Mme la présidente. L’amendement n° 706, présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 37
1° Après le mot :
décapitalisation
Insérer les mots :
et la diminution du nombre d’éleveur
2° Remplacer les mots :
objectifs de production
par les mots :
modalités de transition vers plus de durabilité socio-économique et environnementale
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Cet amendement, je dois l’admettre, est quelque peu partisan, dans la mesure où je considère que la faiblesse des textes que nous avons abordés jusqu’à présent réside dans le fait qu’il y est peu question d’élevage.
Si j’ai ce sentiment, c’est probablement parce que je viens moi-même d’une région d’élevage, la Bretagne, mais il me semble aussi que l’élevage est la plus parfaite illustration de la manière dont on pourrait garantir un développement durable de notre agriculture, notamment, mais pas uniquement, au travers du modèle herbager.
Avec cet amendement, nous nous autorisons à suggérer une mention particulière pour l’élevage, et je comprendrais aisément que certains de nos collègues ne soient pas vexés de le soutenir.
Mme la présidente. L’amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Après le mot :
décapitalisation
insérer les mots :
, notamment de l’élevage pâturant en plein air,
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Par cet amendement, nous proposons d’encourager la lutte contre la décapitalisation des élevages herbagers, qui reposent majoritairement sur le pâturage en extérieur pour l’alimentation des animaux.
Mme la présidente. L’amendement n° 811, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Compléter cet alinéa par les mots :
, en assurant l’approvisionnement en protéines animales des Français et en maintenant et restaurant l’ensemble des fonctionnalités environnementales, sociales, économiques et territoriales de l’élevage, ainsi que ses complémentarités agronomiques avec les productions végétales
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Par cet amendement, je propose de compléter cet alinéa de manière à y faire figurer la nécessaire garantie de l’approvisionnement en protéines animales des Français. Il me paraît important de rappeler qu’il faut manger de la viande, ou, du moins, qu’il est souhaitable de le faire, puisque certains, évidemment, ne le veulent pas – je préfère le formuler ainsi pour éviter de m’attirer des critiques…
En effet, la viande apporte des protéines qui sont, de mon point de vue, indispensables à la bonne santé de l’organisme. Aussi convient-il de maintenir l’ensemble des fonctionnalités environnementales, sociales, économiques et territoriales de l’élevage, ainsi que ses complémentarités agronomiques avec les productions végétales.
Le modèle polyculture-élevage est très intéressant. On y observe des complémentarités, notamment en matière d’autonomie fourragère, mais aussi dans bien d’autres domaines que les experts de ces sujets connaissent bien.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 882, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 811, alinéa 3
Supprimer les mots :
et restaurant
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ce sous-amendement à l’amendement du Gouvernement vise à nous dispenser d’une précision inutile, en y supprimant le terme « restaurant ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements en discussion commune ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sous réserve de l’adoption de son sous-amendement, la commission est favorable à l’amendement n° 811.
En revanche, elle a émis un avis défavorable sur les amendements nos 569, 570, 706 et 97 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Il est défavorable sur les amendements nos 569, 570, 706 et 97 rectifié, car nous leur préférons notre amendement n° 811, éventuellement modifié par le sous-amendement n° 882 de la commission, auquel nous sommes favorables.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Cet après-midi, nous avons été brocardés et taxés de ne pas aimer la science parce que l’un de nos amendements tendait à supprimer, à l’alinéa 26, le terme « scientifique ».
Or, madame la ministre, il se trouve que j’ai une formation scientifique ; je peux donc vous confirmer qu’il faut des protéines dans l’alimentation humaine, c’est certain. En revanche, j’aimerais que vous me citiez l’étude vous permettant d’affirmer que les protéines d’origine animale seraient préférables, pour la santé humaine, à celles d’origine végétale. Comme vous êtes une défenseuse de la science, qui s’est battue tout à l’heure pour conserver dans ce texte une référence aux approches scientifiques, pouvez-vous partager les références scientifiques étayant vos propos ? Cela m’intéresserait fortement de les lire… (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Par ailleurs, je vous ai entendu défendre l’agriculture paysanne et les jeunes qui veulent y accéder. Nous nous ferons donc un plaisir de vous transmettre tous les dossiers de ces jeunes qui ont besoin de terrains d’une surface modeste – 15 à 30 hectares leur suffiraient –, mais à qui la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) n’en accorde jamais.
