M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 255 rectifié.
Quant à l’amendement n° 168 rectifié, je comprends son intérêt, mais le Gouvernement est contre le dispositif que Mme de La Gontrie propose d’améliorer. Je m’en remettrai donc à la sagesse du Sénat.
En tout état de cause, je maintiens mon amendement n° 226. J’imagine qu’il sera rejeté, mais il importe que nous puissions en rediscuter dans le cadre de la commission mixte paritaire. M. Durain n’ignore pas que, au-delà de nos discussions, il existe sans doute aussi des difficultés de procédure pour les forces de l’ordre et pour les magistrats eux-mêmes.
M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, pour explication de vote.
M. Francis Szpiner. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais les choses ne sont pas si simples.
Si l’on s’en tient à la jurisprudence habituelle de la Cour de cassation, l’informateur ne peut se livrer au trafic. Il ne peut donc pas être infiltré en l’état actuel de la législation, puisqu’il participerait au trafic.
La volonté de la commission des loi et tout l’objet du travail de la commission d’enquête a été, d’une part, de sécuriser les relations entre l’informateur et son officier traitant et, de l’autre, de sécuriser les procédures. C’est la raison pour laquelle nous avons accepté que le texte facilite les coups d’achat.
Je n’aime pas l’expression « infiltré civil », qui me semble inadaptée. Je préfère parler d’« informateur infiltré ». Celui-ci ne pourra pas se voir reprocher d’avoir participé à des opérations de trafic, puisqu’il aura le statut d’informateur. Qui plus est, il aura conclu une convention.
Il y a une logique à vouloir créer un dispositif d’infiltration civile : comment l’informateur pourrait-il autrement être au cœur de l’activité criminelle ? Il s’agit tout simplement de reconnaître ce statut d’informateur via une convention : cela sécurise et l’officier de police judiciaire qui traite avec lui et la procédure suivie, puisque la loi que nous allons voter autorisera l’informateur à participer à des actes criminels ou délictuels.
L’amendement du Gouvernement ne correspond pas à la réalité de la situation. Nous voulons que les officiers de police judiciaire sachent clairement ce que peuvent faire leurs informateurs et jusqu’où ils peuvent aller.
M. Guy Benarroche. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour explication de vote.
M. Étienne Blanc. Francis Szpiner a dit l’essentiel.
Dans le cadre de la commission d’enquête, les civils auditionnés ont affirmé qu’ils allaient jusqu’au bout de ce qui était permis en entrant dans un dispositif criminel, sous le contrôle d’un officier traitant. Ce faisant, ils se placent dans une situation extrêmement fragile, car ils peuvent être considérés comme auteurs, coauteurs ou complices. Ils ont besoin de sécurité, tout au long de la procédure. Les officiers traitants ont également reconnu que les civils concernés étaient dans une situation absolument impossible.
Notre dispositif, monsieur le ministre, vise à sécuriser cette procédure. Je n’arrive pas à comprendre la position du Gouvernement. Comment un officier traitant pourrait-il être manipulé par l’infiltré ? Cet argument ne tient pas : le dispositif est à la fois sous contrôle et parfaitement normé.
Nous tenons particulièrement au maintien de ce statut, qui a été décrit comme très utile par les forces de l’ordre.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 226 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 168 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Demande de réserve
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission demande que l’examen de l’article 16 et de l’amendement n° 97 tendant à insérer un article additionnel après l’article 16, dont nous avons déjà précédemment demandé la réserve, soit réservé jusqu’à la fin de la discussion.
M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. La réserve est ordonnée.
Article 20
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 171 est complété par les mots : « , sauf lorsque cette méconnaissance résulte d’une manœuvre ou d’une négligence de la personne mise en cause » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article 206 est complété par les mots : « , sauf lorsque la cause de nullité résulte d’une manœuvre ou d’une négligence de la personne mise en cause » ;
3° Le premier alinéa de l’article 385 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La nullité ne peut pas être prononcée lorsqu’elle résulte d’une manœuvre ou d’une négligence de la personne mise en cause. » ;
4° L’article 591 est complété par les mots : « , lorsque cette violation ne résulte ni d’une manœuvre ni d’une négligence de la personne mise en cause ».
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. Cet article est l’un des plus problématiques du texte pour notre groupe. Sous couvert d’une plus grande efficacité de la lutte contre le narcotrafic et au vu de l’engorgement de la justice, l’article 20 vise à s’attaquer au régime des nullités.
