Mme la présidente. L’amendement n° 311 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 31
Supprimer les mots :
des nouvelles techniques génomiques,
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à supprimer de l’alinéa 31 de l’article 1er, où figure la liste des priorités à donner en matière de recherche et d’innovation, la mention du développement des nouvelles techniques génomiques (NTG).
Ces techniques ne figurent pas actuellement à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Nous nous interrogeons sur la volonté de procéder à cet ajout dans le cadre de ce projet de loi, alors même que cette question fait encore l’objet de trop de controverses, en raison des enjeux relatifs à la brevetabilité du vivant et à l’accaparement de ce dernier par de grandes multinationales semencières.
Nous avons pu constater que notre amendement a suscité une levée de boucliers de la part d’une partie bien précise du monde agricole, qui s’est fendue d’un courrier pour en dénoncer la portée. Je tiens d’emblée à préciser que nous sommes ouverts à la recherche scientifique. Le présent amendement ne vise pas à interdire les nouvelles techniques génomiques en France. Il a seulement pour objet de ne pas en faire une des priorités de la recherche au vu des inquiétudes suscitées par leur culture et par leur commercialisation.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), par des travaux publiés en mars 2024, a mis en évidence ces préoccupations. L’Anses souligne que les risques sanitaires et environnementaux des nouvelles techniques génomiques « ne sont pas radicalement différents de ceux découlant des techniques » relatives aux organismes génétiquement modifiés (OGM), mais aussi que « le niveau d’exposition aux plantes obtenues pourrait être beaucoup plus important ». L’Anses recommande ainsi « une évaluation au cas par cas » et l’ouverture au plus vite d’un débat qui « engagerait des choix de société, car différents impacts économiques et sociétaux sont aussi dans la balance ».
Certes, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a émis un avis différent, mais cette conclusion n’a pas empêché les États membres de ne pas trouver d’accord sur le sujet en juin 2024.
En tout état de cause, ces différences d’approche dans la communauté scientifique démontrent le trouble suscité par les NTG et le manque de recul que nous pouvons avoir sur elles. Dans ce contexte, le principe de précaution doit s’appliquer. Aussi, nous appelons à l’ouverture d’un débat public entièrement consacré à ce sujet.
Nous proposons donc la suppression de l’inscription proposée des NTG à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, qui nous semble précipitée en l’absence du débat préalable que nous souhaitons.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 466 et 311 rectifié ter.
Elle est en revanche favorable à l’amendement n° 310 rectifié ter, qui a pour objet le suivi et la préservation de la qualité des sols. En effet, je voudrais bien que l’on réalise des diagnostics des sols de toutes les cultures, traditionnelles comme biologiques, de façon à comparer les résultats. Ceux-ci, mes chers collègues, pourraient nous étonner…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. L’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 466 est également défavorable.
La santé des sols, qui fait l’objet de l’amendement n° 310 rectifié ter, est aujourd’hui un impensé. On sait pourtant que cette question prendra de plus en plus d’importance. Le texte initial contenait, à l’article 9, une disposition visant à établir un diagnostic des sols, mais elle a été supprimée de manière assez unanime à l’Assemblée nationale au motif que ce diagnostic aurait incombé au seul repreneur : cette démarche, très coûteuse, aurait pu avoir un effet dissuasif.
Toutefois, du fait de l’importance des enjeux de la santé des sols, de leur préservation et de leur restauration, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 310 rectifié ter.
L’amendement n° 311 rectifié ter, quant à lui, vise à supprimer la référence aux NTG, aussi appelés New Breeding Techniques (NBT). Pour ma part, il me semble qu’aucune confusion ne peut avoir lieu à ce stade avec les OGM. Je me méfie d’un débat public en la matière, tant la question, qui suscite des désaccords, est éminemment technique et appelle le regard de scientifiques.
À ceux qui, parmi vous, souhaitent pour nos plantes une moindre consommation en eau, les NTG peuvent apporter des réponses concrètes en la matière. Cette source féconde de solutions ne doit pas être tarie avant même que de sérieuses hypothèses de développement n’en découlent.
Par conséquent, je suis très défavorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 311 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 254 rectifié ter est présenté par M. Bleunven, Mme Billon, M. Chasseing, Mme Jacquemet, M. Levi, Mme Saint-Pé et MM. de Nicolaÿ et Kern.
