Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. Il y en a assez des donneurs de leçons ! À vous entendre, il y a d’un côté les prêcheurs de bonne parole, qui ont pour eux la vertu, et, de l’autre, les destructeurs.

Pour vivre dans le milieu rural et dans la nature, mon impression est que certains ici n’y vont pas souvent… (Exclamations sur des travées des groupes GEST et SER.)

M. Michaël Weber. Mais bien sûr…

M. Daniel Salmon. Nous aussi, nous allons dans la ruralité !

M. Jean-Marc Boyer. Les agriculteurs sont les meilleurs écologistes : ce sont eux qui entretiennent l’espace, les prés, les forêts.

Une revue scientifique anglaise vient pour la troisième fois d’établir que l’agriculture française est la plus vertueuse au monde ! Ce n’est pas moi qui le dis : c’est la revue scientifique The Economist.

Il faut savoir raison garder : la protection de la biodiversité n’est l’apanage de personne ! Et les agriculteurs prennent leur part de cette protection.

Pourquoi les agriculteurs ont-ils manifesté il y a un an ? Pourquoi ont-ils continué à se mobiliser dernièrement ?

M. Yannick Jadot. Pour leurs revenus !

M. Jean-Marc Boyer. Pour plusieurs raisons : pour défendre leurs revenus, mais surtout pour protester contre les normes et les contraintes qui leur sont imposées. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Non ! Pour les revenus !

M. Jean-Marc Boyer. Cela vous ennuie que nous le disions, mais c’est la vérité ! Ils se mobilisent surtout contre les contraintes et les normes qui pèsent sur leur activité !

Pourquoi sont-ils allés manifester devant le siège de l’OFB ? Pour se faire plaisir ? Pour passer le temps ? Pour s’amuser ? Pas du tout ! S’ils manifestent, c’est parce que l’ensemble des normes que subissent les agriculteurs fait peser sur eux un poids bien réel !

Mme la ministre a donné tout à l’heure quelques exemples. J’aimerais à mon tour vous en donner quelques-uns, dont j’ai été saisi. Je sais bien que, de cas particuliers, on ne peut pas tirer de conclusions générales, mais tout de même… Les agriculteurs devraient avoir droit à l’erreur.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Marc Boyer. Épandage de lisier ? Sanctionné ! Retrait des branches d’un ruisseau alors qu’il y a inondation ? Sanctionné !

Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé !

M. Jean-Marc Boyer. Il faut arrêter avec ce genre de discours et en revenir à un peu de bon sens !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Le moment est grave, mes chers collègues. Quel message souhaitez-vous envoyer ?

M. Guillaume Gontard. Voici quel est au fond votre message : « La biodiversité, ce n’est pas bien grave ! »

M. Jean-Marc Boyer. Je n’ai pas dit cela ! Les agriculteurs sont les meilleurs défenseurs de la nature.

M. Guillaume Gontard. À vous entendre, le premier problème des agriculteurs, ce sont les textes qui réglementent l’exercice de leur profession. Mais des réglementations, il y en a pour tous les métiers !

Telle n’est pas du tout la réalité de ce que demandent les agriculteurs : dans leur très grande majorité, ils respectent la loi, et cela sans aucun problème.

M. Guillaume Gontard. Mon collègue Daniel Salmon a cité les chiffres : 136 agriculteurs ont été impliqués en 2022 dans une procédure en lien avec le droit de l’environnement. Et, au bout du compte, une très grande majorité de ces 136 agriculteurs ont simplement reçu une convocation de la part de l’Office français de la biodiversité.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. C’est faux !

M. Guillaume Gontard. Mme la ministre a cité tous les exemples dont elle dispose, car, me semble-t-il, il n’y en a pas d’autres.

En revanche, vous souhaitez modifier le droit en vigueur, au motif, a dit Mme la ministre, qu’il serait en quelque sorte « hors la loi ». Mais cette modification ne s’appliquera pas seulement à l’agriculture : elle vaudra pour les industriels, pour les chasseurs !

Récemment, un chasseur a tué l’un des derniers aigles vivant sur mon territoire. Qu’a-t-il dit pour sa défense ? Qu’il ne l’avait pas fait exprès : il avait confondu l’aigle avec un faisan ! (Sourires.) Il a été condamné à 55 000 euros d’amende, heureusement ! Il est bon qu’un tel message ait pu être envoyé.

Avec la disposition que vous vous préparez à mettre en œuvre, les choses auraient été bien différentes. Le chasseur n’a pas fait exprès de tuer l’aigle ? Impunité, 450 euros d’amende !