Selon l’exposé des motifs, « l’article 20 vient préciser le régime des nullités pour éviter la “guérilla juridique” déloyale menée par certains narcotrafiquants du “haut du spectre” ».
Or l’arme de la nullité sert à protéger le caractère équitable d’une procédure. Le célèbre juriste Rudolf von Jhering affirmait : « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté. »
L’État de droit impose aussi de s’assurer que les procédures respectant les droits de la défense soient prises en compte. Face à l’action publique, le mis en cause a des droits. Nous restons dubitatifs quant au sacrifice des droits de la défense afin de combler le manque de moyens de la justice pour faire son travail dans de bonnes conditions.
M. le président. L’amendement n° 139, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Sans surprise, il s’agit de supprimer cet article 20. Le présent amendement vise à s’opposer à la réforme du régime des nullités prévue à l’article 20, qui restreint drastiquement le droit des parties à soulever des nullités de procédure.
Le groupe GEST rappelle que les droits de la défense ont une valeur constitutionnelle. Le droit de soulever des nullités de procédure s’inscrit pleinement et légitimement dans l’exercice de ce droit fondamental. Ce droit est par ailleurs indispensable et vise à protéger les justiciables de décisions arbitraires.
Le syndicat des avocats de France ajoute à ce sujet que le régime des nullités procédurales vient sanctionner le non-respect de règles par les magistrats et les enquêteurs et constitue, de ce fait, une manifestation du principe d’égalité des armes, composante du droit à un procès équitable.
La cause noble de la lutte contre le narcotrafic ne doit pas servir d’alibi pour déséquilibrer les droits des parties et le principe du contradictoire.
Concentrer les efforts sur la lutte contre la propriété criminelle aura bien plus d’effets, à terme, sur le développement du narcotrafic que de s’attaquer aux droits de tous les justiciables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a déposé un amendement sur cet article, preuve qu’elle a bien conscience des difficultés qu’il pourrait engendrer. Le Gouvernement a lui aussi déposé un amendement, auquel nous ne sommes pas forcément très favorables…
Quoi qu’il en soit, le débat doit avoir lieu. C’est pourquoi nous ne saurions d’emblée supprimer l’article 20. Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Monsieur Benarroche, il ne s’agit pas de supprimer l’intégralité du régime des nullités. Je ne voudrais pas que ceux qui nous écoutent aujourd’hui, et qui sont nombreux, se méprennent sur cet article.
Il y aura bien évidemment des voies de recours. Il est normal que les avocats utilisent le code de procédure pénale pour faire entendre la voix des clients qu’ils défendent – personne n’en disconvient.
Nous considérons simplement qu’il existe des lacunes dans le code de procédure pénale. On peut respecter les droits de la défense tout en veillant à l’intérêt de la société. L’amendement de la commission et celui du Gouvernement ne visent pas à supprimer les nullités pour la criminalité organisée, mais tendent à combler un certain nombre de difficultés.
La justice est aujourd’hui embolisée. Ce n’est pas un reproche fait aux avocats, ils utilisent les moyens que le code de procédure pénale met à leur disposition. C’est plutôt un reproche fait au législateur : il est temps de combler ces lacunes.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Durain, rapporteur. Nous touchons là au cœur des travaux de la commission d’enquête.
Notre collègue Benarroche donne le sentiment que l’on voudrait s’en prendre à toutes les nullités de procédure. Ce n’est absolument pas le cas. Il s’agit uniquement de quelques situations très précises, identifiées par les travaux de la commission d’enquête. L’amendement que défendra Muriel Jourda tend d’ailleurs à les circonscrire parfaitement.
La commission des lois a veillé à apporter toutes les garanties pour sécuriser et améliorer la procédure. Il ne s’agit en aucun cas d’un rouleau compresseur qui écrasera le principe du contradictoire et les droits de la défense. C’est au contraire un dispositif très ciselé et très proportionné, qui atteint les objectifs fixés par la commission d’enquête. (Mme Laurence Harribey opine.)
M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, pour explication de vote.
M. Francis Szpiner. En commission, j’avais déposé un amendement de suppression, car le texte n’était pas acceptable en l’état. Néanmoins, j’ai accepté de le retirer pour ne pas esquiver le débat.
J’invite mon collègue Benarroche à en faire autant afin que nous puissions discuter utilement de tout le reste. La commission a trouvé des solutions et l’article 20 sera modifié. Voyons plutôt comment nous organiser pour contrecarrer un certain nombre de manœuvres.
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 139 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Rassurez-vous, mes chers collègues, la discussion aura bien lieu puisque mon amendement ne sera pas adopté… (Sourires.)
