Ce texte, voté à l’Assemblée nationale, a été transmis au Sénat le 27 mars 2024. Le Gouvernement envisage-t-il de l’inscrire à l’ordre du jour des travaux de la Haute Assemblée d’ici, au mieux, à la fin de cette session parlementaire, au pire, à la fin de l’année civile ?

L’enjeu du rapprochement et de l’intégration opérationnelle des associations agréées de sécurité civile et des Sdis est tout aussi prégnant. Tout en préservant la distinction entre les bénévoles de sécurité civile et les sapeurs-pompiers volontaires, il convient de faire partager aux uns et aux autres une culture commune, d’un point de vue tant déontologique qu’opérationnel, lors des interventions.

Monsieur le ministre, ce débat me donne aussi l’occasion d’insister sur les défis auxquels notre sécurité civile à la française doit faire face.

Le premier défi concerne la directive européenne sur le temps de travail.

Ce texte reste une épée de Damoclès qui inquiète et trouble la sérénité des soldats du feu. Monsieur le ministre, quelles indications pouvez-vous nous donner quant à l’adoption d’une directive spécifique visant à protéger l’engagement bénévole et volontaire dans le domaine de la protection civile ?

Le deuxième défi concerne le renouvellement et la massification de nos forces de sécurité civile.

Nous devons y parvenir pour faire face au vieillissement de la population, donc à l’augmentation constante des interventions pour secours à personne à domicile – à la suite d’accidents domestiques ou de chutes – ou sur la voie publique. Je rappelle que les missions de secours d’urgence aux personnes représentent 84 % des missions réalisées par les sapeurs-pompiers au quotidien.

À la réalité démographique liée à la pyramide des âges s’ajoute une réalité climatique, l’augmentation des inondations et des épisodes méditerranéens ou cévenols, sans parler des cyclones auxquels nos compatriotes ultramarins doivent de plus en plus faire face.

Comment répondre à la crise des vocations, notamment dans le monde rural ? Comment recruter et conforter le maillage territorial pour renforcer la proximité des services de sécurité civile et garantir une réponse rapide et efficace des urgences ?

Alors que les différents acteurs publics s’étaient accordés pour sanctuariser le maillage territorial des Sdis, plus de 2 000 centres de secours ont disparu depuis dix ans. C’est regrettable, c’est même fâcheux, car cela se traduit non seulement par une dégradation de la couverture opérationnelle, singulièrement dans le monde rural et les territoires de montagne, mais aussi par la fermeture de points de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires et celle de postes avancés pour informer et sensibiliser les populations aux gestes qui sauvent.

Le troisième défi a trait à la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires pendant leur activité professionnelle.

Le quatrième défi consiste à faire face à la montée de l’insécurité et des agressions que subissent nos forces de sécurité civile.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Hussein Bourgi. Monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il de faciliter le recours au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour l’acquisition d’équipements de protection individuelle – gilets pare-lames, caméras-piétons… ?

Au moment de conclure, je veux exprimer notre considération et notre respect à ces femmes et à ces hommes qui portent un uniforme, que celui-ci soit bleu, blanc, rouge ou orange. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Bourgi, nous sommes en pleine discussion avec les autorités européennes sur la directive relative au temps de travail.

Nous contestons l’idée selon laquelle les bénévoles qui s’engagent sont soumis aux conditions d’un salarié « traditionnel » ; cela paraît tout à fait décalé. Nous essayons au contraire de faire comprendre qu’une grande partie des personnes qui concourent à la sécurité civile le font en qualité de citoyens et qu’il s’agit donc d’un engagement au service de la population.

Nous espérons trouver un accord de modulation dans l’appréhension que peut avoir l’Union européenne de notre situation spécifique. Le travail est engagé, il n’est pas terminé. Nous avons bon espoir d’être entendus.

Sur la formation, parmi les pistes de réflexion examinées dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile figure la création d’une Académie de la sécurité civile. (Mme Émilienne Poumirol acquiesce.) Elle renforcerait le rôle de l’École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp) via une mission de pilotage et de coordination de la formation des acteurs de la sécurité civile à l’échelon national.

