M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour la réplique.

M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais j’insiste sur l’urgence de ce dossier. Trouver une solution concrète témoignerait de l’engagement de l’État à assurer tant la sécurité des Ariégeois que de bonnes conditions de travail aux fonctionnaires.

délais de livraison d’un hélicoptère de modèle h145 au bénéfice de la section aérienne de gendarmerie de briançon-villar-saint-pancrace

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 432, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, ma question porte sur les délais de livraison d’un hélicoptère de modèle H145 à la section aérienne de gendarmerie (SAG) de Briançon-Villar-Saint-Pancrace, situé dans le département dont je suis l’élu, les Hautes-Alpes.

Au début de l’année 2024, le ministre de l’intérieur a passé une commande globale de quarante-deux hélicoptères, dont six au bénéfice des forces aériennes de la gendarmerie nationale, auxquelles un premier appareil a été livré en novembre dernier. La section aérienne de gendarmerie de Briançon possède depuis 2008 un appareil Écureuil 145, dont l’usage, du fait de ses caractéristiques techniques limitées, est de moins en moins opérant.

Le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Briançon est aujourd’hui la deuxième drop zone de France. Il réalise plus de mille missions aériennes chaque année, dont certaines demandent un grand professionnalisme et du matériel performant. Je pense ainsi à l’opération du 24 décembre dernier, l’évacuation de 240 skieurs bloqués sur un télésiège en panne à la station de Superdévoluy dans le département des Hautes-Alpes.

Vous l’aurez compris, la livraison de ce nouvel hélicoptère H145, plus puissant que la machine actuelle, est nécessaire pour élargir le spectre des opérations de secours réalisables. En effet, son moteur, beaucoup plus puissant que celui de l’Écureuil, autorise, par exemple, l’emport d’un nombre supérieur de personnels, mais aussi de davantage de matériel. Ce nouvel appareil est également souhaitable parce qu’il facilitera les interventions en cas de vents traversiers, qui sont fréquents en haute altitude dans le département des Hautes-Alpes.

Les délais de livraison de ces nouveaux appareils s’étalent jusqu’à l’année 2028, mais la SAG de Briançon doit impérativement être prioritaire, d’autant que l’hélistation en question héberge aussi le centre de vol en montagne dédié à la formation du personnel.

Monsieur le ministre, pouvez-vous m’indiquer dans quel délai ce nouvel hélicoptère, tant attendu dans le département des Hautes-Alpes, sera livré à Briançon ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur, cher Jean-Michel Arnaud, la flotte aérienne de la gendarmerie nationale est vieillissante : elle requiert une vigilance particulière en termes de maintenance et nécessite un renouvellement significatif.

Un marché d’acquisition de H145 D3 a été notifié. Il comprend une tranche ferme de six appareils et une tranche complémentaire de vingt-deux appareils.

Sur les six premiers hélicoptères, deux sont financés dans le cadre des accords de Sandhurst et seront affectés à la force aérienne nord pour lutter contre l’immigration irrégulière dans la zone de la Manche et de la mer du nord.

Les quatre autres seront répartis de la manière suivante : le premier sera affecté à la section aérienne de gendarmerie de Chamonix en 2026 ; un autre, livré en 2027, sera positionné au centre national d’instruction ; les deux derniers seront affectés à la section aérienne de Cayenne à la fin 2027 et au début 2028.

Il n’est donc pas prévu, pour le moment, de doter la section aérienne de gendarmerie de Briançon d’un H145 D3 avant 2028, si ce n’est ponctuellement.

Convaincus de la nécessité de renouveler le parc des EC145, en particulier dans les unités de haute montagne telles que Briançon, où les conditions de vol et d’engagement opérationnel peuvent être particulièrement difficiles, nous travaillons à ce que la tranche complémentaire des vingt-deux H145 D3 soit affermie avant 2027.

Le ministre de l’intérieur me charge de vous indiquer que la demande de la section aérienne de gendarmerie de Briançon sera alors étudiée en priorité, en raison de l’activité opérationnelle intense que vous avez, à juste titre, évoquée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, votre réponse ne me satisfait pas totalement.

Je précise que le site de Briançon sera l’un des clusters des jeux Olympiques (JO) de 2030. Les personnels ont besoin de s’entraîner avec ce nouvel hélicoptère non seulement pour leurs opérations habituelles, mais aussi pour des interventions en lien avec les personnels du centre hospitalier de Briançon, et ce dans des délais qui leur permettent d’être prêts pour cet événement à rayonnement national et international que sont les JO.

