M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, le constat est alarmant et nous ne pouvons pas l’ignorer.
Selon les derniers chiffres publiés par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), le suicide est l’une des premières causes de mortalité parmi les 15-24 ans. La Mutualité sociale agricole (MSA) indique que, chez les agriculteurs, le risque de suicide est supérieur de 30 % à la moyenne des autres catégories professionnelles. D’après l’intersyndicale des internes, 21 % des internes en médecine ont eu des idées suicidaires au cours des douze derniers mois et 13 % d’entre eux consomment des antidépresseurs.
Que dire des élus ? L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) affirme que 83 % des maires estiment que le mandat qu’on leur a confié est usant pour leur santé, y compris mentale.
Soignants, aidants, professeurs, forces de l’ordre, la liste est longue. Si certaines professions et catégories de la population sont plus exposées que d’autres, la santé mentale concerne chacun d’entre nous. C’est précisément la raison pour laquelle celle-ci est la grande cause nationale de l’année 2025, mais cela implique des moyens qui soient à la hauteur de nos ambitions.
On le sait, en matière de santé, notamment mentale, pour être le plus efficace, il faut toujours intervenir le plus tôt possible, ce qui suppose une action de proximité, la présence de professionnels capables de repérer, d’écouter et d’orienter.
Je pense notamment aux médecins et aux infirmières scolaires. Sur 1 800 postes budgétés en médecine scolaire, seuls 650 sont effectivement pourvus. Et 200 d’entre eux le sont par des contractuels. C’est bien trop peu pour être efficace !
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour renforcer l’attractivité de la médecine scolaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Vous l’avez bien dit, madame la sénatrice Lermytte, qu’il s’agisse des élus, des agriculteurs, des différents corps de métiers et professions, tout le monde est concerné par les troubles de la santé mentale.
C’est tout le sens de l’action interministérielle que nous déployons, notamment avec Annie Genevard, ministre de l’agriculture, puisqu’un agriculteur se suicide malheureusement tous les trois jours en France. Ce travail doit également être conduit en lien avec le monde du travail, via notamment la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), avec l’éducation nationale et dans le cadre de notre politique de l’asile.
Vous venez de parler de l’éducation nationale. Il y a de notre part une réelle volonté de réarmer la médecine scolaire. En tout cas, c’est mon souhait et c’est une ambition partagée par la ministre de l’éducation nationale. Nous allons d’ailleurs lancer, dès le mois de septembre prochain, des campagnes musclées pour rappeler l’importance de la vaccination contre le papillomavirus et les méningocoques.
Nous devons également faire en sorte que certains professionnels exerçant dans notre système de soins et qui ne seraient plus totalement intéressés par une carrière à l’hôpital puissent entamer une deuxième vie professionnelle, au sein de l’éducation nationale.
Nous travaillons donc sur ce sujet, mais, encore une fois, pour pouvoir livrer bataille – pardonnez-moi cette expression – en matière de santé mentale, il faut avant tout plus de soignants, ce qui implique d’en former davantage. Cela passera certes par une hausse des moyens budgétaires, mais surtout par des efforts pour redorer l’image des professionnels de santé qui embrassent ces carrières. Il faut naturellement prévoir des mesures de revalorisation financière et salariale, mais pas seulement : il faut être capable de répondre à une quête de sens.
Je pense à cet égard que la loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, que vous avez adoptée à l’unanimité ici, au Sénat, ainsi que tous les moyens dédiés à une amélioration de la qualité du travail favorisent l’engagement des professionnels de santé dans ce secteur.
M. le président. La parole est à M. Jean Sol. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol. Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales mène une mission d’information, dont je suis le rapporteur avec mes collègues Daniel Chasseing et Céline Brulin, sur l’état des lieux de la santé mentale depuis la fin de la crise sanitaire.
