M. Jérôme Durain, rapporteur. Les infiltrés peuvent déjà se faire passer pour les complices, les coauteurs ou les receleurs des délinquants afin de mieux mettre au jour les réseaux de criminalité.

M. Masset souhaite qu’ils soient également autorisés à jouer le rôle de victimes ; cette idée nous agrée, d’autant plus que nous avons un accord entre le ministre et le sénateur.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 17.

Après l’article 17
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Article 19

Article 18

I. – L’article 706-32 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’acquisition prévue au 1° du présent article répond à une offre formulée sur un service de communication au public par voie électronique, l’autorisation mentionnée au premier alinéa peut également permettre aux officiers ou agents de police judiciaire concernés de recourir à une identité d’emprunt, y compris en faisant usage d’un dispositif permettant d’altérer ou de transformer leur voix ou leur apparence physique, pour assurer, sur l’ensemble du territoire, la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants ainsi acquis. »

II (nouveau). – Le II de l’article 67-bis du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aux seules fins de constater les infractions mentionnées au premier alinéa, l’autorisation peut également permettre aux officiers ou agents de police judiciaire concernés de recourir à une identité d’emprunt pour assurer, sur l’ensemble du territoire, la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants ainsi acquis. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 198, présenté par Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Chaillou, Kerrouche et Roiron, Mmes Carlotti, Conconne et Daniel, MM. Kanner et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, MM. Ros, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 et 2

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

I. – L’article 706-32 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « pénal, », sont insérés les mots : « ou de constater une opération de blanchiment constitutive de l’infraction mentionnée à l’article 222-38 du même code, » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorisation mentionnée au premier alinéa peut également permettre aux officiers ou agents de police judiciaire concernés de recourir à une identité d’emprunt, y compris en faisant usage d’un dispositif permettant d’altérer ou de transformer leur voix ou leur apparence physique, et d’assurer, sur l’ensemble du territoire, la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants ou la surveillance par tout moyen d’une opération de blanchiment. »

II. – Alinéa 4

Après le mot :

emprunt

Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et d’assurer, sur l’ensemble du territoire, la surveillance de l’acheminement ou du transport des produits stupéfiants ou la surveillance par tout moyen d’une opération de blanchiment.

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Cet amendement a pour objet d’étendre les possibilités d’infiltration offertes aux officiers et aux agents de police judiciaire : seraient autorisés la réalisation de coups d’achat ciblant des opérations de blanchiment, le recours à une identité d’emprunt et l’utilisation d’un dispositif permettant d’altérer la voix ou l’apparence physique pour garantir la sécurité des agents et l’efficacité des actions.

De fait, notre proposition est autorisée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme puisqu’elle respecte les principes de proportionnalité et de nécessité dans la lutte contre la criminalité grave.

L’adoption de cet amendement permettrait de répondre efficacement à un problème stratégique en ce qu’il vise à attaquer les structures financières et les réseaux du narcotrafic tout en renforçant la protection des agents et en respectant le cadre juridique applicable.

La rédaction de cet amendement s’inspire des travaux qui ont été menés par la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.

M. le président. L’amendement n° 215, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Les dispositions de l’amendement n° 198 ne concernent pas le bon cadre d’enquête. S’il était adopté, il nous faudrait à nouveau en débattre au cours de la navette.

L’usage, pour un officier ou pour un agent de police judiciaire, d’identité d’emprunt dans le cadre d’une procédure d’infiltration est une question qui se pose.

L’amendement du Gouvernement tend à supprimer les alinéas 3 et 4 de l’article 18, qui visent à autoriser des officiers ou agents de police judiciaire à recourir à une identité d’emprunt pour assurer, sur l’ensemble du territoire, la surveillance de l’acheminement de produits stupéfiants dans le cadre d’une opération. Or le II de l’article 67 bis du code des douanes, qui tend à organiser la procédure d’infiltration des agents concernés, les y autorisent déjà. Ces deux alinéas sont donc sans objet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. Il s’agit d’un sujet extrêmement important : l’extension des coups d’achat au narcoblanchiment permettra d’aller chercher l’argent et de confondre les criminels.

À la fin de l’examen de ce texte, nous aurons pourvu nos forces de sécurité intérieure de nombreux outils de lutte contre le narcotrafic. Ce sera l’un des acquis de la commission d’enquête.

À ce titre, la commission est favorable à l’amendement n° 198, qui lui semble excellent.

