M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mis en place depuis 2018, le seuil de revente à perte majoré, dit SRP+10, n’a toujours pas fait ses preuves. Il est de peu d’effet sur les graves déséquilibres des négociations commerciales entre les agriculteurs, les industriels et la grande distribution. Il a surtout profité à la grande distribution et aux agro-industriels, comme l’a démontré l’UFC-Que Choisir dans son étude sortie en février dernier. Les données auxquelles nous avons accès ne permettent pas aujourd’hui de démontrer une augmentation du revenu agricole.

L’enjeu principal pour l’avenir du monde agricole est non pas d’alléger les normes, qui donnent lieu à un débat fantasmé et souvent manipulé, mais bien d’assurer un revenu décent aux agriculteurs pour éviter la fuite en avant du « toujours plus », comme l’a parfaitement démontré Laurent Duplomb, à qui je rends ici hommage, lors d’un débat précédent.

Pour autant, à défaut d’améliorer les revenus des agriculteurs, le SRP+10 permettrait au moins d’éviter qu’ils ne s’effondrent encore plus. La ligne du groupe écologiste est donc claire : nous ne nous opposerons pas à la prolongation du SRP+10. En effet, le supprimer sans réglementer les marges des intermédiaires et des distributeurs risquerait d’engendrer une plus forte pression à la baisse sur les prix payés aux producteurs, lesquels seraient ainsi plus pénalisés que les distributeurs.

Cependant, une nouvelle prolongation du dispositif sans renforcement de la régulation, de la transparence et sans contrôle supplémentaire ne peut être bénéfique ni pour le revenu des agriculteurs, ni pour nos PME de transformation alimentaire, ni pour les consommateurs.

Comme nous l’avions souligné lors de l’examen du texte en séance publique la semaine dernière, cette prolongation doit être très limitée dans le temps et s’accompagner enfin d’une évaluation des effets de cette majoration, à la fois sur les prix des produits agricoles, sur ceux que paient les consommateurs et sur les marges induites pour les acteurs concernés. Il faut par ailleurs mettre en place des sanctions réellement dissuasives, j’y reviendrai.

Nous avons regretté que la commission des affaires économiques du Sénat, refusant d’imposer toute contrainte supplémentaire aux entreprises, ait supprimé la plupart des avancées significatives qui avaient été adoptées à l’Assemblée nationale.

Je pense bien sûr au renforcement de la transparence sur l’utilisation du surplus de marge que les distributeurs et industriels estiment attribuable au SRP+10 et à la mise en place de sanctions plus sévères assises sur le chiffre d’affaires en cas de non-transmission de ces informations. Je pense encore à l’amélioration de la transparence sur les marges pratiquées par les distributeurs sur les produits issus de l’agriculture biologique.

Le texte issu de la CMP ne reprend que partiellement ces avancées. Sur le niveau des sanctions, nous saluons le compromis trouvé sur une amende pouvant aller jusqu’à 0,4 % du chiffre d’affaires réalisé en France. Il s’agit d’une réelle avancée, car le texte du Sénat prévoyait une amende assez dérisoire. Dans la mesure où elle n’était pas assise sur le chiffre d’affaires, il était possible de gagner de l’argent en ne respectant pas la loi !

Néanmoins, nous avons un certain nombre de regrets. Ainsi, nous déplorons la prolongation jusqu’en 2028, plutôt qu’en 2026, du SRP+10 et de l’encadrement des promotions. Dans la mesure où nous ne disposons pas de données fiables pour juger de l’efficacité réelle de ces mesures pour lutter contre la guerre des prix et protéger la production agricole, cette prolongation devait, selon nous, être bien plus limitée dans le temps.

En ce qui concerne le seuil de revente à perte, les documents transmis par la distribution et les industriels ne seront pas rendus publics. Le maintien de cette opacité est très regrettable.

Enfin, le plafond de promotion sur les produits DPH est fixé à 40 %, contre 34 % actuellement : il me semble que c’est là un cadeau fait à la grande distribution.

