Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je partage totalement les arguments de Muriel Jourda et de la commission des lois.
Cet article reprend le modèle italien, qui a donné des résultats et dont nous avons souvent parlé depuis le début de la discussion. Il permet notamment d’étendre la caractérisation de la participation à l’association de malfaiteurs à toute personne ayant commis une infraction connexe à une infraction préparée dans ce cadre.
Plusieurs acteurs de la chaîne pénale auditionnés par la commission d’enquête, notamment l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), ont indiqué que l’infraction française d’association de malfaiteurs apparaissait insuffisante pour appréhender pleinement les agissements des narcotrafiquants, en particulier de ceux qui agissent en haut du spectre, compte tenu de leur capacité à s’impliquer dans le trafic de stupéfiants tout en en restant suffisamment éloignés pour éviter une mise en cause judiciaire.
Notre groupe salue et accompagne toute initiative susceptible de mettre en cause le haut du spectre du narcotrafic.
Il nous faut innover pour avancer. Si le cadre actuel était satisfaisant, nous aurions plus de résultats. La création de cette infraction est, à notre sens, de nature à améliorer les choses.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Je crois que nous allons suivre l’avis de la commission. En effet, les auditions nous ont fait comprendre en quoi cette innovation rendrait plus efficace notre lutte contre les narcotrafiquants du haut du spectre, comme l’a dit M. Benarroche.
Je m’interroge sur le sens de cet amendement du Gouvernement. Pourquoi ne serions-nous pas capables en France de mettre en œuvre ce qui a réussi en Italie ? Est-ce que les dispositions de cet amendement ne cachent pas plutôt un manque de moyens ?
Nous ne devrions pas nous interdire de faire évoluer notre droit dans le bon sens et de nous doter législativement des bons outils, simplement parce que le ministère de la justice ne dispose pas des moyens nécessaires aujourd’hui.
Si nous voulons être efficaces dans la lutte contre le narcotrafic, il faut aller au-delà des déclarations d’intention et mettre les moyens là où ils sont nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Pour ce qui est des moyens, vous avez raison, il faut les augmenter. C’est la raison pour laquelle j’espère que nous aurons un budget bientôt.
Sachez que cela fait deux mois que nous ne pouvons pas recruter de magistrats ni d’auxiliaires de justice. Je pense que vous avez entendu des magistrats les réclamer lors des audiences solennelles de rentrée des cours d’appel. Chaque mois qui passe est un mois perdu pour la magistrature française ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie manifeste son ironie.)
Madame Narassiguin, monsieur Benarroche, nous pouvons certes nous inspirer de l’Italie, mais l’organisation de la mafia n’a rien à voir avec le narcotrafic sur notre territoire.
Les violences sont les mêmes et les circuits de blanchiment sont parallèles, mais comparer les organisations mafieuses comme Cosa Nostra en Sicile ou la mafia sarde, qui, au passage, ont été pratiquement éradiqués par nos amis italiens dans les années 2000, avec celles qui dirigent le narcotrafic en France n’a pas de sens. Le dispositif que vous proposez pourrait éventuellement nous aider pour ce que j’appellerais l’organisation criminelle corse, mais, encore une fois, cela ne concerne pas le narcotrafic que nous visons.
Les membres de la DZ Mafia, du clan Yoda ou des gangs des métropoles lyonnaises ou lilloises ne sont pas tatoués ni organisés hiérarchiquement avec un parrain, comme le sont les mafias italiennes.
Vous me dites : « Créons une infraction et nous verrons si elle est utile. » Je vous réponds qu’elle est susceptible de gêner fortement l’application des mesures relatives à l’association de malfaiteurs. Ce n’est pas une question de moyens – de toute façon, on ne va pas ouvrir deux enquêtes distinctes ! –, mais la qualification des faits sera difficile.
Je m’étonne tout de même que le groupe socialiste et le groupe écologiste s’apprêtent à voter la création d’une infraction d’appartenance supposée à une organisation, alors qu’aucun délit ou crime n’est en préparation, et cela sans définition précise.
La loi pénale doit pourtant être un minimum explicite, pour que tout prévenu sache de quoi on l’accuse. Avec votre proposition, l’épouse, la compagne ou le fils qui vivent dans une habitation sous écoute où a eu lieu une réunion de malfaiteurs seront considérés comme faisant partie d’une organisation criminelle. Cela ne me paraît pas très raisonnable.
Tout à l’heure, Mme le rapporteur a regretté l’absence d’étude d’impact préalablement à l’amendement du sénateur Perrin, mais votre texte n’a pas non plus fait l’objet d’un avis du Conseil d’État. Il faut donc faire très attention. Le Parlement votera ce qu’il voudra, mais je vous mets en garde contre les effets de bord qui pourraient remettre en cause l’application des dispositions relatives à l’association de malfaiteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Szpiner, pour explication de vote.
