élaboration de leurs documents d'urbanisme.

Le Japon, où a été signé le célèbre Protocole de Kyoto, a adopté en 1998 et en 2000 des lois de lutte contre le réchauffement climatique et pour la promotion du recyclage et les collectivités territoriales japonaises se sont très vite impliquées dans leur mise en oeuvre. Le colloque d'aujourd'hui va donc permettre de comparer nos cadres juridiques et nos expériences locales et probablement d'aider à éclairer l'avenir sur un sujet majeur pour notre société. Vos échanges constitueront également une excellente préparation aux deuxièmes Rencontres franco-japonaises de la coopération décentralisée qui se tiendront les 12 et 13 mai 2010 à Kanazawa et dont l'un des thèmes est l'environnement. Je vous souhaite une réunion fructueuse, dans cet esprit de mutuelle compréhension et de convivialité qui a toujours marqué nos réunions et nos échanges. Je suis très heureux et honoré d'avoir ouvert vos travaux.

M. Juichi TAKAHARA, ministre plénipotentiaire de l'Ambassade du Japon en France

Monsieur David Assouline, sénateur et président du groupe d'amitié France-Japon, Monsieur Kôshirô Okamura, maire du Kawaguchi, Monsieur Yoshirô Hosomi, vice-maire de Kyoto, Monsieur l'Ambassadeur Jacques Valade, Monsieur Kenji Naruta, directeur général de CLAIR Paris, Mesdames et Messieurs, c'est un grand honneur pour moi d'être parmi vous aujourd'hui à l'occasion du colloque franco-japonais qui se déroule dans les locaux les plus prestigieux du Sénat. Je tiens tout d'abord à rendre hommage à CLAIR Paris pour tous les efforts qu'il a déployés dans l'organisation de ce colloque.

Au Japon comme en France, janvier est un mois où l'on fait des prévisions pour l'année qui vient et où l'on réaffirme sa détermination à affronter les enjeux de la période qui s'ouvre. Je pense qu'en 2010, la question environnementale sera encore et toujours au centre des débats. Quant à l'écologie en général, nous avons encore en mémoire le Sommet de Copenhague sur le changement climatique de décembre dernier où, malgré les efforts du Premier ministre japonais, Monsieur Hatoyama, et du Président de la République française, Monsieur Sarkozy, les négociations n'ont malheureusement pas abouti à un accord juridiquement contraignant.

En dépit du résultat récent, marquant certes un premier pas important mais qui n'a pas été vraiment bien perçu sur la scène internationale, nous ne devons pas épargner nos efforts dans nos propres pays pour encore mieux protéger la nature. Ainsi pourrions-nous, par exemple, insister particulièrement sur l'exploitation de voitures écologiques, la généralisation et l'utilisation durable des sources d'énergie renouvelable, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le renforcement des réseaux de transport en commun et l'adoption de nouvelles pratiques quotidiennes pour économiser l'énergie. L'Etat, les entreprises privées et publiques, les collectivités territoriales et les individus ont chacun un rôle à jouer dans ce domaine. On se souvient du dicton « Pensez globalement, agissez localement » mais en matière d'écologie, il me semble qu'il faudrait dire désormais « Pensez, agissez et coopérez globalement et localement ». A cet effet, de nombreuses coopérations au niveau de l'Etat ou des entreprises privées sont déjà bien établies entre nos deux pays dans le domaine de l'environnement. Quant aux collectivités locales, depuis la signature du pacte d'amitié entre Paris et Kyoto en 1958, les villes françaises et japonaises ont élargi et renforcé les échanges et le dialogue sur des questions d'intérêt commun, comme ce fut le cas lors des premières Rencontres de la coopération décentralisée franco-japonaises de Nancy en 2008 et comme cela le sera à Kanazawa cette année. Il me semble que de forts gisements restent encore à exploiter dans certains secteurs comme celui du développement durable. Je souhaite que le colloque franco-japonais de ce jour permette aux représentants des collectivités locales et aux spécialistes ici présents d'échanger et de partager la théorie et la pratique dans ce domaine essentiel pour notre avenir et celui de nos enfants.

Pour terminer, je souhaiterais former le voeu que ce colloque remporte un grand succès et qu'un nouveau partenariat entre les collectivités territoriales de nos deux pays se développe dans le domaine du développement durable. Je vous remercie.

M. Kenji NARUTA, directeur général de CLAIR Paris

Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Monsieur le Ministre plénipotentiaire, Mesdames et Messieurs les Conseillers généraux, Mesdames et Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs les Conseillers municipaux et communautaires, Mesdames et Messieurs, je suis Kenji Naruta, directeur général du Centre japonais des collectivités locales à Paris. En tant qu'organisateur de ce colloque franco-japonais, je vous remercie de votre présence aujourd'hui et je souhaiterais vous dire quelques mots de bienvenue. Permettez-moi toutefois de profiter de la présence d'interprètes pour continuer ma présentation en japonais.

Le Centre japonais des collectivités locales organise depuis 1997 des colloques franco-japonais pour atteindre deux objectifs. Le premier objectif est d'organiser des débats entre experts français et japonais sur les problèmes actuels auxquels sont confrontées les collectivités territoriales de nos deux pays, afin de tenter de trouver de nouvelles pistes de réflexion, voire des solutions. Le deuxième objectif est d'offrir un lieu de rencontre et d'échange de bonnes pratiques territoriales aux acteurs locaux français et japonais intéressés.

Nous sommes très honorés que le Sénat accueille nos colloques franco-japonais organisés tous les deux ans. Et nous sommes très heureux de pouvoir organiser le présent colloque, cette année encore, au Sénat grâce à son aide précieuse.

Je voudrais maintenant vous présenter notre organisation. Le Centre japonais des collectivités locales (CLAIR) est une fondation publique créée en juillet 1988 pour promouvoir l'internationalisation des collectivités locales japonaises. Son siège se trouve à Tokyo et pour développer son réseau à l'international, des bureaux de représentation sont installés dans sept grandes villes du monde : New York, Londres, Singapour, Séoul, Sydney, Pékin et Paris. En tirant parti de ce réseau, CLAIR apporte son soutien aux actions de coopération décentralisée et aux missions d'étude à l'étranger des collectivités locales japonaises. Par ailleurs, il mène des études et recherches sur les politiques innovantes mises en oeuvre par les collectivités territoriales étrangères. CLAIR diffuse également auprès des acteurs locaux étrangers des informations sur l'administration territoriale japonaise et sur les actions menées par les collectivités locales japonaises. Enfin, CLAIR apporte son soutien au Programme JET. Dans le cadre de ce programme, les collectivités locales japonaises accueillent de jeunes diplômés étrangers qui sont engagés par une collectivité locale en tant que chargés de mission aux relations internationales, ou par un établissement scolaire en qualité d'assistants de langue étrangère.

Ce colloque a pour thème les collectivités locales et le développement durable. Concernant les intervenants japonais, Monsieur le Professeur Itaru Yasui, spécialiste des sciences de l'environnement et membre de la Commission centrale pour l'environnement, organe consultatif du ministère de l'Environnement, fera une présentation au cours de la séance d'introduction et nous précisera entre autres le rôle des collectivités locales dans le développement durable. Au cours de la première table ronde sur la réduction des émissions de CO 2, le vice-maire de Kyoto, ville où a été signé le Protocole de même nom en 1997, Monsieur Yoshirô Hosomi, nous présentera les actions menées par sa commune pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Monsieur Kôshirô Okamura, maire de Kawaguchi et représentant de l'Association des maires de grandes villes du Japon, équivalent de l'AMF en France, prendra la parole au cours de la deuxième table ronde consacrée à la gestion des déchets et au recyclage.

Quant aux intervenants français, Madame Liliane Duport, administratrice de l'Association 4D, et Madame Laurence Ermisse, responsable du Pôle Territoires et Développement durable de la même association, parleront du cadre juridique et des enjeux du développement durable pour les collectivités territoriales françaises. L'Association 4D accompagne la mise en oeuvre du développement durable dans les territoires et favorise le partage d'informations et d'expériences dans ce domaine.

Monsieur Pierre-Paul Leonelli, vice-président de la Communauté urbaine Nice Côte d'Azur, et Madame Nicole Gontier, directeur général des services techniques de la Communauté urbaine de Dunkerque, nous feront ensuite partager leurs expériences et points de vue au cours des tables rondes.

J'ai accompagné hier les intervenants japonais lors de leur visite au Lycée Kyoto de Poitiers, qui tire justement son nom du Protocole de Kyoto. Respectant les engagements du protocole, les bâtiments de ce lycée sont tout à fait exemplaires en matière d'éco-construction. Nous avons été très surpris par les techniques mises en oeuvre dans ce cadre. La France est un pays d'excellence environnementale et je suis heureux que ce colloque portant sur le développement durable se tienne ici, en France.

Le mois dernier s'est tenue à Copenhague la 15 ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 15). Cette conférence avait pour objectif de renégocier un accord mondial relatif à la lutte contre le réchauffement climatique remplaçant le Protocole de Kyoto qui prendra fin en 2012. Pourtant, un conflit d'intérêts entre les divers pays n'a malheureusement pas permis d'aboutir à un accord juridiquement contraignant. L'issue de cette conférence témoigne des difficultés rencontrées par la coopération entre Etats dans le domaine de l'environnement. Il est donc important de promouvoir la démarche des collectivités territoriales en matière de développement durable. Aussi je me félicite que le présent colloque puisse constituer un lieu de débat sur ces questions pour les acteurs locaux de nos deux pays. Je suis persuadé qu'un débat fructueux nous permettra non seulement de prendre connaissance des actions de chacun, mais aussi d'ouvrir de nouvelles pistes d'action.

CLAIR Paris fêtera en juillet prochain son vingtième anniversaire. Nous sommes déterminés à continuer nos efforts pour l'internationalisation des collectivités locales japonaises tout en nous appuyant sur les actions menées jusqu'à présent. Je vous remercie pour votre attention.

M. Bruno LEPRAT

Merci. Nous allons passer au temps suivant.

INTRODUCTION

Le développement durable : cadre juridique et enjeux pour les collectivités territoriales en France et au Japon

M. Bruno LEPRAT

Dans quel cadre juridique les collectivités locales évoluent-elles en France et au Japon en matière de développement responsable ? Nous vous proposons d'effectuer un point juridique, avec l'intervention de représentants de nos deux pays, Monsieur Itaru Yasui, Président de l'Institut national de la technologie et de l'évaluation et Mesdames Liliane Duport et Laurence Ermisse, représentantes de l'association 4D (Dossiers Débats pour le Développement Durable).

Mesdames, comment la France a-t-elle légiféré sur ces questions de développement durable ? Comment les collectivités locales s'invitent-elles dans ce panorama ? Quels sont les enjeux que vous avez identifiés pour ces dernières ? Présentez-nous également, en préambule, votre association.

Mme Liliane DUPORT, administratrice à l'Association 4D (Dossiers Débats pour le Développement Durable)

L'association 4D a été créée à l'issue de la Conférence de Rio afin de diffuser les principes de développement durable dans les politiques publiques nationales et locales. Elle a aujourd'hui une quinzaine d'années. J'en suis l'administratrice, tandis que Laurence Ermisse fait partie du personnel permanent. Nous vous présenterons le contexte français en matière de développement durable, qui intéresse les collectivités locales.

Mme Laurence ERMISSE, responsable du Pôle Territoires et Développement durable à l'Association 4D (Dossiers Débats pour le Développement Durable)

Bonjour à tous et merci de nous accueillir aujourd'hui dans cet échange franco-japonais. Nous essaierons de vous brosser un rapide panorama de l'intégration du développement durable dans les politiques publiques françaises et de la façon dont les collectivités locales s'en sont saisies. Notre approche vise le développement durable au sens large, et sa mise en oeuvre à travers les Agendas 21 locaux.

Le Sommet de la Terre réuni à Rio de Janeiro en 1992 a constitué une date importante dans la prise de conscience du rôle des collectivités locales dans le développement durable puisque c'est lors de cette conférence que celles-ci ont été reconnues comme des acteurs de premier plan, comme le suggère le programme Action 21. D'après ce programme de la conférence des Nations Unies, ce sont « les collectivités locales qui construisent, exploitent et entretiennent les infrastructures économiques, sociales et environnementales, qui surveillent les processus de planification, qui fixent les orientations et la réglementation locale en matière d'environnement et qui apportent leur concours à l'application des pratiques de l'environnement adaptées à l'échelle nationale et infranationale. Elles jouent donc, au niveau administratif le plus proche de la population, un rôle essentiel dans l'éducation, la mobilisation et la prise en compte des vues du public en faveur d'un développement durable » (Action 21, Conférence des Nations Unies de Rio, 1992). Cette conférence internationale représente un peu l'acte fondateur du rôle des collectivités dans le développement durable.

En France, cette affirmation issue de la conférence de Rio a trouvé un écho assez rapidement dans les textes et la réglementation, même si cela s'est opéré de manière progressive au fil des ans. Dès 1995, la loi Barnier sur la protection de l'environnement évoque et intègre, pour la première fois, la notion de développement durable. Suivront ensuite de nombreuses lois qui évoqueront cette question. La loi de 1999 dite loi Voynet relative à l'aménagement du territoire, notamment, crée les pays et les agglomérations en les incitant fortement à s'engager dans des Agendas 21 locaux et intègre le principe de la participation de la société civile à l'élaboration des politiques publiques, l'un des principes fondamentaux du développement durable.

En parallèle, des dispositifs plus expérimentaux ont été initiés par l'Etat. Trois séries d'appels à projets, dénommés « Outils et démarches en vue de la réalisation d'Agendas 21 » ont été lancées en 1997, 2000 et 2003. Ces appels à projets avaient pour objet d'encourager les collectivités, notamment par le biais d'une incitation financière, à engager des actions en faveur du développement durable et surtout de leur donner la possibilité d'expérimenter de nouvelles démarches dans ce secteur. Plus récemment, les lois Grenelle ont constitué un moment important du développement durable, leur élaboration ayant suscité une large concertation de la société civile. La dernière de ces lois se trouve toujours en cours d'adoption à l'Assemblée nationale.

Enfin, la question du développement durable en France a été portée en 2003 à son plus haut niveau puisque, intégrée au préambule de la Constitution française, cette notion a acquis une valeur constitutionnelle. Le préambule, constitué de la Charte de l'environnement, indique que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et l'amélioration de l'environnement ». Un de ses articles précise également que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, du développement économique et du progrès social ».

M. Bruno LEPRAT

Nous pouvons peut-être préciser à nos invités japonais que la Constitution représente le cadre juridique suprême dans lequel doivent s'inscrire toutes les initiatives des acteurs de la société française.

Mme Laurence ERMISSE

Quant aux politiques étatiques récentes en matière de développement durable, les lois Grenelle I et II ont été initiées en 2007. Ces lois relatives à l'environnement représentent un cap important. Elles marquent en effet le passage de l'incitation et de la volonté d'inscrire le développement durable dans les politiques à un cadre beaucoup plus contraignant, comportant des objectifs chiffrés qui concernent de près les collectivités locales puisque ces dernières assument, pour nombre de sujets, la maîtrise d'oeuvre. Parmi ces sujets figurent la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le développement urbain, la réduction des transports routiers et le développement des transports collectifs. En parallèle, ces lois incitent également à la mise en place de deux dispositifs généraux. L'Agenda 21 local constitue le premier de ces dispositifs et a vocation à devenir un véritable outil de contractualisation entre l'Etat, les régions et les collectivités locales. Le second dispositif consistant en la mise en place de Plans Climats illustre la forte connotation de ces lois en faveur de l'anticipation et de l'adaptation au changement climatique.

Mme Liliane DUPORT

Je m'attacherai à vous présenter les résultats de l'expérimentation lancée en 1997, qui s'est traduite par des appels à projets et un échange de retours d'expérience pour dégager les bonnes pratiques des collectivités. A l'époque, les approches intégrées en termes de développement durable au niveau d'une collectivité locale étaient mal connues. A l'issue de ce travail de près de 10 ans, associant de nombreux acteurs au premier rang desquels les collectivités, qui se sont fortement mobilisées, le ministère de l'Ecologie et du Développement durable a défini un cadre de référence, recueillant l'assentiment d'un grand nombre de parties prenantes, notamment des collectivités locales et de leurs associations.