Face à ce bilan très mitigé, assez logiquement, nous nous abstiendrons sur ce texte. Nous aurions pu profiter de l’examen de cette proposition de loi pour accroître la transparence et la régulation, mais ne soyons pas naïfs, la prolongation de l’expérimentation du seuil de revente à perte majoré ne sera de toute façon pas suffisante pour répondre aux enjeux essentiels que sont le partage de la valeur et l’établissement d’un nécessaire équilibre dans les négociations commerciales entre le monde de la distribution, les agriculteurs et, évidemment, les consommateurs.

C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires continuera de défendre des mesures bien plus structurantes afin de garantir un revenu à nos agriculteurs tout en permettant à chacun d’accéder à une alimentation durable et de qualité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, environ 20 % des agricultrices et agriculteurs en France vivraient aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Parmi eux, 11 000 perçoivent le revenu de solidarité active (RSA) socle, c’est-à-dire le RSA destiné aux foyers n’ayant aucun revenu d’activité.

Nous ne pouvons qu’être interloqués face à ce constat. Surtout, nous devons refuser cette fatalité.

En matière d’agriculture, la défense d’un revenu digne pour les paysans doit bel et bien être au cœur de notre action de parlementaire. Les paysans ne peuvent être une variable d’ajustement face au développement agro-industriel. Tel est en tout cas, et depuis toujours, le sens de mon engagement et de celui du groupe socialiste.

La précarité d’une grande partie des paysans est d’autant plus inacceptable que les revenus des autres maillons de la chaîne sont de plus en plus indécents. Pas plus tard que cette semaine, le magazine Forbes a publié son classement des milliardaires, dans lequel M. Emmanuel Besnier, président-directeur général du groupe Lactalis, apparaît au cinquième rang en France, sa fortune étant estimée à plus de 22 milliards d’euros.

Alors que les multinationales de l’industrie agroalimentaire et les géants de la grande distribution préemptent la valeur, force est de constater que les lois Égalim n’ont pour l’heure pas atteint leur objectif de rééquilibrage.

Sur le dispositif SRP+10, le groupe socialiste a adopté tout au long du débat une démarche claire. Face au manque de données et d’évaluations concrètes sur ses effets, nous avions estimé avoir besoin très rapidement d’un droit de suite, car nous refusions de signer un nouveau chèque en blanc à la grande distribution.

Nous avions ainsi proposé de prolonger ce dispositif jusqu’en 2026 seulement, puis d’en faire un réel bilan d’ici à cette date, comptant sur l’adoption des différentes mesures de transparence et des sanctions que nous avions suggérées.

À mon sens, c’est se leurrer que de croire au ruissellement par le libre jeu du marché. Il n’existe pas non plus de lien mécanique entre hausse du revenu agricole et augmentation de la marge de distribution.

Aussi, que ce soit en commission, en séance publique ou en commission mixte paritaire, nous avons proposé plusieurs dispositions visant, d’une part, à créer de nouvelles obligations de transparence pouvant s’appliquer à la grande distribution et, d’autre part, à rehausser le montant des sanctions applicables aux distributeurs en cas de refus de faire remonter les données.

À cet égard, la version du texte issue de l’Assemblée nationale aura permis, je le pense sincèrement, de véritablement rééquilibrer le rapport de force, grâce à une meilleure transparence et à de véritables sanctions dissuasives.

Cependant, sans surprise, la majorité sénatoriale est largement revenue sur ces avancées, et, une fois encore, aucun de nos amendements n’a été adopté. C’est à se demander, mes chers collègues de la majorité, si vous souhaitez que le dispositif fonctionne.

Heureusement, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons été davantage entendus. À force de compromis, nous avons notamment obtenu une sanction fixée à 0,4 % du chiffre d’affaires en cas de refus de la distribution de publier les marges résultant du dispositif SRP+.

La publication d’un rapport de l’inspection générale des finances documentant les marges réalisées par les distributeurs a aussi été confortée lors de la CMP. Nous serons particulièrement attentifs à cet engagement du Gouvernement, dans la mesure où il s’agit d’une disposition clé du texte.