Lactalis déverse des eaux souillées dans les ruisseaux ; une fromagerie du groupe a été condamnée, dans le Doubs, à une amende de 100 000 euros. Même discours : elle a pollué sans le faire exprès, c’est sa station d’épuration qui fonctionne mal… Vous imaginez ce que vous êtes en train de mettre en place ? Franchement, c’est criminel pour la biodiversité ! Or, sans biodiversité, il n’y a plus d’agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Je ne sais pas si je suis vertueux, donneur de leçons ou pollueur. En tout cas, certaines réalités s’imposent, et j’aime à les rappeler. J’ai la chance – je le pense – d’avoir été agriculteur. Je ne le suis plus : j’ai pris ma retraite.

Je pense avoir moi aussi contribué à polluer les terrains que j’ai exploités. Quant à mes parents – la génération qui m’a précédé –, ils ont aussi été des pollueurs, à cette différence près que, eux, ils ne savaient pas qu’ils l’étaient !

Qu’a-t-on dit aux paysans voilà trente, quarante ou cinquante ans ? On leur a dit – vous en êtes témoins, mes chers collègues : « Nourrissez la France, allez-y : il faut augmenter les rendements ! »

Nous avons su, collectivement, augmenter les rendements, mais à grand renfort de chimie. Cela, il ne faut pas le nier : c’est vrai ! Les traitements ont été une véritable catastrophe pour l’environnement, mais aussi pour les paysans. Quand nous allions traiter le maïs dans des tracteurs sans cabine et que nous revenions tout verts ou tout bleus, il y avait tout de même des questions à se poser ! Il ne faut pas nier la réalité.

C’est pourquoi je pointe du doigt vos propos, madame la ministre, comme ceux des rapporteurs et de mes collègues de la droite sénatoriale. Et c’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 13 : aujourd’hui, nous avons des solutions pour remédier à ces problèmes de pollution.

Nous les connaissons : nous pouvons nous appuyer sur les avis des scientifiques. Notre collègue Jean-Marc Boyer l’a dit : il faut s’appuyer sur les conclusions de la science. Encore faut-il lire jusqu’au bout les rapports scientifiques !

Nous avons désormais des solutions, disais-je, pour pallier la pollution entraînée par l’activité humaine, notamment par l’activité agricole. Ayez au moins l’honnêteté de le reconnaître.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sans vouloir relancer les débats, je citerai quelques chiffres.

Dans le département de la Haute-Loire, en 2024, un peu plus de 1 000 contrôles ont été effectués sur 3 500 exploitations agricoles, dont 700 ont été réalisés par la direction départementale des territoires (DDT) sur la PAC, un peu moins de 300 par la direction départementale de la protection des populations (DDPP) sur l’identification et l’utilisation des antibiotiques, et 50 par l’Office français de la biodiversité (OFB).

Sur les 50 contrôles réalisés par l’OFB, 49 ont été au pénal. Voilà la réalité, et ce n’était pas le cas il y a encore quelques années ! (M. Vincent Louault approuve.)

La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), qui traite également des problèmes d’environnement et d’écologie pour les entreprises, n’envoie, elle, que deux dossiers au pénal pour 50 contrôles. Voilà où nous en sommes !

Nier les faits, c’est condamner les agriculteurs à revivre sans cesse le même problème. Ils sont traités comme de très grands délinquants (Mme Mathilde Ollivier sexclame.), alors que les faits qui leur sont reprochés méritent tout au plus une sanction administrative, mais en aucun cas le pénal !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.

Mme Anne-Catherine Loisier. Nous soutenons cette démarche, car elle nous ramène à un principe général du droit auquel nous sommes tous attachés, à savoir la proportionnalité.

Les situations sont hétéroclites. Parfois, les interventions sont parfaitement justifiées, mais d’autres ne le sont malheureusement pas, comme c’est souvent le cas en matière de travaux forestiers ; j’ai pu le constater moi-même.

On parle de la disparition des espèces, mais nombre d’entreprises disparaissent également. Par excès ou par zèle législatif, certaines d’entre elles ont été interdites d’exercice ou n’ont pu postuler à des marchés publics pendant de long mois, pendant toute la période du contentieux. Ainsi privées d’activité, elles ont disparu.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.