J’invite donc le ministre Retailleau à accélérer la décision d’affecter l’un de ces hélicoptères à Briançon.

prolifération des commerces de blanchiment d’argent à paris

M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, auteure de la question n° 438, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, à Paris, les riverains, les collectifs et les associations sont excédés par la prolifération d’ongleries, de barber shops ou encore d’épiceries de nuit qui ne sont en rien des petits commerces de proximité. Ces établissements, particulièrement concentrés dans le nord-est de la ville, sont bien souvent les vitrines d’un système de blanchiment d’argent, au service du crime organisé.

Ils alimentent l’insécurité, entraînent des nuisances permanentes et fragilisent notre tissu économique local en instaurant une concurrence déloyale avec le commerce traditionnel.

Pourtant, que fait la maire de Paris ? Rien ! Pis, elle ferme les yeux. Par dogmatisme ou par lâcheté, Mme Hidalgo refuse d’agir. Elle laisse les réseaux criminels s’installer, prospérer, s’enraciner dans nos quartiers.

La proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic prévoit notamment la possibilité, pour un maire, de demander la fermeture administrative d’un commerce suspecté de blanchiment. Mais encore faut-il que les maires se saisissent de cette faculté…

Au-delà de la proposition de loi, le Gouvernement entend-il – enfin ! – donner des moyens aux élus locaux qui sont prêts à agir, là où d’autres abandonnent sciemment leurs quartiers à la loi du plus fort ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice, le blanchiment d’argent est un pan du narcotrafic, contre lequel le ministre de l’intérieur est, vous le savez, pleinement mobilisé.

La proposition de loi relative au narcotrafic, adoptée à l’unanimité au Sénat et à une large majorité à l’Assemblée nationale, facilitera les fermetures administratives de commerces ayant un lien avec le trafic de stupéfiants.

Le travail mené par la commission d’enquête, créée à la demande du groupe Les Républicains, dont le président était Jérôme Durain et le rapporteur Étienne Blanc, a permis d’aboutir à un texte transpartisan.

La circulaire du ministre de l’intérieur du 12 février dernier relative au dispositif « Villes de sécurité renforcée » met en exergue le rôle des élus locaux, qui sont des partenaires essentiels en matière de sécurité.

Ces élus peuvent mener des actions contre les commerces litigieux grâce à leurs pouvoirs de police et leur droit de préemption commerciale. Ils peuvent également faire des signalements et participer aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et aux groupes de partenariat opérationnel.

Sur instruction du ministre, le préfet de police de Paris a déjà mis au jour du travail dissimulé, des emplois d’étrangers sans titre et de la fraude fiscale. Il continuera son action pour déposséder les délinquants de leur patrimoine, saisir leurs biens et ceux de leur entourage. Le texte sur le narcotrafic l’y aidera.

Madame la sénatrice, vous pouvez compter sur l’engagement du ministre de l’intérieur et de l’ensemble des forces de l’ordre pour lutter contre le blanchiment et le narcotrafic en général.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Livre blanc de la commission européenne sur la défense

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le livre blanc de la Commission européenne sur la défense.

Dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répartie pendant une minute.

Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe auteur de la demande.

M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, évoquer les questions de défense en Europe était iconoclaste. En dehors des préoccupations en matière d’élargissement, de marché unique, de zone euro et d’accords commerciaux, point de salut ! Aujourd’hui, les Européens sont rattrapés par une réalité violente.

Face à nous, des États ont tout misé sur la puissance, considérant que les traités et principes internationaux sont des barrières de papier. Je le rappelle, trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ont adopté des comportements problématiques.

Dès 2008, la Russie a mené une guerre éclair en Géorgie, puis s’est attaquée à l’Ukraine en 2014 et 2022.

La Chine se dote rapidement de tous les moyens économiques, technologiques et militaires pour bouleverser l’ordre mondial à son profit.

Enfin, l’attitude des États-Unis inquiète. Donald Trump a accéléré le processus de divergence entre les partenaires transatlantiques et se concentre sur ses objectifs : la Chine et l’Iran. Son obsession pour l’Arctique le conduit à vouloir mettre la main sur le Groenland. Pour défendre ses intérêts globaux, le président américain semble disposé à sacrifier l’Ukraine, et peut-être la sécurité de l’Europe.

Depuis quelque temps, l’Europe réagit, mais les États membres ne se posent pas tous la question de la défense dans les mêmes termes. La plupart considèrent que la défense de l’Europe relève de l’Otan et du parapluie nucléaire américain, d’où leurs faibles investissements nationaux.

La défense relève bien de la souveraineté des États membres. Néanmoins, l’Union n’est pas restée inactive, elle a tenté de donner progressivement corps, en son sein, à une autonomie stratégique européenne.