M. Francis Szpiner. C’était pour la beauté du geste !
M. Guy Benarroche. Je souhaite que le débat soit posé d’emblée de manière précise. Cela ne nous empêchera pas de voter les autres amendements.
Pour autant, le problème est important, comme nous l’avons tous relevé – Jérôme Durain le sait. Je n’ignore pas que des difficultés existent, car j’ai participé activement aux travaux de la commission d’enquête.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 256, présenté par Mme M. Jourda et M. Durain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début de la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 115, sont ajoutés les mots : « Sauf lorsque la personne est mise en examen pour l’une des infractions mentionnées aux articles 706-73, 706-73-1 ou 706-94, » ;
2° L’article 171 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas réputées être des formalités substantielles au sens du présent article les formalités qui concernent des actes de la procédure relatifs à des moyens de communication frauduleux ou qui ont été utilisés sans avoir disposé des agréments et autorisations requis par la réglementation en vigueur au moment des faits. » ;
3° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 173, après le mot : « adresse », sont insérés les mots : « , à peine d’irrecevabilité, » ;
4° Le premier alinéa de l’article 198 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le dernier mémoire déposé par une partie récapitule l’ensemble des moyens pris de nullité de la procédure, à défaut de quoi ils sont réputés avoir été abandonnés. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Permettez-moi d’apporter quelques éléments de contexte.
La commission d’enquête a révélé que les narcotrafiquants, profitant sans doute des faiblesses du code de procédure pénale, parvenaient à « manœuvrer » pour obtenir la nullité des procédures et une remise en liberté, de façon à pouvoir se soustraire à la justice.
Nous avons tiré de ce constat un certain nombre de conclusions. Je sais que les avocats se sont offusqués de ce qui a été dit. Je ferai donc une mise au point.
Tout d’abord, à aucun moment il n’a été question d’accuser les avocats d’être complices des narcotrafiquants. Le rôle d’un avocat est en effet de défendre son client. Quand celui-ci est incarcéré, son métier est d’obtenir une mise en liberté. Quand il ne veut pas être poursuivi, c’est d’obtenir la nullité des actes d’enquête de façon à ce qu’il n’y ait plus de dossier permettant les poursuites.
C’est très déplaisant du point de vue de la société, mais c’est ainsi : le rôle d’un avocat est bien de défendre son client. Et le client est rarement innocent. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’exclame.)
Mme Laurence Harribey. Vous allez un peu loin…
M. Francis Szpiner. Sauf les miens ! (Sourires.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur. S’il n’y avait que des innocents, on n’aurait nul besoin d’avocats !
Nous défendons aussi les intérêts de la société et nous constatons que ces manœuvres sont rendues possibles par un encombrement des greffes, par un courrier envoyé à une adresse qui n’est pas fausse, mais imprécise, ou par le code de procédure pénale, qui ouvre certaines possibilités…
Nous avons travaillé de deux façons, mais sans viser les « manœuvres », car cela aurait nourri un nouveau contentieux et n’aurait pas contribué à la régularité de l’enquête.
Premièrement, nous avons prévu des dispositions précises dans le code de procédure pénale pour éviter qu’une enquête puisse être rendue caduque ou qu’une personne soit remise en liberté de manière non justifiée.
Deuxièmement, nous nous sommes attachés à ne pas nous attaquer aux droits de la défense, notamment – j’y reviendrai lorsque l’amendement du Gouvernement sera présenté – en étriquant les délais accordés à la personne poursuivie ou faisant l’objet d’une enquête.
Nous verrons tout cela à l’article 23, lors de l’examen duquel nous proposerons d’étirer les délais dont dispose le juge pour prendre une décision. Ainsi, les tentatives d’encombrement ne pourront être couronnées de succès.
Voilà l’esprit dans lequel l’article a été modifié. Objectivement, il s’agit de prendre des mesures afin d’éviter, dans le cadre d’une procédure pénale respectant les droits de la défense, que les enquêtes ne soient remises en cause.
Cette mise au point étant terminée, que proposons-nous concrètement au travers de ce texte ?
D’abord, il s’agit de traiter la question des avocats chefs de file, à savoir ceux qui reçoivent les notifications. On peut en changer, évidemment. Mais lorsqu’on en change par lettre recommandée avec accusé de réception, cela pose quelques difficultés si la lettre n’arrive pas, si elle arrive mal ou si elle arrive hors délai. Si les notifications ne sont pas adressées à la bonne personne, cela peut entraîner une nullité.