M. Pierre Cuypers. Sommes-nous tous d’accord pour dire que la France est l’un des plus beaux pays du monde ?

M. Pierre Cuypers. Par ailleurs, est-ce que ce sont les agriculteurs qui détériorent notre pays ?

M. Pierre Cuypers. Les agriculteurs contribuent-ils à la longévité de nos concitoyens ?

Ne devraient-ils pas être remerciés pour leur travail ? Après tout, ils nous nourrissent, ils créent des richesses que nous exportons, ils produisent de l’énergie et de nombreuses matières premières indispensables à la vie de nos concitoyens.

Monsieur Jadot, vous devriez présenter vos excuses au monde agricole pour les propos que vous avez tenus contre eux !

M. Yannick Jadot. Certainement pas !

M. Pierre Cuypers. Libre à vous de ne pas être d’accord avec les agriculteurs, mais je n’admets pas que vous défendiez vos idées de cette façon-là. Les agriculteurs doivent aujourd’hui être félicités et remerciés ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Marques dironie sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Franchement, ce débat, c’est la honte ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) On fixe de grands objectifs pour défendre la biodiversité à l’échelle française, on fait de grandes annonces à l’échelle internationale, mais ici, à l’occasion de cet article, on fait tout le contraire !

Les agriculteurs ne seront pas les seuls concernés par cet article : il y aura aussi les pêcheurs et les chasseurs, ainsi que toutes les entreprises qui porteront atteinte à la biodiversité. Eux aussi pourront arguer du caractère non intentionnel de ces atteintes !

Si, demain, une entreprise déverse des produits chimiques dans une rivière, pourra-t-elle se contenter de dire qu’elle n’a pas fait exprès, qu’elle ignorait qu’il y avait un trou dans ses tuyaux ? Quid des poissons qui mourront et les espèces protégées qui potentiellement disparaîtront de ce cours d’eau ? Puisque l’atteinte n’était pas intentionnelle, faudrait-il se contenter d’une amende de 450 euros et dire adieu à la biodiversité ?

Ce débat est une honte pour les objectifs que la France se fixe en matière de protection de la biodiversité terrestre – directement touchée par l’agriculture –, mais aussi marine. À quelques mois du sommet des Nations unies sur les océans, ce débat est catastrophique également pour les espèces de poissons et les mammifères marins !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice Ollivier, qui peut ici raisonnablement affirmer que le respect de la biodiversité est superflu ? Vos propos sont une caricature !

Quant à vous, monsieur Jadot, si vous n’étiez plus sur Twitter, j’aurais pu croire que votre intervention était faite pour une capsule vidéo ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

En effet, c’était totalement caricatural.

M. Yannick Jadot. La moitié de vos interventions à vous sont faites pour le congrès de la FNSEA !

Mme la présidente. Monsieur Jadot, je vous demande un peu de respect envers Mme la ministre.

Veuillez poursuivre, madame la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. La non-intentionnalité est bordée : trois cas de figure la déterminent.

Premier cas de figure, il s’agit d’un ordre de la loi. Je pense, par exemple, à l’obligation légale de débroussaillement.

Deuxième cas de figure, il s’agit d’une autorisation. Anne-Catherine Loisier a cité l’exemple des entreprises de travaux forestiers : on leur délivre une autorisation et on les accuse ensuite de destruction d’espèces protégées.

Troisième cas de figure, il s’agit d’un plan de gestion validé. Là non plus, il n’y a pas intentionnalité, puisqu’il y avait autorisation d’intervenir, voire injonction.

Remettons donc un peu d’ordre !

M. Guillaume Gontard. Parce qu’il n’y a pas d’ordre actuellement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, même si le juge, attaché à la question de la proportionnalité de la peine, ne prononce pas la peine maximale de trois ans de prison et de 150 000 euros d’amende – Richelieu disait d’ailleurs : « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre » –,…

M. Guillaume Gontard. Vous remettez en cause la justice ?

Mme Annie Genevard, ministre. … même si l’on n’applique pas le quantum de peine, disais-je, l’agriculteur – car c’est exclusivement de lui qu’il est question, comme s’il était le seul à être responsable de la disparition dramatique de la biodiversité – est placé en garde à vue comme un délinquant présumé coupable, son nom est publié dans le journal, il est livré à l’infamie publique comme étant un destructeur de biodiversité !

M. Rémy Pointereau. Exactement !

M. Jean-Marc Boyer. Il est traité comme un gangster !

Mme Annie Genevard, ministre. Vous voyez bien tout ce que cela implique : il comparaît en correctionnelle, doit payer des frais d’avocats et subit deux à cinq ans de procédure, durant lesquels il est en état d’insécurité juridique et de stress permanent. (Marques dapprobation sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Mme Nadia Sollogoub. Exactement !

