Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 384 rectifié ter est présenté par MM. Tissot, Montaugé et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 543 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

L’amendement n° 577 est présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 711 rectifié est présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marion Canalès, pour présenter l’amendement n° 384 rectifié ter.

Mme Marion Canalès. Dans la même perspective, les sénateurs de notre groupe demandent par cet amendement la suppression de l’article 13. Cette disposition constitue une véritable ligne rouge, qui rendra très difficile pour nous un vote en faveur de ce projet de loi.

Devons-nous encore rappeler l’effondrement de la biodiversité ? Apparemment, oui !

Cet article contient toute une batterie de mesures tendant à alléger le régime de répression des atteintes à la biodiversité, alors que le déclin de celle-ci et la pollution environnementale se ressentent chaque jour, et à restreindre les sanctions applicables à la destruction illicite d’espèces, d’habitats naturels ou de sites protégés. La santé de nombre de nos concitoyens en fera directement les frais.

De plus, l’article a pour objet de poser le principe de présomption de non-intentionnalité des infractions. Celui-ci sera, selon nous, une source d’interprétations et de dérives considérables.

En outre, particulièrement à la suite de son passage en commission, le texte tend à alléger l’échelle des sanctions applicables en cas d’infraction, pour les rendre encore moins dissuasives.

Dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité et de pollution de nos sols, de notre air et de notre eau, cet article est inacceptable. Surtout, il vient répondre à une demande d’une partie bien particulière du monde agricole, qui se dit victime de sanctions arbitraires ou de contrôles inadmissibles.

Certains ont ainsi voulu pointer du doigt les opérateurs de l’État chargés de la police environnementale, à commencer par l’Office français de la biodiversité (OFB).

Or nous savons tous, preuve à l’appui, que la situation a été montée en épingle. Le récent rapport de l’inspection interministérielle sur les relations entre les agriculteurs et l’OFB, paru il y a quelques jours, montre la quasi-absence de tensions sur le terrain. Ainsi, moins de 1 % des contrôles auraient été source de conflits depuis la création de l’établissement public.

Dans ce contexte, nous proposons par voie d’amendement la suppression de l’article 13.

Mme la présidente. L’amendement n° 543 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 577.

M. Daniel Salmon. Cet article est le point d’orgue d’une offensive contre le droit de l’environnement ! Je souhaite à mon tour dénoncer fortement cette régression environnementale, qui est particulièrement grave et inédite.

Cette disposition, qui distingue les atteintes intentionnelles aux espèces protégées des actes de bonne foi, n’est ni plus ni moins qu’un permis de détruire la biodiversité.

Dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité, dont tout le monde est conscient, je l’espère, il s’agit d’un renoncement extrêmement grave, de nature à rendre impossible l’atteinte des objectifs que la France s’est engagée à atteindre lors des COP biodiversité. Cette invitation à détruire des espèces protégées en toute impunité, ou presque, est également en contradiction totale avec la stratégie nationale pour la biodiversité présentée voilà peu.

Aux termes de cet article, il faudra désormais prouver que la destruction de la nature a été volontaire et réfléchie pour condamner le contrevenant.

Or, vous le savez très bien, mes chers collègues, en droit, prouver que la personne avait l’intention de tuer une espèce est très difficile, voire impossible. La plupart du temps, vous le savez très bien également, la destruction de l’espèce est un dommage collatéral. La négligence grave est très rare ! Pourtant, c’est cette négligence grave qui devra être invoquée si l’on veut poursuivre au pénal.

Ce sont les négligences simples, les imprudences et les manquements à une obligation de prudence qui entraînent aujourd’hui les poursuites et les condamnations pour atteinte aux espèces protégées.

La disposition inscrite à l’article 13 pourrait permettre à tout individu, agriculteur ou non, d’invoquer son ignorance ou un manque de considération non intentionnel pour échapper à toute sanction. J’ai bien dit « agriculteur ou non », car le périmètre de cette disposition est très large.

Pour la rendre conforme au droit, il a été prévu en effet que la présomption de non-intentionnalité concernerait non pas les seuls travaux agricoles et forestiers, mais toutes les actions humaines, projets industriels, projets de production d’énergie renouvelable, action des particuliers.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 711 rectifié.