Nos travaux ont confirmé ce que chacun de nous observe dans son département : les centres médico-psychologiques sont à bout de souffle. Alors qu’ils sont conçus comme le pivot de la prise en charge des troubles psychiques, le délai d’attente moyen pour une première consultation médicale y est de six mois et peut même atteindre parfois un an ! Les CMP sont contraints de concentrer leurs efforts sur les patients les plus sévèrement touchés et abandonnent tout espoir de faire de la prévention.
De nombreux psychiatres ou directeurs d’établissements nous ont fait part de leurs difficultés à obtenir des moyens pour leur CMP. Les agences régionales de santé (ARS) accordent en priorité des financements aux organisations particulièrement innovantes. Ces centres ne sont pas toujours innovants, mais ils ont fait leurs preuves pour ce qui est d’encourager les prises en charge et de coordonner les soins.
Pourquoi ne pas donner la priorité aux CMP, et plus particulièrement aux CMP infanto-juvéniles, dans le cadre du financement consacré à la psychiatrie ? Si la pénurie de médecins psychiatres ne peut pas se résoudre rapidement, pourrions-nous au moins accorder des crédits à des postes d’infirmiers en psychiatrie et d’infirmiers en pratique avancée (IPA) ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur Sol, je souhaite avant toute chose vous remercier de votre contribution dans le cadre des travaux de la commission des affaires sociales.
Vous avez tout dit au sujet des CMP. Effectivement, les délais d’attente sont insupportables. Cependant, bon nombre de territoires, dont le vôtre, ont encore la chance de disposer d’une prise en charge de ces troubles en secteur ; cette sectorisation de la psychiatrie est fondamentale.
Les CMP jouent un rôle crucial et il faut naturellement contribuer à leur réarmement. Encore une fois, ces centres ne souffrent d’aucune restriction budgétaire ; la seule limite est que nous avons besoin de plus de professionnels formés pour y travailler. C’est pourquoi aucune priorisation n’est, selon moi, nécessaire : la priorité va à tous les professionnels de santé qui veulent s’engager dans ces CMP. Ce n’est pas une question budgétaire.
Il existe par ailleurs d’autres manières d’avancer, notamment à travers les projets territoriaux de santé mentale. Je l’ai déjà dit, des mesures consacrées à la prise en charge, notamment des plus jeunes, seront ainsi décidées avant l’été.
Il n’en reste pas moins que ces délais d’attente restent insupportables. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre entend présenter un certain nombre de propositions avant la fin du mois d’avril qui, d’une certaine façon, constituent l’une des réponses à la problématique des déserts médicaux. Ces déserts concernent la prise en charge de l’ensemble des pathologies, notamment en matière de santé mentale.
J’espère que tous les professionnels de santé que l’on parviendra à faire venir, qu’il s’agisse de nos étudiants partis pour l’étranger, de ceux qui sont issus de notre formation initiale ou continue, ou de nos jeunes docteurs, contribueront collectivement à régler les problèmes, territoire par territoire.
D’ici quelques semaines, je vais entamer un travail très fastidieux : je compte réaliser, pour tous les départements de France, intercommunalité par intercommunalité – il m’est impossible de descendre à l’échelon de la commune –, un diagnostic de notre offre de santé. Il s’agit de déterminer si cette offre existe ou non ; dans cette perspective, une analyse à l’échelon de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) me paraît judicieuse et correspondre au bon maillage territorial : on sait très bien en effet que l’on ne sera pas en mesure d’installer des professionnels de santé dans l’ensemble des communes, même si tout le monde le souhaite.
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.
M. Jean Sol. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Tout l’enjeu autour de la santé mentale, élevée au rang de grande cause nationale pour 2025, sera, à mon sens, de traduire les actions identifiées dans la feuille de route ou lors des assises en financement concret sur le terrain.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, avant de devenir sénateur, j’ai été gestionnaire de collège pendant plus de trente-cinq ans. Je souhaite donc vous interroger sur la santé mentale des jeunes.