J’en viens à l’encadrement des promotions sur les produits DPH, second dispositif de la proposition de loi. En CMP, la reconduction du taux de remise en valeur de 40 % a été actée, dans une logique de soutien à la fois du pouvoir d’achat et des entreprises françaises.

En responsabilité, et au regard des avancées obtenues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc ce texte, qui n’est toutefois pas une fin en soi. Nous aurons besoin de données précises, madame la ministre, pour évaluer l’efficacité du dispositif SRP+10 et mettre un terme à l’opacité qui règne sur les relations commerciales agricoles.

Les agriculteurs ne peuvent plus être les victimes de la guerre des prix que se livrent les industriels et la grande distribution.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, des lois Égalim aux manifestations agricoles de 2024, en passant par les débats sur l’accord de libre-échange avec le Mercosur, la rémunération des producteurs et des agriculteurs demeure un enjeu central. Nos producteurs doivent pouvoir vivre de leur travail. J’en sais quelque chose, moi qui suis issu de cette Sologne pouilleuse, où les agriculteurs sont moins que des smicards.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et sur laquelle un compromis a été trouvé avant-hier en commission mixte paritaire, a pour ambition d’améliorer la rémunération des producteurs et de garantir une répartition plus juste de la valeur au sein de la chaîne.

Si à l’origine, le texte visait uniquement à prolonger et à harmoniser les deux dispositifs expérimentaux que sont le SRP+10 et l’encadrement des promotions, il a connu plusieurs évolutions au fil des discussions.

Le compromis final conforte l’objectif initial de la proposition de loi, tout en intégrant, modérément, quelques apports issus des travaux de l’Assemblée nationale.

J’en profite pour saluer le travail réalisé par les membres de la commission mixte paritaire et par les rapporteurs mobilisés sur ce texte. Grâce à leur travail, les deux expérimentations pourront être prolongées jusqu’en 2028. Il faut le rappeler, une expérimentation requiert du temps avant de produire des résultats.

Certes, il est aujourd’hui difficile de mesurer précisément les effets du SRP+10 sur la rémunération des producteurs, mais une chose est certaine : les acteurs, les distributeurs et les producteurs s’accordent à dire que l’abandon à ce stade du dispositif serait catastrophique pour les prix, les opérateurs ayant besoin de stabilité et de visibilité.

Des ajustements ont été apportés en CMP sur l’encadrement des promotions.

Si la commission des affaires économiques du Sénat avait souhaité maintenir le plafond actuel de 34 %, un compromis a été trouvé en faveur de la position de l’Assemblée nationale. Désormais, et comme le demandaient certains distributeurs, les produits de grande consommation, notamment les produits DPH, pourront faire l’objet d’avantages promotionnels représentant 40 % de leur prix de vente. Les denrées alimentaires ne sont pas concernées.

Nous verrons dans les mois à avenir si cette mesure produit un effet positif sur le pouvoir d’achat des ménages et si elle limite, comme certains l’espèrent, le transfert de consommation vers les solderies.

Une loi Égalim 4 a été annoncée. Elle devrait permettre une nouvelle réflexion approfondie sur les mécanismes visant à améliorer le revenu des producteurs et à leur donner plus de poids dans les négociations. Dans mon territoire, où l’industrie agroalimentaire est importante – le groupe Andros-Saint-Michel y est implanté –, j’ai pu constater que les discussions entre agriculteurs et industriels évoluaient dans le bon sens.

Ce texte sera surtout l’occasion d’aborder des sujets majeurs, tels que le rôle des centrales d’achat européennes ou encore l’impact des magasins de hard discount.

Enfin, un compromis a pu être trouvé sur les sanctions applicables au distributeur qui ne remet pas au ministère le document relatif à la part du surplus de chiffre d’affaires enregistré à la suite de la mise en œuvre du SRP+10. Si la version de l’Assemblée nationale prévoyait des sanctions exorbitantes, la solution retenue est plus équilibrée et acceptable.

