Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à définir un cadre légal proportionné pour l’utilisation de drones en milieu pénitentiaire. Il s’agit de répondre aux défis croissants liés à la sécurité carcérale, tout en garantissant un strict respect des libertés fondamentales.
Ce dispositif, s’il était appliqué avec rigueur, pourrait constituer une avancée significative dans la lutte contre la criminalité en milieu pénitentiaire.
Nous proposons d’instaurer un encadrement juridique rigoureux de l’usage des drones, qui serait soumis à l’octroi d’une autorisation écrite et motivée délivrée par le directeur interrégional des services pénitentiaires, pour une durée maximale de trois mois renouvelables. Des contrôles renforcés sont prévus. Un registre serait tenu pour garantir la transparence des interventions.
La solution technologique proposée a déjà été testée. Elle est inspirée des dispositifs utilisés par les forces de sécurité intérieure.
Cet amendement vise à garantir un équilibre entre sécurité et libertés fondamentales. L’objet est non pas d’instaurer une surveillance généralisée, mais de fournir des outils ciblés, encadrés et proportionnés pour protéger les établissements pénitentiaires.
Par cet amendement, nous souhaitons apporter une réponse pragmatique et équilibrée aux enjeux de sécurité carcérale, tout en respectant les exigences démocratiques et les libertés fondamentales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 171 rectifié, présenté par Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Bourgi, Mmes Narassiguin et Linkenheld, MM. Chaillou, Kerrouche et Roiron, Mmes Carlotti, Conconne et Daniel, MM. Kanner et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, MM. Ros, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 113-2 du code pénitentiaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La formation initiale des personnels de l’administration pénitentiaire comprend une action de formation dédiée aux risques de corruption et aux réponses à y apporter. »
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à renforcer la lutte contre la corruption en milieu carcéral en inscrivant dans la loi une obligation de formation initiale pour les fonctionnaires pénitentiaires sur les risques de corruption et les moyens d’y répondre.
La corruption en prison est un fléau sous-estimé. Les établissements pénitentiaires sont particulièrement exposés aux tentatives de corruption, en raison de la proximité entre les détenus et les personnels, de la promiscuité des lieux et de la forte pression exercée par les réseaux criminels.
Les formations ponctuelles, même si elles sont nécessaires, restent insuffisantes. La formation initiale constitue un moment clef pour ancrer des réflexes professionnels et éthiques solides.
Une meilleure préparation des personnels permettrait de réduire les vulnérabilités face aux pressions extérieures et d’améliorer la détection des comportements suspects. Cette formation permettrait également de mieux protéger les fonctionnaires eux-mêmes face aux sollicitations et aux risques de dérive.
En inscrivant cette obligation de formation dans le code pénitentiaire, nous nous assurerions que celle-ci sera mise en œuvre de manière systématique et pérenne, au-delà des politiques de gestion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 23, modifié.
(L’article 23 est adopté.)
Après l’article 23
M. le président. L’amendement n° 239, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 434-35-1 est ainsi rédigé :
« Art. 434-5-1. - Est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait, sans motif légitime, de s’introduire ou de tenter de s’introduire sur le domaine affecté à un établissement pénitentiaire.
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait, dans les mêmes conditions, de pénétrer dans un établissement pénitentiaire ou d’en escalader l’enceinte. » ;
2° À l’article 711-1, les mots : « la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels » sont remplacés par les mots : « la loi n° … du … visant à sortir la France du pièce du narcotrafic ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Nous voulons sanctionner les intrusions sur le domaine pénitentiaire sans motif légitime, en créant une nouvelle infraction au sein du code pénal.
En 2024, on a enregistré 44 000 projections et 1 000 survols. Près de 50 000 téléphones portables ont été saisis, une partie d’entre eux ont été introduits par des intrusions non légitimes dans le domaine carcéral.
Il n’existait pas d’infraction : par cet amendement, nous en créons une.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Nous sommes favorables sur le principe, mais nous n’avons pas bien compris ce que recouvrait le « domaine affecté à un établissement pénitentiaire ». Où ce domaine commence-t-il ? Le parking devant la prison en fait-il partie ?
Nous souhaiterions obtenir, avant de nous prononcer, des précisions de la part du ministre sur cette notion.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le lieu carcéral est en général assez clairement matérialisé. La notion de domaine affecté à un établissement pénitentiaire doit s’entendre comme les emprises militaires ou les emprises de l’éducation nationale.