Comme nous avons manifestement trouvé en votre personne une grande défenseuse de l’agriculture paysanne, attendez-vous à recevoir de nombreux dossiers sur lesquels, je n’en doute pas, vous vous engagerez personnellement !
Mme la présidente. L’amendement n° 464, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Remplacer les mots :
De promouvoir la souveraineté en
par les mots :
De réduire la dépendance aux importations et d’augmenter le taux de couverture de la consommation par la production nationale de
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à remplacer la notion de souveraineté, dont nous avons constaté depuis quelque temps qu’elle était pour le moins flottante, par des indicateurs plus précis, pour lesquels nous disposons de données et qui rendent compte des besoins alimentaires en France.
Les taux de couverture de la consommation par la production nationale et la dépendance aux importations sont déjà calculés et publiés par FranceAgriMer – j’en ai parlé hier. Ils déterminent un taux d’auto-approvisionnement, un taux de couverture des besoins nationaux et un taux de dépendance aux importations.
Il importe d’être en mesure d’identifier, filière par filière, les causes de la dépendance aux importations, celle-ci pouvant être due à un déficit de production nationale, mais également à un faible taux d’autoconsommation. Remédier à l’une ou à l’autre de ces situations n’implique pas les mêmes politiques publiques. Comme je l’ai expliqué précédemment, nous pouvons agir sur la production, mais également sur la consommation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est défavorable, car cette demande est satisfaite à l’alinéa 38.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Il est également défavorable : le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes répond de manière plus large à la question soulevée.
Mme la présidente. L’amendement n° 598 rectifié ter, présenté par M. M. Weber, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Lurel, Ros, Bourgi et Fichet, Mme Linkenheld, M. Pla, Mmes Poumirol et Monier et M. Chantrel, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Après le mot :
légumes
insérer les mots :
de saison, dans le cadre d’une production et d’une consommation locale,
La parole est à M. Michaël Weber.
M. Michaël Weber. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 598 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 784 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Bellurot, M. Somon, Mme Dumas, MM. Pernot, Khalifé, Panunzi, Klinger et Mandelli, Mme Muller-Bronn, MM. Naturel et Bouchet, Mmes Belrhiti, M. Mercier, Dumont, Borchio Fontimp, Pluchet, Perrot et Ventalon, M. Belin, Mme Goy-Chavent, M. Longeot et Mme Canayer, est ainsi libellé :
Alinéa 40
Compléter cet alinéa par les mots :
, incluant le mode d’abattage des animaux
La parole est à M. Laurent Somon.
M. Laurent Somon. Cet amendement déposé par mon collègue et confrère Arnaud Bazin vise à ce que le consommateur, lorsqu’il achète de la viande, soit informé du mode d’abattage des animaux à la base du processus de transformation, eu égard au caractère dérogatoire, dans notre pays, de l’autorisation d’abattre les bêtes sans étourdissement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cette proposition pose tout de même pas mal de questions et a déjà suscité beaucoup de bruit…
Aujourd’hui, il existe un mode d’abattage s’appuyant sur des méthodes spécifiques et destiné à une population particulière, qui ne consomme pas la totalité de l’animal. Par conséquent, le reste de l’animal est consommé par des gens qui ne souhaitent pas nécessairement consommer de la viande issue de ce mode d’abattage.
Nous pouvons difficilement traiter cette question autrement qu’aujourd’hui ; on est obligé d’autoriser ce mode d’abattage, sans quoi la partie de la population qui y a recours devrait se tourner vers des produits issus d’autres pays.
Dans un premier temps, j’avais envisagé de m’en remettre à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement, pour que nous puissions débattre de ce sujet, mais, maintenant que la discussion a pu être engagée, j’en viens à un avis défavorable, car imposer un tel étiquetage pourrait déstructurer la filière.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, c’est d’un sujet délicat que vous nous invitez à débattre.
Cet amendement a pour objet d’imposer un étiquetage. Toutefois, juridiquement, un pays ne peut pas imposer de son propre chef un étiquetage relatif au mode d’abattage des animaux ; cela relève d’un cadre européen harmonisé, le règlement concernant l’information sur les denrées alimentaires, dit Inco. Le dispositif proposé contrevient donc à une disposition communautaire.