C’est sans doute une piste intéressante, à même de développer cette formation que nous appelons tous de nos vœux. Il faut continuer d’avancer sur ce point. Toutefois, cette piste concerne plus spécifiquement les sapeurs-pompiers professionnels : ne mélangeons pas les débats et concentrons-nous ce soir sur les bénévoles.

Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, merci de ce débat sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Quand on pense sécurité civile, on pense à nos sapeurs-pompiers, qui en constituent le pilier incontestable. J’en profite pour vous alerter sur la situation compliquée au sein du Sdis 59. Depuis quelque temps, le service départemental d’incendie et de secours du Nord se mue dans un silence total, restant sourd aux souhaits et revendications des élus de tous bords politiques, obligeant même la communauté d’agglomération de La Porte du Hainaut à bloquer, temporairement, un financement de quasi 8 millions d’euros.

Si l’on pense bien sûr aux sapeurs-pompiers, on oublie souvent, bien trop souvent, les 200 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile.

Moi-même bénévole depuis mes 16 ans dans l’une de ces associations, je ne connais que trop bien leur importance dans la capacité de résilience de la France. Nous leur devons beaucoup. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs reconnu le 6 octobre 2017, quand il a considéré à juste titre que ces bénévoles « incarn[aient] le visage d’une France solidaire, ouverte, généreuse, d’une France qui n’a pas peur, même dans ces pires moments ».

Nous devons beaucoup à ces bénévoles, nous le savons, lorsqu’ils prennent en charge la mise en place des dizaines de milliers de dispositifs prévisionnels de secours dans l’ensemble de nos communes, comme c’est le cas encore ce soir au Parc des Princes à l’occasion du match opposant le PSG à Liverpool.

Nous le savons encore, lorsqu’ils prennent en charge, et ce plusieurs fois par semaine, l’assistance aux naufragés sur les côtes du Pas-de-Calais.

Nous le savons, lorsque, en partie grâce à eux, les jeux Olympiques et Paralympiques se déroulent dans de bonnes conditions.

Nous le savons encore, lorsque, dans mon département du Nord, à Merville, ils sont intervenus en soutien des élus et des pompiers lors des dernières inondations.

Au-delà de la reconnaissance que nous leur devons, quels actes concrets pouvons-nous accomplir pour favoriser le développement du bénévolat de sécurité civile ?

Quid de l’harmonisation des associations agréées de sécurité civile, notamment en revoyant les procédures des agréments départementaux ? Les disparités entre départements sont trop importantes.

Quelle reconnaissance pour le bénévolat de ces femmes et de ces hommes, qui ont pour seul intérêt la capacité de résilience de la France ?

La proposition de loi du député Yannick Chenevard, que j’ai connu en un autre temps, avant nos engagements politiques respectifs, moi, simple bénévole à la protection civile, lui, président bénévole de la Fédération nationale de protection civile, est une réponse à ces enjeux.

Ce texte prévoit non seulement une valorisation financière versée sur le compte personnel de formation – vous l’avez mentionné, monsieur le ministre –, mais surtout l’obtention de trimestres supplémentaires entrant dans le calcul de la retraite, et ce à partir de dix ans de bénévolat.

Comment améliorer l’attrait des associations agréées de sécurité civile ? Monsieur le ministre, envisagez-vous de faciliter leur participation aux opérations de secours du quotidien, comme c’est déjà le cas dans certains départements, notamment en région parisienne ?

Vous avez évoqué voilà quelques instants la formation aux premiers secours dans les écoles primaires. Ce dispositif existe déjà : c’est le programme « apprendre à porter secours » (APS) de l’éducation nationale, malheureusement assez peu appliqué.

Une proposition a été émise pour inclure cette formation dans celle du permis de conduire. Est-ce un souhait du Gouvernement ?

Enfin, des dispositifs de reconnaissance mutuelle entre les formations dispensées par différentes structures – ministère du travail, ministère de la santé, ministère de l’intérieur, AFGSU (attestation de formation aux gestes et soins d’urgence), PSE (premiers secours en équipe), équipier de sapeurs-pompiers pour les secours d’urgence aux personnes (Suap) – sont-ils à l’étude ?