Lorsqu’un événement a lieu à quelques mètres d’un établissement scolaire, le juge retient la circonstance aggravante, quand bien même cet événement a eu lieu sur le domaine public et non à l’intérieur même de l’école.
Nous laisserons faire la jurisprudence pour définir dans le détail ce qui relève du domaine pénitentiaire.
Son régime sera similaire à celui des emprises militaires, du domaine de l’éducation nationale, ou encore des lieux de culte puisque je rappelle que la loi de séparation des églises et de l’État a créé un domaine cultuel particulier et que celui-ci est protégé par la loi – certaines infractions sont ainsi prévues en la matière.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Durain, rapporteur. Nous remercions le Gouvernement pour ces explications utiles. Nous comprenons mieux l’objet de l’amendement et émettons un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 23.
L’amendement n° 58 rectifié bis, présenté par MM. Masset et Bilhac, Mmes Briante Guillemont, M. Carrère et Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve et MM. Roux, Cabanel, Daubet, Gold, Grosvalet et Fialaire, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Le B est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un établissement pénitentiaire au sens de l’article L. 112-1 du code pénitentiaire se situe à proximité du lieu d’installation envisagé, le dossier mentionné au premier alinéa est également transmis au chef dudit établissement. Le chef d’établissement pénitentiaire communique au maire son avis sur la compatibilité du projet avec le bon fonctionnement des dispositifs techniques de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées déployés dans l’établissement. Le maire ou le président de l’intercommunalité ne peut délivrer l’autorisation d’urbanisme correspondante avant la réception de cet avis. » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’un établissement pénitentiaire au sens de l’article L. 112-1 du code pénitentiaire se situe à proximité du lieu d’exploitation, ce dossier d’information est également transmis au chef dudit établissement. » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’information des chefs d’établissement pénitentiaire mentionnée aux deuxième et au troisième alinéas du présent B s’effectue selon des modalités définies par décret. Ce décret définit également le périmètre géographique sur lequel cette obligation s’applique. » ;
2° Le F est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’installation radioélectrique existante ou projetée se situe à proximité d’un établissement pénitentiaire au sens de l’article L. 112-1 du code pénitentiaire, le chef dudit établissement participe à l’instance de concertation. »
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Cet amendement vise à renforcer l’efficacité des dispositifs de brouillage des communications mobiles dans les établissements pénitentiaires.
L’efficacité de ces systèmes peut être compromise par l’installation ou la rénovation d’antennes relais à proximité des établissements carcéraux sans que l’administration pénitentiaire en soit informée. Ce manque de coordination est préjudiciable.
Pour remédier à cette situation, nous proposons d’introduire dans la loi une obligation d’information renforcée de l’administration pénitentiaire en cas de projet de construction ou de rénovation d’une antenne. Les opérateurs seraient tenus de transmettre au chef de l’établissement pénitentiaire concerné le dossier d’information habituellement communiqué au maire lors de la demande d’autorisation d’urbanisme. Celui-ci pourrait émettre un avis sur la compatibilité du projet avec le fonctionnement des systèmes de brouillage existants qui serait ensuite transmis au maire et aux services compétents. Tous ces acteurs participeraient de droit aux instances de concertation prévues dans le cadre de ces projets.
Cette mesure s’inscrit dans la droite ligne de cette proposition de loi, qui vise à lutter partout contre le narcotrafic, et notamment dans les prisons, depuis lesquelles sont organisés nombre de trafics grâce à des téléphones pourtant interdits.
L’adoption de cet amendement permettra de faciliter l’action des équipes pénitentiaires, dont je veux saluer le courage et le travail. La semaine dernière, j’ai ainsi eu le plaisir de faire part, en votre présence, monsieur le garde des sceaux, aux élèves de l’École nationale d’administration pénitentiaire (Enap), à Agen, de mon admiration pour l’engagement dont ils font preuve.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. La commission d’enquête a passé beaucoup de temps à essayer de comprendre comment fonctionnent les brouilleurs, dans quelles conditions ils sont efficaces et dans quelles conditions ils sont mis en échec. Ce sujet a constitué un point d’interrogation constant de nos travaux.
Notre collègue Michel Masset, qui a participé activement à la commission d’enquête, attire notre attention sur un sujet intéressant, celui de l’information de l’administration pénitentiaire en cas d’installation d’une antenne relais à proximité d’un établissement pénitentiaire.