L’amendement n° 704 rectifié est présenté par MM. Gremillet et Rietmann, Mme Belrhiti, MM. Panunzi, Khalifé, Sol et Brisson, Mme Berthet, MM. Burgoa, Klinger et de Legge, Mme Malet, M. H. Leroy, Mmes Micouleau, Demas et Ventalon, MM. Chatillon, Bruyen, Belin, Genet, Somon et Bacci, Mme Dumont, M. Pointereau, Mmes Bellurot, Drexler et Josende, M. Sido, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Imbert, MM. Reynaud et Cuypers, Mme Richer et MM. Lefèvre, D. Laurent, Milon et P. Vidal.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 31
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° De maintenir un haut niveau de protection des cultures, notamment dans le cadre du principe refusant des interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces apportées aux agriculteurs ;
La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l’amendement n° 254 rectifié ter.
M. Yves Bleunven. Cet amendement a pour objet d’inscrire parmi les finalités des politiques publiques le principe suivant : pas d’interdiction sans solution.
En effet, certaines filières manquent, depuis plusieurs années déjà, de moyens de protection pour leurs cultures, phénomène qui va encore s’accentuer avec le changement climatique et l’apparition de nouvelles maladies et de ravageurs. C’est pourquoi il est essentiel que les politiques de préservation de nos moyens de production deviennent prioritaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 704 rectifié.
M. Daniel Gremillet. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Pas d’interdiction sans solution : ce principe ne fait qu’amplifier le principe de non-surtransposition que nous avons adopté ; nous y sommes donc très favorables, mais la commission s’en remettra à la sagesse de notre assemblée sur ces deux amendements identiques. Cette sagesse, si je puis dire, ne pourra être que favorable !
M. Roger Karoutchi. C’est la sagesse positive ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Ces amendements identiques visent à introduire parmi les priorités des politiques publiques agricoles le maintien d’un haut niveau de protection des cultures. Nous ne saurions y être défavorables : sans préservation, pas de production.
Leurs auteurs, dans l’esprit du principe : « Pas d’interdiction sans solution », souhaitent empêcher les interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces apportées aux agriculteurs.
Vous n’ignorez pas, messieurs les sénateurs, qu’un acteur est déjà chargé de juger de l’opportunité de ces interdictions : l’Anses. Le législateur ne peut pas interdire à cette agence de prononcer des interdictions : il n’a pas la main !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avec ce qu’on va voter, ça ira mieux !
Mme Annie Genevard, ministre. Même si je suis absolument d’accord avec cette déclaration de principes, elle ne résistera pas à l’analyse de la réalité des faits. Ni vous ni moi n’autorisons ni n’interdisons ces produits !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous pourrions…
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avant 2014, c’était possible !
Mme Annie Genevard, ministre. … sauf à changer la loi. Comme vous le savez, l’Anses est seule habilitée à publier les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et ce sans qu’interviennent des considérations économiques.
J’ai néanmoins l’ambition d’apporter des réponses à ce problème. Ainsi, je souhaite demander à cette agence de prioriser le traitement des dossiers concernant des filières qui connaissent une grande urgence. Cette mesure figure d’ailleurs dans la proposition de loi de MM. Duplomb et Menonville ; elle sera complétée par un décret sur lequel nous travaillons.
En somme, si votre idée est séduisante, messieurs les sénateurs, elle ne fonctionne pas, elle ne vole pas !
La question relève en outre largement du droit communautaire, comme vous le savez tous.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Certains produits interdits en France sont autorisés ailleurs en Europe !
Mme Annie Genevard, ministre. L’AESA autorise, à l’échelle européenne, la mise sur le marché de substances pharmaceutiques ; l’Anses ne fait que décliner, à l’échelle nationale, ces décisions pour des produits commerciaux. On ne peut pas échapper à la réalité de ce fonctionnement.
C’est en vous priant de garder à l’esprit ces observations, mesdames, messieurs les sénateurs, que je m’en remets à la sagesse de votre assemblée sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, votre avis de sagesse est tout sauf sage !
En confiant à l’Anses, comme vous l’avez expliqué, le soin d’accorder les autorisations de mise sur le marché, on a affirmé – c’est tout de même assez fondamental ! – le primat de la santé humaine et de la biodiversité sur le rendement. Au travers de ces amendements, nous renverserions complètement les priorités. Ce constat est assez dramatique !
J’entends souvent dire qu’il faudrait laisser du temps passer afin de trouver des solutions avant d’interdire, mais je voudrais à ce propos vous citer un exemple. L’autorisation de mise sur le marché du flufénacet, pesticide de l’ordre des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), a expiré en 2013. Il s’est donc écoulé déjà pas mal de temps depuis lors ; pourtant, de dérogation en dérogation, ce produit est toujours épandu sur les cultures, alors même qu’il s’agit d’un perturbateur endocrinien.