Ainsi, nous nous réjouissons du compromis qui a été trouvé mardi dernier. Il a permis d’écarter certaines mesures inadaptées ou trop complexes, telles que la publication mensuelle des marges par les fournisseurs et distributeurs, ou la mise en place de coefficients par filière.

Nous espérons donc que ces arbitrages permettront de mieux soutenir les producteurs, de leur garantir une juste rémunération et de rendre leur métier attractif pour les nouvelles générations. Si un rééquilibrage des rapports de force est nécessaire, ce texte a au moins le mérite de stabiliser la situation actuelle, en offrant un cadre clair et lisible aux opérateurs.

Notre groupe soutient bien évidemment ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier l’ensemble des rapporteurs, Stéphane Travert à l’Assemblée nationale et Anne-Catherine Loisier et Daniel Gremillet, nos deux rapporteurs de la commission des affaires économiques, qui sont parvenus à un compromis lors des travaux de la commission mixte paritaire.

Je sais qu’ils n’ont pas ménagé leurs efforts pour parvenir à un texte assez consensuel, alors qu’il est urgent de prolonger deux dispositifs, en particulier l’expérimentation du SRP+10, qui arrive à échéance le 15 avril, soit dans cinq jours. Sans accord, nous nous serions retrouvés dans un vide absolu. Je me félicite donc que la commission mixte paritaire ait été conclusive.

Je remercie nos deux rapporteurs de leur travail au long cours. Ils animent depuis de longues années le groupe de suivi des lois Égalim successives et se sont pleinement investis dans la présente proposition de loi, qu’ils ont dû examiner dans des délais extrêmement contraints, l’enjeu étant de prolonger à très court terme le SRP+.

Ils ont de manière très pertinente recentré la proposition de loi sur la prolongation du SRP+10 et sur l’harmonisation des durées d’expérimentation de ce dispositif et de l’encadrement des promotions, tous deux issus des lois Égalim. Ces expérimentations seront, grâce à eux, poursuivies jusqu’au 15 avril 2028.

Ils ont également obtenu en séance publique l’engagement du Gouvernement – je vous en remercie tout particulièrement, madame la ministre ; je sais pouvoir compter sur vous –, de travailler avec les distributeurs à l’élaboration d’une méthodologie en vue de clarifier les informations exigées des entreprises sur leur usage des surplus de marge issus du SRP+10. Une plus grande transparence est nécessaire à cet égard, nous sommes tous d’accord sur ce point.

La poursuite de l’expérimentation introduite par la loi Égalim 1 fait consensus et nous avons une responsabilité à cet égard : il est important que notre vote aujourd’hui aboutisse à la promulgation de cette proposition de loi afin de rendre cette prorogation effective.

Les deux chambres partaient pourtant de positions très éloignées : il a fallu trouver les voies d’un rapprochement avant-hier en CMP. Toutes les concessions acceptées par chacune des chambres ont permis l’adoption du texte par l’Assemblée nationale hier. Il s’agit d’une excellente nouvelle et je vous invite à présent, mes chers collègues, à voter les conclusions de cette CMP à une large majorité, comme le fera le groupe Les Républicains.

Nous aurons très probablement à revenir sur les lois Égalim, un projet de loi Égalim 4 étant en cours de préparation. Je souligne qu’il faut toutefois veiller à stabiliser les dispositifs, car les acteurs économiques ne peuvent pas se satisfaire d’une instabilité législative en la matière.

Il faudra aussi mieux faire respecter la logique des lois Égalim, qui visent la construction d’un prix « marche en avant » afin de préserver la rémunération de l’amont agricole.

Cette proposition de loi, nous l’aurons compris, n’est qu’une étape, après les lois Égalim de 2018, 2021 et 2023, alors que se poursuit la guerre des prix dans la filière agroalimentaire, au détriment des producteurs.

