M. Jean Sol. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.

M. Patrick Chaize. Monsieur le ministre, vous l’avez bien exprimé, il y a beaucoup d’idées pour l’avenir de La Poste, mais ce que je vous demandais, c’est un débat. Quand donc aura lieu ce débat ? Le temps presse : il est urgent que nous réinventions, tous ensemble, La Poste, pour qu’elle assure un vrai service public. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

fermeture de la sucrerie de souppes-sur-loing

M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Aymeric Durox. Ma question s’adressait à l’origine à Mme la ministre de l’agriculture.

Mercredi 15 janvier, on apprenait que l’avant-dernière sucrerie de Seine-et-Marne, celle de Souppes-sur-Loing, à l’extrémité sud du département, fermait définitivement ses portes. Elle était en service depuis 1873, au sein de la même famille.

C’est une catastrophe humaine, d’abord : 109 salariés se retrouvent au chômage dans un territoire déjà désindustrialisé, où il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver un emploi !

C’est aussi une catastrophe industrielle : il ne reste plus qu’une sucrerie en Île-de-France, à Nangis, ville dont j’ai été élu municipal. À l’échelle nationale, c’est la sixième fermeture de sucrerie en six ans ; il n’en reste que dix-neuf dans notre pays.

Alors, pourquoi ces fermetures ? On connaît les raisons : d’abord, la fin des quotas en 2017, et l’effondrement des prix du sucre et de la betterave.

Vient ensuite la crise de la jaunisse, qui a détruit 70 % de la récolte betteravière en Île-de-France en 2020 et contre laquelle les agriculteurs français sont sans défense.

Il existe pourtant une solution : l’acétamipride. Seul problème, l’Union européenne l’autorise jusqu’en 2033 pour nos concurrents, mais il a été interdit en France en 2018 ! Heureusement, le Sénat a adopté un amendement visant à permettre sa réintroduction dérogatoire, « à titre exceptionnel » ; je rappelle tout de même que le Gouvernement était à l’origine opposé à cet amendement…

Enfin, les importations massives de sucre ukrainien, dont les producteurs utilisent des produits phytosanitaires interdits au sein de l’Union européenne, bouleversent le marché européen et tirent les prix à la baisse.

Cette situation pourrait encore empirer avec l’accord signé, dans notre dos, entre l’Union européenne et le Mercosur, accord qui permettrait l’importation de 190 000 tonnes de sucre issues de cultures génétiquement modifiées utilisant une quarantaine de produits phytosanitaires interdits en France.

Pourtant, il existe encore un moyen de s’opposer à ce funeste traité : il faut lutter contre la scission de l’accord dont on discute actuellement à Bruxelles. En effet, si l’accord UE-Mercosur était ainsi divisé, la partie commerciale pourrait être adoptée à la majorité qualifiée, ce qui rendrait son rejet bien plus compliqué. A contrario, si l’accord n’est pas scindé, c’est la règle de l’unanimité qui prévaudra, auquel cas nous pourrons l’emporter.

Ma question est donc simple, monsieur le ministre de l’économie, puisque c’est vous qui allez me répondre : allez-vous sauver la filière betteravière et l’agriculture française en vous opposant à la scission de l’accord UE-Mercosur ? (MM. Joshua Hochart et Franck Menonville applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Aymeric Durox, c’est évidemment un drame qui se joue dans votre région, pour laquelle la fermeture de la sucrerie-distillerie Ouvré, à Souppes-sur-Loing, constitue une grande difficulté.

Cette usine y était installée depuis plus de cent cinquante ans et la modernisation industrielle indispensable à sa survie s’est révélée impossible au regard de la trésorerie insuffisante de l’entreprise. Comme vous l’avez souligné, le marché du sucre est extrêmement concurrentiel.

En réponse à ce drame, nous avons voulu, tout d’abord, venir en aide aux planteurs de betterave et trouver une solution permettant la distillation de leur production. Un accord a été conclu avec la coopérative Cristal Union ; ainsi, ces agriculteurs ne seront pas sans solution lors de la prochaine récolte.

Ensuite, concernant les salariés de la sucrerie, un plan de sauvegarde de l’emploi sera engagé. Je veux à cet égard saluer l’engagement de l’ancien ministre Frédéric Valletoux, député de ce département et désormais président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Avec Pierre Babut, maire de Souppes-sur-Loing, il a œuvré à trouver une solution pour l’entreprise comme pour ses salariés.

Enfin, vous m’interrogez sur l’accord UE-Mercosur. Je vous confirme que la France s’oppose à la mise en œuvre de cet accord, et ce précisément afin de protéger nos agriculteurs, que les dispositions de cet accord exposeraient à de nombreux risques. Nous ne soutenons aucun projet de scission de cet accord ; je peux même aujourd’hui vous confirmer que nous nous y opposons même de manière très ferme. (M. Bernard Buis applaudit.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 19 février, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet.