M. Francis Szpiner. De tout ce que j’ai entendu, monsieur le ministre, j’ai retenu un argument tout à fait valable, sur lequel je terminerai, mais vous ne pouvez pas dire que l’appartenance à une organisation criminelle mine l’association de malfaiteurs. En l’occurrence, je précise qu’il y a même une différence de degré entre l’association de malfaiteurs normale et celle qui est constituée en vue de commettre des actes terroristes.
Vous savez aussi que le débat sur le côté très vague de l’association de malfaiteurs a été dénoncé, souvent d’ailleurs par des gens idéologiquement très éloignés de moi, qui lui reprochent son côté fourre-tout.
En tout état de cause, vous ne pouvez pas dire que la création de l’appartenance à une organisation criminelle diminue la portée de l’association de malfaiteurs. C’est un degré en dessous. Sur ce point-là, vous ne m’avez pas convaincu.
En revanche, je pense que la rédaction devra être améliorée à la faveur de la navette. J’ai moi aussi un problème avec la définition des éléments constitutifs. C’est le point le plus pertinent de votre intervention : vous avez raison, la loi pénale doit pouvoir être objectivée.
Je suis d’accord aussi pour considérer que, actuellement, et heureusement, les bandes de narcotrafic n’ont rien à voir avec les mafias italiennes, où le sentiment d’appartenance, très fort, est de nature à justifier ce type de mesures.
Néanmoins, la proposition des rapporteurs est intéressante dans une approche graduée de la lutte contre le crime organisé. Certaines petites mains, dont nous savons pertinemment qu’elles font partie d’une organisation, seraient plus facilement sanctionnables avec cette incrimination qu’avec l’association de malfaiteurs. Je le répète, c’est l’échelon en dessous.
Je ne voterai pas la suppression de ces alinéas, mais je milite pour un effort de précision dans la rédaction à la faveur de la navette.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Si les rapporteurs s’engagent à retravailler leur rédaction dans la perspective de la CMP pour bien définir ce que serait cette infraction – je pense notamment à l’expression « depuis un certain temps », qui me paraît bien vague –, j’accepterai de retirer l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je précise tout de même, monsieur le ministre, que la locution « un certain temps » est retenue par la Cour de cassation.
Par ailleurs, je suis d’accord avec Francis Szpiner : l’association de malfaiteurs suppose une infraction connexe. Celle-ci est qualifiée formellement, ce qui entraîne la qualification de l’association de malfaiteurs, par exemple en vue de commettre des actes de terrorisme. L’intérêt de cette nouvelle infraction, c’est justement de la dispenser de toute autre infraction identifiée. Ces deux dispositifs se complètent, mais ne se chevauchent pas.
Pour autant, si les services de la Chancellerie nous permettent d’améliorer le texte, nous serons preneurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. M. le ministre a proposé très élégamment de retirer son amendement si nous étions disposés à améliorer la rédaction. J’ai déclaré en préambule que notre dispositif était certainement perfectible. Nous nous engageons donc bien volontiers à le retravailler.
Mme la présidente. L’amendement n° 222 est retiré.
Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
Après l’article 227-18-1 du code pénal, il est inséré un article 227-18-2 ainsi rédigé :
« Art. 227-18-2. – Le fait de publier, sur une plateforme en ligne définie au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, un contenu accessible aux mineurs proposant aux utilisateurs de transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants est puni de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, sur l’article.
Mme Laurence Harribey. Mes chers collègues, vous voudrez bien m’excuser si mon intervention vous paraît un peu décalée par rapport à la discussion passionnante que nous venons d’avoir.
Nous adhérons totalement à l’esprit de cet article 10, qui vise à créer une infraction spécifique pour l’incitation des mineurs au trafic de stupéfiants via les plateformes numériques.
Si je prends la parole sur cet article, c’est pour relever qu’il est le seul dans ce texte à concerner les mineurs. On sait pourtant que ces derniers jouent un rôle essentiel dans les affaires de stupéfiants et qu’il faut les prendre en compte dans la lutte contre le narcotrafic.
Il est donc positif qu’il figure dans le texte. Il est évidemment positif de pénaliser la publication de tels contenus, mais cela ne suffira pas pour résoudre le problème de l’utilisation des mineurs par les narcotrafiquants.
Les mineurs sont des cibles faciles, d’une part, parce qu’ils peuvent être aisément convaincus, d’autre part, parce que, du fait de leur âge, ils peuvent échapper aux poursuites pénales. Il est donc facile de les utiliser dans les circuits de narcotrafic.