L’amendement n° 215 semble poser un problème légistique. Monsieur le ministre, accepteriez-vous de le retirer au profit de l’amendement de M. Bourgi, à charge de revanche, si j’ose dire ? (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 215 est-il maintenu ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Que cet « à charge de revanche » soit bien inscrit au compte rendu, car je saurai m’en souvenir ! (Nouveaux sourires.)

Je retire mon amendement et m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 198.

M. le président. L’amendement n° 215 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 198.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 18, modifié.

(Larticle 18 est adopté.)

Article 18
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Article 20

Article 19

I. – L’article 15-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité est abrogé.

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre 1er du titre Ier du livre Ier est complétée par un article 15-6 ainsi rédigé :

« Art. 15-6. – Les services de police et de gendarmerie ainsi que les agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l’article 28-1 peuvent rétribuer toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l’identification des auteurs de crimes ou de délits.

« Les modalités de la rétribution de ces informateurs sont déterminées par arrêté conjoint du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur et du ministre chargé des finances.

« Lorsque la divulgation de l’identité de la personne mentionnée au premier alinéa est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique de cette personne, des membres de sa famille ou de ses proches, le magistrat en charge de l’enquête ou de l’instruction peut, par décision motivée, autoriser que les déclarations de cet informateur soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure. Cette décision, qui ne fait pas apparaître l’identité de la personne, est versée dans un dossier distinct du dossier de la procédure.

« Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa a obtenu des renseignements en participant à la commission de l’infraction ou d’une infraction connexe au sens de l’article 203, lesdits renseignements sont recueillis par un officier ou un agent de police judiciaire et l’identité de l’informateur fait l’objet d’un enregistrement préalable dans le fichier dédié prévu par le dernier alinéa du présent article. Le recueil des renseignements s’effectue sous la responsabilité de l’autorité hiérarchique, sous la supervision d’un officier de police judiciaire ou d’un officier de douane judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et sous le contrôle du magistrat en charge de l’enquête ou de l’instruction. Ce dernier est informé sans délai de la nature des renseignements fournis par l’informateur ; il peut, à tout moment, mettre fin à la collecte de ces renseignements et révoquer les avantages accordés. Il peut également procéder lui-même au recueil des renseignements.

« Dans le cas prévu au quatrième alinéa, les informateurs peuvent faire l’objet d’une réduction de peine, dans les conditions prévues à l’article 132-78 du code pénal. Cette réduction de peine fait l’objet d’une convention conclue avec le magistrat en charge de l’enquête ou de l’instruction selon les formes et procédures mentionnées à l’article 706-63-1 C du présent code.

« Les personnels chargés du recueil des renseignements et les officiers responsables de la supervision de ce recueil ne sont pas pénalement responsables des actes effectués en application du présent article, dès lors que ces actes ne constituent pas une incitation à commettre une infraction. Ne constituent pas une incitation à commettre une infraction les actes qui contribuent à la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée au moment où les renseignements mentionnés au quatrième alinéa du présent article ont été recueillis, y compris en cas de réitération ou d’aggravation de l’infraction initiale.

« Un décret détermine les conditions d’application du présent article, et notamment les modalités d’évaluation collégiale des informateurs par les services de police et de gendarmerie.

« Des éléments d’identification des informateurs mentionnés au quatrième alinéa sont enregistrés dans un fichier dédié. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine le fonctionnement et le contenu de ce fichier ainsi que les modalités et les droits d’accès à celui-ci. Ces modalités assurent la confidentialité des informations ainsi conservées et garantissent que l’identité et l’adresse des informateurs ne sont accessibles qu’aux magistrats en charge de l’enquête ou de l’instruction dans le cadre de laquelle les renseignements sont recueillis ainsi qu’aux officiers et agents de police judiciaire en charge du recueil de ces mêmes renseignements ou de la supervision et du contrôle de celui-ci. » ;

2° La section 2 du chapitre II du titre XXV du livre IV est complétée par un article 706-87- 1 ainsi rétabli :

« Art. 706-87- 1. – Lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction concernant l’un des crimes ou délits entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 le justifient, le procureur de la République national anti-criminalité organisée peut autoriser l’infiltration des informateurs mentionnés à l’article 15-6 dans les conditions prévues par la présente section, sous réserve des dispositions spécifiques du présent article.