Monsieur le ministre, ces bénévoles donnent de leur temps libre, beaucoup de leur temps libre. Peuvent-ils vous trouver à leurs côtés de manière concrète ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Hochart, j’ai déjà répondu à un certain nombre des questions que vous avez posées.

Nous aurons à traiter des enjeux d’agrément et d’harmonisation, en gardant à l’esprit qu’il faut que cela se passe de la même manière partout sur le territoire. En effet, même si les actions diffèrent en fonction des lieux, l’engagement est le même. Il faut donc une uniformisation des agréments.

L’intervention des associations agréées de sécurité civile en matière de secours aux personnes est quant à elle possible depuis 2021. S’applique-t-elle partout ? Toutes les associations s’y sont-elles engagées ? Ce n’est pas évident… Il existe quasiment autant de façons de faire que de départements, avec des niveaux d’investissement très différents : l’organisation étant départementale, tout est à la main de ces structures.

Dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, dont on espère qu’il arrivera bientôt à terme, le Gouvernement et l’État travailleront à harmoniser les pratiques pour garantir un équilibre entre les territoires et avoir une appréhension cohérente de notre sécurité civile. Nous verrons s’il est aussi possible d’avoir partout la même organisation au même moment : ça, c’est une autre affaire ! (Sourires.)

Au sein de cette réforme structurelle, ces enjeux sont importants. En effet, notre dispositif de sécurité civile est remarqué à l’étranger, singulièrement à l’échelle européenne : des ressortissants de nombreux pays viennent se former à l’École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers. Si nous voulons conserver ce leadership, il faut être en mesure de créer des structures pérennes. Cela passe par une uniformisation de l’action.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux commencer mon propos sans rendre un hommage appuyé au plus de 250 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile. Ils méritent en effet respect et remerciements pour leur dévouement et leur engagement sans faille au service de tous. Ils forment le pilier indispensable de notre modèle de protection des populations. À tous, un grand merci !

Alors que notre territoire doit affronter de nombreux défis, nous savons que nous pouvons compter sur chacun d’entre eux.

Ce sont eux qui s’engagent au quotidien afin d’accompagner, protéger, secourir, soigner ou encore réconforter les sinistrés et les blessés.

Ce sont eux qui se sont mobilisés lors de la crise covid afin d’organiser et de coordonner les campagnes de dépistage et les centres de vaccination.

Ce sont eux, encore, qui sont venus au secours des habitants du Nord, lorsque mon département et celui du Pas-de-Calais voisin ont été touchés par de violentes inondations à la fin de l’année 2023.

Ce sont eux, enfin, que nous avons retrouvés cet été, à Paris, à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques, sur la grande majorité des sites qui accueillaient des épreuves.

La Nation leur doit beaucoup. Ils sont indispensables à notre société.

C’est pourquoi il est incontournable de réfléchir et de travailler à mieux reconnaître l’engagement des membres de cette communauté du secours, dont les associations constituent un véritable maillage, une véritable richesse. Je pense notamment à la Croix-Rouge française, à la Société nationale de sauvetage en mer, à la Fédération nationale de protection civile ou à la Fédération française de sauvetage et de secourisme. Je ne peux les citer toutes, mais ces associations constituent un tissu dense sur l’ensemble de notre territoire.

La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite Matras, a déjà amélioré la reconnaissance de l’engagement des bénévoles de ces associations. Elle a fait évoluer leurs missions et a introduit la notion de reconnaissance de cet engagement citoyen par la Nation.

Ce débat nous donne l’occasion de dire combien il est primordial d’aller plus loin sur ce sujet. J’adresse mes remerciements à Jean-Pierre Corbisez d’avoir permis son inscription à l’ordre du jour de nos travaux et au député Yannick Chenevard, présent ce soir dans nos tribunes.