La mise en place de ce cadre de référence s'avérait nécessaire, les expériences locales se développant sans grande homogénéité. Elle a permis de reconnaître une acception commune à l'Agenda 21 ou au projet territorial de développement durable. Ce cadre se décline en plusieurs parties. Il établit une meilleure définition de l'Agenda 21 et des finalités auxquelles celui-ci doit concourir et détermine également la façon dont la démarche peut être déclinée secteur par secteur. Il privilégie, au lieu de la définition généralement admise des trois piliers du développement durable, une définition suivant cinq finalités, qui fixe l'objectif auquel doit concourir l'ensemble des plans, actions et programmes qui touche au développement durable, celui-ci constituant aujourd'hui une priorité des politiques publiques, comme nous avons pu vous le montrer.

Avant d'aborder ces cinq finalités, je citerai encore la Charte de l'environnement qui, adossée à la Constitution, donne une certaine légitimité à cette déclinaison. Cette Charte rappelle les enjeux auxquels les politiques publiques doivent faire face, indiquant en effet que « la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par les exploitations excessives des ressources naturelles (...) ».

Les cinq finalités doivent être envisagées non pas séparément mais de façon concomitante. Une action en matière de cohésion sociale et de solidarité doit aussi participer à la préservation de la biodiversité, à l'épanouissement humain et à la lutte contre le changement climatique. De même une action ou un programme touchant la biodiversité doit-il s'attacher à veiller à contribuer à l'ensemble des autres finalités. Les collectivités doivent donc poursuivre ces cinq finalités intégratrices dans le cadre de toutes leurs actions. Deux de ces finalités concernent l'environnement en général. Elles touchent d'une part à la lutte contre le changement climatique et la protection de l'atmosphère et d'autre part à la préservation de la biodiversité et la protection des milieux et des ressources. Deux autres de ces finalités se rapportent à la société. Elles visent à contribuer à l'épanouissement humain et à l'accès de tous à une bonne qualité de vie et à aboutir à une cohésion sociale et à une solidarité entre les territoires et entre les générations. Toutes ces actions supposent enfin une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables, ce développement constituant à la fois un moyen et une finalité. La prise de conscience de la nécessité d'un changement des modes de production et de consommation représente en effet une condition sine qua non pour accéder au développement durable.

Pour atteindre ces finalités et accéder à un développement durable, il convient également de changer nos façons de faire et nos modes de travail. La participation des acteurs s'avère essentielle dans une démarche de développement durable. Il faut en effet piloter le projet en donnant la parole aux acteurs et de façon à ce que l'ensemble des organisations et des secteurs d'activité participe à l'élaboration des programmes de développement durable. La transversalité des approches constitue une autre méthode de travail très importante. Il convient enfin de suivre l'évolution des projets de développement durable. Pour cela, des outils d'évaluation doivent être définis. Toute cette démarche ne peut évidemment être accomplie d'un seul coup mais doit s'inscrire dans une stratégie d'amélioration continue qui pourrait s'apparenter à la politique des « petits pas » chère à Monsieur Kissinger, pour ceux qui s'en souviennent.

M. Bruno LEPRAT

Liliane Duport, pourriez-vous nous décrire les pratiques territoriales de développement durable en France ? Le ministère a voulu organiser et unifier les initiatives des collectivités locales. Il a, à cet effet, créé un observatoire qui permet de capitaliser ces bonnes pratiques. Combien d'initiatives avez-vous recensées et comment se répartissent-elles ?

Mme Laurence ERMISSE

Cet observatoire national des Agendas 21 locaux que l'association 4D anime a en effet été créé pour recenser et valoriser les démarches territoriales de développement durable et accompagner les collectivités dans la mise en oeuvre du développement durable.

On estime à 400 ou 500 le nombre de collectivités locales engagées aujourd'hui dans un projet territorial de développement durable. La France avait initié en 2003 une stratégie nationale de développement durable dont l'objectif était d'atteindre 500 démarches en 2008. Cet objectif est donc presque atteint. Il convient désormais, au regard de la nouvelle stratégie nationale, de passer à 1 000 d'ici 2015 le nombre de territoires engagés. En France, l'engagement des collectivités dans un projet de développement durable s'est avéré relativement progressif. Il a démarré en 1997 et jusqu'en 2000 il s'est mis en place peu à peu car d'autres outils dans lesquels les collectivités s'étaient engagées avaient déjà été développés, telles les chartes de l'environnement. L'institution d'une démarche plus générale comme pouvait l'offrir le cadre d'un Agenda 21 ne constituait pas alors une démarche spontanée. L'année 2002 représente un cap important, avec la rencontre de Johannesburg et la déclaration du Président Chirac assez forte, indiquant « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Par ailleurs, ce fut la première fois, à Johannesburg, que les collectivités locales étaient présentes sur une conférence internationale. Le mouvement qui suivra cet événement sera beaucoup plus massif en France. Entre 2002 et 2008, le nombre d'engagements dans des projets territoriaux de développement durable est ainsi passé de 30 à 250, illustrant un fort engouement.

En 2008, la moitié des régions françaises et un tiers des départements ont mis en place des projets territoriaux de développement durable. Les communautés urbaines et les communautés d'agglomération se sont également spontanément engagées dans ces projets. Le caractère principalement urbain des problématiques présente un aspect incitatif qui pousse en effet les villes à s'engager plus naturellement dans la démarche. L'ensemble des collectivités, quel que soit l'échelon, s'est saisi du problème, même si les communes se révèlent relativement moins présentes. Les intercommunalités, les pays, les parcs régionaux ont eux-mêmes développé des projets. L'intercommunalité joue un rôle important dans ces démarches car le regroupement facilite la transversalité mais c'est aussi la raison pour laquelle les communes rurales éprouvent davantage de difficultés à s'engager.

Plusieurs leviers permettent de faciliter l'engagement des collectivités dans un projet global de développement durable. On observe ainsi une plus forte concentration sur certaines zones, dans la région Nord-Pas de Calais, autour de l'Ile-de-France, en Gironde et dans la région Rhône-Alpes par exemple. Ces phénomènes peuvent être expliqués par plusieurs raisons. L'une de ses raisons se révèle plutôt historique pour la région Nord-Pas de Calais ou le département du Bas-Rhin par exemple. Ces zones se sont engagées de manière assez spontanée car elles se trouvaient économiquement en difficulté et ont parfois vu le développement durable comme un moyen d'améliorer la situation de la région. L'impulsion politique constitue également un levier fort dans ces démarches. En Gironde par exemple, le conseil général s'est fortement impliqué pour appuyer les projets territoriaux de développement durable, faciliter les échanges entre les collectivités, mettre en place des formations et développer des outils. Ces actions peuvent jouer un rôle important. Des structures-relais locales, agences régionales de développement durable, associations multiples et variées ont également pu être mises en place, comme en Midi-Pyrénées, et jouent également un rôle de soutien et d'impulsion.

Au-delà du contexte et de l'encadrement législatif et réglementaire qui peuvent appuyer ces démarches, le rôle d'autres niveaux d'intervention et des politiques locales s'avère tout aussi essentiel et peut favoriser leur développement.

Mme Liliane DUPORT

Quelques éléments de conclusion pour terminer cette présentation de l'état des démarches territoriales de développement durable.

On constate, au terme de plusieurs années d'engagement, qu'aux premiers Agendas locaux ont succédé, dans certaines villes, des deuxièmes Agendas 21 ; ce qui démontre que la politique se poursuit et que les collectivités y trouvent un intérêt. Les villes de Lille ou de Lyon ainsi que certains départements se réengagent ainsi dans une deuxième série de programmes.

Par ailleurs, il est dorénavant acquis que le développement durable n'est pas uniquement constitué des politiques environnementales mais regroupe également les questions sociales ou économiques et représente un véritable facteur de développement.

Enfin, la participation des acteurs et des populations s'avère désormais incontournable dans toute politique de développement durable, même si des difficultés persistent dans ce domaine car la démocratie locale reste complexe à mettre en oeuvre. Les organisations des services publics restant sectorielles, la mise en oeuvre des approches transversales nécessaires en matière de développement durable se révèle parfois difficile. Des difficultés liées à la sectorisation se présentent également au niveau de l'Etat, des collectivités et des partenaires, qui entravent les possibilités d'agir selon des approches intégrées. A cela s'ajoute encore la difficulté d'approcher les acteurs économiques privés pour les associer à ces politiques publiques. Enfin, la mobilisation de moyens financiers adaptés ou l'adaptation pas toujours immédiate des dispositifs réglementaires mettent parfois en difficulté la mise en oeuvre locale des principes de développement durable.

M. Bruno LEPRAT

A quel stade les lois Grenelle I et II se situent-elles ? Sont-elles votées ? Si oui, le sont-elles à l'unanimité politique ou le développement durable fait-il débat ?

Mme Laurence ERMISSE

La loi Grenelle I, plus générale, a été adoptée l'an dernier. La loi Grenelle II, qui fixe des objectifs relativement précis dans la mise en oeuvre du développement durable, est en cours d'adoption. Elle a été révisée et adoptée par le Sénat en octobre dernier et son examen continue à l'Assemblée nationale. La première loi a été adoptée et doit désormais être mise en oeuvre mais les décrets d'application n'ont pas encore été publiés. Ce processus doit donc être mis en place avant une véritable concrétisation de la démarche.

M. Bruno LEPRAT

Dans quel climat ces textes sont-ils discutés au Parlement ? Pourriez-vous également nous préciser d'où vient le nom de Grenelle ?

Mme Liliane DUPORT

Je pense que Monsieur Assouline aurait répondu plus justement à cette question puisqu'il participe aux assemblées délibératives mais il est vrai que l'intérêt exceptionnel de ce processus du Grenelle a consisté dans la méthode de travail utilisée, associant à l'élaboration des textes non seulement les institutions et ministères mais également les parties prenantes, dont les collectivités territoriales et les acteurs de la société civile. Cette façon de faire donne une légitimité nouvelle à ces lois Grenelle, qui fait aujourd'hui référence, y compris dans des secteurs extérieurs au développement durable. Quant au nom, cette appellation de Grenelle a été reprise d'un grand accord social signé à l'issue des événements de mai 1968.

M. Bruno LEPRAT

Nous vous proposons maintenant d'écouter Itaru Yasui, président de l'Institut national de la technologie et de l'évaluation et vice-président d'honneur de l'Université des Nations Unies, qui va nous expliquer comment les collectivités japonaises se sont converties au développement durable. Merci de votre intervention Monsieur le président. A l'issue de son exposé, aura lieu un échange avec la salle.

M. Itaru YASUI, président de l'Institut national de la technologie et de l'évaluation, vice-président d'honneur de l'Université des Nations Unies

Comme il a été évoqué tout à l'heure, la Conférence des parties de Copenhague (COP15) n'a en effet pas connu le succès escompté. Or, au Japon également, cette question du changement climatique est considérée comme l'enjeu le plus important du développement durable. C'est pourquoi j'aimerais vous présenter notre approche dans ce domaine, en mettant bien entendu l'accent sur l'action des collectivités locales.

Le Japon cherche à trouver des solutions pour que ses villes émettent moins de gaz à effet de serre. Il s'oriente pour cela vers un recours à des moyens technologiques.

Nous avons eu dernièrement une alternance politique, avec l'arrivée au pouvoir du Premier ministre Hatoyama. Peu après sa prise de fonction, Monsieur Hatoyama a annoncé lors d'une conférence aux Nations Unies que le Japon réduirait de 25 % ses émissions de CO 2 . Cet objectif dépasse celui de 20 % fixé par l'Union européenne. Il s'agit sans doute de l'objectif le plus ambitieux au monde après certains pays membres de l'Union européenne comme la Grande-Bretagne et l'Allemagne qui se sont fixé des objectifs très élevés. Toutefois, les considérations du Premier ministre sur ce point sont peu claires. Comme je viens de vous l'indiquer, le Japon veut atteindre cet objectif grâce aux moyens technologiques, mais c'est probablement impossible. Dans ce cas, quelles sont les solutions pour arriver à cet objectif ? S'agit-il d'échanger des droits d'émission, de transférer des technologies ou d'aider les pays en voie de développement ? Nous ne le savons pas pour l'instant.

Le Japon est conscient depuis longtemps de l'importance de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'environnement urbain est considéré comme une question particulièrement importante. Aussi le précédent gouvernement du Parti libéral démocrate a-t-il lancé un appel à projets « Villes modèles pour l'environnement » en janvier 2008. Treize villes ont été distinguées à ce jour. Ces communes s'engagent à réduire considérablement les émissions de CO 2 et prévoient d'autres objectifs ambitieux pour le développement durable.

Il faut également reconnaître qu'il n'existe pas de solutions technologiques permettant de réduire d'une manière importante les rejets de gaz à effet de serre. Je peux citer comme solution possible l'utilisation des énergies renouvelables et des matériaux naturels, la maîtrise de l'énergie et des ressources, le principe des 3R (Réduire, Réutiliser et Recycler), la capture et la séquestration du gaz carbonique, et enfin l'énergie nucléaire. Ces deux dernières solutions doivent être mises en oeuvre par l'Etat, mais les première et deuxième solutions nécessitent, quant à elles, l'implication des collectivités locales. Parallèlement, des mesures sociales devraient être prises. Ceci dit, le Japon considère que les mesures sociales et économiques, malgré leur importance, ne permettent pas de tout résoudre, seulement de contribuer à accélérer la mise en oeuvre des technologies précédemment citées.

Un recours intensif à la technologie pourrait cependant entraîner des effets négatifs : une légère baisse du PIB, l'augmentation de la charge financière des citoyens et la montée du chômage. De plus, les technologies à haute performance énergétique ont déjà atteint un niveau important au Japon. J'ai été surpris d'apercevoir les derniers modèles de voitures hybrides de Toyota rouler dans les rues de Paris. Ces véhicules intègrent déjà des technologies avancées. Il faudra donc adopter d'autres technologies, mais dans quelle mesure ? Par exemple, l'électricité produite par les cellules photovoltaïques est de 142 millions de kW aujourd'hui, et il faudra multiplier ce chiffre par 25, voire par 40 d'ici 2020. Ensuite, concernant les véhicules de prochaine génération, les voitures électriques ou hybrides, qui représentent actuellement 1 % des voitures vendues, devront occuper de 50 à 100 % du marché des voitures neuves. En outre, les logements avec isolation thermique de prochaine génération représentent aujourd'hui 30 % des logements, mais à l'avenir, 100 % des logements devront en être équipés. Enfin, 700 000 chauffe-eau avec pompe à chaleur sont utilisés aujourd'hui, et ce nombre devra être multiplié par 50 ou 70. Or, toutes ces actions ne permettraient pourtant que de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 15 % environ. Les déclarations du Premier ministre induisent donc un effort national tout à fait considérable.

D'autre part, le coût marginal de toute réduction des rejets de gaz à effet de serre est élevé ; il faut compter jusqu'à 1 000 dollars pour une réduction d'une tonne de CO 2 . Les solutions technologiques coûtent donc beaucoup plus chers que le prix des permis d'émission sur les marchés de droits d'émission. Mais elles sont incontournables pour atteindre les objectifs fixés. C'est pourquoi le Japon consacre aujourd'hui un budget important à la recherche de technologies moins chères. Nous serons de toute façon contraints d'essayer toutes les solutions possibles, car les objectifs évoqués par le gouvernement japonais lors du sommet du G8 en 2008 étaient de l'ordre de 50 % de réduction à l'horizon 2050.

Dans ce contexte, les collectivités locales sont en première ligne. Au Japon, les conditions climatiques varient selon les régions : en hiver certaines régions ont beaucoup de neige, alors que dans la région de Tokyo le temps est toujours ensoleillé. Aussi les collectivités locales cherchent-elles à explorer toutes les pistes : exploiter des énergies naturelles renouvelables en fonction de leurs particularités climatiques, coopérer avec des industriels pour utiliser le surplus énergétique, modifier les modes de transport et la structure urbaine. Pour ce dernier point, je voudrais vous préciser que la structure urbaine des villes japonaises, surtout celle des villes de province, favorise la dépendance des citoyens à la voiture...