Les différentes initiatives qui ont été mises en œuvre appellent des observations, dont la première concerne la temporalité. En effet, l’horizon de préparation est 2030. Ce changement d’approche et d’échelle implique une mobilisation rapide qui semble optimiste, au regard notamment de la complexité des sujets, du nombre de domaines capacitaires identifiés comme prioritaires et de l’ampleur des efforts à conduire pour faciliter la mobilité militaire.

La mobilisation de moyens financiers extraordinaires est impérative. La Commission évoque un plan de 800 milliards d’euros qui correspond essentiellement à de la dette des États, voire à de la dette commune. Il ne faudrait pas que ces mécanismes deviennent un moyen de contrôle par Bruxelles de la défense des États membres.

Le livre blanc rappelle aussi la nécessité d’encourager les financements privés au profit des entreprises de défense, en particulier des PME. C’est la reconnaissance d’un problème longtemps occulté. Pour suivre le sujet depuis plusieurs années, je connais les difficultés pratiques rencontrées par de nombreuses entreprises et je ne suis pas certain que toutes les réticences des acteurs financiers soient durablement levées.

Les défis industriels et économiques sont immenses pour produire des volumes importants, à moindre coût, tout en sécurisant et en diversifiant les filières d’approvisionnement. La future politique de stocks sera, elle aussi, très coûteuse. Si l’accroissement des dépenses militaires se confirme, il doit se faire au profit des entreprises européennes, dans un cadre de coopération renforcée. Encore faut-il que les Européens produisent plus et, surtout, qu’ils achètent davantage européen, et qu’ils aient donc intérêt à coopérer !

Or, jusqu’à présent, la situation est largement profitable aux États-Unis qui, sous couvert d’interopérabilité avec l’Otan, imposent leurs standards et créent ainsi des dépendances. On voit bien actuellement l’attitude ambiguë de plusieurs pays qui, malgré les annonces américaines, persistent à maintenir d’importantes commandes aux États-Unis, ce qui crée à leur égard une dépendance pour encore deux décennies. J’ajoute que les coopérations européennes n’ont pas toujours été fructueuses – il faut bien le dire –, certaines ayant abouti à des échecs, des retards ou des surcoûts.

Par ailleurs, rien de précis n’est dit concernant la préférence communautaire. L’expérience montre que certaines acquisitions ont été faites à l’étranger en dépit de l’existence de solutions européennes équivalentes et compétitives. C’est évidemment troublant, et il ne faut pas s’imaginer que les Américains vont abandonner le marché européen, alors qu’un afflux de crédits est imminent. Et je ne parle pas de la Corée du Sud ou d’Israël.

Les questions de concurrence intracommunautaire et les règles d’exportations hors Union européenne ne sont pas non plus à négliger.

J’accueille en général les initiatives de la Commission, et de son actuelle présidente, avec une certaine prudence. Sa propension à se mêler de tout, à interpréter avantageusement les traités et à surréglementer est avérée.

La Commission est aussi à l’origine de la taxonomie européenne, dont le classement conduit à ne pas reconnaître comme durables les activités liées à la défense, quand les concurrents étrangers bénéficient, eux, d’un large soutien public et privé. Il faudra voir comment, sur la taxonomie et d’autres contraintes européennes, les choses évoluent concrètement puisque des simplifications sont annoncées.

Je note que peu de développements sont consacrés au Royaume-Uni. Quelle sera sa place exacte ? En dehors de la France, c’est la seule autre puissance nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité, qui dispose d’un spectre large de compétences et de capacités, ainsi que d’une réelle expérience du combat.

La France a eu la clairvoyance de conclure, par les accords de Lancaster House en 2010, un partenariat de défense avec le Royaume-Uni, qui demeure après le Brexit. C’est un premier pas concluant, une initiative bilatérale qui pourrait servir de modèle à une plus grande échelle.

Les États-Unis laisseront-ils les autorités britanniques jouer un rôle comme elles l’entendent ?

Néanmoins, ce réveil est tout de même le signe positif d’une prise de conscience des enjeux de sécurité en Europe. Il faudra veiller à préparer la guerre de demain : ce sera probablement une guerre de haute intensité, mais peut-être aussi une multiplication d’actions indirectes et multichamps, en « zone grise », sous le seuil de conflictualité, donc difficiles à attribuer, auxquelles il est plus compliqué de répondre.

Mes chers collègues, nous devrons faire preuve de pragmatisme et d’innovation, travailler à quelques États en fonction des domaines et à partir des besoins opérationnels, nous défaire des lourdeurs administratives, porter une attention particulière à la chaîne de sous-traitance, mais également renforcer les ressources humaines, militaires et industrielles, sans lesquelles rien ne sera possible. Je note que déjà certains industriels européens font venir de la main-d’œuvre d’Asie.