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur Jadot, vous avez prononcé un mot inadmissible au cours de votre intervention. Vous avez parlé de négationnisme.

M. Yannick Jadot. De la biodiversité, oui !

Mme Annie Genevard, ministre. C’est une honte que d’utiliser ce terme, qui est historiquement très bien documenté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Vincent Louault applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Mme Catherine Belrhiti. Cherchez la définition de ce mot avant de l’utiliser !

Mme Annie Genevard, ministre. Vous n’avez pas le droit, de surcroît dans le contexte actuel de regain de l’antisémitisme, d’utiliser ce mot ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Vous en êtes-là, madame la ministre ? C’est honteux ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 384 rectifié ter, 577 et 711 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 189 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l’adoption 107
Contre 22 5

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 874, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 171-7-1, il est inséré un article L. 171-7-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 171-7-2. – Sans préjudice des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d’atteinte irréversible à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées et d’habitats naturels en violation des interdictions ou des prescriptions prévues à l’article L. 411-1 et par les règlements ou les décisions individuelles pris en application de l’article L. 411-2, l’autorité administrative compétente peut, sans avoir préalablement procédé à une mise en demeure, obliger la personne physique ou le dirigeant de la personne morale responsable de l’atteinte à suivre un stage de sensibilisation aux enjeux de l’environnement, notamment à la reconnaissance et à la protection des espèces et des habitats. » ;

2° L’article L. 415-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du 1°, après le mot : « fait », sont insérés les mots : « , commis de manière intentionnelle » ;

b) Après le d du même 1°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Est présumée ne pas commettre de manière intentionnelle les faits mentionnés aux a à d du présent 1° la personne qui exécute une obligation légale ou réglementaire, les prescriptions assortissant une autorisation administrative ou les activités prévues par des documents de gestion mentionnés à l’article L. 122-3 du code forestier dans des conditions qui prévoient la mise en œuvre de mesures pour éviter ou réduire les atteintes portées aux espèces protégées et à leurs habitats, présentant des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé. » ;.

c) Au 2°, après la référence : « L. 411-6 », sont insérés les mots : « du présent code » ;

d) Après le treizième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorité administrative peut, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite des délits prévus au 1° du présent article, dans les conditions prévues au second alinéa du I et aux III à V de l’article L. 173-12. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 13 issue des travaux de l’Assemblée nationale, en la complétant par des éléments sur les documents de gestion forestière.

Il s’agit donc de rétablir cette version, qui est à la fois plus cohérente et sécurisée juridiquement, en y ajoutant des garanties supplémentaires s’agissant des pratiques forestières.

En effet, la version votée par la commission des affaires économiques du Sénat soulève de nombreuses difficultés en élargissant le champ d’application de l’article aux réglementations relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et aux installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) soumis à la loi sur l’eau.

Cette extension me paraît dangereuse, car elle s’appliquerait à tous et non aux seuls agriculteurs, c’est-à-dire qu’elle vaudrait aussi pour les industriels et les activités dangereuses.

Je rappelle que l’objectif visé par le Gouvernement au travers de cet article est d’adapter les sanctions relatives aux atteintes aux espèces et aux habitats protégés aux circonstances des infractions, en prenant en compte le fait que ces infractions résultent dans certains cas d’activités autorisées ou font l’objet d’obligations légales.

L’article 13 vise également, pour les infractions volontaires, à restaurer la possibilité de transactions pénales qui existait jusqu’en 2016. Cette dernière permet d’éteindre l’action publique après paiement d’une amende transactionnelle proposée par le préfet et validée par le procureur de la République. La remise en état, quand elle est possible, est bien entendu obligatoire.

L’amendement du Gouvernement vise donc à circonscrire les sanctions aux atteintes non intentionnelles, en laissant de côté les ICPE et les Iota, qui relèvent d’une autre réglementation, et à rétablir la possibilité de recourir à la transaction pénale, qui était en vigueur jusqu’en 2016.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette rédaction est juridiquement sécurisée, ce qui est très important : elle n’ouvre pas une possibilité de dépénalisation pour toutes les formes d’atteinte à l’environnement. Elle est également bordée, puisqu’il s’agit d’atteintes non intentionnelles et de dégradations non définitives d’habitats. En cas de dégradations volontaires, il sera possible de recourir à la procédure de transaction pénale.

Ce dispositif est solide et robuste juridiquement. C’est la raison pour laquelle je vous propose de l’adopter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur la rédaction proposée par la commission des affaires économiques du Sénat.