Il s’agit d’un amendement de bon sens : on ne peut que s’étonner que l’administration pénitentiaire soit parfois la dernière informée, voire qu’elle ne soit pas informée du tout de ces projets, qui peuvent pourtant altérer le fonctionnement des dispositifs de brouillage.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je souhaiterais compléter l’intervention de Jérôme Durain.
C’est vrai, cette question a été pour nous une source de préoccupations constante. Nous avons même interrogé à plusieurs reprises le garde des sceaux pour connaître les raisons du dysfonctionnement des systèmes de brouillage.
Vous le savez tous, il y a même eu des reportages à la télévision sur ce sujet, beaucoup de narcotrafiquants peuvent non seulement continuer de gérer leurs trafics depuis leur cellule de prison, mais aussi commanditer des homicides, autrement appelés « narchomicides ».
Pour aller au-delà des réponses données par le ministre, nous avons visité un certain nombre d’établissements pénitentiaires, notamment celui d’Aix-Luynes, d’où étaient parties les instructions ayant conduit au meurtre d’un chauffeur d’un véhicule de transport avec chauffeur (VTC) par un jeune homme à la place d’une autre cible, qui lui avait été désignée par une personne incarcérée pour éliminer un concurrent. Le commanditaire lui-même, depuis sa prison, a ensuite appelé la police pour dénoncer l’auteur de cet homicide commis par erreur. Je pense que vous vous souvenez tous de ce fait divers.
Tout cela pour vous dire que c’est un problème primordial, auquel nous n’apportons pas de réponse aujourd’hui. D’une part, les marchés passés par l’État pour l’installation de brouilleurs dans un certain nombre d’endroits ne correspondent pas aux normes techniques actuelles ; d’autre part, les seuls brouilleurs qui fonctionnent correctement dans ces établissements sont des appareils mobiles, dont la capacité de brouillage est de l’ordre de quatre cellules par unité, ce qui est peu. Même si l’État a décidé de doter d’une vingtaine de brouilleurs supplémentaires la prison en question, il faut savoir que le seul quartier de surveillance spécialisé compte déjà quatre-vingts personnes, pratiquement toutes des narcotrafiquants…
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 23.
L’amendement n° 63 rectifié quater, présenté par Mmes Josende, Puissat, Belrhiti et Aeschlimann, M. Piednoir, Mmes Evren et Gosselin, MM. Sido, Somon et Anglars, Mmes M. Mercier, Muller-Bronn et Dumont, MM. Sol, Burgoa, Reynaud, Naturel, Karoutchi, D. Laurent, Milon, Genet et Frassa, Mme Micouleau, M. P. Vidal, Mmes Borchio Fontimp, Hybert et Petrus, MM. Allizard et Brisson, Mme Drexler, MM. Saury et C. Vial, Mmes Bellurot, Gruny et Ventalon, M. Belin et Mmes P. Martin et Canayer, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre II du livre II du code pénitentiaire est complété par une section … ainsi rédigée :
« Section …
« Caméras embarquées
« Art. L. 223-26.- Dans l’exercice de leurs missions de transfèrement et d’extraction et aux seules fin d’assurer la sécurité de ces opérations, les services de l’administration pénitentiaire peuvent procéder, au moyen de caméras embarquées dans les véhicules fournis par le service, à un enregistrement de leurs opérations dans des lieux publics lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances, à la personnalité ou au comportement des personnes détenues concernées.
« Art. L. 223-27. – L’enregistrement prévu à l’article L. 223-26 s’effectue au moyen de caméras fournies par le service.
« Il ne peut être permanent et ne peut être déclenché que lorsque les conditions prévues à l’article L. 223-26 sont réunies. Il ne peut se prolonger au-delà de la durée de la mission.
« Art. L. 223-28. – Le public est informé, par une signalétique spécifique apposée sur le moyen de transport, que celui-ci est équipé d’une caméra. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas aux véhicules ne comportant pas d’équipements ou de dispositifs de signalisation spécifiques et affectés à des missions impliquant l’absence d’identification du service pénitentiaire.
« Un signal visuel ou sonore spécifique indique si un enregistrement est en cours, sauf si les circonstances de l’intervention l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi des caméras embarquées est organisée par le garde des sceaux, ministre de la justice.