« La conduite de l’infiltration se fait sur le fondement d’une convention conclue entre le procureur de la République national anti-criminalité organisée et l’informateur, qui comporte :

« 1° La liste des délits auxquels l’informateur infiltré est autorisé à participer, sans être pénalement responsable de ses actes, à la seule fin de se faire passer, auprès des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit mentionné au premier alinéa, pour l’un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. À peine de nullité, cette participation ne saurait porter sur des crimes ou comporter des actes constituant une incitation à commettre une infraction ;

« 2° La durée pour laquelle l’infiltration est autorisée. Cette durée ne peut pas excéder trois mois et est renouvelable trois fois, la convention pouvant être mise à jour à tout moment au cours de la période d’autorisation ;

« 3° La rétribution accordée à l’informateur infiltré ainsi que les éventuelles réductions de peine dont il bénéficie en application de l’article 132-78 du code pénal pour des infractions commises préalablement à la conclusion de la convention.

« La convention comporte l’engagement, pour l’informateur, d’être entendu en qualité de témoin à tous les stades de la procédure, le cas échéant en faisant usage du dispositif technique prévu à l’article 706-61 du présent code ou de tout dispositif permettant d’altérer ou de transformer sa voix ou son apparence physique. Elle précise également que, faute pour l’informateur de respecter cet engagement, il encourt la révocation des avantages de toute nature qui lui ont été accordés sur simple décision du procureur de la République national anti-criminalité organisée.

« L’infiltration est effectuée sous le contrôle du procureur national anti-stupéfiants, qui peut l’interrompre à tout moment, et sous la supervision d’un officier de police judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret ; ce dernier peut être autorisé par le procureur de la République national anti-criminalité organisée à faire usage, dans ses relations avec l’informateur infiltré, d’une identité d’emprunt.

« En cas de décision d’interruption de l’opération ou à l’issue du délai fixé par la décision autorisant l’infiltration et en l’absence de prolongation, l’informateur infiltré peut poursuivre les activités mentionnées au présent article, sans en être pénalement responsable, le temps strictement nécessaire à la garantie de sa sécurité et de celle de ses proches.

« L’infiltration fait l’objet d’un rapport rédigé par l’officier de police judiciaire ayant supervisé l’opération, qui comprend les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne met pas en danger la sécurité de l’informateur infiltré et des personnes requises mentionnées au dernier alinéa de l’article 706-82.

« L’infiltration prend fin de plein droit dès lors que les conditions de la convention mentionnée au deuxième alinéa du présent article n’ont pas été respectées par l’informateur infiltré. Ce dernier est alors responsable pénalement de l’ensemble des actes qu’il a commis.

« Lorsque l’informateur mentionné au premier alinéa est entendu en qualité de témoin, les questions qui lui sont posées ne peuvent avoir pour objet ni pour effet de révéler, directement ou indirectement, sa véritable identité.

« Hors le cas où l’informateur infiltré ne dépose pas sous sa véritable identité, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites celui-ci. »

M. le président. L’amendement n° 216, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Après le mot :

douanes

insérer les mots :

et les agents des services fiscaux ;

et après la référence :

28-1

insérer les mots :

et 28-2

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je défends cet amendement au nom de Mme la ministre chargée des comptes publics.

En application de l’article 28-2 du code de procédure pénale, les agents des services fiscaux sont habilités à effectuer des enquêtes judiciaires. Depuis la création de la police fiscale, les procureurs de la République, sous l’autorité desquels sont placés les services fiscaux, peuvent mobiliser des spécialistes afin de les faire travailler en lien avec les officiers de police judiciaire du ministère de l’intérieur.

Aussi, nous souhaitons autoriser les officiers fiscaux judiciaires à rétribuer des informateurs, comme le font leurs homologues de la police judiciaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. Nous nous interrogeons sur le périmètre de cet amendement, qui tend à intégrer les agents des services fiscaux au statut des informateurs et de leurs traitants. Plus encore, il laisse quelque peu perplexe.

Faut-il réellement soumettre ces agents au même statut que les policiers, gendarmes et douaniers, sans aucune adaptation à leurs spécificités. Je rappelle que les informateurs dont nous créons le statut contribuent à la découverte d’infractions pénales et à celle de leurs auteurs ?

Ne gagnerait-on pas à prévoir un statut particulier pour ces agents, qui ont sans doute recours à des informateurs à d’autres fins que celles qui sont visées par le nouvel article 15-6 ? Quel est sens y a-t-il à les soumettre à un régime qui renvoie explicitement au « dossier de la procédure », impliquant qu’il n’est pas opérant pour des cas de fraude fiscale ne donnant lieu, par exemple, qu’à un redressement sans action pénale associée ?

Je crois que cet amendement gagnerait à être retravaillé pour aboutir à une rédaction plus aboutie : avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Si vous me le permettez, monsieur le rapporteur, je prendrai ma revanche immédiatement… (Sourires.)