Comment permettre aux associations de sécurité civile de répondre avec davantage d’efficacité aux sollicitations toujours plus nombreuses des pouvoirs publics ? Comment encourager, faciliter et amplifier l’indispensable engagement de citoyens au service de notre nation ?

Pour répondre au mieux à l’ensemble de ces défis, une meilleure reconnaissance du rôle de tous ces bénévoles est primordiale. Nous pourrons ainsi disposer d’un solide pilier de bénévoles mobilisables pour secourir les populations victimes ou sinistrées.

Monsieur le ministre, envisagez-vous de permettre à tous ces bénévoles de sécurité civile d’acquérir des droits comptabilisés en euros sur le compte personnel de formation au titre des activités de volontariat recensées au travers de l’engagement citoyen ?

Comptez-vous également valoriser la retraite des bénévoles par l’attribution de trimestres complémentaires, à l’exemple du dispositif prévu pour les sapeurs-pompiers volontaires ? À ce propos, il est urgent que cette mesure entre en vigueur : nous attendons toujours la publication du décret d’application. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, nous sommes favorables à l’idée d’abonder le compte professionnel de formation des bénévoles. C’est l’une des pistes les plus sérieuses que nous examinons pour apporter aux bénévoles une sorte de gratification, sans dévoyer pour autant les notions de bénévolat et de volonté de servir.

De manière plus générale, vous évoquez les grands événements que la France a connus, notamment dans votre territoire. Nous entrons là dans le cadre de la redéfinition des missions de l’ensemble des structures qui concourent à la sécurité civile. En effet, non seulement les risques ont changé, mais il faut sans doute revoir l’organisation de ces missions. N’oublions pas que seulement 6 % des interventions des sapeurs-pompiers concernent des feux ou des incendies, quelle que soit leur taille ; le reste est consacré au secours aux personnes. D’ailleurs, cela renvoie à des situations bien différentes : de l’accident de circulation dramatique, où ils peuvent évidemment être en première ligne, au simple transport ou à l’accompagnement.

Il faut donc revoir l’organisation pour libérer le temps des uns en confiant certaines missions à d’autres acteurs et ainsi optimiser les structures. Tout cela tient beaucoup à la coordination des actions, notamment par le biais des plateformes de gestion des appels, pour lesquelles j’ai beaucoup d’intérêt, parce qu’elles me semblent les plus à même de remplir une telle mission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumont.

Mme Françoise Dumont. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, nous parlons reconnaissance du bénévolat de sécurité civile, à la demande, fort à propos, du groupe CRCE-K.

Plus que jamais, le bénévolat constitue l’un des piliers essentiels du modèle de sécurité civile français. Il doit être protégé et encouragé.

L’engagement individuel, l’abnégation, le courage face au danger et le sens du service des bénévoles et des volontaires sont remarquables. Je tiens à rendre hommage, ce soir, dans l’enceinte de la Haute Assemblée de notre République, aux bénévoles des associations de sécurité civile et à l’ensemble des sapeurs-pompiers de France, volontaires, professionnels et militaires.

Ils sont 250 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile. Pourtant, ils constituent encore un maillon souvent méconnu, bien qu’essentiel, de la chaîne de sécurité civile, s’inscrivant dans la continuité logique des personnels professionnels et volontaires des sapeurs-pompiers, lesquels constituent les 250 000 autres Français à composer la grande famille de la sécurité civile de notre pays.

Alliant bénévolat et spécialisation, les associations agréées de sécurité civile contribuent à faire vivre la culture du risque parmi la population et à augmenter sa résilience. Elles peuvent, dans certains cas, venir en appui des sapeurs-pompiers et d’autres acteurs publics de la sécurité civile.

Leur assurer une meilleure reconnaissance est un projet ancien de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), selon une approche ouverte aux citoyens sauveteurs, collaborateurs occasionnels du service public, sur la base du statut créé par la loi du 3 juillet 2020.

La FNSPF appelle aussi, justement, à mieux valoriser les anciens sapeurs-pompiers en les incitant à rejoindre les réserves citoyennes des Sdis et en appelant à systématiser la création de réserves communales de sécurité civile dans les communes dotées d’un plan communal ou intercommunal de sauvegarde et à parfaire la connaissance des ressources bénévoles par l’autorité préfectorale.