Pour conclure, nous sommes clairement à un tournant de l’Histoire. À nous, Français et Européens, de saisir cette opportunité pour compter sur la scène internationale du XXIe siècle sans devenir la proie des nouveaux empires ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Allizard, je commencerai par votre conclusion : oui, nous sommes à un moment de bascule historique pour notre continent, compte tenu, d’une part, de la menace que fait peser la Russie sur l’ensemble de nos démocraties, notamment en menant une guerre d’agression contre l’Ukraine, et, d’autre part, des incertitudes sur l’avenir de la relation transatlantique et la garantie de sécurité américaine.

Ce moment doit être l’opportunité pour notre pays, pour notre continent, de prendre notre destin en main et d’investir massivement dans notre réarmement.

Vous avez abordé de nombreux sujets qui seront d’actualité dans les semaines à venir et que nous aurons l’occasion d’évoquer au cours de notre débat.

Parmi les priorités que vous avez évoquées, nous partageons bien évidemment votre point de vue sur la nécessité d’une préférence européenne. Les financements consacrés au réarmement doivent permettre, d’une part, de donner de la visibilité à nos industriels pour qu’ils augmentent leurs capacités et, d’autre part, de garder le savoir-faire technologique et la maîtrise de l’usage des exportations des armements.

J’aurai l’occasion de revenir sur ces questions lors de mes différentes réponses ; je m’arrêterai donc là à ce stade. Nous aurons des échanges sur la gouvernance et les objectifs à atteindre grâce aux instruments que nous développerons ensemble, en Européens, pour répondre au nouveau contexte géopolitique.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.

M. Pascal Allizard. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Plutôt que de l’Europe de la défense, je préfère parler de la défense de l’Europe. S’il y a l’Europe en tant qu’Union européenne, il y a aussi la géographie de l’Europe : comme je l’ai souligné, il ne faut pas oublier nos voisins britanniques et norvégiens, et d’autres encore.

Nous devons avoir une approche réellement collective, à l’échelle des États – puisque ce domaine relève de leur compétence –, mais en incluant l’Union européenne bien évidemment, sans oublier l’Otan. Même si nous avons parfois des réserves sur cette organisation, elle a mené un travail extrêmement important : ce serait une erreur de ne pas s’en servir.

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Jean-Pierre Grand. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces dernières semaines, des négociations se sont tenues en Arabie saoudite entre l’Ukraine, les États-Unis et la Russie, sans l’Union européenne. Cette situation est aussi révoltante que paradoxale, l’Europe étant concernée en premier chef par le conflit en Ukraine.

Si Vladimir Poutine s’attaque aujourd’hui à l’Ukraine, nous pouvons imaginer que, demain, la Pologne, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie ou la Finlande, qu’il ne faut, bien sûr, pas oublier, pourraient subir le même sort.

Rappelons quelques faits. À l’automne 2021, plusieurs mois avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Pologne, mais aussi la Lituanie, pays résolument tournés vers le camp occidental et attachés à l’Union européenne, sont victimes d’une attaque hybride menée par la Russie et la Biélorussie.

Quel en était le principe ? Exercer une pression migratoire ingérable à leurs frontières. L’Europe s’est mobilisée, notamment avec Frontex, mais certainement pas suffisamment. Pourquoi ? Parce que les fondements mêmes de l’Union européenne ont été ceux d’une union économique. Ils ont été ceux d’une union pour la paix par la prospérité et non, pour reprendre les mots d’Ursula von der Leyen au sujet de l’Ukraine, de la paix par la force.

Les bouleversements géopolitiques de ces dernières années nous obligent à changer d’approche. Une prise de conscience collective avait eu lieu au cours du premier mandat de Donald Trump, lors duquel des mesures importantes ont été prises, comme la mise en place du Fonds européen de la défense en 2021.

La guerre en Ukraine a ensuite donné lieu à de nombreuses initiatives, comme la boussole stratégique et une redéfinition du rôle de l’Union européenne sur la scène internationale. La réélection de Donald Trump à la tête des États-Unis, son rapprochement avec la Russie et sa décision de suspendre les aides américaines à l’Ukraine nous obligent à aller plus loin.

C’est dans ce contexte que la Commission européenne a dévoilé en mars dernier le très attendu livre blanc sur la défense européenne. Si l’Otan reste la pierre angulaire de la défense collective de l’Europe, l’Union a désormais le devoir d’assurer sa propre sécurité. Le soutien à l’industrie européenne de la défense est un point majeur de ce livre blanc.