Mme Martine Berthet. Monsieur le président, lors des scrutins nos 190 et 191, Mmes Christine Lavarde et Agnès Evren souhaitaient s’abstenir.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique des scrutins concernés.

5

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande d’intervertir les deux premiers points de l’ordre du jour de notre séance de demain, afin que notre assemblée examine les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la mutualité sociale agricole avant celles de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte.

Acte est donné de cette demande.

Nous pourrions en conséquence débuter la séance du jeudi 13 février à dix heures trente.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

6

Communication d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable, par vingt-sept voix pour et deux voix contre, sur la nomination de M. Philippe Pascal aux fonctions de président-directeur général de la société Aéroports de Paris.

7

Candidatures à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur les coûts et les modalités effectifs de la commande publique et la mesure de leur effet d’entraînement sur l’économie française.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

8

Convention internationales

Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant création du centre de développement des capacités cyber dans les balkans occidentaux (c3bo)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord portant création du Centre de développement des capacités cyber dans les Balkans occidentaux (C3BO), fait à Tirana le 16 octobre 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi (projet n° 166, texte de la commission n° 285, rapport n° 284).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté.)

projet de loi autorisant la ratification de la résolution lp.3(4) portant amendement de l’article 6 du protocole de londres de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières

Article unique

Est autorisée la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l’article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières, adoptée le 30 octobre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission, après engagement de la procédure accélérée, sur ce projet de loi (projet n° 715 [2023-2024], texte de la commission n° 259, rapport n° 258).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à son adoption.

(Le projet de loi est adopté.)

9

Après l’article 14 quinquies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Article 15

Souveraineté alimentaire et agricole

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (projet n° 639 [2023-2024], texte de la commission n° 251, rapport n° 250, avis nos 184 et 187).

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l’article 15.

TITRE IV (suite)

SÉCURISER, SIMPLIFIER ET FACILITER L’EXERCICE DES ACTIVITÉS AGRICOLES

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Après l’article 15

Article 15

I. – Le titre VII du livre VII du code de justice administrative est complété par un chapitre XV ainsi rédigé :

« CHAPITRE XV

« Le contentieux de certaines décisions en matière agricole

« Art. L. 77-15-1. – I. – Le présent chapitre est applicable aux litiges relatifs aux projets mentionnés au II pour ce qui concerne les décisions mentionnées au III.

« II. – Le présent chapitre s’applique aux projets concourant à l’objectif de souveraineté alimentaire mentionné à l’article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime qui nécessitent :

« 1° Des installations, des ouvrages, des travaux ou des activités soumis à l’article L. 214-1 du code de l’environnement au titre des ouvrages de stockage d’eau ou des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, à l’exclusion des ouvrages destinés à permettre un prélèvement sur les eaux souterraines, à la condition que ces projets répondent à un besoin agricole, qu’il soit cultural, sylvicole, aquacole ou d’élevage ;

« 2° Une installation soumise à l’article L. 511-1 du même code et destinée à l’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes ainsi qu’aux couvoirs et à la pisciculture.

« III. – Pour les projets mentionnés au II du présent article, le présent chapitre s’applique aux décisions individuelles suivantes :

« 1° L’autorisation environnementale prévue à l’article L. 181-1 du code de l’environnement ;

« 2° L’absence d’opposition aux installations, aux ouvrages, aux travaux et aux activités mentionnés au II de l’article L. 214-3 du même code ou l’arrêté de prescriptions particulières applicable à l’installation, à l’ouvrage, au travail ou à l’activité faisant l’objet de la déclaration ;

« 3° La dérogation prévue au 4° du I de l’article L. 411-2 dudit code ;

« 4° L’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l’article L. 414-4 du même code ;

« 5° Le récépissé de déclaration ou l’enregistrement d’installations mentionnées aux articles L. 512-7 ou L. 512-8 du même code ;

« 6° L’autorisation de défrichement prévue aux articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ;

« 7° Les autorisations prévues aux articles L. 621-32 ou L. 632-1 du code du patrimoine ;

« 8° Les prescriptions archéologiques prises en application du 1° de l’article L. 522-1 du même code ;

« 9° La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire, d’aménager ou de démolir prévus au livre IV du code de l’urbanisme ;

« 10° Les décisions relatives à la prorogation ou au transfert à un autre pétitionnaire ou exploitant d’une décision mentionnée au présent article ;

« 11° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions des décisions mentionnées au présent article.