« Art. L. 223-29. – Lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras embarquées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention.
« Lorsqu’une telle consultation est nécessaire pour assurer la sécurité de leurs interventions ou pour faciliter l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions, les personnels participant à l’intervention peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent dans ce cadre. Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements jusqu’à leur effacement et la traçabilité des consultations lorsqu’il y est procédé dans le cadre de l’intervention.
« L’autorité responsable tient un registre des enregistrements réalisés pour chaque véhicule équipé d’une caméra. Le registre précise les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.
« Les caméras embarquées dans les véhicules ne peuvent comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale. Ces dispositifs ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisé avec d’autres traitements de données à caractère personnel.
« Art. L. 223-30. – Hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont conservés sous la responsabilité du chef du service dont relève le dispositif embarqué, pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif, sans que nul ne puisse y avoir accès, sauf pour les besoins d’un signalement dans ce délai à l’autorité judiciaire, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.
« Les caméras embarquées sont employées de telle sorte qu’elles ne visent pas à recueillir les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. Lorsque l’emploi de ces caméras conduit à visualiser de tels lieux, l’enregistrement est immédiatement interrompu. Toutefois, lorsqu’une telle interruption n’a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de l’intervention, les images enregistrées sont supprimées dans un délai de quarante-huit heures à compter de la fin du déploiement du dispositif, sauf transmission dans ce délai dans le cadre d’un signalement à l’autorité judiciaire, sur le fondement du même article 40.
« Art. L. 223-31. – Les modalités d’application du présent chapitre et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
La parole est à Mme Lauriane Josende.
Mme Lauriane Josende. L’assassinat de deux agents à Incarville, lors de l’évasion de Mohammed Hamra, dit « la mouche », a brutalement rappelé que la sécurisation des convois pénitentiaires circulant sur la voie publique était un sujet majeur.
En effet, les équipages de ces convois sont exposés à des risques graves, les réseaux de criminalité organisée ne reculant désormais devant aucun moyen pour permettre l’évasion d’une personne détenue au cours de son transport ou bien pour l’atteindre. Les agents de l’administration pénitentiaire de la prison de Perpignan – je sais, mes chers collègues, que vous avez les mêmes remontées partout sur le territoire national –, m’ont fait part de leurs craintes, pour ne pas dire de leurs peurs, lorsqu’ils doivent assurer ces convois.
C’est dans cet esprit que j’ai déposé cet amendement qui a pour objet de doter l’administration pénitentiaire, à laquelle est désormais dévolue la responsabilité des missions d’extraction et de transfèrement, d’outils supplémentaires de surveillance et de protection. Ainsi, des caméras embarquées à bord des véhicules pourraient permettre de procéder à la captation d’images pendant les opérations de transport des personnes détenues, ce qui faciliterait le recueil de preuves aux fins de judiciarisation des incidents graves survenant sur la voie publique et la poursuite de leurs auteurs.
Mes chers collègues, en votant cet amendement, vous permettrez aux personnels de l’administration pénitentiaire, aux forces de l’ordre et aux magistrats de disposer d’un nouvel outil efficace et salutaire, à la fois dissuasif et répressif. Adopter un tel dispositif serait un signe fort dans la lutte contre le narcotrafic.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement particulièrement bienvenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je veux remercier Mme la sénatrice Josende. Grâce à son amendement, s’il est adopté, les agents de l’administration pénitentiaire seront davantage protégés. Nous serons plus efficaces dans les enquêtes et pourrons plus facilement procéder à l’interpellation des auteurs lorsque de tels événements se produisent. Nous le devons à ceux qui sont tombés à Incarville et, plus largement, à tous ceux qui procèdent à des extractions dangereuses.
Je rappelle que nous avons apporté, en accord avec Mme le rapporteur, une modification qui s’est peu vue : les auditions en visioconférence ne pourront plus être refusées par le détenu, comme c’est le cas aujourd’hui ; seul le magistrat pourra s’y opposer. Ce nouveau dispositif permettra de limiter le nombre d’extractions.
Ces deux mesures vont aider l’administration pénitentiaire : avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 23.