Un autre aspect crucial concerne l'assistance technique aux pays en voie de développement. Ce graphique (voir en annexe) présente l'évolution des émissions de CO 2 des pays en voie de développement et des pays industrialisés. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de moitié entre 2010 et 2050, la courbe ascendante indiquant l'augmentation des émissions de gaz carbonique sur le graphique doit s'inverser. Or, c'est impossible si l'on ne coopère pas avec les pays en voie de développement. Il s'agirait par exemple de coopérer avec des villes étrangères, surtout asiatiques, dans le domaine de l'aménagement urbain. Cette idée de coopération avec les pays en voie de développement, appelée « initiative Hatoyama », est née il y a quelques mois, mais n'a pourtant toujours pas été précisée. Nul doute cependant que les collectivités locales seront impliquées au premier chef.

Les collectivités locales japonaises ont de toute façon d'ores et déjà pris des mesures concrètes, concernant la maîtrise de l'énergie dans leurs propres locaux, l'utilisation de voitures de fonction écologiques ou encore la promotion de la réduction des émissions de gaz carbonique chez leurs administrés. Elles pourraient également promouvoir à l'avenir l'achat éco-responsable. Il existe déjà au niveau de l'Etat un dispositif appelé « éco-points » : les personnes qui achètent un réfrigérateur, un téléviseur ou un climatiseur à faible consommation d'énergie gagnent des éco-points qui se transforment en bons d'achat. Les collectivités locales pourraient s'en inspirer. Par ailleurs, il existe des aides de l'Etat relatives à l'énergie solaire (mise en place de panneaux photovoltaïques) et à d'autres énergies renouvelables, auxquelles les collectivités locales pourraient participer. J'ai en outre mentionné précédemment l'importance de la participation directe des populations concernées. Il est en effet indispensable de les associer aux politiques des collectivités locales en matière de développement durable pour qu'elles prennent conscience de cet enjeu et qu'elles s'engagent concrètement. Le réchauffement climatique est une question particulière, en ce que nous ne sommes pour l'instant pas encore témoins des effets les plus pervers du changement climatique. C'est peut-être aux alentours de 2070 que des effets tangibles seront observés. Dans ce contexte, il est difficile de demander aux populations de dépenser de l'argent aujourd'hui dans la perspective de graves problèmes à l'horizon de 2070. C'est pourquoi il faut susciter une prise de conscience chez les citoyens.

Pour ce faire, il faudrait privilégier une approche permettant de faire d'une pierre deux coups. De quoi s'agit-il ? Le premier volet a trait à la réduction des émissions de CO 2 en tant que telle, tandis que le second concerne les populations. Ainsi, dans un Japon confronté à un vieillissement démographique accéléré, l'émergence d'une société à faibles émissions de gaz carbonique serait de toute évidence favorable aux personnes âgées. Le Japon est également confronté à un problème de dénatalité et la diminution de la population entraîne des problèmes de gestion des forêts et des espaces naturels faute de personnel. Des mesures concrètes visant à remédier à ces préoccupations immédiates permettraient là aussi de faire d'une pierre deux coups.

Par ailleurs, on envisage d'instaurer au Japon une limite d'âge, 75 ans ou 80 ans, au-delà de laquelle il serait interdit de conduire un véhicule automobile. Cependant, les personnes âgées qui n'habitent pas dans une grande ville et à qui on enlèverait leur permis de conduire risqueraient de ne plus pouvoir aller faire leurs courses par exemple. Pour résoudre ce problème, l'urbanisme devrait être revu pour que tous les besoins de la vie quotidienne des citoyens puissent être satisfaits à l'intérieur d'un périmètre urbain peu étendu, sans qu'ils aient besoin donc d'utiliser leur voiture.

Pour conclure, je dirais que si l'on exclut l'énergie nucléaire, le taux d'autosuffisance énergétique du Japon n'est que de 4 %. Pour augmenter ce taux et assurer notre sécurité énergétique, il nous faut donc avoir recours à la maîtrise de l'énergie ou aux énergies naturelles renouvelables, seuls équivalents des gisements de pétrole chez nous.

Mais, le Japon est aussi un pays innovant en matière technologique ; nous pourrions créer des technologies plus performantes de maîtrise de l'énergie et les vendre aux autres pays industrialisés. Une meilleure diffusion des technologies existantes permettrait aussi de faire baisser leur coût, les rendant accessibles aux pays en voie de développement.

L'arrivée au pouvoir de Monsieur le Premier ministre Hatoyama oblige ainsi le Japon à afficher des objectifs très ambitieux, mais le chemin à parcourir pour les atteindre est encore long. Je vous remercie.

M. Bruno LEPRAT

Merci Monsieur le professeur et président. Bonne chance pour ce pari des 25 % sur lequel vous semblez assez dubitatif. Merci également pour cet éloge de la sobriété. Vous évoquiez le chômage. Pourquoi le chômage constituerait-il un effet de la lutte accélérée contre le réchauffement climatique ?

M. Itaru YASUI

Le taux de chômage n'est pas très élevé au Japon. En fait, il y a du scepticisme sur les emplois créés par les technologies de l'environnement et de l'énergie. Le Président Obama a annoncé un plan de croissance verte qui devrait générer des emplois, mais pour l'instant il n'y a aucune certitude quant à la réalité d'une création massive d'emplois grâce à ce « green new deal ».

M. Bruno LEPRAT

Nous allons prendre trois questions. Je demanderai également à nos orateurs quelles sont les villes, dans leurs pays respectifs, qu'ils nous inviteraient à aller visiter comme des laboratoires du développement responsable et écologique.

De la salle

Je suis fonctionnaire territorial à Limoges, ville jumelée à Seto dans le département d'Aichi. Je remarque qu'en France nous avons la chance de disposer d'un moyen, les Agendas 21. Le Japon possède-t-il un cadre législatif et des moyens de ce type en faveur du développement durable ?

M. Bruno LEPRAT

Je propose de prendre toutes les questions les unes à la suite des autres et de les traiter ensuite dans leur ensemble.

De la salle

Je suis également fonctionnaire territorial, actuellement mis à disposition de la préfecture du Languedoc-Roussillon. Qui est l'auteur du concept de faire d'une pierre deux coups ? Est-ce une initiative nationale ou émane-t-il des collectivités territoriales ?

M. Itaru YASUI

Concernant la première question sur les Agendas 21, conformément aux dispositions de la Loi-cadre relative à l'environnement, les collectivités locales japonaises doivent élaborer leur programme-cadre pour l'environnement, qui est ensuite révisé tous les cinq ans. Je ne connais pas la législation française, mais je suppose que l'approche est similaire. Le Japon a connu dans les années 1960 de graves problèmes d'environnement, mais aujourd'hui les problèmes de pollution sont maîtrisés même dans la région de Tokyo, et la protection de la biodiversité représente actuellement un enjeu important. Pour ce qui est de la question des déchets, la situation s'est beaucoup améliorée grâce aux efforts considérables déployés par les collectivités locales. Nous allons entendre tout à l'heure la présentation de la ville de Kawaguchi à ce sujet. Et le grand problème restant à résoudre, d'après moi, c'est celui du réchauffement climatique.

Pour ce qui est de la deuxième question concernant le concept de faire d'une pierre deux coups, pour l'instant c'est une proposition que je fais à titre personnel. En effet, je suis souvent sollicité par des collectivités locales qui me demandent conseil, et je leur fais cette proposition.

M. Bruno LEPRAT

Monsieur Yasui, quelle serait la ville que vous inviteriez le public français à visiter et qui vous semble la plus intéressante dans ses efforts pour la préservation de la planète et de ses administrés ?

M. Itaru YASUI

C'est une question assez difficile. Il y en a quelques-unes, mais elles présentent chacune un profil différent. Par exemple, les villes de Kyoto et de Kawaguchi représentées ici aujourd'hui sont des communes situées en zone urbaine. Il est bien sûr intéressant d'aller visiter Kyoto, car c'est une ville historique, mais du point de vue technologique, il faudrait aller voir la ville de Kitakyûshû. S'agissant d'une commune qui mène des actions en faveur de l'agriculture, ce serait plutôt la ville d'Obihiro dans le département de Hokkaidô que je conseillerais de visiter. En tout état de cause, comme il existe de nombreux cas de figure, il est très difficile de citer une seule ville.

M. Bruno LEPRAT

Merci. Mesdames Duport et Ermisse, pourriez-vous répondre à la même difficile question ?

Mme Liliane DUPORT

Il s'avère effectivement difficile de choisir parmi les communes ou les territoires qui ont réalisé des Agendas 21 au sein duquel sont développées de nombreuses innovations et actions qui participent aux cinq finalités du développement durable. Comme nous avions préparé une présentation sur le Grand Lyon, autant le citer. L'Agenda 21 du Grand Lyon comporte deux périodes, de 2005 à 2007 et de 2007 à 2009. Parmi les actions entreprises, cette agglomération a initié le Vélo'V pour offrir une alternative à la voiture, une initiative qui s'est ensuite étendue à Paris (Vélib') et dans d'autres villes françaises. Elle a également mené une action sur le pôle de compétitivité chimie-environnement. La grande agglomération lyonnaise compte en effet de nombreux pôles de compétitivité qui constituent des approches transversales avec les entreprises et le territoire et ses ressources pour développer des secteurs d'activité. Il existe 4 ou 5 pôles de ce type sur le territoire de la communauté urbaine. De très nombreuses actions sont mises en place pour lutter contre l'effet de serre, comme, dans le domaine de l'urbanisme, une analyse environnementale de l'urbanisme afin d'essayer d'éviter que les villes ne s'étendent trop largement, non seulement pour les personnes âgées mais aussi pour l'ensemble de la population. Laurence Ermisse pourrait vous parler d'un projet plus rural.

Mme Laurence ERMISSE

Le développement durable n'est pas encore forcément visible. Il peut se matérialiser par des démarches. De nombreuses villes n'en sont qu'au stade des réflexions ou de projets et n'ont pas encore mis en oeuvre d'actions concrètes très visibles, même si des éco-quartiers commencent à émerger, comme à Strasbourg, où il est en cours de construction. Des actions intéressantes sont également menées sur Bordeaux, Lille ou Mulhouse. De nombreuses villes s'engagent. Le département de la Drôme, plutôt rural malgré une artère relativement urbaine, a choisi de se développer sur une niche qui lui paraissait innovante pour son territoire et qui lui permettait de valoriser ses ressources tout en s'engageant dans de nouveaux modes de production et de consommation. Il s'agit de travailler sur les produits biologiques. Cette orientation lui permet de relancer une activité économique sur le département, de travailler sur les questions de santé et avec les jeunes et de se positionner sur un secteur innovant De la même façon, il a mis en place un Conseil du développement durable qui réunit l'ensemble des acteurs du département pour travailler sur des chantiers comme les transports ou la valorisation des déchets. Des initiatives de ce type revêtent un grand intérêt.

M. Bruno LEPRAT

Monsieur YASUI, que vous inspirent ces Vélib' dans les grandes villes françaises ?

M. Itaru YASUI

Je trouve le design de ces bicyclettes assez original et sympathique. Pour l'instant aucune ville japonaise n'a mis en place ce système de vélos en libre service. A Tokyo, comme il y a beaucoup de quartiers avec des côtes, il n'est pas toujours facile de circuler en vélo. C'est pour cette raison qu'au Japon il y a beaucoup de vélos électriques. Il faut pédaler un peu pour actionner le moteur électrique. En tout cas, il serait intéressant, pour les villes de province par exemple, de mettre un place un système de vélo électrique en libre service.

M. Bruno LEPRAT

Merci Mesdames et Monsieur. Nous allons passer à la première table ronde, après ce cadrage technique et opérationnel. Madame Nicole Gontier et Monsieur Yoshirô Hosomi vont nous rejoindre pour évoquer l'action des collectivités territoriales en faveur de la réduction des émissions de CO 2 et de la maîtrise de l'énergie.

TABLE RONDE 1

L'action des collectivités territoriales en faveur de la réduction de CO2 et de la maîtrise de l'énergie

M. Bruno LEPRAT

Monsieur Yoshirô Hosomi est vice-maire de Kyoto. Il possède une très grande expérience de la vie des entreprises puisqu'il fut, avant cette nomination, le président directeur général d'une grande société de production d'alcool de riz, fondée en 1842. Madame Nicole Gontier, directrice générale des services techniques à la Communauté urbaine de Dunkerque lui succèdera au pupitre.

Bonjour Monsieur le vice-maire de Kyoto, où en est votre collectivité en matière de réduction des émissions de CO 2 et de maîtrise de l'énergie ? S'est-elle donné un pari impossible à tenir ?

M. Yoshirô HOSOMI, vice-maire de Kyoto

Je vais vous présenter les politiques de la ville de Kyoto pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il existe une formule en anglais « Do you Kyoto ? » employée dans le sens de « Agissez-vous pour l'environnement ? ». J'ai appris que cette formule inspirée par le Protocole de Kyoto avait été lancée par une association à but non lucratif de Seattle. Elle semble se répandre de par le monde puisqu'il paraît que la chancelière allemande Angela Merkel fait partie des personnes qui l'emploient.

J'ai effectué hier une visite au Lycée Kyoto de Poitiers. Cet établissement portant le nom de notre commune a été conçu pour lutter contre le réchauffement climatique, et son bâtiment est notamment équipé de panneaux photovoltaïques et d'un système de récupération des eaux pluviales. Au-delà du simple nom de la commune, Kyoto est considéré aujourd'hui comme le symbole des actions en faveur de l'environnement. Nous en éprouvons une grande fierté, mais en même temps nous nous sentons investis d'une responsabilité dans l'édification d'une société à faibles émissions de CO 2 .

Monsieur le Professeur Yasui a tenu tout à l'heure des propos un peu pessimistes, mais la ville de Kyoto déploie tous les efforts possibles pour réduire les gaz à effet de serre. Nous ne renoncerons pas, car nous souhaitons que la réponse à la question « Quelle est la ville modèle en matière d'environnement au Japon ? » soit Kyoto.

Je vais maintenant vous parler des initiatives de Kyoto et des défis à relever. Comme vous le savez, Kyoto est une ville chargée d'histoire. Kyoto a été la capitale du Japon pendant mille ans environ, à partir de l'an 794. C'est dans notre commune que se concentrent 20 % des trésors nationaux du Japon. On y dénombre également quatorze patrimoines mondiaux de l'UNESCO. Les temples et sanctuaires de notre ville, sa nature et ses très belles rues anciennes où s'alignent les maisons traditionnelles de marchands attirent chaque année du Japon et de l'étranger plus de 50 millions de touristes. Je me réjouis d'ailleurs que notre ville ait accueilli 55 000 touristes français en 2008.

Il est important de souligner que Kyoto est une grande ville qui existe toujours après avoir été la capitale du Japon pendant plus de mille ans. C'est une chose très rare, qui a peu d'équivalents dans le reste du monde. La ville de Kyoto compte de nos jours 1,47 million d'habitants et occupe la sixième place parmi les 1 800 communes japonaises en termes de démographie. C'est une ville manufacturière qui sait fusionner le savoir-faire des maîtres de l'artisanat traditionnel et les technologies de pointe pour créer des innovations. Kyoto est également une ville universitaire et les étudiants représentent environ 10 % de sa population. Il s'agit donc d'une commune très dynamique.

La ville de Kyoto a accueilli en 1997 la Conférence des parties sur les changements climatiques (COP3) lors de laquelle a été adopté le Protocole de Kyoto. Consciente de cet honneur et des responsabilités qui en découlent, la commune s'est toujours engagée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons d'ailleurs obtenu certains résultats. En 1990, la ville de Kyoto a émis 7,72 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Depuis, le volume d'émissions de CO 2 a connu des variations en hausse ou en baisse, mais en 2007, il s'est élevé à 7,26 millions de tonnes, soit 6 % de moins qu'en 1990. A titre indicatif, les émissions de gaz carbonique au Japon ont augmenté de 8,7 % pendant la même période.

Je vais maintenant vous présenter les initiatives prises par notre commune pour réduire les émissions de gaz carbonique. D'abord, une série d'actions ont été menées dans le cadre du Projet COP3, à partir de la signature du Protocole de Kyoto en 1997. Ensuite, d'autres actions ont été initiées après le dépôt de candidature et la distinction de la Ville comme « ville modèle pour l'environnement » par l'Etat en 2008.