Je tenais à mettre l’accent sur ce point. Il nous faudra ensuite travailler sur les questions de prévention et d’accompagnement des mineurs, dont il n’est pas question dans la présente proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. Comme Mme Harribey, je souligne que cet article est le seul qui concerne, de trop loin sûrement, les mineurs, sur lesquels se referme le piège du narcotrafic.
Nous avons souvent et longuement discuté de ce sujet. Lorsque nous avons auditionné des familles des quartiers de Marseille gangrénés par le trafic de drogue – M. le ministre était présent –, nous avons mesuré l’importance du problème que posent les mineurs. La question du recrutement des enfants – souvent, pour ne pas dire toujours, sur les réseaux sociaux – nous a été posée.
Les narcotrafiquants sont des entrepreneurs capitalistes assumés. Ils sous-traitent et utilisent la main-d’œuvre la moins chère possible, désœuvrée et si possible précaire.
Si cet article va dans le bon sens, nous espérons que Pharos aura les moyens de traiter tous les signalements.
Nous saluons l’ouverture de la réflexion sur la précarité des jeunes. Issus parfois de l’aide sociale à l’enfance (ASE), ils sont incités à répondre à de telles annonces. Nous regrettons que cette proposition de loi ne comporte pas un volet économique et social plus complet et qu’elle ne prévoie pas de mesures de prévention et d’information des jeunes, afin de les accompagner et de tarir la source de recrutement qu’ils constituent pour les narcotrafiquants. Cela permettrait de lutter plus efficacement contre le narcotrafic.
Nous pensons néanmoins que cet article est souhaitable et qu’il présente un intérêt, car il s’agit du seul, nous l’avons dit, qui concerne les mineurs.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 49 rectifié est présenté par Mme V. Boyer, M. Rapin, Mme Dumas, MM. Naturel, Reynaud et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Piednoir, Khalifé et C. Vial, Mmes Garnier, Goy-Chavent et Micouleau, M. Meignen, Mme Pluchet, MM. Pellevat, Genet, Bouchet et Sido, Mmes Josende et Berthet, M. Daubresse, Mmes Gruny et Bellurot, MM. Saury et Reichardt et Mme Borchio Fontimp.
L’amendement n° 54 rectifié ter est présenté par Mme Ciuntu, M. Cambon, Mmes Gosselin et Dumont, MM. P. Vidal, Karoutchi et Burgoa, Mme Puissat, M. Allizard et Mme Aeschlimann.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au premier alinéa de l’article 227-18-1 du code pénal, après le mot : « stupéfiants », sont insérés les mots : « ou à se livrer à une activité ayant pour objet de faciliter le transport, la détention, l’offre ou la cession de stupéfiants » ;
II. – Alinéa 2
Après le mot :
stupéfiants
insérer les mots :
ou de se livrer à une activité ayant pour objet de faciliter le transport, la détention, l’offre ou la cession de stupéfiants
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 49 rectifié.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à étendre le champ des délits relatifs à la provocation de mineurs à se livrer à un trafic de stupéfiants à toute provocation à mener toute activité ayant pour objet de faciliter le trafic. Cet amendement tend à protéger les mineurs.
La commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, a mis en évidence, dans son rapport, un phénomène, particulièrement préoccupant, de rajeunissement du trafic. Il s’agit des mineurs les plus vulnérables, les mineurs non accompagnés, mais également les mineurs relevant de l’aide sociale à l’enfance. S’ils ne sont pas en difficulté au départ, ces mineurs le deviennent très vite quand ils sont à la main de réseaux.
Le phénomène s’est considérablement développé sous l’effet de l’ubérisation du trafic et du recrutement massif de jeunes via les réseaux sociaux, pour effectuer des missions de petites mains au profit des narcotrafiquants. C’est particulièrement poignant.
Cela a été dit lors de la discussion générale, nous avons rencontré, notamment à Marseille, des associations qui nous ont décrit – mais nous le savions pour être confrontés à ce phénomène en tant qu’élus marseillais –, le recrutement de mineurs pour trafiquer, hurler, prévenir, en bref pour exécuter toutes les basses besognes liées au trafic de stupéfiants.
L’article 10 de la proposition de loi, en prévoyant une pénalisation renforcée de ces opérations de recrutement, constitue un élément de réponse nécessaire et bienvenu face à ce fléau abominable qui touche les mineurs.
Tout autant que les autres petites mains, les guetteurs sont exposés aux dangers du trafic, notamment à la violence des règlements de compte. Il est par conséquent légitime que le fait de les démarcher pour les recruter soit puni des mêmes peines.
Les dispositifs relatifs à la provocation à détenir, à transporter, à céder ou à offrir des stupéfiants excluent par exemple l’activité de certains guetteurs.