L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par M. Menonville, Mmes Loisier, Perrot et L. Darcos, M. A. Marc, Mme Josende, M. Chasseing, Mmes Gacquerre, Jacquemet et Billon, MM. Dhersin, Chevalier et Cambier, Mme Devésa, MM. Hingray, Courtial et Wattebled, Mmes Paoli-Gagin et Romagny, M. Parigi, Mme Herzog et MM. Pillefer, Meignen, Belin et Haye, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de généraliser dans les établissements pénitentiaires les systèmes de brouillage de communications téléphoniques et les dispositifs anti-drones.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement de notre collègue Franck Menonville vise à demander un rapport ; je me doute donc de l’issue de cette discussion… (Sourires.)
Il s’agit d’évaluer l’opportunité de la généralisation des dispositifs anti-drones – seuls quarante-neuf sites sont aujourd’hui équipés – et des systèmes de brouillage de communication. Il s’agit typiquement une mesure de contrôle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Notre collègue a bien anticipé l’avis de la commission, qui sera défavorable, puisqu’il s’agit d’un rapport.
Nous l’avons exprimé en commission et le garde des sceaux l’a dit depuis le banc, le sujet du brouillage est central et je ne doute pas qu’il sera de nouveau abordé cette année.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je suis aussi défavorable à cet amendement.
Il faut bien comprendre que le brouillage coûte cher – 500 millions d’euros pour équiper l’intégralité des centres pénitentiaires français – et qu’il n’est pas facile à réaliser techniquement, parce qu’il n’y a pas de technologie qui découpe le brouillage à la maison près. Quand les maisons d’arrêt ou les centres de détention sont éloignés des habitations, ce n’est pas très grave, mais c’est plus embêtant lorsqu’ils sont en milieu urbain, comme le centre pénitentiaire des Beaumettes, dans votre jolie ville de Marseille, monsieur Benarroche. On ne peut pas « brouiller » la vie des gens aux alentours. Je pense en particulier aux personnels de santé.
Enfin, quand bien même nous aurions une technologie permettant de tout brouiller et les moyens financiers nécessaires, les routeurs permettent de contourner le brouillage et de passer des appels ou d’envoyer des SMS.
La solution n’est donc pas forcément que du côté du brouillage, même s’il faut encore travailler dessus. Comme une grande partie des sujets carcéraux est de nature réglementaire, j’en rendrai compte régulièrement devant la commission des lois.
Mme Annick Billon. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 88, présenté par MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco, Poncet Monge et Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la politique globale d’accompagnement vers la sortie des personnes mineures ou vulnérables enrôlées dans les réseaux de criminalité organisée. Ce rapport détaille les perspectives de sortie des réseaux criminels, d’insertion sociale et professionnelle ou de rescolarisation.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Je regrette que l’amendement ait été retiré, car j’avais encore un certain nombre de choses à dire. Tant pis, je les garde pour mon explication de vote sur l’article. (Sourires.)
Mon collègue Akli Mellouli est l’auteur de cet amendement n° 88. La lutte contre les réseaux de criminalité organisée doit comprendre un volet social majeur : l’accompagnement des personnes mineures et vulnérables qui y ont été enrôlées. Nous en avons un peu parlé : les trafiquants ciblent les publics les plus fragiles, comme les mineurs déscolarisés, les jeunes sortis de l’aide à l’enfance ou encore les personnes isolées et précarisées. Ces individus pris dans l’engrenage des réseaux criminels se retrouvent souvent sans perspective d’avenir, à la merci d’une exploitation quotidienne.
Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement dans un délai de six mois un rapport détaillant les solutions concrètes envisagées pour ces victimes. À l’heure où le plan social pour une réconciliation nationale n’est plus d’actualité, il s’agit de travailler sur des perspectives de sortie des réseaux, d’insertion sociale et professionnelle ou de rescolarisation. C’est un outil essentiel pour évaluer et ajuster nos politiques publiques.
Nous ne pouvons ignorer les réalités sociales qui alimentent ces réseaux : précarité, déscolarisation, mal-logement, dettes, rejet parental. Ce sont ces fractures que les trafiquants exploitent. Il est de notre devoir d’offrir à ces personnes un chemin vers la réinsertion et l’espoir d’une vie meilleure.
J’y insiste, cette dimension sociale est aujourd’hui largement absente des politiques publiques de lutte contre la criminalité organisée. En mettant en lumière cette faille, nous espérons pousser l’État à pleinement assumer sa responsabilité envers les victimes des réseaux de narcotrafiquants, notamment les plus jeunes.