Tout d'abord, dans le cadre du Projet COP3, la ville de Kyoto a lancé, pour la première fois au Japon, un programme d'utilisation du biodiesel. Ce programme consiste à collecter, avec la coopération des habitants, de l'huile de friture usagée pour la transformer en biocarburant dans une raffinerie. Actuellement la ville compte 1 400 points de collecte d'huile de friture usagée et environ 178 000 litres d'huile sont ainsi collectés chaque année. L'usine de raffinage est la propriété de la commune et produit 5 000 litres de biodiesel par jour. C'est la plus importante usine de ce type au Japon. En 2008, 1 522 kilolitres d'huile ont été raffinés et les 170 véhicules de collecte de déchets ainsi que 95 bus municipaux roulent au biodiesel. Cela permet non seulement une réduction de 4 000 tonnes de CO 2 , mais aussi de diminuer les émissions de dioxyde de soufre contenu dans le gazole. En outre, ce programme favorise la prévention de la pollution de l'eau puisque les habitants ne jettent plus d'huile alimentaire dans l'évier. De plus, la mobilisation des habitants autour de ce projet renforce les liens entre eux et les sensibilisent à la protection de l'environnement. En 2008, nous avons également mené une coopération technique avec la ville de Bogor, en Indonésie, en matière de production de biodiesel.

Par ailleurs, nous avons élaboré en 2003 les « stratégies 21 pour les déchets ». Dans ce cadre, nous avons, en coopération avec les habitants, rendu payante la collecte des déchets ménagers en 2006, et avons ensuite mis en place la collecte sélective en 2007. Ces actions ont eu pour conséquence de réduire le volume des déchets, de 860 000 tonnes en 2001, année de référence, à 670 000 tonnes en 2008, soit une baisse de 22 %. Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre du secteur des déchets ont baissé de 210 000 tonnes à 160 000 tonnes, soit une baisse de 24 %.

Ensuite, Kyoto a été la première commune à créer une structure visant à mener des actions en faveur de l'environnement en partenariat avec les citoyens et les acteurs économiques. La portée de certaines initiatives que la ville de Kyoto a prises dans le cadre de cette structure appelée « Forum Agenda 21 pour Kyoto » ne se limite pas au territoire de la commune. Je voudrais vous présenter aujourd'hui quatre initiatives prises dans ce cadre.

Tout d'abord, le Forum Agenda 21 pour Kyoto a établi en mai 2001 une norme relative au système de management environnemental de Kyoto (KES). Parallèlement à la norme internationale ISO 14001 qui concerne les systèmes de management environnemental, la norme KES est plus spécifiquement adaptée à la mise en place d'un système de management environnemental par les PME. Le Forum a été le principal acteur de la création de la KES. A ce jour, 637 PME ont été certifiées conformes à KES, ce qui a permis la réduction de 116 000 tonnes de CO 2 par an. Et à l'échelle nationale, le nombre de certificats KES délivrés s'élève à 3 069.

Deuxièmement, le Forum a créé son propre label « économies d'énergie ». Ce label permet aux consommateurs d'identifier facilement des produits électroménagers à haute performance énergétique. Aujourd'hui ce label est utilisé à l'échelle nationale, mais au départ, c'était l'initiative de Kyoto.

Troisièmement, dans le cadre des actions du Forum Agenda 21 pour Kyoto, un Centre pour l'environnement de Kyoto a été créé en avril 2002 pour commémorer la Conférence des parties sur les changements climatiques de 1997. Cet établissement, pôle d'éducation à l'environnement et de soutien aux actions de protection de l'environnement, accueille non seulement les habitants de Kyoto, mais aussi de nombreux visiteurs venant d'autres régions du Japon et de l'étranger. Le Centre a accueilli 93 000 personnes en 2008, et le nombre total des visiteurs depuis son ouverture se monte à 640 000. Grâce à une approche sensorielle et expérimentale, les visiteurs découvrent, touchent et sentent ce qui est exposé. Le bâtiment du Centre est équipé par ailleurs de panneaux photovoltaïques, d'un système de récupération des eaux pluviales et de pompes à chaleur géothermiques. Le Centre assure également la formation de bénévoles dans le domaine de l'environnement.

Enfin, le Forum a été associé en décembre 2004 à l'élaboration d'un règlement municipal de la commune de Kyoto contre le réchauffement climatique. Il s'agit du premier règlement municipal en la matière qui s'appuie sur les habitants et les entreprises. Il prévoit un niveau d'émissions de CO 2 en 2010 inférieur de 10 % à celui de 1990, et des obligations contraignantes pour les habitants et les entreprises. Ce règlement a servi de modèle aux autres collectivités locales japonaises ayant ensuite adopté des dispositions similaires.

Confortée par ces expériences, la ville de Kyoto a présenté sa candidature à l'appel à projets « Villes modèles pour l'environnement » destiné à réduire les émissions de gaz à effet de serre par des actions innovantes. Le 23 janvier 2009, notre commune a été distinguée par l'Etat comme ville modèle pour l'environnement. A la suite de cette distinction, nous avons élaboré un plan d'action qui prévoit des objectifs ambitieux : diminution des émissions de CO 2 de 40 % d'ici 2030 et de 60 % d'ici 2050 par rapport à 1990. Nous poursuivons nos actions pour atteindre ces objectifs en partenariat avec les habitants et les entreprises.

Permettez-moi de vous présenter trois actions stratégiques prévues dans le cadre de notre plan d'action. La première initiative concerne la promotion de la marche à pied. Comme Kyoto est une ville touristique, nous nous sommes fixé comme objectif d'augmenter le taux d'usage des alternatives à l'automobile. A cet effet, nous avons réglementé la circulation automobile et avons aménagé des parkings relais. D'autre part, en tirant parti de la configuration urbaine compacte de la ville, nous privilégions la marche à pied et favorisons des modes de déplacement doux. Cette politique pourrait se traduire par une réduction d'environ 600 000 tonnes de CO 2 . La consommation énergétique du bus ne représente qu'un tiers de celle de l'automobile, et le métro dépense neuf fois moins d'énergie que cette dernière. Pour faire de Kyoto une ville durable et animée où les citoyens se déplacent en transports en commun, il faut placer les citoyens au centre de la politique du cadre de vie. Une approche intégrée du développement urbain tenant compte de différents aspects tels que l'environnement, les transports et les contacts humains nous permettra de rendre notre commune plus attractive pour les piétons. Nous organisons également des manifestations pédestres comme le marathon et les randonnées.

La deuxième stratégie est la préservation de la culture du bois. La ville de Kyoto présente de belles ruelles avec des maisons traditionnelles en bois. Celles-ci sont de très beaux exemples de la culture du bois. Ces bâtiments en bois ont été construits avec le bois provenant des forêts qui couvrent les trois quarts de la superficie de la ville. Nous favorisons la construction en bois pour la préservation de cette culture qui constitue notre identité, et pour le développement durable. Les maisons traditionnelles de Kyoto qui créent de beaux paysages urbains sont un condensé de savoir-faire et de sagesse traditionnels. Aussi nous allons construire des maisons exemplaires en termes de performance énergétique qui allient le savoir-faire traditionnel et les dernières technologies de maîtrise de l'énergie. Avec ces nouveaux logements, une réduction des émissions de CO 2 de 135 000 tonnes est prévue pour 2020. Notre concept d'aménagement urbain permettra de créer un paysage urbain durable, et de concilier les fonctions d'une grande ville et l'identité d'une ville historique.

Comme vous le savez, l'exploitation forestière gérée de façon durable absorbe le CO 2 et a des effets bénéfiques pour prévenir le réchauffement climatique. Pour la ville de Kyoto dont les trois quarts de la superficie sont boisés, il est important d'aménager les forêts et d'utiliser des bois d'éclaircissage pour compenser les émissions de CO 2 . Cependant, les bois d'importation étant beaucoup moins chers aujourd'hui, les bois provenant des forêts japonaises sont peu utilisés. De ce fait, la sylviculture et l'aménagement forestier connaissent une situation difficile. Aussi nous cherchons à promouvoir l'utilisation des bois produits sur notre territoire pour la construction des nouveaux logements dont je viens de vous parler. En outre, les bois d'éclaircissage et la sciure sont valorisables sous forme de granulés de bois ou de compost. Ces solutions contribuent à la fois à l'aménagement des forêts de notre territoire et à la préservation de cette source d'absorption du gaz carbonique. Nous prévoyons ainsi de réduire les gaz à effet de serre de 400 000 tonnes à l'horizon 2030.

La troisième stratégie s'articule autour d'un mode de vie plus respectueux de l'environnement. Pour construire une société sobre en carbone, il est nécessaire de changer non seulement de politique urbaine, mais aussi de mode de vie. La ville de Kyoto encourage donc ses habitants à tenir un livre de comptabilité énergétique. En effet, il est temps que les citoyens remettent en question la production de masse, la consommation de masse et la course au confort qui fait consommer de l'énergie tard dans la nuit. Il s'agit d'un nouveau mode de vie : marcher au lieu de prendre son véhicule, privilégier le bois comme matériau de construction, par exemple. Fort heureusement, l'idée de ne rien gaspiller, le concept de « mottainai » en japonais, est bien ancrée dans l'esprit des Japonais. Ce concept est également défendu par la Kényane Wangari Maathai par exemple. Et les Japonais savent depuis toujours observer le changement des saisons et vivre en harmonie avec la nature. A Kyoto, encore aujourd'hui, on asperge d'eau le pavé ou le jardin lorsqu'il fait très chaud en été pour se rafraîchir et on trouve des maisons avec un patio.

En commémoration du protocole de Kyoto, entré en vigueur le 16 février 2005, le 16 de chaque mois est devenu la journée « Do you Kyoto ? ». Les habitants et les entreprises sont encouragés à agir pour l'environnement. Dans ce cadre, l'éclairage de 605 bâtiments tels que la mairie ou la Tour de Kyoto est éteint et les gens dînent aux chandelles dans les restaurants. Les particuliers sont invités à ne pas regarder la télévision et à ne pas faire de jeux chez eux. Des milliers de personnes y participent.

D'autre part, nous conseillons de régler la température des bureaux à 28°C en été, et à 19°C en hiver. Au Japon, il est recommandé de s'habiller léger en été et chaudement en hiver dans le cadre de la campagne « Cool bizz » et « Warm bizz », mais Kyoto assure depuis longtemps la promotion de la tenue d'été sans cravate.

La ville de Kyoto participe également à la recherche et au développement des véhicules propres de prochaine génération et à leur diffusion. Kyoto abrite ainsi de nombreuses entreprises qui développent leurs activités à l'échelle internationale et 37 universités. Concernant le développement des véhicules propres et des piles à combustible, nous tirons parti des entreprises implantées sur notre territoire, telles que Mitsubishi Motors et GS Batteries et encourageons les partenariats entre entreprises et universités. Par ailleurs, nous aménageons 42 bornes de recharge pour les voitures électriques et disposons de 59 voitures de fonction propres. Si j'inclus les véhicules roulant au biodiesel dont je vous ai parlé, il y a actuellement 519 voitures propres au niveau de la commune. Nous nous efforçons également de promouvoir le changement de comportement de nos concitoyens vis-à-vis de la voiture. Nous vivons dans une société de l'automobile, mais il faut passer aujourd'hui à une société qui privilégie la bicyclette et limiter l'utilisation des véhicules automobiles. Pour cela, nous promouvons l'autopartage et la conduite écologique qui consiste par exemple à éviter de freiner et d'accélérer brusquement.

Pour finir ma présentation, je voudrais faire une citation tirée des propos d'un astronaute : « Le premier ou le deuxième jour, nous montrions tous du doigt notre propre pays ; les troisième et quatrième jours, chacun montrait son continent ; le cinquième jour, nous étions silencieux et regardions seulement la Terre, qui était belle et unique ». Si nous partagions le même point de vue que ces astronautes et la même volonté, - il est encore temps -, la planète peut être sauvée. J'en suis persuadé. Je vous remercie.

M. Bruno LEPRAT

Merci beaucoup. Nicole Gontier, pour la communauté urbaine de Dunkerque, sorte de super agglomération, quelle est votre réaction aux propos de Monsieur Hosomi ? Kôshirô Okamura nous a rejoints et participera à la prochaine table ronde et à nos échanges à l'issue de la présentation de Madame Gontier.

Mme Nicole GONTIER, directeur général des services techniques à la Communauté urbaine de Dunkerque

Mesdames et Messieurs bonjour. Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir donné la parole à Dunkerque dans votre colloque franco-japonais. Dunkerque représente un territoire de 200 000 habitants doté d'un grand port maritime et de nombreuses activités d'industrie lourde. Il constitue également un territoire où il fait bon vivre. Au mois de mai prochain, la 6 ème conférence européenne des villes durable se tiendra pour la 1 ère fois en France, à Dunkerque. Je voudrais profiter de cette occasion pour faire de la publicité pour cette rencontre.

Je vous présenterai la politique d'une collectivité territoriale française sur le changement climatique, l'énergie et, de façon plus générale, le développement durable. Les collectivités territoriales sont les mieux placées pour animer et piloter la mise en oeuvre de mesures pour s'adapter au changement climatique : d'abord auprès des habitants, en se préoccupant de la question, qui nous parait importante, de la précarité énergétique ; comme grand organisateur de leur territoire, en favorisant une moindre dépendance aux énergies fossiles, en luttant notamment contre l'étalement urbain ; au plus près des acteurs économiques locaux, en aidant à la création de nouvelles activités économiques liées aux technologies innovantes dans le champ environnemental.

Les difficultés s'avèrent nombreuses à surmonter pour arriver à des résultats concrets. J'illustrerai mes propos avec quatre exemples. J'évoquerai en premier le Plan Climat territorial, qui s'intègre naturellement dans la stratégie de la collectivité pour son territoire (stratégie dénommée, à Dunkerque, le Projet communautaire). Ce Plan Climat a été lancé en 2008, en commençant par le désormais classique diagnostic climat. Ce diagnostic fait l'état zéro des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire et étudie la vulnérabilité au changement climatique. Notre diagnostic a comporté quatre volets : le bilan carbone territoire, le bilan carbone patrimoine et services, l'étude sur la vulnérabilité vis-à-vis des changements climatiques et enfin, comme nous nous trouvons sur un territoire maritime, une étude prospective sur les apports éventuels des énergies de la mer.

Notre bilan carbone territoire montre que nous produisons beaucoup de gaz à effet de serre, du fait, principalement, des industries lourdes. 80 % de nos émissions sont en effet issus de cette industrie lourde et des activités portuaires qui y sont liées. Quant au bilan carbone patrimoine et services, nous générons, par notre activité, 57 629 tonnes équivalant CO 2 chaque année. Ces deux constats nous permettent de calibrer l'action de la collectivité dans notre Plan Climat. Puisque 80 % des émissions de gaz à effet de serre du territoire sont liés à l'industrie et gérés au titre du plan national de quotas européens, notre action se concentrera sur le soutien aux initiatives des petites et moyennes entreprises (PME) et des petites et moyennes industries (PMI) et sur l'incitation et l'encouragement des actions des grosses industries en faveur du climat. Nous participons en particulier, avec l'aide de notre université, à des programmes de recherche sur le sujet. Pour le bilan carbone patrimoine et services, nous avons pu mesurer que 85 % des émissions étaient produits par trois activités principales, à savoir la collecte et le traitement des déchets, les transports collectifs et la voirie. Notre action directe sur le territoire se concentrera donc sur ces trois aspects. La vulnérabilité de notre territoire concerne principalement les risques liés à l'eau, puisque nous courons à la fois des risques de submersion marine lorsque le niveau de la mer s'élève et d'inondation car nous nous situons dans un delta, entourés d'eau de toutes parts.

L'originalité de notre Plan Climat réside dans le processus de son élaboration. Nous avons en effet mobilisé, outre les acteurs politiques, toutes les forces vives du territoire et avons mis en place des espaces de travail dédiés à chaque public afin de définir, dans le détail, les actions concrètes qui pourront être menées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. 8 groupes de travail ont ainsi été créés relatifs aux activités économiques, à l'adaptation du territoire au changement climatique, aux équipements publics, à la conception de la ville, durable et plus concentrée, à l'habitat et au logement, à la gestion de l'espace et des espaces verts, à la sensibilisation et à l'éducation à l'environnement, point essentiel pour faire avancer le territoire, et enfin à la recherche et à l'innovation.