En effet, les données dont nous disposons sont inquiétantes. En témoignent les résultats de l’enquête nationale en collège et en lycée menée par l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale, et publiée en 2024 : entre 2018 et 2022, les collégiens et les lycéens ont subi une dégradation de leur santé mentale et de leur bien-être ; 14 % des collégiens et 15 % des lycéens présentent un risque important de dépression ; 24 % des lycéens déclarent qu’ils ont eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois ; 13 % d’entre eux indiquent avoir déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie, sachant que 3 % de ces tentatives ont entraîné une hospitalisation.
La pandémie de la covid-19 et les confinements successifs ont sans doute aggravé la santé mentale de nos jeunes.
Le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, Frank Bellivier, soulignait le 26 mars dernier devant la commission des affaires sociales du Sénat que, depuis la crise sanitaire, il ne constatait « pas de dégradation, mais [que] la situation ne s’amélior[ait] pas non plus : les indicateurs d’anxiété, de dépression, de troubles du sommeil et d’addiction restent relativement élevés, en particulier chez les jeunes. »
Face à une jeunesse en perte de repères et inquiète pour son avenir, je m’interroge sur le rôle et les moyens de l’école, un lieu de passage obligé, qui peut être celui de l’épanouissement comme celui du harcèlement. Et même si l’école ne peut pas tout, elle pèse pour beaucoup dans la construction de la personnalité d’un élève.
Alors, monsieur le ministre, comment l’école pourrait-elle devenir davantage un lieu de prévention et de sensibilisation aux enjeux liés à la santé mentale ? Au-delà des numéros d’urgence, du protocole de santé mentale dans chaque établissement et de la démarche École promotrice de santé, qui peuvent être des outils efficaces, comment le Gouvernement pourrait-il renforcer les moyens dédiés à l’école, pour que la santé mentale des jeunes demeure une grande cause dans les années à venir ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur Buis, votre question me permet de réaffirmer le rôle que nous souhaitons jouer en matière de renforcement de la médecine scolaire, laquelle est malheureusement mal en point : celle-ci se caractérise aujourd’hui par un manque de médecins ou d’infirmiers ; dans les écoles, le nombre d’élèves par professionnel de santé est beaucoup trop élevé.
Aussi, Élisabeth Borne et moi-même lancerons les assises de la santé scolaire en mai prochain, pour tenter d’augmenter le recrutement de personnels dans l’éducation nationale.
Nous disposons de plusieurs leviers, le principal étant financier, puisque les crédits alloués seront doublés d’ici à 2027. Je tiens en premier lieu à évoquer les maisons des adolescents (MDA) et des jeunes adultes, qui accueillent les 11-25 ans et leur offrent, ainsi qu’à leur entourage et leurs familles, une meilleure prise en charge ; l’enjeu est de parvenir à installer au moins une MDA dans chaque département. Il en existe actuellement cent vingt-cinq sur le territoire ; il convient de continuer à les développer.
Il faut, en second lieu, poursuivre le déploiement des projets territoriaux de santé mentale, afin d’être en mesure de mener des actions particulières en faveur des jeunes.
Nous échangeons avec les élus locaux qui ont des propositions à faire sur ces dispositifs. Daniel Fasquelle, le maire du Touquet, a justement été convié à représenter les collectivités au sein du groupe de travail – ou task force – sur la santé mentale.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Conte Jaubert.
Mme Mireille Conte Jaubert. Monsieur le ministre, la pandémie de la covid-19 a mis en lumière une triste réalité, parfois oubliée et peu évoquée : la santé mentale de nos jeunes.
Troubles du sommeil, anxiété, isolement, décrochage, les difficultés sont nombreuses et s’accentuent face à la pression académique et aux incertitudes liées à l’avenir.
L’éducation a un rôle crucial à jouer face à cette crise. Nos établissements doivent certes rester des lieux où l’on apprend, mais ils doivent aussi accompagner les jeunes. Or les services de santé universitaire sont saturés, la médecine scolaire est sous-dotée et les délais pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste s’allongent.