Sur le fond, vous évoquez l’abattage sans étourdissement, c’est-à-dire la question du bien-être animal, mais vous n’ignorez pas les implications de ce que vous proposez. Les pratiques de deux cultes se trouveraient visées. Aussi, il n’est pas opportun de légiférer sur un tel sujet sans avoir, au préalable, dialogué avec les représentants de ces cultes.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre. La question du bien-être animal est désormais prégnante dans la société. Nous voyons bien à quel point les Français y sont attentifs. Pour autant, nous ne pouvons pas ignorer le fait que des cultes sont extrêmement attachés au mode d’abattage.
Un travail sur le sujet a été amorcé avant l’adoption de la motion de censure, mais n’a pas abouti. Il serait bon de consulter les représentants des cultes en question pour déterminer si des points de rapprochement sont envisageables.
En somme, je suis défavorable à cet amendement parce que, sur la forme, il est juridiquement inopérant et que, sur le fond, il convient d’avancer avec précaution. La question a déjà été abordée à de multiples reprises : demandez-vous pourquoi elle n’a jamais abouti ! Le sujet est tout de même complexe.
Par conséquent, sauf retrait de cet amendement, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Comme il s’agit d’un amendement du déontologue du Sénat, je serai prudent. (Sourires.) Celui-ci a d’ailleurs déjà déposé cet amendement à plusieurs reprises depuis 2020.
Il s’agit à mon sens d’un amendement curieux.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Oui !
M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, soyons clairs et laissons de côté la pudeur, nous sommes ici au Sénat, pas dans un club où nous aurions peur de nous-mêmes : les communautés juive et musulmane consomment de la viande issue des filières casher et halal, qui ne correspondent pas à la filière classique en matière d’abattage.
Allons-nous réellement régler le problème des filières halal et casher dans ce pays au détour d’un amendement, sans concertation avec les organisations juives et musulmanes ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Non !
M. Roger Karoutchi. Franchement, qui peut croire cela ? Nous avons déjà peur de modifier le moindre alinéa, et nous nous en prendrions à de telles pratiques ? Peut-être que ces pratiques peuvent évoluer ; nous verrons bien. Mais ce sont les communautés musulmane et juive qui doivent le décider !
La République est laïque ; elle doit respecter tous les cultes, sans exception. Voyons comment nous pouvons avancer avec eux et ne faisons rien contre eux ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. Je comprends bien sûr l’intention des auteurs de cet amendement, dont on peut partager certaines préoccupations.
Toutefois, je me réjouis que la position du rapporteur ait évolué et que Mme la ministre ait émis un avis défavorable. Au-delà des considérations que vient de rappeler Roger Karoutchi, l’adoption de cet amendement aurait des conséquences économiques pour les filières concernées, dont l’organisation serait profondément modifiée. Je ne suis pas certain qu’existe la capacité économique de faire face à cette disposition.
Par ailleurs, le fait de porter à la connaissance du public la méthode d’abattage ferait courir de réels risques de boycott tant à la viande française dans son ensemble qu’aux produits issus de méthodes d’abattage particulières, désormais identifiables par le public.
Pour toutes ces raisons, je me range à l’avis de la ministre et du rapporteur. Si cet amendement n’est pas retiré, je voterai contre, malgré toute la qualité de son auteur.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je suis également défavorable à cet amendement. S’il me paraît légitime de fournir au consommateur la meilleure information possible sur les produits qui lui sont proposés, il convient de veiller à ce qu’une obligation nouvelle ne déstructure pas une filière. Or c’est ce qu’il risque de se passer si cet amendement est adopté.
En effet, nous savons bien que la filière de la viande issue de l’abattage sans étourdissement, voire la filière bovine dans son ensemble, serait ainsi déstructurée.
Comme l’a rappelé le rapporteur, une partie de la viande issue de l’abattage sans étourdissement est introduite dans le circuit général. Si l’étiquetage qui est proposé mettait fin à cette pratique, nul doute que cette filière en souffrirait. Tout d’abord, des parts de marché entières disparaîtraient. Ensuite, il me semble évident que priver le circuit général de la viande issue de l’abattage sans étourdissement conduirait inévitablement à des augmentations tarifaires.
Étant particulièrement attentif aux implications économiques des dispositions que nous adoptons, je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 465 est présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 813 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 41
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 465.