Trois autres exemples très variés illustrent les sujets sur lesquels nous avons travaillé avec plaisir et succès. En premier lieu, le projet « Althytude » touche à l'utilisation de nouveaux carburants dans les bus de transport en commun. L'hythane est composé d'un mélange de 20 % d'hydrogène et de 80 % de gaz naturel. Nous avons souhaité tester en grandeur réelle sur notre territoire le fonctionnement de ces bus alimentés avec de l'hythane. Il ne s'agissait pas d'une première mondiale car d'autres pays ont développé des projets dans le même sens depuis plusieurs années mais la réglementation française ne le permettait pas. Nous avons travaillé avec de nombreux partenaires institutionnels, tels l'ADEME ou la région Nord-Pas de Calais, et des industriels, fabriquant les différents systèmes expérimentés. Ce projet représente 4,4 millions d'euros, avec une importante subvention de l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) et regroupe 12 partenaires. Depuis quelques mois, deux bus fonctionnent à l'hythane dans notre collectivité. Nous nous trouvons dans la phase de consolidation et de production du retour d'expérience de cette étude. Il reste désormais à définir comment faire évoluer la réglementation afin de développer ce projet et l'étendre sur l'ensemble du territoire national.

Le référentiel HQE (Haute qualité environnementale) dans l'habitat social constitue un autre exemple d'action mise en place à Dunkerque. Ce projet intègre les trois ingrédients présents dans la quasi-totalité des politiques de la communauté urbaine de Dunkerque, touchant au volet social, à la préoccupation environnementale et au volet économique. Nous travaillons ici sur la qualité des logements sociaux et mettons l'accent sur le coût de la consommation d'énergie. Il s'agit d'aider les projets de logements réalisés ou la réhabilitation de ceux-ci, afin qu'un confort maximum soit donné aux habitants et que la qualité et l'économie de coût de fonctionnement et de gestion ne soient pas réservées aux plus riches. Le projet avait démarré en 1997 avec des opérations pilotes. Il s'est ensuite développé avec une mise en place assez formalisée de ce référentiel finalisé en 2005. Nous nous trouvons aujourd'hui dans la période de « croisière » et l'aide de la collectivité au profit des bailleurs sociaux prend la forme de subventions. Le projet comporte des objectifs à la fois sociaux et environnementaux. En performance sociale, nous attendons de ce projet une diminution de 30 % des charges pour les locataires. En France, il est souvent considéré que les coûts de l'énergie et de l'eau constituent un second loyer. Nous visons donc à faire baisser ce second loyer.

M. Bruno LEPRAT

Sur votre territoire, 31 % des logements de la communauté urbaine sont des logements sociaux.

Mme Nicole GONTIER

Tout à fait. Les objectifs de performance environnementale sont très étroitement liés au référentiel HQE. Les aides sont octroyées en fonction du résultat produit en matière d'environnement. Plus l'action sur l'environnement est forte et plus la facture énergétique baisse, plus le montant des aides sera élevé. Nous avons constaté, sur ce point, un résultat relativement favorable puisqu'en 2009, presque tous les logements sociaux construits sur le territoire l'ont été suivant le référentiel HQE. Nous demandons aux bailleurs sociaux de faire plus que ce qu'exige la réglementation française. Or comme celle-ci progresse sans cesse pour accentuer la protection, notre référentiel suit le même mouvement ; il est mis à jour chaque année.

Le quatrième et dernier exemple concerne l'opération « Réflexénergie ». Cette opération procède de la même logique. Nous avons constaté que le secteur résidentiel représente un fort consommateur d'énergie. Il convient donc d'essayer de réduire cette consommation, en aidant les particuliers dans la mise en oeuvre de toutes les actions qui peuvent permettre des économies d'énergie ou l'installation de dispositifs de chauffage plus performants. L'originalité de cette démarche tient dans le fait que nous avons utilisé, en 2003 pour la première fois, la thermographie aérienne infrarouge. Cette technique permet de mesurer et visualiser sur des cartes, à l'échelle du cadastre, les déperditions de chaleur que crée chaque bâtiment. Pour ce faire, il convient de positionner chaque bâtiment suivant des mesures GPS et le cadastre puis un hélicoptère survole les zones et filme avec une caméra classique et une caméra infrarouge l'ensemble du territoire. Un traitement en laboratoire permet d'élaborer une thermographie de l'ensemble de l'agglomération, où chaque bâtiment est présenté dans une couleur qui représente son niveau de déperdition d'énergie. Cet outil peut être consulté à plusieurs points de l'agglomération et chacun peut appréhender la situation de son bien et prendre conscience du problème. Nous avons régulièrement communiqué sur ce dispositif, dès 2004.

Le meilleur gage de réussite de notre dispositif tient dans le fait que de nombreuses villes nous ont imité, à l'instar de la ville de Paris, qui a lancé l'an dernier une même campagne de thermographie afin d'aider les habitants à améliorer leur situation. Cet outil devait inciter les populations à réagir. Nous avons, sur cette base, mis en place l'action « Réflexénergie », qui constitue un fonds d'aide en faveur des habitants propriétaires, afin qu'ils améliorent la performance énergétique de leur habitation. Ce dispositif possède un logo spécifique, avec quatre pétales de couleur différente, qui correspondent chacun à un type d'action de la collectivité. Le pétale bleu représente l'aide à l'isolation, afin d'éviter que l'énergie produite par le chauffage ne soit perdue. Le pétale orange représente une aide visant à ce que le chauffage et la ventilation soient plus performants pour la qualité d'usage du bâtiment. Le pétale jaune correspond à une aide permettant l'accès à des énergies renouvelables tandis que le pétale vert vise l'action en faveur du comportement citoyen des personnes à l'intérieur de leur habitation et l'aide de conseil que nous pouvons apporter pour atteindre ces résultats. Sont visés l'habitat individuel et collectif ainsi que le tertiaire public et privé. Cet outil vient donc en complément de l'action précédente, en termes de public cible.

L'objectif de cette action paraît clairement environnemental mais comporte également un volet social puisque l'aide se révèle plus élevée pour les ménages à faible revenu. Pour démultiplier l'action, nous bénéficions du partenariat d'Electricité de France, qui vient doubler les moyens que nous mettons en oeuvre, avec quatre actions correspondant aux quatre couleurs du logo : l'action bleue pour l'isolation des toitures, l'action jaune pour les chaudières à condensation, l'action orange pour l'énergie solaire et l'action verte pour un service de conseil en faveur des usagers. Ce dispositif a été mis en place en 2005 et arrive aujourd'hui à sa pleine croissance, avec une montée en puissance très importante. Cette action, comme la précédente, comporte également un volet économique, puisqu'un euro de subvention fabrique dix euros de travaux de protection ou de mise en place de nouvelles chaudières sur le territoire, selon un effet démultiplicateur très fort. Par ailleurs, la mise en place de ces aides sur la durée aboutit à offrir aux entrepreneurs et artisans une bonne vision pour se former et investir dans la réalisation de logements plus durables. Notre budget continue à croître dans la durée pour ces raisons tant environnementales, que sociales et économiques.

M. Bruno LEPRAT

Merci. Nous allons maintenant procéder à un échange de vues avec la salle.

De la salle

Bonjour. Je représente la société Greenvibes. Ma question s'adressera à Monsieur Hosomi. Votre concept de maison « kyotoïte » semble relativement bas. Avez-vous mené des réflexions sur l'étalement urbain et la hauteur des bâtiments afin de gérer la population ?

M. Yoshirô HOSOMI

En effet, les bâtiments traditionnels de Kyoto n'ont qu'un étage, quelquefois deux. Pendant une période, beaucoup de bâtiments de Kyoto ont adopté le style occidental et l'attrait de la ville historique allait se perdre. C'est pourquoi la commune a adopté en 2007 un nouveau règlement qui réglemente la hauteur des bâtiments. Par exemple, certaines constructions dont la hauteur autorisée était de 45 mètres autrefois ne peuvent plus dépasser 30 mètres aujourd'hui. Certes, l'utilisation de l'espace n'est pas optimisée, mais en échange nous gagnons une harmonie urbanistique qui crée une certaine valeur. Ce règlement, qui a été débattu longuement en conseil municipal, a été finalement adopté à l'unanimité. Je pourrais aussi citer comme exemple la ville de Florence en Italie dont la hauteur des immeubles est basse. Une telle réglementation peut créer beaucoup de contraintes, mais donne également une valeur à la ville. Nous cherchons à transformer Kyoto en ville durable en équipant les bâtiments traditionnels de nouvelles techniques énergétiques.

Mme Laurence ERMISSE

Je souhaiterais demander aux deux intervenants quelle est l'implication des entreprises dans leurs projets. De nombreuses collectivités sont confrontées à cette problématique de la participation des acteurs économiques, dans la concertation - vous évoquiez le Forum Agenda 21 pour Kyoto - ou dans le changement des pratiques traditionnelles de production. Elles arrivent souvent à travailler de concert avec de nouvelles entreprises sur de nouvelles niches économiques (économie sociale et solidaire par exemple) mais il s'avère difficile de faire évoluer des secteurs plus traditionnels de l'économie.

Mme Nicole GONTIER

Les aides que nous mettons en place sont conditionnées à l'exigence de faire appel à des entreprises capables de réaliser des travaux respectant la qualité demandée. Nous avons vérifié que les entreprises pouvaient répondre à cette contrainte en se mettant en mesure de pouvoir le faire. Une autre action a été lancée en direction des personnes qui effectuent de l'auto-construction. Nous sommes convaincus que les particuliers qui pensent isoler eux-mêmes leur habitation ne le font pas forcément très bien. C'est pourquoi nous menons des actions de pédagogie à l'intérieur des centres commerciaux ou des magasins de bricolage afin de les sensibiliser et les encourager à consulter des artisans qui disposent du savoir-faire.

M. Bruno LEPRAT

Dunkerque Grand Littoral s'est-il associé à la chambre de commerce pour continuer dans cette pédagogie en direction des entrepreneurs ?

Mme Nicole GONTIER

Toutes les actions de la communauté urbaine présentent effectivement la caractéristique d'associer l'ensemble des acteurs locaux et de la société civile.

M. Yoshirô HOSOMI

Quand Monsieur le Premier ministre Hatoyama a annoncé une réduction de 25 % des émissions de CO 2 , les présidents des chambres de commerce du Japon se sont montrés très pessimistes. Seul le président de la chambre de commerce de Kyoto a dit qu'il allait tout faire pour atteindre l'objectif qu'il trouvait pourtant très ambitieux. Cela témoigne bien du tempérament des gens de Kyoto. A titre d'information, le règlement relatif à la lutte contre le réchauffement climatique pris par la commune en 2004 fixe un plafond concernant le volume total des émissions de CO 2 de certaines entreprises. Ce règlement s'applique à 148 entreprises, et en l'espace de quatre ans, de 2004 à 2008, celles-ci ont réduit leur volume d'émissions de 5,8 %. Je me réjouis de ce résultat, car c'est un défi très difficile à relever, et la mobilisation à tous les niveaux est indispensable.

M. Bruno LEPRAT

Je précise au public français que la fonction de vice-maire au Japon équivaut à celle de directeur général des services en France. Monsieur Hosomi a donc été désigné par les élus de la ville de Kyoto. Quelqu'un souhaite-t-il apporter son témoignage ?

De la salle

Je suis Elisabeth Poncelet de l'ADEME. Nous avons vu qu'un nombre important de touristes visite Kyoto. Comment leur impact est-il pris en compte à Kyoto, ville exemplaire, en termes d'hébergement, de restauration et de déplacements au sein de la ville ?

M. Yoshirô HOSOMI

Le tourisme n'est pas une dimension directement prise en compte dans notre politique environnementale. Nous visons une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 30 % d'ici 2020. Cet objectif se décline en plusieurs objectifs fixés par secteurs d'activité. Le tourisme, effectivement, risque de représenter un obstacle à la réalisation de notre objectif. Nous attendons beaucoup de la réglementation de la circulation des voitures et de la promotion des alternatives à l'automobile. Ces actions peuvent rendre la ville de Kyoto plus attractive pour les touristes. Il faudra bien entendu améliorer la performance des transports publics. A vrai dire, le budget du métro de Kyoto est déficitaire. Pour résoudre ce problème, nous essayons d'augmenter le nombre d'utilisateurs de 50 000 par jour. De ce point de vue, la promotion des alternatives à l'automobile contribue non seulement à l'environnement, mais aussi à un meilleur équilibre du budget du métro de Kyoto. Aussi nous faisons d'une pierre deux coups.

De la salle

Bonjour, je suis directeur de l'environnement au Conseil général de l'Essonne. Notre département a mis en place un Plan Climat Energie territorial et un Agenda 21. Je souhaiterais recueillir le sentiment d'un maire japonais sur la stratégie à adopter pour développer des attitudes plus sobres en matière d'énergie ou pour favoriser le développement des énergies renouvelables. Le concept au Japon tend-il à ce que les énergies renouvelables viennent financer les investissements, avec un temps de retour sur investissements en fonction des économies d'énergies réalisées, ou faut-il des subventions de l'Etat ou de la collectivité en plus pour aider les particuliers ou les entreprises à réaliser un tel investissement ? En France, nous disposons d'un système grâce auquel l'énergie photovoltaïque produite est payée 60 centimes du kilowattheure, soit 10 fois le prix de l'énergie électrique normale, pour inciter les populations à revêtir leur toiture de capteurs photovoltaïques. Des systèmes de ce type sont-ils en vigueur ou envisagés au Japon ? Par ailleurs, les collectivités comme la mairie de Kyoto peuvent-elles taxer les énergies fossiles afin de récolter des fonds pour favoriser le développement des investissements en faveur de la sobriété énergétique ?

M. Bruno LEPRAT

Merci. Il s'agira de la dernière question avant une nouvelle séquence d'échanges à l'issue de la seconde table ronde.

M. Yoshirô HOSOMI

Au Japon, des subventions de l'Etat et des collectivités locales sont accordées pour les investissements liés à la maîtrise de l'énergie, même si leur montant n'est pas très important. A titre d'exemple, la ville de Kyoto aide l'installation de générateurs photovoltaïques, et le plafond de l'aide est porté à 320 000 yens, soit 2 400 euros environ. L'Etat octroie aussi une aide financière. Je sais effectivement qu'en Europe le prix de vente de l'électricité photovoltaïque est supérieur au prix d'achat de l'électricité provenant du réseau classique. Je pense que c'est un exemple à suivre.

Par ailleurs, les collectivités locales n'ont pas le pouvoir de taxer les énergies fossiles. Si l'Etat transférait cette compétence aux collectivités locales, elles pourraient le faire.

M. Itaru YASUI

Je vous précise pour ma part qu'au Japon le produit de la fiscalité sur les énergies fossiles est perçu par l'Etat.

M. Bruno LEPRAT

Madame Gontier, pourriez-vous apporter des précisions sur le coût de cet hélicoptère ?

Mme Nicole GONTIER

Cela revient à quelques centaines de milliers d'euros. Il s'agit d'un coût important mais qui reste intéressant compte tenu de la sensibilisation que nous pouvons en obtenir.

M. Bruno LEPRAT

Monsieur Hosomi, votre mairie est-elle jumelée avec des collectivités françaises ? Que résulte-t-il de l'accord que vous avez évoqué avec des villes d'Indonésie ?

M. Yoshirô HOSOMI

Kyoto a fêté en 2008 le cinquantième anniversaire de la signature du pacte d'amitié et de coopération avec la ville de Paris. Je suis déjà venu à Paris dans ce cadre. Mais en réalité, cela fait 150 ans que Kyoto entretient des relations d'amitié avec Paris. Nous avons abordé un peu la question de l'environnement lors du cinquantième anniversaire, mais nous n'avons pas encore organisé d'échange de vues et d'expériences dans ce domaine.

En ce qui concerne notre coopération avec la ville de Bogor en Indonésie, comme je ne travaillais pas encore à la mairie à l'époque, je n'ai pas d'informations détaillées. Je sais toutefois que notre ville a reçu des ingénieurs indonésiens qui ont suivi une formation relative au procédé de raffinage du biodiesel, et à d'autres aspects techniques.