Des dispositifs existent, mais ils doivent être renforcés et mieux intégrés aux parcours des jeunes.
Certes, la reconnaissance de la santé mentale comme grande cause nationale pour 2025 est une avancée importante, que je salue. Je souhaite à ce titre rappeler l’engagement de notre ancienne collègue Nathalie Delattre, notamment au travers de sa proposition de résolution visant à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, adoptée ici même à l’unanimité.
Mais il faut aller plus loin en augmentant le nombre de psychologues dans les universités, en sensibilisant étudiants et enseignants à la santé mentale, et en garantissant un accès rapide à des soins adaptés.
Ma question est simple, monsieur le ministre : quelles mesures envisagez-vous de prendre pour faciliter l’accès des étudiants à un accompagnement psychologique au sein même de leur établissement ? Ne pas agir, c’est condamner ces jeunes à l’isolement et, parfois, au pire. L’urgence nous oblige à être au rendez-vous !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Conte Jaubert, vous évoquez la question spécifique des étudiants.
Selon leur âge, ces derniers peuvent être pris en charge dans les maisons des adolescents. Par ailleurs, comme vous le savez, Mon soutien psy a fusionné avec le programme Santé psy étudiant : ces dispositifs sont désormais accessibles à tous et remboursés dès l’âge de 3 ans.
Nous réfléchissons en outre à une feuille de route sur le sommeil, car on observe une mauvaise qualité du sommeil, notamment chez les étudiants, ainsi qu’à des rappels sur la nécessaire limitation du temps passé devant les écrans, qui seraient à diffuser au sein des établissements scolaires.
Je rappelle l’existence d’un certain nombre d’autres dispositifs : le numéro national 3114, que vous connaissez, mais également le VigilanS qui permet de suivre toute personne, et notamment les jeunes, au détour d’une tentative de suicide, et les groupes d’entraide mutuelle dont nous poursuivons le déploiement.
Toutes ces initiatives méritent d’être soutenues et amplifiées pour répondre aux besoins de notre jeunesse. Mais avant tout, je le répète, il faut former plus de professionnels et les former mieux pour prendre en charge des besoins malheureusement grandissants.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier le groupe socialiste d’avoir pris l’initiative de ce débat primordial pour le bien-être des Français et notre cohésion sociale, celui de la santé mentale.
La pandémie de la covid-19, qui nous a confinés, déconfinés, inquiétés en raison des centaines de milliers de décès qu’elle a provoqués, et qui a touché tous les pays du monde et angoissé les populations, a aujourd’hui encore des incidences sur la santé mentale des Français.
Plus particulièrement, les jeunes se sont retrouvés isolés à un âge où les contacts sociaux et les interactions concourent à la construction de leur personnalité.
L’inspection générale des affaires sociales a conduit une mission sur les jeunes de 16 à 29 ans en milieu rural. Son rapport sur la pauvreté et les conditions de vie des jeunes ruraux met en évidence la précarité de cette population et les lacunes des politiques publiques. L’éloignement géographique allonge en effet les temps de déplacement et freine l’accès à des droits fondamentaux tels que la santé ou l’emploi. L’isolement pèse aussi sur la santé mentale des jeunes ruraux.
L’Igas note que les politiques en faveur de la jeunesse ont « élargi leur champ d’attention aux transitions de la jeunesse et aux inégalités », mais observe également que « les dispositifs plus spécialisés de formation, d’accompagnement vers l’emploi ou de santé […] se concentrent quant à eux dans des agglomérations plus importantes. »
Son rapport livre une trentaine de recommandations pour lutter contre l’exclusion croissante de cette jeunesse souvent invisible, telles que la création d’un cadre prioritaire pour les jeunes ruraux vulnérables via le « zonage France Ruralités + » et le renforcement de l’accompagnement en santé mentale.