Assurer une meilleure reconnaissance des associations agréées de sécurité civile a été l’un des aspects majeurs de la proposition de loi de notre collègue, le député du Var Yannick Chenevard, adoptée par l’Assemblée nationale le 27 mars 2024 et en attente d’examen par le Sénat. La Chambre haute pourrait s’enorgueillir d’inscrire rapidement à son ordre du jour cette proposition de loi qui vise à pérenniser et amplifier le bénévolat dans la sécurité civile en donnant aux quelque 600 associations agréées les moyens d’agir. Ce texte prévoit notamment de faciliter les possibilités d’absence professionnelle, entre autres, grâce à un label à destination des employeurs, et développe les pistes d’une meilleure reconnaissance de l’engagement bénévole.

Comment améliorer la reconnaissance du bénévolat de sécurité civile ? Cette question, nous nous la sommes aussi posée, au sein du groupe de travail interne au groupe Les Républicains du Sénat relatif à la sécurité civile, que j’ai eu l’honneur d’animer durant dix-huit mois. Dans ce cadre, nous avons souhaité mettre en avant plusieurs préconisations de bon sens. Il nous a semblé qu’il existait un retard dans la délivrance des décorations et autres marques de reconnaissance.

Celui-ci a commencé à être comblé durant les dernières années, d’abord au travers de la création de la médaille de la sécurité intérieure, puis par la création, dans la loi Matras de 2021, de la mention « Mort pour le service de la République ».

Malgré cela, beaucoup reste encore à faire. Avec le groupe de travail, nous avons considéré qu’il serait opportun de renforcer les efforts de reconnaissance honorifique et symbolique, tant des sapeurs-pompiers que des membres d’associations agréées de sécurité civile, en réfléchissant à la mise en place de critères d’attribution et en s’inspirant de l’exemple des pratiques au sein des unités militaires exerçant des fonctions de sapeurs-pompiers à Paris et Marseille.

Au travers de nos auditions, il nous est également apparu qu’il fallait conforter les associations de sécurité civile dans leur rôle d’auxiliaires indispensables de l’action des pouvoirs publics. Pour ce faire, notre rapport préconise aussi d’améliorer la visibilité, via une meilleure communication publique, des formations aux premiers secours, de renforcer les efforts de formation des élèves du secondaire, d’associer plus étroitement les associations agréées aux organes départementaux concernés par ces enjeux et de sensibiliser les futurs décideurs publics, lors de leur formation, au rôle des associations agréées de sécurité civile.

Toutes ces pistes, et tant d’autres, sont autant de propositions simples et de bon sens que je souhaitais apporter à notre débat de ce soir, tant le bénévolat de sécurité civile est essentiel en tant qu’organe participant grandement à la capacité de résilience de notre pays. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Françoise Dumont, j’ai bien compris que, ce soir, le sénateur Corbisez avait suscité une présence puissante du Var.

M. François-Noël Buffet, ministre. Je profite de l’occasion pour saluer votre travail dans ce domaine, notamment au sein de la commission des lois du Sénat, et votre engagement en faveur des sapeurs-pompiers. Vous avez publié un rapport au mois de mai 2024 et nous n’allons pas cacher à la Haute Assemblée que vous allez bientôt m’en présenter l’ensemble des conclusions dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.

Parmi les mesures que vous préconisez, certaines retiennent particulièrement notre attention, notamment en vue de leur intégration dans le cadre législatif que nous envisageons. En particulier, la question de la reconnaissance par voie de distinction mérite d’être soulignée. Le caractère symbolique de cette reconnaissance est fondamental. Si les aspects matériels sont essentiels, il est tout aussi crucial que la Nation exprime sa gratitude envers ceux qui contribuent à sa sécurité civile. Être reconnu par ses compatriotes pour son engagement, bénévole de surcroît, représente une marque de considération précieuse, qui participe pleinement de l’esprit de cohésion nationale.