M. Bruno LEPRAT

Nous vous remercions. Nous allons passer à la seconde table ronde, consacrée à la gestion des déchets.

TABLE RONDE 2

L'action des collectivités territoriales pour réduire les déchets et pour développer le recyclage

M. Bruno LEPRAT

Nous accueillons Monsieur Pierre-Paul Leonelli, représentant de Nice Côte d'Azur, qui nous précisera le périmètre de sa collectivité. Il est accompagné de Madame Isabelle Raeser, directrice de la collecte et de la gestion des déchets. Monsieur Kôshirô Okamura, maire de Kawaguchi, et Nicole Gontier restent à la tribune pour évoquer ce sujet. La table ronde sera présidée par Kenji Naruta.

Monsieur Pierre-Paul Leonelli est adjoint au maire, délégué à la propreté de la ville de Nice et vice-président délégué à la propreté, à la collecte et au traitement des déchets à la Communauté urbaine Nice Côte d'Azur. Quel enjeu la gestion des déchets représente-t-elle pour votre territoire ? Quelles sont vos réactions face aux interventions précédentes ?

M. Pierre-Paul LEONELLI, maire adjoint délégué à la propreté de la ville de Nice, vice-président délégué à la propreté, à la collecte et au traitement des déchets à la Communauté urbaine Nice Côte d'Azur

Bonjour. Je voudrais avant tout remercier les organisateurs de ce colloque franco-japonais d'avoir invité Nice Côte d'Azur, une communauté urbaine qui a vu le jour le 1 er janvier 2009. Cette communauté urbaine est présidée par Christian Estrosi, également ministre de l'Industrie, ce qui n'est pas anodin. Il est certain qu'en matière de traitement et de recyclage des déchets, nous avons un important travail à entreprendre. C'est ce que je m'efforcerai de vous présenter.

La communauté urbaine Nice Côte d'Azur représente 525 423 habitants. 7 ème communauté de France, elle regroupe 27 communes. La particularité de cette communauté urbaine tient dans le fait que Nice Côte d'Azur constitue le 2 ème site touristique après la capitale et accueille environ 4 millions de touristes tous les ans, sur plusieurs périodes de l'année et pas seulement l'été. Quant à ma délégation, elle concerne la collecte, le traitement et la valorisation des déchets, et plus particulièrement les ordures ménagères et assimilées. Notre collecte a été récompensée au niveau national par un prix territorial et nous possédons une certification ISO 9001 et une certification ISO 14 001 est en cours, qui permettra de mettre en oeuvre une intervention en termes de management. Cette délégation représente 375 agents en régie communautaire, employés territoriaux. Elle gère 4 centres opérationnels, 9 déchetteries et une unité de valorisation énergétique déployée sur un quartier de Nice. 31 % des déchets sont collectés en régie et 69 % par des prestataires privés. 600 agents au total et 200 véhicules collectent donc chaque jour les ordures ménagères et assimilées. 338 000 tonnes de déchets ménagers et assimilés ont été collectées en 2008. Le gisement d'ordures ménagères résiduel a baisse de 8 % depuis 2005. Je suis élu avec Christian Estrosi à Nice Côte d'Azur depuis 2008. L'équipe qui nous a précédés avait donc engagé les démarches et une impulsion forte du président de Nice Côte d'Azur a permis à la communauté de devenir plus exemplaire en la matière. J'écoutais les expériences de mes collègues japonais et français. Pour avoir vu les expériences lancées dans l'est de la France et dans le sud-ouest, nous nous trouvons dans une région avantagée, avec 300 jours de soleil par an, mais nous ne sommes pas les leaders en la matière et nous souhaitons progresser. Ainsi, depuis 2005, nous sommes passés de 236 000 à 218 000 tonnes de déchets, démontrant l'effort considérable de notre collectivité.

338 000 tonnes de déchets ménagers et assimilés sont traitées, valorisées et recyclées. Il est évident que ce recyclage est très important car il permettra, si nous parvenons à mener une politique de recyclage, de diminuer le volume d'incinération. La problématique qui émerge aujourd'hui repose en effet sur le traitement des déchets et la façon de les revaloriser. Nice possède une usine d'incinération. Ce mode de traitement ne représente pas forcément la méthode la plus encouragée bien que le Grenelle de l'environnement ait reconnu que l'incinération pouvait être utilisée. Notre volonté vise à faire en sorte que les concitoyens de Nice Côte d'Azur trient plus souvent et dans les meilleures conditions possibles, de manière à ce que nous n'apportions plus à l'usine d'incinération que les déchets résiduels. Cette usine opère une revalorisation énergétique intéressante puisqu'elle permet de produire 53 000 mégawatheures d'électricité et 122 000 mégawatheures d'énergie thermique. Le fait qu'elle soit située à côté d'un quartier présentant une urbanisation individuelle et collective implique une certaine économie. A cet égard, nous avons mis en place, tous les deux mois, sous la présidence du Préfet, une commission locale d'information et de surveillance car, vous le savez bien, l'incinération entraîne toujours des répercussions qui peuvent être mal ressenties par les populations, bien que cette usine existe depuis 1930 et que les populations n'aient pas hésité, à l'époque, à venir s'installer à proximité et à construire leurs habitations tant individuelles que collectives.

Depuis 2005, une évolution des performances par habitant a été constatée, plutôt encourageante pour l'avenir. Nous ne sommes pas forcément les meilleurs élèves en la matière mais nous avons progressé dans la collecte du verre, avec une augmentation de 2 kilogrammes par habitant du poids des produits collectés. Dernièrement, nous avons rencontré la Chambre syndicale du verre afin de sensibiliser les restaurateurs, les boîtes de nuit, les établissements de nuit, les plages privées et tous ceux qui génèrent du verre en dehors des ménages en vue d'améliorer la collecte de cette matière. Il en est de même avec le papier, où une augmentation de la collecte de 3 kilogrammes par habitant a été enregistrée. Nous avons passé un contrat avec Ecofolio et édicté en commun une charte afin d'organiser une collecte dans les administrations. Il est en effet normal que les maires, élus et administrations montrent l'exemple en la matière. Si l'emballage a augmenté d'un kilogramme par habitant, nous nous sommes améliorés pour la collecte des ordures ménagères, qui a diminué de 53 kilogrammes par habitant en 2008.

Les objectifs nationaux doivent être déclinés au niveau local. La loi du 3 août 2009 issue du Grenelle de l'Environnement nous a montré la voie à suivre. Non seulement cette démarche a le mérite d'exister mais surtout elle a fait appel à des acteurs qui n'étaient pas habitués à se regrouper pour réfléchir ensemble à l'enjeu du développement durable, qui comporte la question des déchets puisque nous sommes dans une société de consommation et que chacun d'entre nous consomme des produits avec des emballages en plastique qu'il convient de tenter d'éliminer.

En France, l'organisation sur le traitement des déchets comprend trois étapes dans les collectivités territoriales. L'Etat adopte la loi et donne les directives à suivre. Le département planifie ensuite cette organisation d'élimination des déchets. Ce matin, avec Madame Raeser, la directrice de la collecte, nous étions réunis à Nice, au Conseil général pour approuver le plan départemental. Enfin, les établissements publics, les collectivités territoriales, sont chargées de la collecte, du traitement voire du recyclage des déchets. Ces précisions s'avèrent importantes car si les différents acteurs ne s'accordent pas, des difficultés se présenteront. Nous avons pu progresser dans ce domaine aujourd'hui.

Quant à la collecte des papiers et cartons - les commerçants produisent des cartons d'emballage différents de ceux produits par les ménages - la communauté urbaine de Nice Côte d'Azur a mis en place une collecte spécifique, le carton pouvant être recyclé et produire de nouveaux objets.

Le Grenelle de l'Environnement nous a également permis de réduire la production des ordures ménagères et assimilées. Les élus, les administrations, les acteurs ont réalisé un effort considérable car ils se sont rendu compte de la nécessité d'une telle réduction. Le plan départemental d'élimination des déchets contribue justement à trouver des solutions avec les acteurs que sont les élus et faire en sorte de faciliter le traitement de ces déchets, leur recyclage et la stabilisation de la production des encombrants notamment, puisqu'aujourd'hui, sur la communauté urbaine de Nice, nous collectons les encombrants en porte à porte, sur rendez-vous, et nous avons constaté que, de plus en plus, nos concitoyens n'hésitent pas à mettre leurs encombrants sur le trottoir. Aujourd'hui, si nous constatons d'importants efforts en recyclage matière et organique, il est évident que nous allons devoir atteindre, dans le cadre du Grenelle, un pourcentage de 35 % en 2012 et de 45 % en 2015. Cela ne va pas forcément de soi, comme l'a indiqué un intervenant japonais. Le Premier ministre japonais a fixé des objectifs ambitieux. Nous avons fait de même mais nous allons nous donner les moyens de les tenir.

Si nous voulons augmenter le tri, il faut augmenter la valorisation du verre à 35 kilogrammes par habitant et par an, celle du papier à 30 kilogrammes et celle des emballages à 20 kilogrammes d'ici 2015. Il faut également augmenter la valorisation de la matière organique, les déchets verts, avec 46 kilogrammes par habitant et par an d'ici 2015. Sur la Côte d'Azur, nous avons mis en place un dispositif pour transformer les déchets verts en compost. Organiser des collectes sélectives lors des manifestations et festivals, nombreux sur notre communauté, à l'instar du Carnaval qui démarre dans 15 jours à Nice, n'est pas une mince affaire. Ce carnaval aura pour thème, cette année, la planète bleue et un char dédié au tri sélectif défilera. Pour augmenter le tri, nous avons également mis l'accent sur la restauration collective des cantines scolaires et d'entreprises ou le marché d'intérêt national. Cet important gisement peut en effet nous permettre d'augmenter notre rendement.

Nous avons également mis au point un projet de réhabilitation et de réaménagement de l'usine de valorisation, Ecoparc. Nous souhaitons en faire une unité de valorisation énergétique high tech, à l'instar de celle qui a été construite à Issy-les-Moulineaux, qui devra s'accompagner d'un centre de tri. Nous nous engageons dans une démarche d'innovation et d'amélioration en installant une unité de tri-compostage qui nous sera livrée en 2011 et sera située sur la plaine du Var, avec un accompagnement écologique qui se traduira notamment par la construction d'une centrale photovoltaïque de 2 950 m² et une production d'eau chaude sanitaire solaire grâce à 60 m² de panneaux.

Pour réduire les déchets à la source, il n'existe que peu de solutions. Aujourd'hui, pour le compostage nous procédons à un échange temps-implication. Dans certaines collectivités, le composteur est vendu alors que notre communauté l'offre aux populations. En contrepartie, ces dernières doivent suivre une heure d'échanges et de formation. Nous menons également des démarches en matière d'équipements électriques et électroménagers et nous travaillons avec nos partenaires des écosystèmes qui, j'ignore si cela est le cas au Japon, nous incitent à lancer des actions de ce type et les financent. Nous portons aussi tous nos efforts sur la récupération du papier, en installant des corbeilles bleues dans les administrations et des colonnes pour récupérer journaux et papiers dans les espaces publics. Nous avons mis en place un projet, en collaboration avec l'Inspection académique Nice Côte d'Azur, envers les scolaires car nous croyons beaucoup au vecteur des enfants pour tenter de convaincre leurs parents de trier davantage et mieux pour brûler moins.

Une série de dispositifs, containers enterrés pour collecter les ordures ménagères ou colonnes aériennes pour collecter le verre, a été mise en place et nous élaborons aujourd'hui un projet d'éco-quartier dans le nouveau quartier Nice Méridia, sur la plaine du Var, avec institution d'un système de collecte pneumatique. J'ai visité récemment la ville de Barcelone afin de vérifier l'usage de ces dispositifs contemporains et très propres.

Afin de trier plus et de permettre à nos populations d'acquérir ce geste citoyen, il ne faut pas hésiter à communiquer et à informer nos concitoyens inlassablement, tous les jours, par des spots sur les radios locales, les panneaux d'affichages publics, par voie de presse. Nous avons inventé le code de la rue, qui comporte un récapitulatif de tous les gestes indispensables pour améliorer le tri et protéger notre environnement. Sur Nice, nous avons fait preuve d'un grand dynamisme en la matière. Dernièrement, nous avons passé une convention avec Tetra Pak et WWF et je pense que l'accumulation de toutes ses actions permettra de transformer le tri en un geste naturel et quotidien. Enfin, il est certain que le développement durable engendre un coût. Il représente en effet en 2008 77 millions d'euros en investissements et 72 millions pour le fonctionnement, pour un coût par habitant de 117 euros par an. Pour autant, ces dépenses sont nécessaires. La réduction des émissions de gaz à effet de serre a été évoquée précédemment. Par la volonté de Christian Estrosi, vous pouvez désormais vous déplacer dans tout le département pour un euro. Cela représente un moyen de diminuer le CO 2 , en favorisant les transports par tramway, car, train. Nous avons lancé des négociations avec la région pour étendre cette action à tout le territoire. Tous nos partenaires, dont Ecofolio, Eco-emballages, Ecosystème, nous aident à atteindre tous ces objectifs.

Pour conclure, je rappellerai que l'Europe ne détient pas de matières premières mais, grâce au recyclage, peut disposer de matières premières secondaires. Il convient de continuer à travailler sur ce sujet. Merci.

M. Bruno LEPRAT

Isabelle Raeser, le problème des déchets représentait-il véritablement un handicap pour la destination Nice Côte d'Azur ?

Mme Isabelle RAESER, directrice de la collecte et de la gestion des déchets à la Communauté urbaine Nice Côte d'Azur

En fait, le département des Alpes maritimes est un département qui, comme de nombreuses parties de la France, connaît un déficit de capacité de traitement. Nous possédions auparavant un centre de stockage, une décharge recevant les ordures ménagères pour les communes de l'ouest du département, qui a fermé en juillet 2009 sans être remplacé. Nice Côte d'Azur a la chance de bénéficier d'un capital historique constitué de filières déjà en place, notamment de cette unité de valorisation énergétique qui permet quand même de desservir 12 000 équivalant logements en chauffage urbain, eau chaude et électricité mais notre objectif vise à conserver cette autonomie et à développer le tri sélectif.

Nous avons commencé de manière classique en développant les matériaux propres et secs, le verre, les journaux et les emballages avec nos partenaires éco-organismes. J'ignore si nos homologues japonais possèdent un système similaire d'éco-organismes, qui recouvre la notion de responsabilité élargie du producteur d'un bien de consommation. En France et en Europe, un producteur de bien de consommation qui met ce bien sur le marché, qu'il s'agisse d'un emballage ou d'un appareil électronique, doit contribuer financièrement, par l'intermédiaire d'un point vert payé par le consommateur qui achète le produit, à alimenter l'éco-organisme qui reverse cette contribution aux collectivités qui participent au recyclage des déchets. Ce mécanisme représente pour nous un lien précieux avec le monde industriel puisqu'il nous permet de faire reprendre les matières triées par ces mêmes industriels pour les transformer à nouveau en produits. Ce système d'éco-organisme nous a apporté une aide précieuse.

Dans une 2 ème phase, puisque vous avez vu que les objectifs du Grenelle s'avèrent extrêmement ambitieux et doivent être mis en oeuvre à court terme, nous travaillons sur la valorisation organique, notamment sur la partie fermentescible des ordures ménagères avec la mise en place d'un tri-compostage qui nous permettra de diminuer les quantités qui font l'objet d'une valorisation énergétique.

M. Bruno LEPRAT

Merci. Kôshirô Okamura, vous êtes le maire de Kawaguchi, dans le département de Saitama, une municipalité dont vous êtes l'élu depuis 1997. Vous exercez donc aujourd'hui votre 4 ème mandat et occupiez auparavant un poste de fonctionnaire au sein de cette municipalité. Vous allez nous présenter les efforts déployés par votre collectivité en matière de gestion des déchets.

M. Kôshirô OKAMURA, maire de Kawaguchi

Je voudrais vous présenter la gestion des déchets et le recyclage dans la ville de Kawaguchi. J'essaierai d'être le plus concret possible.