M. Gérard Lahellec. Je vais essayer de traduire cet article, c’est-à-dire la notion d’intentionnalité, dans le langage courant, plus précisément dans le langage des enfants : « Si tu portes atteinte à l’environnement, ce n’est pas grave si tu ne l’as pas fait exprès. » Voilà ce que dit cet article ! Et c’est la négation du droit.

Par conséquent, si nous voulons éviter d’inscrire dans notre droit une disposition fragile, il vaudrait mieux ne pas nous en remettre à l’appréciation de ce qui est ou non intentionnel : tel est le sens de notre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. « Je préfère privilégier, sur des infractions mineures, la sanction administrative, c’est plus rapide, c’est plus clair. On évite cette dimension qui est extraordinairement intrusive d’une procédure pénale où on a l’impression d’être un grand délinquant. Lorsque vous garez mal votre voiture, vous avez une amende, lorsque vous faites mal une procédure environnementale, sans qu’il y ait un impact majeur sur l’environnement, vous avez une amende. Cela paraît raisonnable. »

Si ces mots venaient de moi, je suis persuadé, mes chers collègues, que vous me prendriez pour un grand délinquant de l’environnement et de l’écologie… Or ils ont été prononcés le 22 janvier 2025 par la ministre de l’écologie. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Voilà qui répond, me semble-t-il, au problème soulevé : la rédaction de l’article 13 met exactement en musique ce que souhaite la ministre de l’écologie !

J’émets donc un avis défavorable sur tous les amendements de suppression de l’article 13.

M. Jean-Claude Tissot. Laurent Duplomb se réfère à la ministre de l’écologie, on aura tout vu !

Mme Annie Genevard, ministre. On cite toujours les bons auteurs, monsieur le sénateur ! (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Jean-Claude Tissot. Vous avez raison, madame la ministre. Et je pourrais vous en citer, des auteurs !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Cet article 13 est au cœur du débat ; si vous me le permettez, madame la présidente, je vais y consacrer un peu de temps.

La question qui nous est posée n’est pas de savoir s’il faut prévoir une autorisation à détruire des espèces protégées ! Elle est de savoir s’il faut ou non, et dans quels cas, apporter une réponse pénale aux atteintes aux espèces protégées. En d’autres termes, le sujet est la dépénalisation. Et la notion d’intentionnalité est évidemment au cœur du dispositif.

Je rappelle le droit général : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre », dit le code pénal. Tel est notre droit !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Exactement !

Mme Annie Genevard, ministre. Et il n’y a pas de raison que, en matière d’environnement, on déroge à cette règle de droit. Il appartient donc au juge d’apprécier l’intentionnalité. Cela suppose d’enquêter sur les faits, de les établir et d’en déterminer l’intentionnalité.

Quand l’acte incriminé est reconnu comme non intentionnel, ce n’est qu’à titre dérogatoire qu’il peut être reconnu comme une infraction. Le principe est néanmoins, j’y insiste, qu’il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; la question de l’intentionnalité est donc centrale ! Je le répète : il s’agit de savoir, non pas s’il faut autoriser la destruction d’espèces protégées, mais quelle réponse juridique il convient d’apporter lorsqu’il n’y a pas d’intentionnalité !

Je souhaitais rappeler ce point de droit, qui est essentiel, me semble-t-il, pour les législateurs que vous êtes.

Le sujet des contrôles et de la manière dont les irrégularités sont traitées était, vous le savez, au cœur de la crise agricole.

Les agriculteurs sont soumis à de très nombreux contrôles : les contrôles usuels dont font l’objet beaucoup d’autres chefs d’entreprise – contrôles fiscaux, contrôles de l’inspection du travail, etc. –, mais aussi d’autres types de contrôles, qui ciblent leur profession en particulier : contrôles de la PAC, contrôles de la police de l’environnement, contrôles sanitaires, etc.

Les agriculteurs sont soumis à une multitude de normes qui garantissent, il est vrai, notre sécurité alimentaire, notre sécurité sanitaire, la protection des salariés agricoles et la protection de l’environnement. Ces normes sont parfois complexes, souvent changeantes, dans un monde qui évolue rapidement, sous la contrainte économique, mais aussi sous l’effet du changement climatique et de la transition agroécologique.