Pour éviter les changements incessants d’avocats chefs de file, préjudiciables à l’enquête, nous avons prévu non plus une notification par lettre recommandée avec accusé de réception, mais la déclaration obligatoire au greffe : c’est simple et instantané.
Ensuite, nous avons inséré – nous en rediscuterons – un alinéa sur les recevabilités des demandes en nullité portant sur des moyens frauduleux.
De plus, nous avons prévu la transmission obligatoire d’une copie d’une requête en nullité au juge d’instruction pour que celui-ci puisse transmettre l’intégralité du dossier à la chambre d’instruction, les travaux de la commission d’enquête ayant révélé une carence sur ce point.
Voilà un certain nombre de mesures objectives, dont nous pensons qu’elles pourront être efficaces. Nous nous sommes appuyés dans notre travail sur le rapport de la commission d’enquête.
Enfin, point qui fonctionne assez bien pour ceux qui connaissent ces matières en procédure civile et dont nous pensons qu’il peut aussi fonctionner en procédure pénale, lorsqu’une requête en nullité est faite, des mémoires sont échangés : le dernier mémoire doit récapituler l’ensemble des moyens de nullité, faute de quoi ils sont abandonnés. Encore une fois, nous n’avons rien inventé.
Il s’agit de mesures assez techniques, qui ne doivent pas sembler très concrètes à des non-professionnels, mais qui visent à éliminer les failles utilisées jusqu’à présent dans la procédure.
M. le président. Le sous-amendement n° 265, présenté par M. Szpiner, est ainsi libellé :
Amendement n° 256, alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Francis Szpiner.
M. Francis Szpiner. La commission a bien fait de réécrire totalement l’article 20. Les nullités de procédure ne sont jamais que l’appel au respect de la loi : ce ne sont pas les avocats qui en sont responsables, c’est le législateur.
Il est vrai que les demandes de mise en liberté pouvaient faire l’objet de manœuvres. Les dispositions qui ont été prises l’empêcheront.
Cependant, l’on a glissé dans la nouvelle rédaction un alinéa 5 ainsi rédigé : « Ne sont pas réputées être des formalités substantielles au sens du présent article les formalités qui concernent des actes de la procédure relatifs à des moyens de communication frauduleux ou qui ont été utilisés sans avoir disposé des agréments et autorisations requis par la réglementation en vigueur au moment des faits. »
Or, en procédure pénale, le principe est simple : soit il y a une nullité d’ordre public – qui entraîne sans discussion la nullité de l’acte –, soit il y a une nullité « relative » – celle-ci devant porter grief à celui qui l’invoque. Je crains que la commission n’ait créé une catégorie jusqu’ici inconnue : la nullité relative, mais tout de même substantielle et de fait d’ordre public !
C’est au juge et à lui seul qu’il appartient de reconnaître si la nullité est substantielle. Si le législateur n’a pas dit qu’elle était d’ordre public, on ne peut imposer qu’elle soit irrecevable.
M. le président. L’amendement n° 227, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 173-1 le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° L’article 198 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- au premier alinéa, les mots : « jusqu’au jour de l’audience » sont remplacés par les mots : « jusqu’à cinq jours ouvrables avant la date prévue pour l’audience » ;
- est ajouté par une phrase ainsi rédigée : « Le dernier mémoire déposé par une partie récapitule l’ensemble des moyens pris de nullité de la procédure à défaut de quoi ils sont réputés avoir été abandonnés. » ;
b) Au second alinéa, après les mots : « aux destinataires » sont insérés les mots : « au moins cinq jours ouvrables » ;
3° Au dernier alinéa du I de l’article 221-3, le mot : « Deux » est remplacé par le mot : « Cinq » ;
4° Le dernier alinéa de l’article 385 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Hors les cas prévus aux articles 395 à 397 du code de procédure pénale, les conclusions écrites portant sur des exceptions de nullité doivent être déposées par les parties au greffe du tribunal correctionnel cinq jours avant la date prévue de l’audience, sous peine d’irrecevabilité. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Il s’agit d’une discussion technique, mais ce point suscite beaucoup de débats au sein de la société, comme l’ont souligné à juste titre les sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain.
Il importe que la justice soit bien rendue, en respectant les équilibres entre les droits de la défense, les intérêts de la société et les droits de la victime, qui souhaite que le procès se déroule.
Je ne sais pas si Mme Jourda a raison de dire que les clients des avocats sont rarement innocents, mais la manifestation de la vérité via les enquêtes et les procès est importante pour les victimes. Il est nécessaire que nous soyons au rendez-vous.