M. Daniel Salmon. On me fait remarquer que le Gouvernement a déposé un amendement identique à celui-ci : comme quoi, les choses évoluent ! (Sourires.)
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 41 de l’article 1er, qui impose des allégements fiscaux, donc une baisse des recettes publiques. Nous sommes tous conscients que l’état de nos finances ne nous le permet pas. Ce texte doit consacrer un renforcement du soutien de l’État à l’agriculture ; il sera difficile de le financer en cas de perte de recettes fiscales !
Par ailleurs, nous nous opposons à l’objectif de réduction du coût du travail figurant également à cet alinéa, qui se traduirait par une réduction des salaires et de la protection sociale des travailleurs des secteurs agricole et agroalimentaire. Les professionnels de ces secteurs étant déjà mal payés, il y a lieu de s’inquiéter. Il convient au contraire d’inscrire dans la loi des objectifs d’amélioration des revenus et de la protection sociale de l’ensemble des actifs agricoles.
Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 41, qui a été ajouté au texte par la commission des affaires économiques du Sénat ; nous sommes opposés à ces dispositions pour deux raisons.
Premièrement, sur la forme, je ne peux pas soutenir des mesures qui engagent financièrement le Gouvernement dans un périmètre qui n’est pas défini. Le prochain budget sera probablement aussi contraint que celui qui a été adopté pour 2025.
M. Guillaume Gontard. Plus !
Mme Annie Genevard, ministre. Il le sera peut-être même davantage, en effet. Il ne semble donc pas raisonnable d’engager le Gouvernement à l’aveugle.
Deuxièmement, sur le fond, penchons-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le texte de cet alinéa : « veiller à mettre en œuvre une fiscalité compatible avec l’objectif d’amélioration du potentiel productif agricole, notamment en allégeant la fiscalité sur l’énergie, dont le carburant, » – je vous renvoie sur ce point à ce que nous faisons pour le gazole non routier (GNR) – « en exonérant de taxes et impôts les indemnisations en cas de crises sanitaires en élevage, » – je vous réponds que je viens de sauver in extremis des conséquences de l’adoption de la motion de censure 150 millions d’euros d’aides pour l’élevage bovin, qui seront mobilisées dès à présent – « en allégeant de façon pérenne le coût du travail, notamment temporaire » – songez au dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE) – « et en ramenant la fiscalité du foncier agricole et de sa transmission » – sur ce dernier point, je vous rappelle l’existence prolongée du pacte Dutreil.
Pourquoi voulez-vous inscrire dans la loi ce qui existe déjà dans le budget ? Près d’un demi-milliard d’euros est déjà consacré à ces objectifs. Je comprends mal cette redondance.
En tout état de cause, j’émettrai un avis défavorable sur tous les amendements de nature budgétaire, car ce texte de programmation n’est pas fait pour cela. Aucune étude d’impact n’ayant été réalisée, je ne saurais m’engager à l’aveugle comme l’imposerait la formulation de l’alinéa 41.
Aussi, je vous demande de voter cet amendement de suppression de cet alinéa.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous travaillons sur ce texte depuis neuf mois. Quand nous nous y sommes attelés, les objectifs inscrits à l’alinéa 41 étaient absolument d’actualité.
Ils le sont peut-être un peu moins aujourd’hui, compte tenu de ce qui figure dans le projet de loi de finances que l’on peut considérer aujourd’hui comme adopté par l’Assemblée nationale. Mais je vous rappelle que nous examinons ici un article programmatique : rien n’empêche d’y fixer des orientations. Les dispositions d’un tel article ne peuvent être déclarées irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.
Ces orientations ne sont pas des one shot ; elles s’inscrivent dans le temps long. La réduction de la fiscalité sur le GNR doit se faire dans la durée, de même que les exonérations de taxe dans le domaine de l’élevage. Nous définissons simplement des orientations programmatiques pour améliorer les revenus et la souveraineté.
Il est normal que des dispositions de caractère économique ou fiscal soient intégrées aux objectifs de compétitivité et de souveraineté. Cela n’engage en rien le Gouvernement d’un point de vue budgétaire, puisque c’est programmatique. C’est d’ailleurs pour cela que la commission des finances a estimé que l’article 40 ne s’opposait pas à l’amendement déposé en commission tendant à insérer cet alinéa dans l’article 1er.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Je tiens à prolonger mon argumentation : un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a montré que l’efficacité des dispositifs relatifs à la cession et à la transmission était limitée et invite à faire évoluer les dispositifs fiscaux.