Il en résulte que, de bonne foi, c’est-à-dire sans aucune intentionnalité – j’insiste de nouveau sur ce mot –, les agriculteurs commettent des erreurs liées à la complexité et à l’instabilité desdites normes, dont il arrive, d’ailleurs, qu’elles se contredisent.

C’est donc de manière légitime que les agriculteurs ont pointé ce sujet durant la crise. Et le Gouvernement s’est engagé à reconnaître un droit à l’erreur.

Ainsi, aux termes de l’amendement gouvernemental adopté en séance à l’Assemblée nationale, lorsque l’agriculteur agira de bonne foi ou avec des autorisations dans le cadre de procédures légales – je vais vous donner quelques exemples –, la non-intentionnalité sera présumée, et il ne sera plus sanctionnable ni sanctionné. Cette disposition me semble une avancée significative, qui permettra d’apporter une réponse de terrain à des situations qui étaient, à juste titre, mal vécues.

En effet, en l’état du droit, les agriculteurs peuvent se retrouver embarqués dans des procédures pénales lourdes, infamantes et disproportionnées, alors même qu’ils ont agi de bonne foi.

Notre objectif est donc de simplifier les procédures de contrôle, de mieux prendre en compte la bonne foi et la non-intentionnalité, de donner la priorité aux mesures éducatives et administratives et, enfin, de prévoir en dernier ressort le prononcé de peines proportionnées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout de même de vous rappeler le quantum de la peine encourue : trois ans de prison et 150 000 euros d’amende !

M. Ronan Dantec. Pour atteinte à quelle espèce ?

Mme Annie Genevard, ministre. Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

Mme Annie Genevard, ministre. J’en viens à quelques exemples de verbalisations fondées sur l’article L. 415-3 du code de l’environnement, qui ne devraient plus exister à compter de l’entrée en vigueur du présent texte.

Cas numéro 1, forêt communale, mai 2020 : une entreprise de travaux forestiers ayant procédé à une coupe de chablis imposée par la nécessité d’évacuer des arbres scolytés dans un délai le plus court possible, elle est verbalisée par l’Office national des forêts (ONF) à la suite de la plainte d’un riverain, plainte motivée par la présence de nids dans les arbres coupés. L’entreprise avait l’autorisation de procéder à une coupe ; elle est verbalisée.

Cas numéro 2, forêt domaniale : coupe et broyage de végétation basse réalisés par un acheteur de coupe entre le 22 juillet 2019 et le 1er septembre 2019, le long d’une route départementale, à des fins de sécurité. Il n’y a eu, en la circonstance, aucun constat de destruction d’espèces ou de nids et l’ONF n’avait pas connaissance de la présence d’espèces protégées.

Pourtant, il y a eu verbalisation, au motif de l’interdiction de procéder sans dérogation à des broyages de cloisonnement en période de nidification, même lorsque des questions de sécurité préalable sont en jeu et même si la présence d’une espèce protégée n’est pas avérée, car il y allait de la protection des habitats potentiels.

Mme Kristina Pluchet. C’est scandaleux !

Mme Annie Genevard, ministre. Cas numéro 3 : débroussaillement. Une personne débroussaille sa parcelle en application de la réglementation OLD (obligations légales de débroussaillement) ; elle est verbalisée, derechef, pour atteinte à l’habitat potentiel d’espèces protégées.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, on atteint là les limites de la justice.

Il faut bien se rendre compte que la dépénalisation que nous proposons n’est pas une autorisation de tout détruire : elle est bordée, ce qui sera très clairement précisé par mon amendement n° 874.

Je signale de surcroît que, aujourd’hui, notre droit est une surtransposition du droit européen !

Mme Annie Genevard, ministre. En droit communautaire, les atteintes non intentionnelles à l’environnement ne font pas l’objet d’une pénalisation.

Voilà posé le cadre du débat : j’ai donné des exemples très précis de la façon dont notre droit fonctionne aujourd’hui. Il convient, je le crois, d’y remettre un peu de bon sens et de le faire évoluer en fonction de ce qui se fait à l’échelle européenne et de ce qui est juste.