Tout d'abord, je vous invite à regarder la première diapositive. Il s'agit d'une photo présentant une variété d'anémones : « anemone nikoensis ». Son nom en japonais, « ichirin-sô » signifie « plante à une fleur » car cette plante, d'une hauteur de dix à quinze centimètres, ne porte qu'une seule fleur. Un spécimen de cette anémone a été identifié en 1995 dans une forêt située dans le quartier d'Angyô, mondialement connu pour son activité horticole. Aujourd'hui, cette variété foisonne à cet endroit-là. Pourtant autrefois, ce secteur était encombré de déchets sauvages et particulièrement insalubre. Pour lutter contre les dépôts sauvages, les habitants du quartier ont créé une association. Ils ont enlevé les déchets et ont installé des haies pour aménager un sentier de promenade. Ils ont ainsi transformé la forêt en champ d'anémones. La municipalité a apporté son soutien à cette initiative. En effet, la ville de Kawaguchi veut être une commune verdoyante à laquelle les habitants se sentent attachés. Je vous présente cette action initiée par les habitants en guise d'introduction, car c'est un bon exemple de coopération entre l'administration municipale et les habitants. Cette anémone est une fleur gracieuse et le site est aujourd'hui considéré comme un symbole de protection du milieu naturel dans notre ville.

Je voudrais maintenant situer la ville de Kawaguchi : elle se trouve au centre de l'archipel japonais, au nord du département de Tokyo dont elle est séparée par le fleuve Arakawa. Kawaguchi compte 510 000 habitants. Sa superficie est de 55,75 km 2 . Les fonderies et les machines-outils, ainsi que l'horticulture, ont toujours été les principales activités de la commune, considérée comme une ville industrielle au sein même de la grande agglomération de Tokyo.

J'entre dans le vif du sujet. La ville de Kawaguchi collecte et traite au quotidien les déchets ménagers et assimilés. Pour la collecte sélective, les déchets sont classés en onze catégories telles que les bouteilles, les canettes ou les emballages en plastique. Il existe parallèlement des déchets résiduels, des encombrants et des déchets toxiques. Le terme de « déchet » évoque quelque chose de sale, d'inutile, qu'il faut jeter. Pourtant, si nous faisons correctement le tri, les déchets peuvent se transformer en ressources recyclables. C'est pourquoi notre commune n'emploie pas le terme de « déchet », mais plutôt celui de « matière recyclable » pour tout ce qui peut être valorisé.

La ville de Kawaguchi a créé un complexe de traitement des déchets appelé « Centre Asahi pour l'environnement - Recycle Plaza » qui a été mis en service en décembre 2002. Il existe aussi dans la commune une autre installation de traitement des déchets. Ces deux structures assurent l'incinération et le tri. Le Centre Asahi pour l'environnement est doté de six installations :

1. une unité d'incinération (les cendres produites sont fondues puis utilisées notamment comme sous-couche routière) ;

2. une unité de tri et de valorisation ;

3. un centre d'information sur l'environnement ;

4. une unité de production d'énergie renouvelable (avec des panneaux photovoltaïques, des éoliennes, etc.) ;

5. des bains publics et une piscine chauffés grâce à la récupération de la chaleur excédentaire ;

6. une unité de production électrique fondée sur la combustion des déchets.

Ce tableau (voir l'annexe) présente l'évolution des tonnages de déchets par rapport à la population de la ville. Sont ici inclus les déchets ménagers et assimilés ainsi que les déchets recyclables traités par le service communal. En revanche, les déchets industriels ne sont pas compris dans ces données chiffrées. En 2008, 513 000 habitants ont produit 172 858 tonnes de déchets, et ce chiffre est en constante diminution depuis trois ans. Si l'on compare les chiffres de 2008 avec ceux de l'année 2006, on constate en effet que les tonnages ont diminué de 13 731 tonnes, soit 7 % environ, alors que la population a augmenté de 11 000 habitants, soit une augmentation de 2 %. Cela démontre une prise de conscience de plus en plus forte des habitants quant à l'importance du tri et de la prévention des déchets. Notre commune s'est fixé comme objectif de réduire encore le volume de déchets pour qu'il s'approche du seuil des 160 000 tonnes d'ici 2017.

La production de déchets par habitant (voir l'annexe) diminue également malgré l'augmentation de la population. En 2008, chaque habitant a ainsi produit 1 006 grammes par jour. Ce chiffre est inférieur à la moyenne nationale qui est de 1 089 grammes. Pourtant la ville de Kawaguchi est située en zone urbaine. En France, la quantité journalière de déchets produite par habitant est de 500 grammes. Il faut toutefois noter qu'au Japon le volume des déchets assimilés aux ordures ménagères et les encombrants sont inclus dans les critères de calcul. Nous avons pour objectif de faire baisser ce chiffre à 955 grammes avant 2017.

Quant au taux de recyclage, il a été de 24,2 % en 2008. Ce chiffre, légèrement plus bas que l'année précédente, reste toutefois stable ces dernières années. Il est à noter que le taux de recyclage de la ville de Kawaguchi est supérieur à la moyenne nationale qui est de 20,3 %. L'objectif de la commune est de faire passer son taux de recyclage à 35 % d'ici 2017.

Je vous propose maintenant d'aborder la question des dépenses liées aux déchets et au recyclage. Pour l'exercice 2008, le budget de la ville se montait à 984,21 millions d'euros. Les dépenses relatives aux déchets atteignaient 54,66 millions d'euros. Ces dépenses comprennent notamment le nettoyage, la collecte, la gestion des installations de traitement et le recyclage. Elles représentent 5,6 % du budget total, soit 106,56 euros par habitant.

Les recettes liées au traitement des déchets et au recyclage (voir l'annexe), quant à elles, s'élevaient à 14,60 millions d'euros pour 2008. Ce chiffre est en baisse de 0,85 million d'euros par rapport à l'année précédente. Le déséquilibre entre les dépenses et les recettes est compensé par les recettes fiscales.

Les 7,37 millions d'euros de recettes présentés sur ce tableau (voir l'annexe) correspondent aux revenus provenant de la vente de matières recyclables. Le tableau indique le produit de la vente de matières recyclables par catégories. Les recettes totales s'élèvent à 2,4 millions d'euros environ pour 2008. Les ferrailles et l'aluminium issus de l'incinération sont également vendus et ils rapportent environ 539 000 euros. Par ailleurs, les deux centres pour l'environnement de la commune produisent de l'électricité en récupérant la chaleur dégagée par la combustion des déchets. Le surplus est vendu à une compagnie d'électricité. Toujours pour 2008, le produit des droits d'entrée à la piscine municipale (chauffée par la chaleur dégagée par la combustion des déchets) est de 327 000 euros environ, pour près de 100 000 entrées.

Je dis toujours à nos administrés que les déchets constituant une source de recettes pour la commune, plus nous trions plus les recettes sont importantes. Je dis également que les déchets me sont chers puisque je vois de l'argent quand je vois des déchets. En revanche, si certains habitants mettent toutes sortes de déchets en vrac à la poubelle sans faire le moindre tri, les coûts de collecte et d'incinération de ces déchets, ainsi que les coûts de traitement des cendres d'incinération, devront être couverts par la fiscalité. C'est pourquoi j'insiste sur l'importance du tri et de la collecte sélective, qui permettent aux communes de vendre des matières recyclables et de disposer ainsi de ressources nouvelles.

Concernant l'organisation de la collecte des déchets, elle se fait par l'intermédiaire de « stations », concrètement 10 000 points de collecte, soit un point de collecte pour vingt foyers. Pour la collecte des recyclables, il a été prévu 4 000 points de collecte, c'est-à-dire un point de collecte pour cinquante foyers. Ces points de collecte se trouvent essentiellement sur la chaussée ou sur les trottoirs. Les habitants y déposent leurs déchets aux jours prévus et selon les modalités prévues. La collecte se fait au moyen de camions bennes qui roulent au gaz naturel pour réduire les émissions de CO 2 .

La ville associe depuis longtemps ses habitants aux actions visant à réduire le volume de déchets et à promouvoir le recyclage. L'une de ces actions consiste à faire collecter des recyclables directement par les associations d'habitants de quartier, qui sont au nombre de 200. Kawaguchi a été la première commune à organiser une telle collecte associative des recyclables, dès 1978. Dans le cadre de cette action, les associations d'habitants collectent des papiers et des vêtements une fois par mois et les vendent aux sociétés de recyclage. La commune leur verse une subvention de 0,008 euro par kilo de déchets collecté.

En outre, la commune désigne au sein de chacune de ces associations un ambassadeur de propreté, qui joue un rôle de promoteur du recyclage dans son quartier. Son rôle est de sensibiliser ses concitoyens à la réduction du volume des déchets, de les conseiller sur le tri et le dépôt de déchets. L'ambassadeur de propreté conduit également des actions pour la propreté de son quartier, et dresse un état des lieux de la propreté des points de collecte. Les ambassadeurs de propreté rendent compte de leur action à la commune, et leurs observations sont prises en compte lors de l'élaboration des politiques municipales en la matière.

Kawaguchi organise également une opération «Journée ville propre » depuis dix ans. Dans le cadre de cette opération, les habitants font un grand nettoyage de leur quartier une fois par an.

Il existe aussi un programme d'embellissement de la ville. Nous sommes la première commune japonaise à avoir adopté un règlement dans ce domaine. La municipalité signe une convention avec des associations qui assurent un entretien régulier des rues et lieux publics. Le matériel nécessaire, ainsi que l'assurance couvrant les risques d'accident, sont pris en charge par la commune.

Les associations d'habitants de quartier qui mènent des actions pour promouvoir la règle des 3R, Réduire, Réutiliser, Recycler , perçoivent une subvention de la commune, dont le montant s'élève à 400 yens par foyer adhérant. Ce soutien financier permet non seulement de sensibiliser les citoyens à l'importance des 3R, mais aussi de renforcer les liens entre habitants d'un même quartier. Il me semble que ces actions de promotion de la règle des 3R et de la propreté dans notre ville impliquent plus les citoyens que celles mises en oeuvre par les communes françaises.

La sensibilisation des enfants à l'environnement est également une question importante. Cela concerne non seulement le recyclage, mais aussi l'ensemble des actions municipales en faveur de l'environnement. Sensibiliser les jeunes à la propreté de leur ville, à la réduction des déchets et aux économies d'énergie est un élément essentiel de toute politique en faveur de l'environnement. Le Centre Asahi pour l'environnement, que je vous ai présenté tout à l'heure, accueille ainsi des groupes scolaires pour les sensibiliser au problème des déchets.

Toujours dans le cadre de la sensibilisation des jeunes à l'environnement, la commune met en oeuvre depuis sept ans le Programme ISO 14000 dans toutes les écoles élémentaires (47 écoles). Les élèves fixent avec leur famille des objectifs pour diminuer la consommation d'électricité, de gaz et d'eau, et pour réduire le volume des déchets. Puis ils tentent d'atteindre les objectifs fixés pendant les grandes vacances scolaires. Lancé au Japon et soutenu par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), ce programme est aujourd'hui mis en oeuvre à l'échelle internationale. La ville de Kawaguchi a été précurseur dans ce domaine, ce qui faisait d'ailleurs partie de mes engagements électoraux. Les enfants reçoivent un diplôme de certification internationale à l'Université des Nations Unies à Tokyo. Certains ont même eu l'honneur de recevoir le Prix spécial.

Les écoles élémentaires de la ville de Kawaguchi mènent également d'autres actions pour la protection de l'environnement. Je peux vous parler par exemple de l'école Tozuka-minami. Cette école élémentaire collecte des emballages de lait en carton pour les échanger auprès d'une société de recyclage contre des rouleaux de papier toilette utilisés à l'école. Par ailleurs, la participation au recyclage de l'aluminium a permis à cet établissement scolaire de faire le don de chaises roulantes à des personnes âgées. Au Japon, il existe 22 476 écoles élémentaires et 10 915 collèges, et 30 établissements parmi eux ont été distingués pour l'excellence de leur programme pédagogique pour l'environnement et pour le cadre de vie. L'école Tozuka-minami fait partie de ces 30 établissements. La mobilisation de toutes les écoles élémentaires pour la sensibilisation des jeunes à la protection de l'environnement est une des particularités de notre ville.

Ces actions ont été reconnues et la ville de Kawaguchi a remporté en 2003 le Prix d'excellence environnementale dans la catégorie collectivité territoriale, dans le cadre du 12 ème Grand Prix de l'Environnement pour la Planète organisé en présence du Prince et de la Princesse Akishinomiya. Nous nous en réjouissons beaucoup.

Concernant les déchets, je demande toujours aux habitants de Kawaguchi de faire ce qu'ils peuvent faire. Il ne sert à rien de leur demander l'impossible, mais il faut également reconnaître que beaucoup de citoyens ne font pas ce qu'ils peuvent faire. Aussi il appartient à la commune de sensibiliser ses administrés et de les mobiliser afin d'améliorer ensemble notre cadre de vie. Je dirais que contribuer à la propreté de la ville, c'est avoir un bel état d'esprit.

Réduire le volume des déchets permet en effet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et réutiliser, recycler transforment les déchets en ressources. C'est pourquoi je suis persuadé que cette approche 3R rendra possible l'émergence de villes durables.

Comme l'a dit Monsieur le Vice-Maire de Kyoto précédemment, il existe au Japon une expression remarquable : « mottainai », qui signifie « trop précieux pour être gaspillé ». Madame Wangari Maathai, premier Prix Nobel de la Paix en faveur du développement durable, a défendu cette expression et a proposé de la diffuser dans le monde entier.

Les résultats de la 15 ème Conférence sur les changements climatiques de Copenhague ne sont pas très satisfaisants, mais il est temps de prendre conscience de l'importance du développement durable. L'absence de mobilisation dans le monde pour cet enjeu planétaire risquerait de compromettre la vie de nos citoyens, les activités économiques et les services publics. C'est pourquoi la ville de Kawaguchi poursuivra ses actions pour réduire les déchets et pour promouvoir le recyclage, et bien sûr en faveur du développement durable d'une manière plus générale. Je vous remercie pour votre attention.

M. Bruno LEPRAT

Pierre-Paul Leonelli, quel sentiment vous inspirent ces communes qui organisent des opérations « Ville propre » et dont les habitants, comme un seul homme, vont ramasser les déchets ou ces villes qui préconisent d'éteindre la télévision ?

M. Pierre-Paul LEONELLI

Votre question est opportune. Peut-être aurais-je pu me montrer plus convaincant sur la propreté que sur le traitement des déchets car je suis avant tout adjoint au maire à la propreté à la ville de Nice. Il s'agit d'un engagement au quotidien. Je félicite mon collègue, qui vient d'effectuer ce brillant exposé, et je crois que nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés. Ce n'est pas tant le manque d'engagement de la part des élus mais c'est surtout un fléau contre lequel nous devons nous battre aujourd'hui. Je vous raconterai une anecdote. Nous avons créé à Nice une petite équipe dénommée « la force rapide d'action propreté » (FRAP), qui travaille 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, et intervient sur simple appel téléphonique de nos concitoyens. Mon homologue de la ville de Paris nous a d'ailleurs rendu visite pour voir comment opérer dans les arrondissements. Il est ressorti de nos échanges que nous devrions aussi nous attaquer à l'incivisme et au non-respect des espaces publics de la part de certaines populations et de certains de nos concitoyens. Il est vrai qu'en matière de propreté, de nombreuses mesures peuvent être imaginées et toutes les actions menées par notre collègue se révèlent très intéressantes. J'ai noté cependant que si les collectivités japonaises ne fixent pas les taxes, les impôts comme nous pouvons le faire, elles aident les citoyens à accomplir un acte civique de tri. De notre côté, ce sont les éco-organismes mis en place par l'Etat qui interviennent pour aider les collectivités et les citoyens dans ces gestes de tri.

M. Kôshirô OKAMURA

Faire prendre conscience aux citoyens de l'importance de la propreté est essentiel. Je me suis promené ce matin dans les rues de Paris que je n'ai pas trouvées très propres. Il y avait beaucoup de mégots par terre. Comme je vous l'ai présenté tout à l'heure, la ville de Kawaguchi organise une fois par an une journée de nettoyage de la ville et tous les habitants y participent, dans les rues et parcs de leur quartier. Quand ils ramassent eux-mêmes les déchets, ils n'en jettent plus par terre. Ce type d'activités est, à mon sens, très important.