« Art. L. 77-15-2. – I. – Le juge administratif qui, saisi d’un litige régi par le présent chapitre, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés :

« 1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande donnant lieu à l’une des décisions mentionnées à l’article L. 77-15-1 ou qu’une partie de cette décision, limite à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demande à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui est entachée d’irrégularité ;

« 2° Qu’un vice entraînant l’illégalité d’une de ces décisions est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

« Le refus du juge de faire droit à une demande d’annulation partielle ou de sursis à statuer est motivé.

« II. – En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant, dans un litige régi par le présent chapitre, une partie seulement de la décision attaquée, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de la décision non viciées.

« Art. L. 77-15-3. – Sans préjudice des articles L. 122-2, L. 122-11, L. 123-1-B et L. 123-16 du code de l’environnement, un recours dirigé contre une des décisions mentionnées à l’article L. 77-15-1 du présent code ne peut être assorti d’une requête en référé suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort.

« La condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 est présumée satisfaite.

« Le juge des référés statue sur le recours dans un délai d’un mois.

« Art. L. 77-15-4. – Sans préjudice de dispositions particulières figurant dans d’autres textes, lorsque la juridiction administrative est saisie d’un litige régi par le présent chapitre, la durée de validité de l’autorisation accordée, le cas échéant, par la décision attaquée ainsi que celle des autres autorisations mentionnées à l’article L. 77-15-1 qui sont nécessaires à la réalisation du projet sont suspendues jusqu’à la notification au bénéficiaire de l’autorisation attaquée de la décision juridictionnelle irrévocable au fond. »

II. – Les articles L. 77-15-2 et L. 77-15-4 du code de justice administrative s’appliquent aux litiges en cours et aux décisions en cours de validité à la date de la publication de la présente loi. L’article L. 77-15-3 du même code s’applique aux recours relatifs aux décisions prises à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.

M. Michel Canévet. Madame la ministre, si l’article 15 traite de la question des contentieux agricoles, je souhaite plus particulièrement attirer votre attention sur la situation de l’élevage en France.

Le nombre d’exploitations laitières a fortement diminué dans notre pays, passant de 175 000 en 1988 à 35 000 en 2020. Au cours des vingt dernières années, le cheptel porcin s’est réduit de 20 %. En ce qui concerne les ovins, la production de bêtes à viande a été divisée par deux. Enfin, un poulet consommé en France sur deux doit être importé…

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Je connais bien la situation en Bretagne où, comme ailleurs, il est difficile de construire des bâtiments d’élevage. Dès lors que ce projet de loi vise à favoriser la transmission des exploitations et à simplifier les activités agricoles et les démarches administratives afférentes, j’appelle à une véritable simplification de démarches qui, aujourd’hui, demeurent très pesantes.

L’examen de cet article me donnera l’occasion d’évoquer un certain nombre de situations rencontrées sur le terrain, qui montrent bien que notre réglementation n’est pas la plus adaptée pour permettre la concrétisation des projets. Les deux rapporteurs de la commission des affaires économiques l’ont d’ailleurs souligné à maintes reprises depuis le début de nos travaux. Des évolutions sont indispensables, madame la ministre !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 400 rectifié ter est présenté par MM. Tissot, Montaugé et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 461 est présenté par Mme Senée, M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 732 rectifié est présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 400 rectifié ter.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à supprimer l’article 15, qui a pour objet d’accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installation ou d’extension d’élevage.

Dans un avis très sévère, le Conseil d’État a estimé que « les dispositions du projet de loi, qui sont susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité au regard notamment du principe d’égalité devant la justice, comportent des inconvénients importants en termes de sécurité juridique pour les justiciables et, plus généralement, pour la bonne administration de la justice ».

À l’Assemblée nationale, les rapporteurs eux-mêmes, pourtant issus de la majorité gouvernementale de l’époque, ont reconnu que le nombre de recours contre les projets concernés était en réalité très faible, et ont admis que cet article répond surtout à une forte attente des professionnels du monde agricole.

Dans son avis du 26 avril 2024, la Défenseure des droits se montre, elle aussi, très critique. Elle déclare en effet que « cette réforme contentieuse, motivée par la volonté de sécuriser le déroulement de ces projets, restreint d’une manière disproportionnée le droit au recours de leurs opposants. […] De tels projets ou politiques publiques sont susceptibles de porter atteinte au droit de vivre dans un environnement sain, garanti notamment par l’article 1er de la Charte de l’environnement. »

Nous partageons l’ensemble des réserves formulées par le Conseil d’État et la Défenseure des droits, et nous considérons que cet article répond très maladroitement à la colère des agriculteurs. Il convient donc de le supprimer.

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour présenter l’amendement n° 461.