Actuellement, on peut respecter une réglementation et se trouver pénalisé par le respect même de cette réglementation : ce n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Guillaume Gontard proteste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. J’ai malgré tout le sentiment, madame la ministre, que vous avez tenté de noyer le poisson. Je ne sais pas s’il s’agissait d’une espèce protégée, mais enfin… (Sourires.)

Les trois cas que vous avez cités se sont soldés par trois ans d’emprisonnement… C’est bien cela, j’ai bien suivi votre raisonnement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le quantum de peine, c’est bien trois ans d’emprisonnement !

M. Ronan Dantec. Ah ! Soyez, je vous en prie, extraordinairement précise et rigoureuse !

Mme Annie Genevard, ministre. C’est le quantum de peine actuellement applicable !

M. Ronan Dantec. Vous nous avez donc expliqué que ces trois cas avaient donné lieu au prononcé d’une peine de trois ans d’emprisonnement, ou alors je n’ai rien compris – à moins que vous ne mélangiez tout pour nous égarer, mais jamais je ne vous ferai un tel procès d’intention, madame la ministre…

Voici ce que je sais, en tout cas.

Sans les réglementations actuelles sur les espèces protégées, nous aurions perdu, en France, énormément d’espèces. Nous avons perdu, officiellement il y a quelques mois – en réalité, cela faisait déjà un certain temps qu’il était éteint –, le courlis à bec grêle. C’est la première espèce d’oiseau eurasienne qui disparaît par destruction de son habitat.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Et les agriculteurs, combien ont disparu ?

M. Ronan Dantec. Évidemment, il y a un lien entre habitat et espèce, mais je ne vous apprends rien.

Sans les efforts que nous avons réalisés en matière de réglementation relative aux espèces protégées, la liste des espèces disparues serait aujourd’hui bien plus importante qu’elle ne l’est. Nous pouvons donc être extrêmement fiers de l’évolution du droit de l’environnement. Si l’on peut, par exemple, observer beaucoup plus d’ardéidés qu’auparavant, c’est parce que l’on n’a plus le droit de les chasser.

À l’entrée du Sénat, vous pouvez admirer une tenture figurant un héron, qui est représenté en forêt. Savez-vous pourquoi il est représenté en forêt, alors que nous pouvons en voir un peu partout au bord des routes ? C’est parce que, à l’époque où la pièce dont je parle a été réalisée, le héron était chassé : les derniers membres de l’espèce vivaient au fin fond des forêts, ils ne s’aventuraient plus ailleurs.

Mme Anne-Catherine Loisier. Il y en a partout, des hérons !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Oui, partout !

M. Ronan Dantec. Autrement dit, notre réglementation relative aux espèces protégées a donné des résultats !

Je ne pense pas que cette disposition prospérera, car elle fera évidemment l’objet de recours pour non-conformité au droit européen ; mais, le cas échéant, je puis vous le dire, ce que vous êtes en train de faire entraînera une multiplication des procès, portant y compris sur des préjudices autres que pénaux.

Vous allez encore complexifier et durcir, sur le terrain, les rapports entre les uns et les autres, là où notre responsabilité commune est au contraire d’apaiser les choses.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Rémy Pointereau. Voici le spécialiste des hérons ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Yannick Jadot. Arrêtez avec ce genre de réflexions, cher collègue ! C’est soûlant !

J’ai toujours contesté deux arguments qui sont sans cesse invoqués dans le débat sur l’agriculture : premièrement, celui-ci ne concernerait que les agriculteurs ; deuxièmement, c’est un débat dont on devrait exclure les agriculteurs, parce qu’ils en sont partie prenante et qu’ils sont donc en situation de conflit d’intérêts. Je refuse ces deux arguments : le débat sur l’agriculture est un débat d’intérêt général !

Or je suis assez surpris, madame la ministre, de vous entendre nous dire que, en quelque sorte, pour ce qui est de la notion d’intentionnalité, la loi française, que vous vous apprêtez à modifier, n’est pas légale.