Il faut savoir définir ses priorités. Le principe « pas d’interdiction sans solution » me paraît vraiment très dangereux. Nous en payons déjà les conséquences et les paierons plus chèrement encore à l’avenir. En Bretagne, nous trouvons dès à présent du S-métolachlore sur toutes les terres, ainsi que du prosulfocarbe. Les pesticides sont partout dans l’environnement et nous en portons tous les traces sur nous-mêmes, dans nos cheveux comme dans chacune de nos cellules.
Certains pensent que tout va bien et qu’il faut poursuivre la fuite en avant, toujours plus vite, vers un modèle technosolutionniste employant toujours plus de pesticides. Comme vous l’avez compris depuis longtemps, ce n’est pas le modèle que je défends, car il nous mène vers des lendemains qui déchanteront très durement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Deux questions se posent dans le débat sur ces amendements.
La première porte sur les priorités qui sont retenues en la matière. Nous en avons déjà débattu la semaine dernière dans cet hémicycle. L’expérience nous montre que des choix sont faits parmi les dossiers qui s’empilent à l’Anses ou ailleurs. On en examine certains plus rapidement que d’autres. Il y a des traitements qui ne sont toujours pas autorisés, parce que, délibérément, on a fait le choix de ne pas réaliser les études nécessaires : ils ont été mis en bas de la pile. Il faut définir les priorités qui doivent présider à l’examen des demandes.
En second lieu, madame la ministre, nous ne proposons nullement, par ces amendements, d’autoriser la commercialisation de produits dangereux pour la santé. S’ils le sont en France, ils le sont aussi ailleurs en Europe !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Bien sûr !
M. Daniel Gremillet. En revanche, nous ne pouvons pas imaginer qu’on laisse les agriculteurs français sans solution alors que leurs homologues implantés de l’autre côté de la frontière, mais écoulant leur production sur le même marché européen, ont accès à ces produits !
Je pourrais consentir au système actuel à une seule condition : il faudrait avoir la certitude qu’aucun bien en provenance d’un pays extérieur à l’Union européenne ne contiendra la moindre trace de produits que nous interdisons pour sauver les cultures françaises. Dans le cas contraire, il s’agirait d’une tromperie à l’égard des consommateurs et d’une double peine pour les agriculteurs. Il faut prendre des engagements !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, il me semble que nos opinions concordent parfaitement ! Or vos propos pourraient laisser croire à une divergence, à la possibilité d’enfoncer un coin entre votre opinion et la mienne… (Sourires.)
M. Jean-François Husson. Impossible ! (Sourires.)
Mme Annie Genevard, ministre. Exactement ! Vous proposez, monsieur Gremillet, « de maintenir un haut niveau de protection des cultures » – nous sommes d’accord –, « notamment dans le cadre du principe refusant des interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces apportées aux agriculteurs ». La potentielle dangerosité de ces produits n’est mentionnée nulle part dans cette phrase.
Si vous aviez précisé que vous visez les produits phytopharmaceutiques autorisés, ou reconnus comme non dangereux, par l’Europe, nous aurions été d’accord, mais vous ne pouvez pas plaider pour l’utilisation de produits phytopharmaceutiques potentiellement dangereux au seul motif qu’il n’y aurait pas de solutions de substitution économiquement viables. Ce n’est pas possible !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Daniel Gremillet a essayé d’expliquer, poliment, que les agriculteurs ne peuvent plus accepter des surtranspositions.
M. Vincent Louault. Or ces surtranspositions s’enchaînent ! Par un auto-allumage administratif, l’Anses rédige un petit avis, l’envoie à Bruxelles – comme pour les NTG – et met un bazar énorme à l’AESA. Tous les scientifiques montent au créneau, l’Anses est obligée de se rétracter, et ainsi de suite : ce n’est pas une façon correcte de procéder ! L’Anses ne doit pas être le « poil à gratter » européen de la surtransposition, elle ne doit forcer la main de personne !
Combien de fois Marc Fesneau nous ne nous a-t-il pas dit : « Ne vous inquiétez pas, l’acétamipride sera interdite à l’échelle européenne, je suis en avance de phase, il faut attendre, ça va venir ! » ? On attend toujours puisque l’AESA a reconduit son autorisation jusqu’en 2033 ! Voilà la réalité : il a menti pendant des mois aux producteurs, c’est grave !