Mme Ghislaine Senée. Le dispositif de cet article créerait des dérogations aux procédures en vigueur pour les projets de stockage de l’eau et d’installation d’élevage. Nous défendons, pour notre part, la préservation du droit de l’environnement.

Mes chers collègues, dans un esprit de simplification, nous pensons, tout comme le Conseil d’État, que la multiplication des dérogations au droit commun entraîne celle des contentieux, ainsi que leur complexification. Vous ne pouvez qu’être d’accord avec nous sur ce point, d’autant qu’il est question ici des installations de stockage de l’eau et des installations d’élevage, régies par les réglementations relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et aux installations, ouvrages, travaux, ou activités (Iota).

Votre manière de régler le problème du renouvellement des générations n’est pas la bonne. Vous prenez d’ailleurs une responsabilité considérable, en prétendant ainsi restreindre le droit au recours des opposants, car vous amoindririez la prévention des risques accidentels, voire des risques chroniques, au risque de porter atteinte à l’environnement et à la santé.

Ce serait un lourd fardeau qui pèserait sur vos épaules, madame la ministre, si vous souteniez cet amendement, notamment parce que l’on sait déjà que certains projets d’ouvrage de stockage de l’eau présentent des risques accrus de « mal-adaptation », confirmés par les tribunaux.

L’ancien Premier ministre, Michel Barnier, a été le ministre de l’environnement qui, il y a trente ans, a posé les bases de la consultation du public sur les projets ayant un impact sur l’environnement. Finalement, le détricotage presque systématique que vous opérez en matière de droit de l’environnement remet en cause une partie de l’héritage, pourtant vertueux, de votre famille politique.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes donc favorables à la suppression de l’article 15.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 732 rectifié.

M. Gérard Lahellec. L’amendement a été fort bien défendu par les deux précédents orateurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques, qui visent à supprimer purement et simplement l’article 15, ce que nous ne voulons pas.

S’agissant des problématiques d’élevage évoquées par notre collègue Michel Canévet, j’estime que deux véhicules législatifs sont susceptibles d’améliorer progressivement les choses.

Je pense, en premier lieu, à l’article 13 du présent projet de loi, que nous avons adopté hier, et qui prévoit la dépénalisation de certaines atteintes à l’environnement provoquées par des activités agricoles – sous réserve de la version adoptée par la commission mixte paritaire.

Je pense, en second lieu, à la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, que Franck Menonville et moi-même avons déposée et fait voter ici, au Sénat. J’ai plus particulièrement en tête l’article 3 de ce texte, qui a été rédigé en concertation avec les services de Mme la ministre, que je remercie de son implication.

Si elle est adoptée, je rappelle que cette proposition de loi permettra, dans le cadre des enquêtes publiques, avec l’accord du commissaire-enquêteur, de remplacer les deux débats de début et de fin d’enquête publique par un registre des doléances déposé en mairie. Elle contribuera aussi à adapter la durée de l’enquête publique à l’importance de chaque projet. Elle rendra par ailleurs facultative la réponse aux doléances au fil de l’eau : seule sera obligatoire la réponse à l’autorité environnementale. Elle permettra enfin, à compter du 1er septembre 2026, de relever les seuils en dessous desquels peut s’appliquer la procédure d’enregistrement pour les élevages.

Je comprends qu’il y ait de la frustration : souvent, quand on est confronté à de grandes difficultés, on veut que la réponse soit rapide. Hélas ! à l’impossible, nul n’est tenu, et il me semble que nous avons su traiter cette problématique, conjointement avec le Gouvernement, à l’article 3 de notre proposition de loi.

En réalité, le plus important aujourd’hui est de faire en sorte que ce texte soit adopté le plus vite possible, afin que les décrets d’application soient pris rapidement. Ainsi, dès le 1er septembre 2026, nous serons prêts à faire ce que nous avons décidé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet un avis très défavorable sur ces amendements identiques.

Cet article 15 vise en effet à accélérer le travail des juridictions en cas de contentieux sur des projets concourant à la souveraineté alimentaire. Le but est de sortir de l’incertitude les porteurs de projets grâce à des décisions rapides, positives ou négatives.

Madame, messieurs les sénateurs, vous considérez que cet article est exorbitant du droit commun. Pas du tout ! Une telle accélération des procédures est possible pour de nombreux contentieux, notamment en matière d’urbanisme, en matière électorale, en matière d’entrée et de séjour des étrangers en France ou encore dans le secteur de l’énergie.

La mégabassine de Sainte-Soline, par exemple, projet des plus emblématiques, a donné lieu à dix ans de procédures et de contentieux. Trouvez-vous cela raisonnable ?

Mme Annie Genevard, ministre. L’accélération que nous proposons est justifiée, quelle que soit la décision rendue ensuite.