Partant du constat que trop peu d’initiatives communes européennes voient le jour en ce domaine, la Commission européenne a identifié plusieurs secteurs critiques dans lesquels des projets réunissant au moins deux pays européens doivent être menés. Tel est par exemple le cas de la défense aérienne et antimissile, ou encore de l’intelligence artificielle.

Afin de mieux préparer l’Europe aux scénarios les plus pessimistes, la Commission européenne préconise d’améliorer les mobilités militaires en constituant des stocks et en renforçant nos frontières extérieures, notamment avec la Russie et la Biélorussie.

Enfin, le soutien à l’Ukraine est au cœur de ce livre blanc, qui prévoit une assistance militaire accrue et une plus grande intégration des industries de défense européenne et ukrainienne.

Ces mesures s’accompagnent bien évidemment de propositions financières ambitieuses. C’est tout le sens du plan ReArm Europe, qui a été présenté par la Commission européenne au début du mois de mars et validé sur le principe par l’ensemble des États membres lors du Conseil européen du 6 mars dernier.

Les dispositifs proposés dans ce plan visent à mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros pour notre défense. Le plan prévoit notamment une dérogation au pacte de stabilité et de croissance qui permettra aux États membres de dépenser davantage pour leur défense sans être visés par une procédure de déficit public excessif.

Afin de financer les dépenses militaires, la Commission propose également d’octroyer aux États une facilité d’emprunt garantie par le budget européen, dont le montant pourra atteindre jusqu’à 150 milliards d’euros.

La mobilisation de la Banque européenne d’investissement (BEI) est également un point clé du plan.

Considérant l’ensemble de ces éléments, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient les mesures préconisées dans le livre blanc de la Commission européenne. Nous veillerons cependant à ce que ces préconisations soient suivies d’effets.

Je rappelle que lors des Conseils européens des 6 et 20 mars dernier, les vingt-sept États membres ne sont pas parvenus à un consensus sur l’Ukraine à cause de la Hongrie. Demain, il est possible que d’autres États membres bloquent les décisions.

N’oublions pas que pendant des années, les États membres se sont divisés sur les questions de défense, certains États souhaitant s’en remettre pleinement à l’Otan, d’autres en appelant au développement d’une véritable défense européenne. Quel est votre sentiment sur ce sujet, monsieur le ministre ?

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe estime que la défense européenne est plus que jamais nécessaire. À nous, Européens, de nous unir et d’être au rendez-vous pour que l’Europe ne sorte pas de l’Histoire. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur, vous avez mentionné les différents outils qui ont été présentés par la Commission européenne lors du Conseil extraordinaire du 6 mars : la possibilité d’exclure les dépenses de défense du calcul du déficit public des États membres et, partant, d’éviter qu’une procédure de déficit excessif ne soit engagée par la Commission européenne, le plan Safe (Security Action For Europe), par lequel la Commission européenne accordera 150 milliards d’euros de prêts aux États membres, ainsi que la réallocation de certains fonds tels que le fonds de cohésion vers les dépenses de défense.

Ces mesures que la France et ses partenaires appelaient de leurs vœux marquent une étape décisive dans le réarmement de notre continent. Il faudra toutefois aller plus loin et rehausser nos ambitions sur le long terme.

Cela peut passer par l’utilisation d’autres fonds pour abonder le budget de la défense, comme le Mécanisme européen de stabilité, un fonds assurantiel qui a été créé lors de la crise financière.

Nous pourrions également contracter un grand emprunt pour la défense, comme nous avons su le faire lors de la crise du covid-19. Face à ce défi existentiel, les États européens étaient en effet parvenus à mettre de côté leurs différences et à surmonter des tabous historiques pour créer 750 milliards d’euros de dette commune afin de relancer notre économie.

Face au nouveau défi existentiel auquel nous sommes confrontés, sachons mettre nos forces en commun et investir dans notre défense. Il s’agit de l’un des axes prioritaires que la France défendra avec ses partenaires, à commencer par le prochain chancelier allemand.

Je reviendrai sur d’autres points dans la suite du débat, monsieur le sénateur, mais je souhaite préciser qu’au-delà de l’Union européenne, nos partenaires britanniques et norvégiens, entre autres, doivent naturellement être partie prenante de la défense de notre continent et de la définition de l’identité stratégique européenne.

Nous travaillons déjà avec le Premier ministre Starmer à la définition des garanties de sécurité qui permettront d’assurer demain une paix juste et durable en Ukraine. Il va de soi que nous aurons intérêt à travailler avec tous nos partenaires européens, au-delà de l’Union européenne.