Nous connaissons tous, dans nos territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains, l’importance des sapeurs-pompiers et de tous ceux qui œuvrent pour la sécurité de chacun. Par ailleurs, la visibilité de la formation aux premiers secours constitue un enjeu majeur. Plus tôt elle débutera, mieux ce sera. C’est d’ailleurs l’un des axes que nous avons retenus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru.

Mme Anne-Sophie Patru. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par saluer et remercier les 250 000 bénévoles de la sécurité civile pour leur action.

Leur aide est essentielle en tant qu’acteurs du quotidien. Je pense à la Croix-Rouge, à la Société nationale de sauvetage en mer, à la protection civile… Je les ai encore vus en action récemment dans l’Ille-et-Vilaine lors des crues historiques que nous avons connues, ou encore lors de la mise en place de centres de vaccination contre la méningite à Rennes. Leur action est constante, ils œuvrent pour la prévention, ils soignent nos concitoyens et sauvent des vies.

La mission nationale sur la sécurité civile et les risques majeurs commandée par le Président de la République, ou encore la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 25 avril 2023 par notre collègue député Chenevard, que je salue à mon tour, visent à apporter des réponses à cette volonté de valorisation et de renouvellement du volontariat.

Mais le mieux étant toujours l’ennemi du bien, prenons garde de ne pas mettre en concurrence les différentes formes d’engagement. (M. le ministre acquiesce.) L’extension aux bénévoles de sécurité civile des droits dont bénéficient les sapeurs-pompiers volontaires depuis la loi Matras de 2021 ne doit pas créer une telle concurrence, sous peine de nuire à notre modèle de sécurité civile dans son ensemble. L’alchimie est ici essentielle pour la préservation de l’un et le développement de l’autre.

Pour le développement et le maintien de ce bénévolat, il est nécessaire de faciliter l’engagement au quotidien. Cela passe d’abord par les relations professionnelles : comme nos débats sur les sapeurs-pompiers ou même sur le statut des élus l’ont montré, cet aspect conduit souvent à une limitation de l’engagement.

Nous devons lancer le plus rapidement possible les travaux sur la création d’une charte de déontologie du bénévolat, sur celle d’un label « employeur partenaire » ou encore sur les moyens de faciliter l’obtention d’autorisations d’absence pour les bénévoles.

L’octroi de trimestres supplémentaires de retraite est également un levier à mobiliser, comme pour le statut de l’élu, mais toujours en respectant l’alchimie délicate de notre modèle de sécurité civile.

Enfin, comme souvent, il faut simplifier, simplifier et simplifier. Un décret récent vise justement à simplifier les modalités d’habilitation et à alléger la charge administrative d’instruction des demandes par les préfectures, pour leur permettre de se concentrer sur leur mission de contrôle des entités habilitées et pour rendre plus lisible la réglementation applicable aux acteurs du secourisme : il est bienvenu.

Ainsi, chers collègues, comme vous l’avez déjà tous souligné, la reconnaissance du bénévolat dans la protection civile doit veiller à l’équilibre global du système et valoriser cet engagement à sa juste valeur, pour permettre de déployer une action rapide sur tout notre territoire dans les temps de crise comme dans ceux du quotidien. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Nous nous sommes retrouvés il y a quelques semaines à Rennes, lors des inondations qui ont durement touché le bassin versant entre Rennes et Redon. Nous avons alors constaté que, bien au-delà du travail remarquable des sapeurs-pompiers, l’engagement du monde bénévole a joué un rôle déterminant. Grâce à leur mobilisation, la situation, aussi dramatique soit-elle, a pu être maîtrisée et bien gérée, ce qui est évidemment une source de satisfaction.

Concernant la proposition de création d’un label « employeur bénévole », nous y sommes tout à fait favorables. Cette idée figure d’ailleurs dans le texte du député Chenevard et nous y adhérons pleinement.