M. Rémy Pointereau. Elle surtranspose !

M. Yannick Jadot. Car c’est la loi française que vous voulez changer aujourd’hui,…

M. Yannick Jadot. … au mépris du droit européen.

On ne saurait être dans le négationnisme de l’effondrement de la biodiversité et appliquer la présomption de non-intentionnalité à l’agriculture, mais aussi, au-delà, à l’industrie, à la chasse et à toutes les activités humaines !

Partout, les scientifiques nous alertent quant à l’effondrement de la biodiversité. Nous avons des règles, qui sont européennes. Mais cela ne vous suffit pas de vous attaquer à l’OFB et à la police de l’environnement en général : c’est à la loi même que vous voulez vous attaquer, en matière de protection de la biodiversité. Ce n’est pas sérieux !

Qu’une ministre conteste le droit français en vigueur, que la Haute Assemblée conteste les règles européennes, les règles françaises et les stratégies mises en œuvre pour protéger la biodiversité, ce n’est pas sérieux !

Mme Kristina Pluchet. Allez dire cela à la Mairie de Paris ! Nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous !

M. Yannick Jadot. On sait à quel point l’agriculture est l’une des causes de l’effondrement de la biodiversité. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Kristina Pluchet. Quelle honte !

M. Yannick Jadot. Il faut travailler à régler ce problème.

Désormais, c’est l’absence d’intentionnalité qui sera présumée. Il suffira à ceux qui tuent les bêtes et détruisent des espèces de plaider la bonne foi, toute obligation de repérage et d’identification ayant été levée : rien ne les obligera désormais à travailler à la préservation des habitats – c’est ainsi que nous nous rassurons, mes chers collègues ? –, puisque les atteintes à la biodiversité seront présumées non intentionnelles.

Un tel négationnisme, dans cette enceinte ? Ce n’est pas sérieux ! (M. Ronan Dantec applaudit. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes au cœur de la meule du problème ! On ne va pas s’entendre, c’est sûr !

Madame la ministre, vous avez donné des exemples qui sont de votre ressort – l’ONF et les forêts domaniales, c’est l’État. Mais le problème est bien plus large.

M. Vincent Louault. Je pense à Roger, cet agriculteur qui n’a pas vu l’arrêté départemental d’interdiction d’arrosage : le lendemain, un 14 juillet, il fait l’objet d’une plainte au pénal et attend presque huit mois avant d’être déféré devant le juge ; il finira par passer au pénal, donc, avec tout le stress que cela implique.

Je pense à cet autre agriculteur de l’Oise qui, au mois de juin, n’arrivait pas à planter ses tournesols en semis direct. Il a fini par labourer et il se retrouve lui aussi au pénal. L’audience a eu lieu il y a exactement quinze jours, et la décision sera rendue dans un mois, car il a labouré des sols auxquels avaient été appliqués du Roundup. C’est lunaire !

La justice a autre chose à faire que de s’occuper de telles affaires, qui doivent relever de sanctions administratives. Songez à ce qui se passe quand vous vous faites arrêter pour une infraction au code de la route.

M. Ronan Dantec. Le sujet, ce sont les espèces protégées !

M. Vincent Louault. Mais mon raisonnement vaut pour tout, et pas seulement pour la protection des espèces !

Quand Mme la ministre évoque le broyage, il n’est pas directement question d’espèces protégées. Mais il y a toujours un lien avec les espèces protégées : le lien, ce sont les habitats ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Soyez un peu de bonne foi, mes chers collègues : vous nous opposez en permanence l’habitat de l’espèce protégée. Il est évident que personne ne roule avec son tracteur sur l’espèce protégée ! Tous les agriculteurs protègent les nids de rapaces pendant la moisson et font attention à leur écosystème.

M. Vincent Louault. Il faut cesser de tout caricaturer en permanence ! Il s’agit simplement, avec cet article, de remettre un peu de bon sens et de réalité dans notre droit.

Je rappelle que, pour ce qui est des infractions au code de la route, ce n’est pas le même régime qui s’applique selon que l’excès de vitesse est ou non supérieur à 50 kilomètres à l’heure : au-dessus de 50 kilomètres à l’heure de dépassement, l’infraction relève de sanctions pénales. Il n’est pas difficile de comprendre que certaines infractions, parmi celles que les agriculteurs sont susceptibles de commettre, doivent être dépénalisées.