Monsieur le ministre, envisagez-vous de proposer des dispositifs complémentaires au dispositif Sentinelle, consacré au mal-être agricole ? Surtout, quelles mesures spécifiques allez-vous mettre en œuvre pour toucher les jeunes en ruralité face à des troubles qui peuvent affecter leur santé mentale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Romagny, vous m’interrogez sur la santé mentale en ruralité.
Il est vrai que le monde rural concentre les difficultés : je pense à l’isolement, aux difficultés d’accès à certains plateaux techniques et à certaines structures d’hospitalisation.
Vous avez mentionné les agriculteurs et vous avez eu raison de le faire, car c’est une profession dans laquelle le taux de suicide est élevé. De ce point de vue, je rappelle l’existence d’Agri’écoute, derrière lequel on trouve une trentaine de psychologues qui peuvent répondre à toutes les attentes, grâce à son service d’écoute. Dans les départements – c’est le cas chez moi, dans l’Isère –, ce dispositif est parfois géré par des bénévoles qui sont souvent d’anciens agriculteurs, lesquels sont les mieux à même de prendre en charge les agriculteurs en activité dans toutes les dimensions, qu’elles soient sociales ou médicales.
Dans la ruralité, on trouve de nombreuses communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), et j’espère qu’il y en aura de plus en plus. Je souhaite qu’elles fassent elles aussi de la santé des jeunes une grande cause de leur action et de leur mobilisation.
Au risque de me répéter, j’indique de nouveau que, dans les zones rurales, il existe aussi des maisons des adolescents et un certain nombre de dispositifs spécifiques. Il n’y a pas forcément lieu d’en créer d’autres : il faut avant tout s’assurer qu’ils couvrent bien l’ensemble des territoires et qu’ils soient accessibles partout et par tous, pour tous nos jeunes, qu’ils soient des villes ou des champs. Voilà l’enjeu. Il nous faudra rattraper le retard accumulé en quelques années.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, je souhaite évoquer les troubles du neurodéveloppement (TND), car une personne concernée par l’autisme, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou un trouble « dys- », comme la dyspraxie, garde toute sa vie un fonctionnement différent, avec une façon particulière d’agir, de penser ou d’entrer en relation avec les autres. Cela représente autant de défis à relever pour préserver sa santé mentale.
Les TND sont des handicaps qui peuvent avoir des répercussions importantes sur le quotidien, non seulement de ceux qui en souffrent, mais aussi de leurs proches aidants, et en particulier leurs parents.
Je connais bien le sujet : en 2023, j’étais la rapporteure, avec mes collègues Jocelyne Guidez et Laurent Burgoa, de la mission d’information sur les troubles du neurodéveloppement, qui nous a conduits à souligner le retard pris par la France en matière de diagnostic, mais aussi de prise en charge des TND.
Ce retard est dû à un manque criant de psychiatres, de psychomotriciens, d’ergothérapeutes ou encore d’orthophonistes. Les recommandations de la mission d’information ont été reprises dans la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants. La loi finalement parue au Journal officiel le 15 novembre dernier prévoit notamment deux examens de détection, à 9 mois et à 6 ans, ce qui va dans le bon sens.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier la question du repérage et de la prise en charge de ces troubles chez les adultes.
Monsieur le ministre, pour que la santé mentale devienne réellement une grande cause nationale, nous devons disposer de suffisamment de professionnels de santé et de spécialistes pour faire de la psychoéducation, mais aussi et surtout pour proposer des thérapies comportementales, des groupes de parole ou encore de la remédiation cognitive.
Comment comptez-vous améliorer spécifiquement l’accompagnement des personnes atteintes d’un TND ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Féret, je vous remercie de cette question qui nous permet d’évoquer les troubles du neurodéveloppement. Ce sujet est également suivi par ma collègue Charlotte Parmentier-Lecocq, avec laquelle nous travaillons sur une stratégie de détection, d’accompagnement, de structuration des parcours et d’articulation avec le champ de la santé mentale.