Avant de retravailler la rédaction, comme vous y invitez le Gouvernement, assurons-nous de nous être bien compris.

Cet amendement a trait aux agents du fisc, lesquels dépendent du ministre des comptes publics et sont placés sous l’autorité du procureur de la République. Ils réalisent les mêmes enquêtes que les officiers de police judiciaire qui relèvent du ministère de l’intérieur et contribuent à la découverte des mêmes infractions. Dès lors, pourquoi refuserions-nous aux agents de Bercy de rémunérer des informateurs ?

Certes, ils ont d’autres moyens à leur disposition et utilisent d’autres techniques pour comprendre les schémas sur lesquels ils enquêtent. Le législateur les a d’ailleurs autorisés – vous aviez largement approuvé cette mesure lorsque j’étais ministre chargé des comptes publics – à saisir directement le procureur de la République.

En outre, monsieur le rapporteur, l’Office national antifraude (Onaf) est un service extrêmement efficace. Les agents de cet organisme, qui relèvent aussi du ministre chargé des comptes publics, auraient bien besoin de disposer non pas d’un statut particulier, ce qui complexifierait les procédures, mais de modes d’action identiques à ceux des policiers.

Il n’existe pas deux types d’enquêteurs. Vous tendez dans vos propos à établir une hiérarchie, ce qui n’est pas très sympathique pour les courageux agents du ministère en charge des comptes publics.

Je maintiens donc mon amendement ; j’espère qu’il sera adopté, même si je suis tout à fait prêt à le modifier. Ce dispositif participe de la lutte contre le blanchiment et contre tout ce qui touche à la drogue de manière générale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 216.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas lamendement.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 255 rectifié, présenté par Mme M. Jourda et M. Durain, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 6 à 11

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

…° Le titre IV du livre Ier est complété par un chapitre IX ainsi rédigé :

« Chapitre IX

« Du recours aux informateurs et de la protection de leur anonymat

« Art. 230-. – I. – Afin de constater les crimes ou les délits, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire, peuvent avoir recours à des informateurs. Les informations permettant de déterminer que ces derniers ont concouru à l’enquête ou de les identifier n’apparaissent pas dans la procédure.

« Le recueil des renseignements, qu’il ait été sollicité ou non, s’effectue sous la responsabilité de l’autorité hiérarchique et par des agents spécialement formés et dûment habilités.

« Un décret détermine les conditions d’application du présent article, et notamment les modalités d’évaluation collégiale des informateurs par les services de police et de gendarmerie.

« II. – Les relations entre les officiers ou agents de police judiciaire et les informateurs mentionnés au I ne peuvent inciter à la commission d’une infraction. Ne constituent pas une incitation à commettre une infraction les relations qui contribuent à la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée au moment où le recueil a été consenti ou sollicité, y compris en cas de réitération ou d’aggravation de l’infraction initiale. »

II. – Alinéa 21

Supprimer les mots :

et des personnes requises mentionnées au dernier alinéa de l’article 706-82

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Durain, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L’amendement n° 226, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Cet important amendement de suppression crée débat entre nous. Il mérite donc quelques instants de discussion.

Le texte vise à faciliter la collaboration de plusieurs types de personnes avec les services de police et de justice.

Il s’agit d’abord des indicateurs ou des informateurs, que les policiers et les gendarmes appellent les « tontons ». Ce sont des personnes qui donnent des informations, selon une procédure encadrée, mais qui reste à améliorer. Le texte traite de ce sujet et c’est une bonne chose.

Il s’agit ensuite des repentis, à savoir les personnes qui cessent leur activité criminelle et qui signent une convention avec la justice, quand bien même ils auraient commis des crimes de sang. Ils acceptent de parler en échange soit d’une immunité de poursuite, soit d’une peine largement diminuée – c’était notre débat d’hier soir.

Il s’agit encore des personnels du ministère de l’intérieur et des autres ministères, infiltrés dans les réseaux criminels.

Il s’agit enfin des infiltrés « civils », qui participent à des enquêtes sur les réseaux criminels, mais qui ne font pas partie des forces de l’ordre. Ce sont des personnes privées, qui ne sont pas soumises aux mêmes règles de déontologie que les fonctionnaires, chargées d’informer les enquêteurs, le ministère de la justice ou le ministère de l’intérieur sur différentes affaires.

La proposition de loi vise à encadrer de différentes manières ce dispositif des « informateurs infiltrés ». Je comprends la volonté d’Étienne Blanc et de Jérôme Durain de mettre en avant les informateurs civils. Ils ont un intérêt incontestable. Toutefois, leur participation soulève un certain nombre de questions.