La commission des affaires économiques du Sénat continuera à œuvrer efficacement à la défense des intérêts de nos filières et de notre économie. Nous l’avons toutes et tous rappelé, nous avons avant tout besoin de stabilité législative. Nous avons désormais une perspective au moins jusqu’au 15 avril 2028. Cette stabilité nous permettra de continuer à travailler sérieusement sur le fond, dans la confiance – c’est ce en quoi croit le Sénat – et je sais que nos deux rapporteurs s’y emploieront au cours des deux prochaines années, dans la perspective de la loi Égalim 4.

Je conclus en les remerciant de nouveau très sincèrement, ainsi que Mme la ministre, qui nous a accompagnés tout au long de ces travaux et sur qui nous savons pouvoir compter à l’avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Frédéric Buval. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez tous, l’expérimentation du mécanisme SRP+10, instauré par la loi Égalim 1 en 2018, puis prolongé en 2020, prendra fin le 15 avril prochain. Conçu pour rééquilibrer les rapports commerciaux entre distributeurs et fournisseurs, il visait à limiter les écarts de prix entre produits d’appel et produits à forte valeur ajoutée en favorisant de meilleures conditions de négociation pour les fournisseurs.

Alors qu’il arrive à échéance très prochainement, ce dispositif bénéficie d’un accueil globalement favorable de la part des acteurs du secteur, qui en réclament la poursuite. Les évaluations menées en 2020 et 2022 ont d’ailleurs permis de nuancer les critiques initiales : ni la hausse du seuil de revente à perte ni l’encadrement des promotions n’ont provoqué une hausse significative des prix alimentaires. En revanche, l’impact sur la rémunération des producteurs reste encore insuffisamment démontré, ce qui justifie un approfondissement de l’analyse.

Dans cette optique, cette proposition de loi vise à prolonger le SRP+10 et le cadre promotionnel sur les produits DPH. L’objectif est double : poursuivre l’évaluation des effets du dispositif et offrir une stabilité bienvenue dans un contexte marqué par une sortie progressive de crise agricole et des négociations commerciales en 2025, lesquelles ont été particulièrement tendues.

Le groupe RDPI se félicite ainsi de la prolongation de ces expérimentations jusqu’au 15 avril 2028, qui a été actée en CMP. Ces trois années supplémentaires permettront d’avoir une évaluation plus juste de ces dispositifs.

La stabilité réglementaire est d’autant plus essentielle que le monde agricole traverse une phase critique. L’année 2024 a été en effet marquée par une mobilisation inédite des agriculteurs, qui dénonçaient des charges excessives, une concurrence étrangère perçue comme déloyale et une instabilité réglementaire chronique.

Malgré les réponses législatives et réglementaires apportées, notamment dans le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, les inquiétudes demeurent s’agissant de l’évolution des revenus agricoles et de l’effectivité des outils existants, dont fait partie le SRP+10.

Les autres points d’accord trouvés en CMP nous semblent également aller dans le bon sens. Je pense notamment au relèvement des amendes en cas de non-respect des dispositifs à un maximum de 0,4 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé en France par l’entreprise lors du dernier exercice clos. Ce montant paraît suffisamment élevé pour inciter à respecter les règles.

Enfin, le fait que les rapports évaluant les effets des différents dispositifs prolongés puissent être rendus publics paraît également aller dans le bon sens.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous légiférons en urgence pour pérenniser deux expérimentations prévues par la loi Égalim 1 afin que leur arrêt n’affecte pas trop durement le revenu de nos agriculteurs, même si la capacité de ces dispositifs à améliorer le partage de la valeur reste à démontrer. Tel était pourtant leur but.

Cela étant rappelé, nous sommes tous d’accord pour dire que nous avons besoin de clarté et de stabilité. En ce sens, les conclusions de la commission mixte paritaire ont répondu à nos attentes et semblent déboucher sur un juste compromis. C’est pourquoi nous les voterons.

L’harmonisation et la prorogation jusqu’au 15 avril 2028 des dispositifs du texte, le seuil de revente à perte majoré de 10 % et l’encadrement des promotions, permettent d’apporter une stabilité bienvenue et d’éviter les effets assurément néfastes pour nos agriculteurs d’une guerre des prix.