Tout d’abord, madame la ministre, je ne crois pas que la rédaction que nous avons votée pour cet article soit moins juridiquement tenable que la vôtre.

Mme Annie Genevard, ministre. Si, sur les ICPE et les Iota !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ensuite, vous proposez de recourir à la transaction pénale. C’est aussi ce que nous prévoyons de faire.

En revanche, nos deux rédactions divergent bien sur un élément. Tout à l’heure, vous avez trouvé anormal que certains agriculteurs se retrouvent placés en garde à vue. Pour l’éviter, il importe que le régime soit administratif et non pénal, comme vous le proposez au travers de votre amendement. Si le régime restait pénal, comme le souhaite l’Assemblée nationale, il ne serait pas possible de mettre fin aux gardes à vue.

M. Vincent Louault. Tout à fait !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Mes chers collègues, si nous voulons instaurer une réelle différence de traitement entre le véritable délinquant et l’agriculteur qui commet un petit écart au niveau environnemental, mieux vaut s’en tenir à la rédaction proposée par la commission des affaires économiques du Sénat.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement de réécriture de l’article.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Nous ne parlons pas de la même chose, monsieur le rapporteur.

En élargissant la dépénalisation aux ICPE, c’est-à-dire aux installations classées, vous dépénalisez des actes pouvant porter atteinte à la sécurité publique. Il pourrait s’agir, par exemple, d’installations industrielles qui répandraient accidentellement leur stock de matières dangereuses dans l’environnement.

Un tel incident ne serait pas intentionnel, certes, mais il pourrait mettre en jeu la sécurité publique et la santé de nos concitoyens. Le cadre n’est donc pas du tout le même. Comment pourrions-nous appliquer à ce type d’infractions la dépénalisation prévue pour les atteintes non intentionnelles et involontaires à l’environnement ? Ce n’est pas du tout la même chose.

La rédaction proposée par le Gouvernement est sécurisée et circonscrite à un objet particulier. Monsieur le rapporteur, en l’élargissant aux ICPE et aux Iota, vous compromettez le dispositif, car il ne tiendra pas, et vous le savez.

En commission, vous avez adopté un amendement d’appel. Votre rédaction sera peut-être maintenue cet après-midi, car nous sommes au Sénat et vous êtes ici chez vous, mais elle n’a aucune chance de passer en commission mixte paritaire, ni devant le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. C’est impossible ! Vous pouvez vous faire plaisir avec un effet d’annonce, mais cette rédaction ne tiendra pas.

En ce qui concerne les ICPE, il existe bien un problème, mais il ne sera réglé ni par l’amendement du Gouvernement ni par le vôtre : je veux parler de la question des seuils des bâtiments d’élevage. Je vous l’accorde, c’est un vrai sujet.

L’ensemble de la profession – nous y reviendrons dans le cours du débat – demande davantage de souplesse. L’idée, bien sûr, n’est pas d’aller jusqu’à la ferme des mille vaches – cette tradition n’existe pas chez nous, inutile d’élaborer une chimère ! Il s’agit simplement de traiter le cas d’un éleveur qui aurait 55 vaches au lieu de 49. Cela change-t-il quelque chose en matière de sécurité ? Évidemment, non ! Il conviendra donc de régler ce problème, mais en traitant ce cas de figure à part.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d’adopter cet amendement, qui est le seul adapté à l’objectif que nous visons, à savoir éviter à des agriculteurs qui, de bonne foi, causeraient une destruction ou une altération de l’environnement, à condition qu’elle ne soit pas irrémédiable et qu’elle ne soit pas intentionnelle, d’être sanctionnés pénalement.

Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas de réponse à l’acte : nous avons prévu une obligation de remise en état et de stage. S’il y a eu destruction non intentionnelle, c’est bien qu’il y avait méconnaissance. Une formation sera utile à l’agriculteur pour lui éviter toute récidive. Je vous demande donc instamment de voter ce dispositif.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour un rappel au règlement.

M. Yannick Jadot. Mon intervention se fonde sur l’article 33 de notre règlement.

Madame la ministre, au cours de notre débat, vous m’avez accusé de faire la promotion de l’antisémitisme. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Annie Genevard, ministre. Non !

M. Rémy Pointereau. Pas du tout !

M. Yannick Jadot. Si, c’est exactement ce que vous avez dit, madame la ministre !

Nous rencontrons avec cet article un problème extrêmement important de négation de la réalité des recherches scientifiques autour de l’effondrement de la biodiversité. C’est un fait ! Toutes les études scientifiques démontrent que l’agriculture en est l’une des causes.