Oui, madame la ministre, seule l’Anses est habilitée à délivrer des autorisations de mise sur le marché, c’est une évidence. Oui, inscrire un slogan dans un texte de loi n’est pas réellement viable. Mais les agriculteurs n’en peuvent plus de cette surtransposition ! Si vous pouviez mettre un terme aux velléités d’auto-allumage de l’Anses, cela simplifierait la vie de chacun et ramènerait un peu de calme dans le pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Tout à l’heure, quand nous avons défendu des amendements visant à trouver des moyens de réduire le recours aux intrants et aux produits phytosanitaires, on nous a répondu que ce n’était pas nécessaire, que cet article n’était pas le bon endroit où faire figurer ces dispositions. Or vous voilà prêts, mes chers collègues, à y inscrire une disposition sur le même sujet, mais dans le sens inverse ! J’aimerais bien comprendre quelles règles président à ce que l’on peut mettre ou non dans l’article 1er de ce texte…
Ces amendements identiques n’ont absolument pas pour objet les surtranspositions. Ils visent simplement à autoriser toute solution chimique dès lors qu’elle existe : c’est un vrai problème !
En effet, comme Mme la ministre l’a très justement relevé, ce serait nous mettre hors la loi. Pour qu’un produit puisse être autorisé, il faut obtenir l’accord préalable de l’Anses.
Alors, madame la ministre, pourquoi avoir émis un avis de sagesse ? Quel message envoyez-vous ? Allez-vous encore respecter les avis sanitaires de l’Anses, ou cela vous pose-t-il problème ? Il s’agit tout de même de questions de santé ! L’Anses, heureusement, est une instance indépendante, et il est très bienvenu que nous puissions de la sorte avoir confiance en ses décisions. Cet avis de sagesse, si flou, est particulièrement inquiétant.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. L’un des avantages de ces amendements identiques est de poser un principe. Le texte poursuivra ensuite sa vie : l’Assemblée nationale l’a examiné, c’est à présent le tour du Sénat, puis une commission mixte paritaire se réunira, puisque la procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement. Le rôle du Sénat dans ce parcours, c’est, si je puis dire, d’apposer sa patte sur ce texte, d’y inscrire des principes, d’y mettre sa marque. S’il faut ensuite l’améliorer, le rendre juridiquement acceptable, ce sera toujours possible en commission mixte paritaire : je vous fais confiance, madame la ministre !
Je voterai donc ces amendements et j’invite mes collègues à en faire autant.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 254 rectifié ter et 704 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 709 rectifié, présenté par MM. Lahellec et Gay, Mmes Margaté, Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Rédiger ainsi cet alinéa
« 12° De mettre en place un régime public et universel de prévention, d’assurance et de gestion des risques en agriculture, incluant la protection contre l’ensemble des aléas climatiques, sanitaires et environnementaux ;
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Nous proposons la création d’un régime public et universel de prévention, d’assurance et de gestion des risques en agriculture, incluant la protection contre l’ensemble des aléas climatiques, sanitaires et environnementaux.
Ce dispositif garantirait une couverture équitable pour tous les agriculteurs, renforçant par là même la résilience et la solidarité nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cet amendement vise à remettre en route le système des calamités agricoles, dont plus personne ne veut entendre parler, sauf dans certains territoires dont nous essayons de résoudre les problèmes, notamment au travers de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, que nous avons adoptée la semaine dernière. Nous nous efforçons en particulier de régler les injustices liées à des modes de mesure des dommages différents selon les territoires ou les cultures. Par ailleurs, nous avons aussi voté un texte relatif à l’assurance récolte, même s’il n’est pas parfait.
Remettre ce système en route comme vous le proposez dans cet amendement apparaît en tout cas relativement compliqué. Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à réformer le dispositif de l’assurance récolte et des calamités agricoles.
En 2023, une réforme ambitieuse et pionnière de l’assurance récolte a été déployée, dotée d’un budget important et inédit de 680 millions d’euros par an. Ce nouveau dispositif est plus attractif et permet, quand il fonctionne convenablement, à chaque exploitant d’accéder à une couverture assurantielle renforcée.
Le bilan est positif, même s’il n’est pas parfait, puisque plusieurs éleveurs et agriculteurs demandent des améliorations. Il faut notamment pouvoir organiser les recours et travailler, avec les assureurs, pour améliorer la fiabilité de l’indice Airbus. Nous nous y employons, conformément à l’engagement pris auprès des agriculteurs.