L’enjeu est désormais un meilleur suivi du bon usage du SRP+10. C’est la raison pour laquelle nous sommes également favorables à l’augmentation des outils incitatifs que sont les sanctions, actuellement dérisoires, notamment lorsque les documents ne sont pas délivrés. Mais ce délai supplémentaire doit aussi, et surtout, nous permettre de lever le doute quant à l’efficacité réelle du dispositif SRP+10.

Je rappelle que la prolongation de ce dernier a fait l’objet de débats. Faut-il le maintenir et, si oui, jusqu’à quand ? Le supprimer du jour au lendemain étranglerait nos producteurs, auprès desquels les distributeurs chercheront à reconstituer leurs marges. Cependant, cette prolongation doit être limitée dans le temps et être accompagnée d’une véritable évaluation.

Or force est de constater que nous n’avons pas les moyens de l’évaluer. Pourtant, comme je l’ai déjà rappelé en première lecture, une évaluation de l’expérimentation est un préalable indispensable à sa pérennisation.

Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est la capacité à imposer aux distributeurs le fait que le SRP+10 doit servir à mieux rémunérer les producteurs, non à mettre en œuvre cagnottage et cartes de fidélité.

À cet égard, il semble utile que la présente proposition de loi oblige les distributeurs à faire preuve d’une plus grande transparence en publiant les données relatives à leurs bénéfices. Néanmoins, n’atteignons-nous pas ici les limites de la loi ? Comment distinguer ce qui doit être public de ce qui ne doit pas l’être ?

En effet, la loi ne peut pas tout, comme l’ont montré l’adoption des lois Égalim 1, 2, puis 3, avant celle de la loi Égalim 4. Nous légiférons toujours, mais corrigeons-nous pour autant le manque de volonté de mieux partager la valeur ? Je n’en suis pas certain. Nous devons nous interroger face à cette évidence : la loi n’apportera pas, sur ce point, de réponse durable, d’autant moins que les différents dispositifs mis en place par les lois Égalim sont mal appliqués et font l’objet de nombreux contournements.

Ce qui manque, c’est un véritable dialogue, permettant à chacun de s’y retrouver, dans un esprit de confiance et non de suspicion, sans que certains aient peur que d’autres les trompent. Car en ce cas, à la fin, c’est toujours l’agriculteur qui perd.

Mes chers collègues, il va bien falloir trouver des solutions. À cet égard, comme je l’ai déjà dit, il me semble nécessaire de réunir de nouveau tous les acteurs, comme nous l’avions fait en organisant les États généraux de l’alimentation, afin de réfléchir à des solutions permettant, enfin, de mieux partager la valeur. C’est un sujet qui nous tient tous particulièrement à cœur.

Comme M. le rapporteur le sait bien, en Allemagne, il n’y a pas de loi Égalim, mais le dialogue a permis d’améliorer les revenus des agriculteurs. Nous n’avons, certes, pas la même culture du compromis que nos voisins d’outre-Rhin, mais la raison et le sens des responsabilités doivent nous conduire à ne pas oublier que de l’avenir de nos agriculteurs dépend celui de notre souveraineté alimentaire et de notre force commerciale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

M. Daniel Fargeot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un cadre lisible et stable, au service de la compétitivité et de la souveraineté : tel est le simple vœu que formulent inlassablement l’ensemble des acteurs économiques, y compris la filière agroalimentaire, secouée par une crise de confiance persistante. L’objet de la présente proposition de loi est d’offrir un tel cadre ; elle arrive à point nommé.

Avant tout, je tiens à souligner la grande qualité d’analyse de notre collègue rapporteure Anne-Catherine Loisier, dont la rigueur, la cohérence, la capacité d’écoute des filières, mais aussi l’attachement à l’efficacité des outils législatifs ont permis, aux côtés du rapporteur Daniel Gremillet, de recentrer le texte, détricoté par l’Assemblée nationale, sans en altérer l’équilibre.

La position du Sénat suit un sillon clair : stabiliser sans complexifier. Depuis 2018, notre assemblée a une même conviction : on ne réglera les difficultés structurelles de l’agriculture française ni en empilant des dispositifs successifs ni en changeant les règles du jeu tous les deux ans.