Évidemment, les agents de l’État, que j’ai toujours défendus, notamment ceux de l’OFB, appliquent des réglementations, celles-là mêmes que nous essayons de modifier aujourd’hui. Je soutiendrai donc ce texte à mort ! (Marques dironie sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Monsieur Louault, préservez-nous de la mort !

Je pense que, en effet, nous sommes là au cœur du sujet de ce texte.

Tout d’abord, mes chers collègues, ce n’est pas la peine de pousser des cris d’orfraie…

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Des deux côtés !

M. Michaël Weber. … quand nous parlons de l’effondrement de la biodiversité et de ses causes. Tout le monde est d’accord pour reconnaître, ici et ailleurs, que c’est l’activité humaine en général qui est la cause de l’effondrement de la biodiversité mondiale, mais aussi que l’agriculture, quoi que l’on en dise, a une part dans cette évolution. Nous pouvons au moins partager ce constat.

Ce constat étant dressé, la première question à se poser est la suivante : quelles sont les pratiques de transition que l’on met en œuvre pour éviter que l’agriculture ne soit demain un accélérateur de la perte de biodiversité et de la disparition des fondements mêmes de la biodiversité sur notre planète ? Voilà une bonne façon d’aborder ce débat !

Ensuite, madame la ministre, certains, dans cet hémicycle et ailleurs, pensent que le droit de l’environnement n’a pas la même valeur que les autres droits applicables en France ; qu’il est, en somme, un droit au rabais. Il faudrait cesser de considérer la question environnementale comme une question de droit, plaident-ils, pour en faire une simple question d’intentionnalité ou de non-intentionnalité. Or, vous le savez très bien, l’intentionnalité est très difficile à prouver !

Enfin, pour ce qui est de la surtransposition, dont on nous rebat en permanence les oreilles, je vous suivrais volontiers sur ce terrain, mes chers collègues, à condition que nous adoptions la même approche pour toutes les thématiques !

Voilà seulement quelques jours, notre assemblée a adopté à l’unanimité des groupes politiques une proposition de résolution européenne sur la réduction de l’utilisation des microplastiques. Bizarrement, personne ne nous a reproché de surtransposer. Pourtant, en l’espèce, l’exigence française allait bien au-delà de ce qu’exigent les règles européennes.

Si nous savons nous montrer vertueux sur les microplastiques ou sur d’autres thématiques, nous pouvons et nous devons l’être aussi sur l’agriculture !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, l’heure est assez grave : vous continuez vous aussi – cela me déçoit fortement – de colporter l’idée selon laquelle les agriculteurs seraient harcelés – entre autres, par l’OFB. (Mme Kristina Pluchet sexclame.)

J’ai sous les yeux quelques chiffres – il faut les examiner, de temps en temps ! En 2022, seuls 136 agriculteurs ont été impliqués dans une procédure en lien avec le droit de l’environnement. 136 ! Faisons attention aux arguments que nous avançons : de cas particuliers, on ne peut pas tirer une généralité.

En tout état de cause, cet article est extrêmement dangereux. S’attaquer à la protection de la biodiversité, c’est s’attaquer à des espèces bien concrètes : le bouvreuil pivoine, la loutre, le hérisson, toutes ces espèces qui sont aujourd’hui protégées, parce qu’elles sont menacées de disparition.

Avec cette présomption de non-intentionnalité, c’est tout notre droit de l’environnement que l’on fragilise. Cela a été dit, l’objet de cet article est vraiment de montrer que le droit de l’environnement est secondaire : « Les atteintes à l’environnement ne sont pas très graves, au fond ! » Tel est le message qui est ici envoyé, j’y insiste : « Tant pis pour l’environnement, et après nous le déluge : on verra bien quelles espèces il restera demain ! »

Quelle est la valeur d’une espèce ? Quel sens donnons-nous à nos actions d’aujourd’hui, notamment à notre agriculture, si elles se paient demain au prix de la disparition d’une multitude d’espèces ? J’ai cité des espèces dont l’extinction est bien visible ; mais de nombreuses espèces invisibles pour la plupart d’entre nous disparaissent également…