Cette étude est intéressante. Elle a été présentée aux Jeunes Agriculteurs, qui se sont montrés très réceptifs à l’idée de rendre la fiscalité plus opérationnelle pour favoriser les installations et faciliter les cessions.
Quand les parlementaires adoptent des allégements de charges, ils le font dans un contexte économique donné, qui peut être amené à évoluer. Inscrire de tels dispositifs dans une loi d’orientation fige exagérément les choses. Cette vision ne tient pas compte du principe d’annualité budgétaire et de la nécessité d’adapter nos outils fiscaux à la réalité économique de l’agriculture. C’est une raison supplémentaire pour laquelle je ne suis vraiment pas favorable à cet alinéa.
Il se trouve que la réalité de la politique fiscale actuelle correspond très exactement à l’énoncé retenu par la commission. Si tel est le cas, il est inutile de l’écrire ici, d’autant que, si des dispositions différentes se révélaient nécessaires à l’avenir, votre rédaction deviendrait complètement obsolète.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la ministre, les conclusions du CGAAER sont parfaitement traduites par la fin de l’alinéa 41 : « en ramenant la fiscalité du foncier agricole et de sa transmission dans la moyenne européenne afin de favoriser les installations ».
Peut-être, comme vous le dites, que cela ne correspondra pas à la réalité dans vingt ans. Mais franchement, qui peut objectivement croire que tout ce que nous allons voter ce soir sera toujours pertinent dans vingt ans ?
Je vous rappelle que ce texte d’orientation comprend des dispositions sur le statut du chien de troupeau… La pression fiscale et les leviers dont dispose l’État en la matière pour améliorer le potentiel productif de notre pays ont-ils si peu de sens qu’ils ne puissent être mentionnés dans une loi d’orientation ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s’agit d’orientations, pas d’objectifs chiffrés ! Cet alinéa n’impose pas au Gouvernement de dépenser chaque année plusieurs centaines de millions d’euros. Il donne simplement des orientations qu’il nous semble important de mentionner pour rester compétitifs vis-à-vis de nos concurrents européens. Cela ne constitue pas une injonction à l’égard du Gouvernement et encore moins une définition du montant à dépenser.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de ne pas adopter ces deux amendements identiques de suppression de l’alinéa 41. Contrairement à vous, madame la ministre, je considère qu’il a toute sa place dans un article programmatique.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Sur ce coup, je suis d’accord avec le rapporteur. Depuis un an, nos agriculteurs se débattent. Ils ont besoin qu’on leur donne des perspectives pour envisager un monde meilleur. Je comprends le principe d’annualité budgétaire, mais le fait d’afficher noir sur blanc, pour ce qui est d’espèces sonnantes et trébuchantes, notre volonté de les accompagner va quand même les rassurer !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 465 et 813.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 314 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et M. Weber, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 41
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° De définir des dispositifs d’indemnisation des producteurs en agriculture biologique ou à bas niveaux d’intrants touchés par des destructions de lots en lien avec des contaminations dont ils ne sont pas responsables.
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à prévoir des dispositifs de soutien et d’indemnisation pour les producteurs en agriculture biologique ou à bas niveau d’intrants dont les récoltes sont contaminées, malgré eux, par des produits phytosanitaires.
On répondrait ainsi à une demande ancienne de la filière bio face au constat que le seul moyen existant aujourd’hui d’indemniser un agriculteur dans cette situation est le recours à l’assurance responsabilité civile du responsable identifié. Dans les cas de contamination par des produits phytosanitaires volatils ou rémanents, il est impossible d’identifier précisément le responsable, donc d’obtenir une indemnisation.
En conséquence, nombre de victimes subissent des pertes sans aucune possibilité d’action. La filière sarrasin bio constitue à cet égard un exemple frappant : entre 2020 et 2022, la contamination par le prosulfocarbe a touché près de 140 exploitations, pour 550 tonnes détruites et des pertes estimées à 550 000 euros.
Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise ainsi à inscrire dans la loi un dispositif d’indemnisation des producteurs en agriculture biologique ou à bas niveaux d’intrants dont des lots sont détruits à cause de contaminations dont ils ne sont pas responsables.