M. Bruno LEPRAT

Merci. Vous avez évoqué, Monsieur Okamura, le Centre Asahi. Il me semble que ce nom est également utilisé pour un journal. Que représente-t-il ?

M. Kôshirô OKAMURA

En effet, ce centre porte le même nom que le grand quotidien « Asahi Shimbun ». Certes, le nom du centre s'écrit avec les mêmes idéogrammes que le journal, qui signifient « le soleil levant », mais en réalité le nom du centre vient du nom du quartier où il est implanté, et n'a pas de rapport avec le journal.

M. Bruno LEPRAT

Merci. Nicole Gontier, la communauté d'agglomération Dunkerque Grand Littoral a-t-elle, sur la question des déchets, tracé quelques pistes que vous souhaiteriez partager avec vos collègues français et japonais ?

Mme Nicole GONTIER, directeur général des services techniques à la Communauté urbaine de Dunkerque

Nombre des actions qui ont été évoquées se retrouvent sur Dunkerque. Je mettrai l'accent sur les mesures particulières que nous avons mises en place. Notre collectivité s'est préoccupée de la collecte depuis très longtemps, puisque nous avons institué un tri sélectif voilà 20 ans sur le territoire. Il s'agissait alors de l'une des premières initiatives en la matière en France. Nous pourrions penser qu'après 20 ans d'implication, nous sommes aujourd'hui exemplaires et que le Grenelle de l'environnement n'a rien à nous apporter. Tel n'est pas le cas. Nous nous sommes rapidement rendu compte que la question de citoyenneté se situe au coeur du sujet et que rien ne peut jamais être considéré comme acquis à son sujet. Il convient de communiquer sans cesse afin d'obtenir ce geste citoyen. Cette vision nous a conduits à mettre en place, en 2006, une charte de gestion des déchets, dans une organisation extrêmement participative afin de recueillir toutes les bonnes idées et volontés et de mettre au point un système partagé par l'ensemble de la population. 250 personnes sont venues travailler dans nos ateliers, un livre ouvert a été produit avec les contributions écrites d'une grande partie de la population. A l'issue de ces réflexions, la collectivité a approuvé la charte de gestion des déchets qui clarifie et structure les actions à mener à la fois par la collectivité, pour disposer d'outils ou de méthodes de collecte plus performants, et par la population, pour participer par son geste et rendre efficace le travail de la collectivité. Nous avons ainsi défini quatre axes majeurs visant à réduire les déchets à la source, valoriser davantage, rendre plus efficaces nos modes de collecte et à fédérer l'ensemble des acteurs afin que tous agissent dans le bon sens pour la gestion globale des déchets à l'échelle du territoire.

Je ne développerai qu'une partie de ses quatre axes, me concentrant sur des éléments qui n'ont pas encore été abordés par les différents intervenants. Pour ce qui est de la réduction à la source des déchets, nous menons comme à Nice une action de mise à disposition de composteurs gratuits en échange d'une formation et d'un engagement du citoyen à bien l'utiliser. Nous menons également une action tendant à diminuer les publicités non adressées distribuées dans les boîtes aux lettres. Un système de témoins permet de mesurer la façon de trier et de produire des déchets des citoyens.

M. Bruno LEPRAT

Ce sont donc des citoyens qui se sont inscrits dans un panel.

Mme Nicole GONTIER

Tout à fait. Ces témoignages nous donnent une bonne vision de la situation du territoire. Nous avons mené par ailleurs une campagne de mesure du contenu des différentes poubelles afin de déterminer les pistes d'amélioration. Nous nous situons au coeur d'un processus de mesure pour orienter notre action.

M. Bruno LEPRAT

Sur une poubelle, mesurez-vous le taux d'impureté ? Dans une poubelle consacrée au verre, par exemple, avez-vous comptabilisé les éléments qui ne devraient pas y figurer et l'évolution de la pédagogie qui est ensuite mise en place pour apurer ce déchet ?

Mme Nicole GONTIER

Depuis 20 ans que nous avions mis en place le tri sélectif, nous avions pris l'habitude de communiquer très régulièrement sur l'importance de jeter des éléments propres dans la poubelle dédiée au recyclage. Nous martelions « propre et sec ». Nous nous sommes rendu compte que notre message n'était pas satisfaisant. Les citoyens voulaient laver les bouteilles avant de les jeter mais certains se lassant, finissaient par ne plus les trier. Nous retrouvions ainsi la moitié des verres dans la poubelle des déchets ménagers. Notre objectif n'était pas atteint. Face à ce constat, nous étudions l'adaptation de notre message, en vérifiant pendant six mois, sur deux quartiers d'habitat collectif et individuel, son efficacité pour obtenir un meilleur taux de recyclage. Notre démarche consiste à mesurer et tester avant d'appliquer.

Le stop publicité permet d'économiser 40 kilogrammes de papier. Nous avons également institué des outils similaires à ceux évoqués pour Nice ou le Japon, qui permettent de transformer le maximum de déchets. Nous disposons ainsi d'un centre de valorisation organique où nous fabriquons du compost que nous vendons aux agriculteurs. Le déchet devient une matière valorisable. Nous travaillons auprès des cantines pour alimenter notre compost. Nous avons par ailleurs lancé une importante action d'animation du territoire avec des ambassadeurs et une maison du développement durable, que nous avons construite il y a 3 ans et dans laquelle nous recevons le public et les écoles pour leur parler des déchets, de l'eau, de l'environnement, des espaces verts.

M. Bruno LEPRAT

Quel est le rôle des ambassadeurs ?

Mme Nicole GONTIER

Nous disposons de deux types d'ambassadeurs. En premier lieu, les conseillers du tri se rendent auprès de la population pour vérifier les bonnes pratiques et détailler les gestes adaptés.

M. Bruno LEPRAT

Il s'agit donc de fonctionnaires.

Mme Nicole GONTIER

Oui. Une deuxième série d'ambassadeurs issus du monde associatif ou des candidats qui se sont présentés pour effectuer les mesures représente notre relais dans les associations de quartier et auprès de l'ensemble des habitants pour communiquer sur les bonnes pratiques et les bons gestes. Ces ambassadeurs s'intéressent à d'autres sujets que les déchets. C'est la raison pour laquelle nous leur avons proposé de jouer un rôle d'ambassadeur pour d'autres questions d'environnement.

Nous soutenons également une association qui regroupe l'ensemble des industriels du territoire et qui permet de transformer certains de leurs déchets en matières premières pour leurs collègues. Il s'agit en quelque sorte d'une bourse de déchets, qui constitue une démarche peu courante s'adressant au monde industriel.

M. Bruno LEPRAT

La ville de Dunkerque se singularise-t-elle par rapport aux chiffres nationaux sur la production de déchets ? On sait qu'un Français produit en moyenne un kilogramme par jour.

Mme Nicole GONTIER

Nous en produisons plus, malgré les efforts réalisés, mais notre niveau de recyclage atteint 37 %, là où le Grenelle de l'environnement exige 35 % à l'horizon 2012. Nous avons donc déjà atteint cet objectif. Nos outils de valorisation organique et énergétique nous ont également permis d'atteindre un taux de 95 % de réutilisation des déchets collectés, sous forme de matière ou d'énergie. Nous sommes donc assez heureux et sereins sur ce sujet.

M. Bruno LEPRAT

Merci à l'ensemble de nos orateurs. Nous avons le temps de prendre une question.

De la salle

Je voudrais poser une question à Monsieur Okamura. Sur la page de votre document Powerpoint présentant l'éducation à l'environnement à l'école Tozuka-minami figure la mention d'une monnaie environnementale valable au sein de l'école. De quoi s'agit-il ?

M. Kôshirô OKAMURA

Cette école organise différentes activités pour sensibiliser les élèves à l'environnement. Concernant la monnaie environnementale, s'il y a un élève qui apporte à l'école une canette en aluminium, il reçoit une pièce de monnaie environnementale. Lorsqu'il a un certain nombre de pièces, il peut acheter par exemple un kit de fleurissement pour cultiver une plante pour l'école qui promeut également le fleurissement. Cette monnaie permet aux enfants d'apprendre d'une manière ludique l'importance de protéger l'environnement.

M. Bruno LEPRAT

Mesdames, Messieurs, je vous propose d'applaudir nos témoins et d'accueillir Jacques Valade, ambassadeur itinérant pour l'Asie, qui va conclure et restituer quelques temps forts de notre après-midi.

CONCLUSION

M. Jacques VALADE, ancien ministre, ambassadeur itinérant pour l'Asie

Merci Bruno Leprat. Puisque nous avons engagé ce dialogue, je voudrais également vous remercier au nom de tous les intervenants et de ceux à qui vous avez donné la parole. Vous avez été un animateur ferme, notamment en termes de respect du temps imparti, mais également extrêmement conciliant et je vous en suis très reconnaissant.

Je voudrais à mon tour saluer Monsieur Takahara, le ministre qui représentait l'ambassadeur du Japon à Paris. Je souhaiterais également dire à Monsieur Naruta combien nous sommes ravis de l'avoir parmi nous et de le voir assurer la continuité par rapport au passé car il y a maintenant quelques années que nous organisons ce colloque. Je crois qu'il constitue un excellent moment de contact entre Français et Japonais et entre représentants des collectivités territoriales. Je voudrais formuler tous nos remerciements à Monsieur David Assouline, qui m'a succédé au poste de président du groupe d'amitié France Japon, puisque j'ai assumé cette responsabilité durant quelques années, et à Michèle Kadi, la secrétaire administrative de ce groupe, car cette relation entre CLAIR et le Sénat et les collectivités territoriales qu'il représente se révèle importante et il est normal que le groupe d'amitié France-Japon y contribue. Enfin, je souhaiterais indiquer à toutes et à tous combien nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté d'assister à cette confrontation. C'est une excellente chose de voir des collectivités territoriales japonaises et françaises, Monsieur le vice-maire de Kyoto, Monsieur le maire de Kawaguchi et Mesdames Gontier et Raeser et Monsieur Leonelli, représentants de Dunkerque et Nice, qui nous ont présenté des approches voisines, même si les applications diffèrent.

Mesdames et Messieurs, je souhaiterais, en tant que responsable de coopérations décentralisées, puisque je bénéficie d'une mission que le Président de la République m'a confiée à cet égard, vous indiquer que dans le domaine de la protection de l'environnement, nous avons bien entendu, les uns et les autres, des obligations. La première obligation tient dans la prise de conscience partagée. Cette prise de conscience partagée, parfaitement exprimée par Monsieur le maire de Kawaguchi, est devenue maintenant une affaire non seulement nationale, comme l'ont démontré les témoignages français, mais également internationale. Elle avait démarré à Kyoto et s'est poursuivie dans différentes circonstances. La réunion au sommet de Copenhague a constitué une étape importante. Elle n'a certes pas donné les résultats que l'on en attendait dans l'instant, mais fallait-il attendre des résultats dans l'instant ? Nous ne le croyons pas parce que, comme nous l'ont montré les intervenants cet après-midi, ces actions se révèlent particulièrement complexes à mettre en oeuvre. Il s'avère cependant important de se rassembler. Peut-être le nombre de participants a-t-il été trop important, peut-être la réunion a-t-elle eu lieu dans un foisonnement et un désordre qui ne permettait pas de déboucher sur des obligations et des résolutions, mais nous avons pris des engagements et des rendez-vous. Il est bien clair que nous devons nous montrer attentifs à ce que ces engagements soient tenus et que les rendez-vous puissent être pris de façon régulière. Je crois à cet égard que la France et l'Allemagne, notamment, auxquels le Japon s'est également associé, seront tout à fait disposées à maintenir et poursuivre, au-delà des confrontations et parfois des concurrences politiques et économiques, cette démarche.

Cette prise de conscience partagée débouche sur des codifications et législations. Nos assemblées respectives, au Japon comme en France, doivent aller dans le même sens et cela ne peut se faire que dans le cadre d'une parfaite concertation avec les populations. En effet, ce n'est pas par la loi ou par des réglementations mais plus par la prise de conscience collective et individuelle, au niveau du tri notamment, et par l'éducation que nous allons y arriver. Les gestes techniques se révèlent importants. Les huit groupes de réflexion que Madame le directeur général des services de Dunkerque a évoqués correspondent à ce que nous réalisons partout mais vous les avez formulés de manière extrêmement précise et je vous en suis personnellement très reconnaissant. Je voudrais cependant ajouter un mot sur la thermographie. Dunkerque a peut-être pris la première initiative en France en la matière mais vous avez aussi effectué une thermographie à Nice et Bordeaux a également défini depuis longtemps une carte thermographique de la ville, que chaque citoyen peut consulter afin de voir si sa maison possède ou non une empreinte correcte. Les gestes techniques ne serviraient à rien s'ils ne s'accompagnaient pas d'un geste citoyen. A cet égard, vous avez parfaitement, les uns et les autres, évoqué ce qu'il faut en penser. J'ai particulièrement apprécié les propos d'Isabelle Raeser, « trier plus pour brûler moins » qui s'inscrivent presque en contradiction avec d'autres exposés. En effet, le rendement financier ne doit pas être la règle. La règle doit être davantage tournée vers la meilleure utilisation possible des déchets. Or la meilleure utilisation ne doit pas consister dans la combustion.

Une réunion internationale a eu lieu très récemment à Canton en Chine des CGLU (Cités et gouvernements locaux unis), regroupant plus de 3 000 représentants. Le vice-président de la Chine a indiqué que dans un avenir relativement proche jusqu'à 80 % de la population du monde seront regroupés dans des agglomérations. Il est bien évident que nous devons nous organiser en ce sens. Nous le faisons à notre niveau, par le biais d'agglomérations ou de communautés urbaines mais il faut que les responsables à la fois nationaux et locaux prennent conscience que c'est au niveau de ces agglomérations qu'il convient de trouver des solutions et que ces solutions ne peuvent être acceptées que si elles résultent d'une étroite collaboration entre le citoyen et celui qui le dirige. C'est la raison pour laquelle les confrontations du type de celles que CLAIR organise, et notamment celle-ci sur le développement durable et l'amélioration de la vie en société, sont fondamentales. J'ai été chargé d'envisager, pour l'Asie, toutes les formes de coopération possibles. Les formes de coopération, compte tenu justement de l'émergence des agglomérations en termes de correspondants et de liaisons entre le citoyen de base et le pouvoir dont il dépend, doivent être comparatives. Nous ne pouvons plus, dans le monde moderne, ignorer ce qui est réalisé ailleurs. Naturellement il ne s'agit pas de donner des leçons aux uns ou aux autres, ce qui serait absurde, mais d'entendre ce que les uns ou les autres peuvent proposer à leurs concitoyens, de façon à ce que l'expérience des uns puisse bénéficier à l'expérience des autres. Cette coopération, qui devient une coopération décentralisée, qui n'est plus concentrée au sommet de l'Etat, passe par des réunions de ce genre. David Assouline a évoqué, dans son propos liminaire, les deuxièmes Rencontres de coopération décentralisée entre la France et le Japon. Les premières avaient eu lieu à Nancy au mois de novembre 2008. Les deuxièmes auront lieu à Kanazawa au mois de mai 2010. Il y a là une façon de se rencontrer, chacun exposant ce qu'il a mis au point, ses difficultés, les solutions qu'il a pu proposer, tandis que les autres écoutent, comme cela fut le cas aujourd'hui.

Je voudrais pour terminer remercier très chaleureusement Monsieur le directeur général de CLAIR Paris, le Sénat, vous toutes et tous ainsi que notre excellent animateur. Merci.

ANNEXES

Extraits des documents PowerPoint

présentés au cours du colloque

Tous les documents PowerPoint sont disponibles sur le site Internet de CLAIR Paris : www.clairparis.org

Le développement durable : cadre juridique et enjeux pour les collectivités territoriales en France et au Japon

Exposé de Madame Liliane DUPORT et de Madame Laurence ERMISSE

Exposé de Monsieur Itaru YASUI

L'action des collectivités territoriales en faveur de la réduction des émissions de CO 2 et de la maîtrise de l'énergie

Exposé de Monsieur Yoshirô HOSOMI

Exposé de Madame Nicole GONTIER

L'action des collectivités territoriales pour réduire les déchets et pour développer le recyclage

Exposé de Monsieur Pierre-Paul LEONELLI

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