En matière de relations commerciales, le code de commerce est une parcelle broussailleuse pour les acteurs, dont la seule lecture est un exercice d’endurance.

En prolongeant jusqu’en 2028 les deux outils expérimentaux que sont le SRP+10 et l’encadrement des promotions, y compris sur les produits DPH, nous faisons le choix du pragmatisme. Ce texte n’est ni un engrais miracle ni une herse idéologique : il est un instrument de stabilisation.

Cela dit, nous n’ignorons pas les critiques, légitimes, à l’endroit du SRP+10, qui portent sur le manque de données consolidées ou encore sur l’absence de retombées tangibles pour le revenu agricole. Pour notre part, nous déplorons, encore une fois, le manque d’évaluation dans ce domaine, un mal bien français…

Pour autant, comme le défend la commission des affaires économiques, il n’est pas raisonnable d’abandonner brutalement un tel dispositif sans solution de remplacement. Ainsi, une sortie sèche du SRP+10 reviendrait à rouvrir les vannes d’une guerre des prix, dont les producteurs en amont de la filière seraient les victimes. Précaution, donc : le Sénat, en responsabilité, a préféré la prolongation de la mesure, assortie d’une évaluation renforcée. Il s’agit non pas d’un blanc-seing, mais d’un moratoire sous condition de clarté, pour que l’on évalue avant de faucher.

Nous avons également gardé nos bottes bien ancrées sur le terrain lorsque celui-ci devenait glissant. Face à ceux qui, à l’Assemblée nationale, sont entraînés sur les pentes du populisme économique, voulant asphyxier les entreprises, tranchant à la faux ceux qui cultivent de la valeur et de l’emploi, nous avons dit non. Nous avons dit non à l’encadrement des marges par coefficients multiplicateurs, à la publication ligne par ligne des marges des entreprises, ou encore à des sanctions excessives, proportionnées au chiffre d’affaires.

Ces dispositifs, sous prétexte de transparence, n’auraient abouti qu’à fragiliser les PME françaises, à complexifier les relations commerciales et à brouiller un message pourtant simple : nous voulons produire et transformer en France.

Les compromis trouvés en commission mixte paritaire sont équilibrés. Proche de la version sénatoriale, le texte a réintroduit l’extension du SRP+10 aux MDD. Cette mesure, je cite, « vise à garantir une cohérence d’ensemble dans la régulation commerciale et à éviter les contournements ». Soit, mais des réserves demeurent… En effet, les MDD ne répondent pas aux mêmes logiques industrielles et économiques que les autres produits : coûts d’achat fluctuants, circuits de fabrication peu transparents, origine parfois éloignée du territoire national… Et c’est bien là tout le problème.

Nous resterons donc attentifs à ce que cette mesure serve non pas à consolider des marges sur des produits à bas coût et importés, mais à mieux encadrer les stratégies commerciales des distributeurs, en toute transparence. En résumé, nous ne voulons pas d’une haie décorative, sans réelle portée sur la rémunération des producteurs.

La commission mixte paritaire a également retenu le relèvement du plafond des promotions sur les produits DPH de 34 % à 40 %, un artifice inoffensif, car inopérant commercialement. Là aussi, le véritable débat porte sur le soutien au tissu industriel français, souvent local, souvent fragile. En effet, supprimer trop tôt l’encadrement aurait été un cadeau sans contrepartie à des centrales d’achat plus soucieuses des volumes que de l’ancrage territorial. À cet égard, mesurons bien également les conséquences de cette disposition.

Pour conclure, mes chers collègues, comme nous le savons, ce texte, mais ce n’était pas sa vocation, n’est ni une grande récolte ni une loi Égalim 4 en germination. Il ne réglera pas tout, mais il restructure quelque peu le paysage, en permettant d’atténuer les tensions actuelles et en sécurisant, jusqu’en 2028, des équilibres fragiles. Il permet, surtout, de rappeler que l’économie de la confiance commence par la stabilité du droit.

C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE.)