Quoi qu’il en soit, il ne me paraît pas raisonnable de réformer un dispositif aussi récent et aussi prometteur. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Lahellec, l’amendement n° 709 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Lahellec. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 709 rectifié est retiré.
L’amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mmes M. Carrère et Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Après le mot :
durable
insérer les mots :
, concourant notamment à la qualité des services à la population,
La parole est à M. Philippe Grosvalet.
M. Philippe Grosvalet. Dans le cadre de la politique d’installation et de transmission en agriculture, nous proposons par cet amendement de reconnaître l’importance de la qualité des services à la population dans les territoires ruraux.
En effet, celle-ci influe directement sur la sélection d’un territoire par rapport à un autre lors de la définition par le jeune agriculteur de son lieu d’installation, notamment pour les parents de jeunes enfants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Dans la mesure où il s’agit de concourir « à la qualité des services à la population », notre avis initialement défavorable pourrait évoluer vers un avis de sagesse…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 567, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Après le mot :
durable,
Insérer les mots :
en concourant à la déspécialisation des territoires,
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Je suis sidéré par ce qui se passe ici ce soir : après l’Office français de la biodiversité (OFB), qui a été mollement défendu, c’est au tour de l’Anses d’être méprisée. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous vivons un moment plus qu’inquiétant…
Cet amendement vise à inscrire dans l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime un objectif de déspécialisation des territoires.
Les impacts négatifs de la spécialisation des territoires sont nombreux : pollutions de l’eau, algues vertes dans les régions excédentaires en élevage – je connais particulièrement ce sujet –, difficultés à développer des systèmes alimentaires territorialisés, ou encore recours accru à des intrants de synthèse.
Favoriser une diversification des activités agricoles dans les territoires, en particulier une meilleure répartition spatiale des activités d’élevage, ainsi qu’une complémentarité renforcée entre productions animales et végétales, est une nécessité pour améliorer la souveraineté alimentaire et assurer la transition écologique de l’agriculture.
La redistribution spatiale des activités d’élevage doit être planifiée et accompagnée. Cela permettrait de poser la question des besoins infrastructurels et techniques indispensables à sa réalisation au niveau des territoires, à la fois en termes qualitatifs – compétences, fonctions – et quantitatifs – nombre d’emplois ou d’infrastructures nécessaires.
Une planification par des acteurs publics, mais aussi privés, est déterminante pour définir une trajectoire et assurer les moyens nécessaires : je pense à des expérimentations de restructurations-diversifications de fermes, ou encore au financement d’outils de transformation, notamment d’abattoirs locaux.
Lors des concertations mises en place en vue de l’élaboration de ce projet de loi, la question de la diversification avait fait l’objet d’un consensus.
Les politiques publiques doivent donc accompagner cette déspécialisation tout en veillant à prendre en compte les spécificités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est défavorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Il est également défavorable, car la déspécialisation ne saurait être un objectif universel, applicable à tous les territoires. Certains territoires sont spécialisés. C’est le cas du mien, qui est un territoire d’élevage. On y élève des montbéliardes pour le lait et la fabrication du comté. La diversification n’a pas de sens en soi. Si elle est pertinente, pourquoi pas, mais il serait inapproprié d’en faire une panacée.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La déspécialisation peut pourtant constituer un objectif très intéressant. Ma région, la Bretagne, est une terre d’élevage, mais nous avons trop de nitrates – Simon Uzenat connaît bien cette problématique. Les plans nitrates s’enchaînent, en vain. A contrario, l’est de la France manque d’engrais azotés. Il y a donc un problème de répartition, qui ne se posait pas auparavant.
Pour qu’un certain nombre d’industries agroalimentaires réalisent des économies d’échelle, tout a été concentré sur certains territoires, qui étouffent aujourd’hui de ce manque de diversification. Cela entraîne également une augmentation des besoins de transport et, partant, de nombreuses nuisances pour l’environnement.
Certes, les régions françaises doivent garder leurs spécificités, mais la diversification doit aussi être un objectif. On le voit bien dans le secteur viticole, où la monoculture et l’hyperspécialisation conduisent à une grande fragilité et empêchent la résilience. Dans les régions viticoles à 100 %, en cas de problèmes sanitaires dans les vignes ou de baisse des exportations pour des raisons géopolitiques, c’est toute une économie qui s’effondre.
Je maintiens donc mon amendement, car cet objectif est indispensable pour atteindre une vraie souveraineté et permettre une vraie résilience.