Madame la rapporteure, je pense que nous sommes tous d’accord sur le but recherché. Nous voulons préserver les droits de la défense et faire en sorte que l’avocat puisse continuer à soulever des nullités. Pour autant, nous ne voulons pas que perdurent les lacunes du code de procédure pénale, qui rendent parfois le système absurde. Il faut un juste équilibre.
À cet égard, si le code de procédure pénale est évidemment pensé pour être attentif aux droits de la défense, il doit aussi être analysé sous un angle constitutionnel : si nous décidons ici de choses aussi importantes que des simplifications de procédure pour, à la fin, se faire censurer par le Conseil constitutionnel parce que nous n’aurons pas respecté notre loi fondamentale, les services enquêteurs, les magistrats, la société auront été floués.
Madame la rapporteure, mon amendement diffère du vôtre, mais constatons que nous cherchons tous deux à corriger l’article 20. Il est vrai que la question est affreusement complexe, mais nous avons le droit d’exprimer des désaccords.
Pourquoi faut-il voter l’amendement du Gouvernement plutôt que celui de la commission ? Pour répondre à cette question, je vais m’inscrire dans le droit fil des propos du sénateur et avocat Francis Szpiner.
D’une part, en ce qui concerne l’envoi d’une lettre recommandée en cas de changement d’avocat chef de file, vous établissez une différence selon que le mis en examen relèverait du dispositif proposé ou non. Or une telle distinction ne se justifie pas. La coexistence de deux types de nullité selon la nature de la mise en examen n’est sans doute pas compatible avec notre ordre constitutionnel.
Par conséquent, le Gouvernement propose de supprimer cette distinction.
D’autre part, enfin, vous souhaitez que l’on ne réponde pas favorablement aux demandes de nullité lorsqu’elles sont obtenues au travers de moyens frauduleux.
Malheureusement, madame la rapporteure, le recours à des moyens frauduleux n’empêchera de formuler certaines demandes, que ce soit ou non par l’intermédiaire d’un avocat. En cas de communication via un téléphone volé, par exemple, votre distinction ne sera pas opérante s’il n’y a pas eu d’écoute téléphonique légale administrative ou, plus vraisemblablement, judiciaire.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, tout en visant le même but, use d’une autre formule, notamment en invoquant les délais.
Par notre amendement, nous faisons trois propositions.
Premièrement, réduire de six à trois mois le délai pour déposer une requête en nullité au cours de l’instruction judiciaire. Cela nous paraît équilibré, plus rapide et respectueux des droits de la défense.
Deuxièmement, nous proposons que les mémoires soient déposés devant la chambre d’instruction cinq jours au moins avant l’audience. De fait, aujourd’hui, ils sont parfois déposés le jour même de l’audience.
M. Francis Szpiner. C’est irrecevable !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Vous savez bien, monsieur le sénateur, que des magistrats, faute d’avoir pu prendre connaissance de toutes les écritures la veille de l’audience, en raison des retards de dépôt, sont amenés à reporter celle-ci. C’est une difficulté importante.
Que les magistrats puissent disposer de cinq jours en cas de requête en nullité dans un procès de criminalité organisée ne nous paraît pas disproportionné.
Ces deux premières propositions sont reprises des travaux de la commission d’enquête, sous un jour différent.
Sur cette question très complexe, je vous propose, madame la rapporteure, un gentlemen’s agreement, pour éviter que nous ne passions toute la soirée à en débattre, d’autant que nous aurons l’occasion d’en reparler d’ici à la commission mixte paritaire.
Je vais retirer mon amendement et déposer, dans la foulée, un sous-amendement à votre amendement, visant à y ajouter ces deux nouveaux délais, sans supprimer les dispositions que je trouve constitutionnellement litigieuses et dont nous pourrons débattre dans le cadre de la navette.
En adoptant votre amendement ainsi modifié, nous montrerions une volonté de compromis pour avancer sur ce sujet très important pour les avocats, pour les magistrats et pour le Parlement, quitte à ce que vous le corrigiez en commission mixte paritaire, où vous siégez – contrairement à moi –, s’il devait être adopté par l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 227 est retiré.
Je suis saisi d’un sous-amendement n° 269 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 173-1 le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° L’article 198 est ainsi modifié :
a) au premier alinéa, les mots : « jusqu’au jour de l’audience » sont remplacés par les mots : « jusqu’à cinq jours ouvrables avant la date prévue pour l’audience » ;
b) Au second alinéa, après les mots : « aux destinataires » sont insérés les mots : « au moins cinq jours ouvrables » ;
Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.