D’abord, parce que nous créons déjà un statut du repenti – cela commence à faire beaucoup de catégories. En outre, contrairement au repenti, l’informateur civil n’est pas tenu de mettre un terme à son activité criminelle.

Ensuite, parce que le risque de manipulation des services est assez important.

Enfin, parce que les informateurs infiltrés n’entrent pas du tout dans le même cadre de déontologie que les informateurs qui relèvent d’un engagement au sein de la fonction publique et qui peuvent être encadrés par le chef de l’officier de police judiciaire (OPJ) ou de l’enquêteur, c’est-à-dire le magistrat, qui les autorise à faire un certain nombre de choses.

Même si nous comprenons l’intérêt du dispositif, nous pensons que ce statut d’informateur civil emporte trop d’inconvénients et nuit à la lisibilité d’ensemble. La procédure se trouve fragilisée, les services peuvent être manipulés et la morale générale en souffre aussi dans la mesure où l’informateur n’a pas à cesser son activité criminelle en échange de son apport.

Pour ces raisons, le Gouvernement propose de supprimer le dispositif des infiltrés civils.

M. le président. L’amendement n° 168 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Chaillou, Kerrouche et Roiron, Mmes Conconne et Carlotti, MM. Kanner et Montaugé, Mme Monier, MM. Ros et M. Weber, Mme S. Robert, M. Mérillou, Mme Daniel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

1° Remplacer les mots :

pour l’informateur,

par les mots :

si ce dernier le demande ou d’office,

2° Supprimer les mots :

le cas échéant

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L’ambition n’est pas ici la même que celle du garde des sceaux, qu’il m’en excuse.

Il est prévu qu’une convention soit signée entre l’informateur et celui qu’il va informer. Or l’article 19 dispose : « La convention comporte l’engagement, pour l’informateur, d’être entendu en qualité de témoin à tous les stades de la procédure, – je ne suis pas sûre que cela fonctionne à chaque fois… – le cas échéant en faisant usage du dispositif technique […] permettant d’altérer ou de transformer sa voix ou son apparence physique. »

Cet amendement vise à préciser que le dispositif technique d’altération de la voix ou de l’apparence physique de l’informateur soit mis en place « si ce dernier le demande ou d’office ». Il convient d’éviter qu’un informateur ayant signé une convention ne puisse, au moment de témoigner dans la procédure, bénéficier de la possibilité d’altérer sa voix ou son physique. C’est l’une des conditions sine qua non pour lesquelles l’informateur acceptera ou non d’être informateur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. L’amendement n° 168 rectifié tend à apporter une précision utile. La commission y est favorable, compte tenu de la rectification qui a été apportée.

Si l’amendement n° 226 du Gouvernement est adopté, le dispositif sera supprimé. De quoi parlons-nous ? M. le ministre a rappelé les différentes catégories de personnes qui collaborent : les informateurs rémunérés ; les policiers infiltrés, qui font leur travail et qui sont tenus par la déontologie et les engagements qui sont les leurs ; les repentis qui vont sortir de la criminalité et dont nous avons parlé abondamment hier ; et ce nouvel outil que nous proposons de mettre en place, auquel Étienne Blanc, avec lequel nous avons beaucoup échangé, est très attaché.

Quand on rencontre les acteurs de terrain, beaucoup d’entre eux nous disent qu’ils font ce qu’ils peuvent, mais que les choses deviennent parfois juridiquement très complexes. Je me souviens d’une formule employée lors d’un entretien : « mes gars travaillent à la mexicaine ». De temps en temps, les acteurs de terrain vont loin et se mettent en danger. À cet égard, une autre phrase revenait souvent durant les auditions : « ils se mettent en danger ».

Avec ce statut de l’infiltré civil, nous voulons sortir d’une forme d’hypocrisie. Je ne condamne pas l’attitude du Gouvernement en disant cela, comprenons-nous bien, mais le statu quo actuel ne nous paraît pas bénéfique aux gendarmes ni aux policiers de terrain.

Nous avons besoin de cet infiltré civil, nous avons besoin que son statut soit reconnu et que sa participation soit encadrée afin qu’il puisse contribuer, par les informations qu’il transmet, à la progression des enquêtes, dans le souci, constant tout au long de nos débats, de sa protection.

Voilà pourquoi, pour des raisons philosophiques et opérationnelles, la commission est défavorable à l’amendement n° 226 du Gouvernement.