Vous l’avez dit, les liens entre santé mentale et TND sont évidents dans de nombreux cas, comme les troubles du spectre autistique, les troubles du langage ou les TDAH. Les examens précoces de repérage permettent de les diagnostiquer au plus tôt, à l’âge de 9 mois et à l’âge de 6 ans.
Au-delà de la détection, il convient d’associer les maisons de l’enfant et de la famille et de mieux structurer l’offre spécialisée et coordonnée. Les centres médico-psychologiques pour enfants sont renforcés de plus de 400 ETP. De même, les centres experts, dont certains sont labellisés pour l’autisme de haut niveau, peuvent jouer un rôle plus clair dans cette filière.
Par ailleurs, des parcours intéressants comme le dispositif dit de l’article 51 (introduit par l’article 51 de la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018) sur la santé protégée ou le programme Pegase (Programme d’expérimentation d’un protocole de santé standardisé appliqué aux enfants ayant bénéficié avant l’âge de 5 ans d’une mesure de protection de l’enfance), destiné aux enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE), doivent, à terme, se diffuser plus largement.
En outre, nous avons inscrit les TND dans le programme pluriannuel dédié à la santé mentale et à la psychiatrie pour la période 2025-2030 de la Haute Autorité de santé (HAS).
Je lancerai prochainement des filières régionales de prise en charge du TDAH pour favoriser la prise en charge dans les régions.
Enfin, nous allons créer des plateformes de coordination et d’orientation, afin que les psychologues et les neuropsychologues puissent plus rapidement établir le bon diagnostic et intégrer les enfants dans un parcours plus fluide, plus lisible et aussi décloisonné que possible.
Toutefois, ces mesures sont limitées par le nombre de professionnels de santé dont nous disposons.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Comme vous venez de le réaffirmer, il est indispensable de consacrer des moyens supplémentaires aux TND, qui concernent près de deux enfants par classe. Les familles de ces enfants attendent ces efforts.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, tout d’abord, je sais gré au gouvernement de François Bayrou d’avoir repris à son compte la décision si salutaire de Michel Barnier de faire de la santé mentale la grande cause nationale de 2025.
La santé mentale des jeunes est préoccupante, tout comme le silence assourdissant qui règne tant dans le débat public que dans les politiques de santé publique sur l’un des leviers les plus insidieux de cette dégradation : la consommation de cannabis.
Les autorités sanitaires doivent briser le tabou et montrer que le cannabis altère profondément les fonctions cérébrales en formation. Il ralentit la maturation du cerveau, dégrade la mémoire de travail et entrave les capacités d’apprentissage. Chaque jeune qui aspire à être libre – ce qui est heureux – devrait savoir que le cannabis affecte la manière même dont l’information est traitée. Le cerveau devient moins apte à trier, à hiérarchiser, à prendre du recul.
Dans un monde saturé de contenus numériques, avec leur lot de fausses informations et autres manipulations destinées à propager des thèses très dangereuses, cette fragilité cognitive rend le jeune cerveau plus vulnérable aux influences les plus nocives.
Le cannabis que l’on consomme pour être moins stressé empêche de gérer le stress, affaiblit la résilience face à l’effort, provoque une anxiété diffuse et mine la motivation. Ces effets conduisent à un repli sur soi, à une perte de confiance et à une incapacité à faire face aux exigences scolaires ou universitaires. Ainsi, des années cruciales de la vie de ces jeunes se trouvent compromises, dans l’indifférence de tous.
Enfin, le cannabis est l’un des principaux risques environnementaux de déclenchement de la schizophrénie. Derrière chaque statistique, il y a une vie brisée par une substance que certains continuent de présenter comme inoffensive.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire, dans le cadre des campagnes de communication de la grande cause nationale, pour mettre un terme à cette illusion dangereuse d’un cannabis sans conséquence aucune pour la santé mentale ?
Mme Frédérique Puissat. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.