Mais le point le plus essentiel de votre intervention, que j’approuve et souhaite particulièrement souligner, c’est l’importance de ne pas mettre en concurrence les acteurs entre eux. Chacun a son rôle, sa mission, sa compétence. Tous sont engagés, mais chacun intervient dans son domaine d’expertise. Il est essentiel que cette complémentarité soit préservée, car c’est elle qui garantit l’efficacité du continuum de sécurité civile. Je vous remercie d’avoir insisté sur ce point, qui est, pour nous aussi, absolument fondamental.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie mes collègues du groupe CRCE-K d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.

En effet, le sujet du bénévolat de sécurité civile mérite d’être défendu dans cette assemblée, tout comme celui de sa reconnaissance et de sa valorisation. Ces hommes et ces femmes incarnent des valeurs de solidarité, de civisme et d’altruisme au quotidien. Il est essentiel de reconnaître leur engagement citoyen.

Nous avons en France un modèle de sécurité civile hybride, partagé entre les sapeurs-pompiers et les associations agréées de sécurité civile. Les sapeurs-pompiers sont le principal pilier de ce système, qui repose essentiellement sur le volontariat. On comptait plus de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires en 2023, ce qui représente 78 % des effectifs de sapeurs-pompiers. Ceux-ci interviennent au quotidien et au cœur des crises pour porter un secours immédiat. Les sapeurs-pompiers assurent 75 % des opérations de secours, ce qui en fait le premier service d’urgence de proximité de notre pays.

À leurs côtés, les associations de sécurité civile comptent environ 200 000 membres. Elles assurent des missions complémentaires de prévention, sécurisent les grands rassemblements de personnes et sont essentielles pour anticiper les crises et assurer le retour à la normale.

Cependant, et depuis plusieurs années déjà, ce système connaît des tensions importantes, en raison de plusieurs facteurs.

D’une part, selon la FNSPF, l’activité opérationnelle des sapeurs-pompiers s’est accrue de 30 % en vingt ans. Cette hausse concerne très largement les activités de secours aux personnes, qui ont augmenté de 75 % sur la même période. Face au délitement de nos services publics, lorsque l’accès aux soins n’est pas assuré, les sapeurs-pompiers représentent parfois la seule solution pour nos concitoyens, le dernier service public de proximité. La Cour des comptes écrivait déjà, dans un rapport de 2019, que les sapeurs-pompiers compensaient la désertification médicale, en particulier dans les territoires ruraux.

En outre, alors que les catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique, comme les inondations ou les incendies, se multiplient et que le nombre d’interventions augmente, les effectifs de bénévoles et de volontaires restent stables, malgré les campagnes de valorisation et de fidélisation menées régulièrement par les Sdis.

Il est donc crucial de mieux reconnaître le bénévolat de sécurité civile pour assurer la pérennité de notre modèle. Des efforts ont déjà été engagés en la matière. Les parlementaires ont voté en 2021 la loi Matras, qui a permis de réaliser un certain nombre de progrès. Toutefois, quelques chantiers restent à mener.

Je voudrais d’abord rappeler les risques que fait peser la jurisprudence Matzak, qui conduit à assimiler les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs. J’avais interpellé la ministre Marlène Schiappa à ce sujet en 2021. Depuis lors, rien ne semble avoir évolué et les présidents de Sdis s’en inquiètent.

Vous nous dites soutenir un projet de nouvelle directive, monsieur le ministre. Il faudrait surtout en proposer directement une nouvelle, puisque c’est notre système français de sécurité civile qui est en cause…

Je souhaite également vous interpeller sur le décret d’application relatif à la bonification des trimestres des sapeurs-pompiers volontaires. Nous avions voté cette mesure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative de 2023. Cette disposition était très attendue par les sapeurs-pompiers volontaires et son adoption était un signal fort de reconnaissance de leur engagement par les parlementaires.

Le gouvernement d’Élisabeth Borne avait tenté de vider la mesure de sa substance par voie réglementaire, en limitant son bénéfice aux seuls sapeurs-pompiers volontaires sans activité professionnelle. Cette restriction excluait de fait la quasi-totalité des sapeurs-pompiers volontaires. Un tel détricotage a entraîné une vive réaction de l’ensemble des sapeurs-pompiers et le Gouvernement a dû revoir sa copie.