C’est pourquoi il faut protéger les mineurs, quelles que soient les tâches qu’ils accomplissent dans ce trafic de la mort.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié ter.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mmes Boyer et Ciuntu ont été deux membres éminentes et assidues de la commission d’enquête,…
M. Jérôme Durain, rapporteur. C’est vrai !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. … de sorte que je ne suis pas étonnée par les amendements qu’elles ont déposés, lesquels visent à protéger les mineurs, qui ne sont pas visés par toutes les infractions existantes aujourd’hui.
La commission émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 rectifié et 54 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Après l’article 10
Mme la présidente. L’amendement n° 94 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 112 rectifié, présenté par MM. Khalifé et Panunzi, Mme Gruny, MM. Karoutchi et L. Vogel, Mme Imbert, MM. Sautarel, Belin, H. Leroy et Burgoa, Mme Belrhiti, M. Maurey, Mme Dumont, MM. Bruyen et Paul, Mme Borchio Fontimp, M. P. Vidal, Mmes Micouleau et Petrus, MM. Courtial et Nougein, Mme Malet, MM. Chasseing, D. Laurent, Saury, Kern, C. Vial, Wattebled et Bleunven, Mmes Herzog, Paoli-Gagin et Romagny, M. Sido et Mmes Guidez, Josende et Ventalon, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 132-6 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 132-6-… – Par dérogation aux articles 132-2 à 132-5, les peines prononcées pour les crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale commis en concours se cumulent entre elles, sans possibilité de confusion, dans la limite d’un maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle. Ce maximum légal ne s’applique pas lorsque la réclusion criminelle à perpétuité, encourue pour l’une ou plusieurs de ces infractions en concours, a été prononcée.
« Pour l’application du présent article, les peines privatives de liberté sont de même nature et toute peine privative de liberté est confondue avec une peine perpétuelle.
« La dernière juridiction appelée à statuer sur l’une des infractions commises en concours peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas faire application du présent article. »
La parole est à M. Laurent Burgoa.
M. Laurent Burgoa. Cet amendement de notre collègue Khalifé Khalifé vise à créer un cas de dérogation aux règles de plafonnement des peines applicables aux infractions commises en concours et liées à la criminalité organisée.
En l’état du droit, l’article 132-4 du code pénal prévoit que, lorsque de telles infractions sont commises en concours, c’est-à-dire quand la seconde infraction a été commise avant qu’une condamnation n’ait été prononcée pour la première, les peines prononcées se cumulent entre elles, dans la limite du maximum légal le plus élevé.
Il en résulte un effet d’aubaine pour les narcotrafiquants, qui peuvent dans bien des cas poursuivre leur activité en détention provisoire, sans craindre, de fait, d’aggravation de la peine qu’ils encourent.
Les dispositions du présent amendement constituent ainsi un élément de réponse face à la nécessité, soulignée avec force par la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France, de renforcer la lutte contre la poursuite des trafics en prison.
De tels comportements, en effet, portent une atteinte grave à l’administration publique comme à l’autorité de la justice, atteinte dont la nature justifie déjà, en l’état du droit, une dérogation aux règles de droit commun en matière de concours d’infraction pour les délits d’évasion ou de rébellion commise par un détenu.
Afin de garantir la proportionnalité de la mesure, cet amendement tend à cibler celle-ci sur les infractions relevant de la criminalité organisée. Le cumul des peines encourues ne pourrait excéder un maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle. Au surplus, la juridiction conserverait la possibilité, par décision spécialement motivée, de ne pas déroger aux règles de droit commun en matière de concours d’infraction.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Cet amendement de notre collègue Khalifé Khalifé, défendu par Laurent Burgoa, tous deux membres assidus de la commission d’enquête, vise à déroger aux règles de plafonnement des peines en cas de concours d’infractions liées à la criminalité organisée.
Les auteurs de l’amendement partent du constat que ces règles créent un effet d’aubaine pour les trafiquants, qui peuvent poursuivre leur trafic en prison sans risque de voir leur peine maximale aggravée. Ce constat est corroboré par des magistrats que nous avons auditionnés au cours de nos travaux et qui ont même plaidé pour la suppression pure et simple de ces règles de plafonnement des peines.
Le ciblage proposé par les auteurs de l’amendement sur les infractions liées à la criminalité organisée nous paraît davantage proportionné et pertinent.
Au demeurant, comme l’a rappelé notre collègue Burgoa, de telles dérogations existent déjà dans notre droit pénal, pour mieux réprimer des infractions qui défient l’autorité de la justice.
Le passage par la prison est perçu par les narcotrafiquants comme une case à cocher dans leur cursus. Ils sont pleinement au fait des peines qu’ils encourent et du fonctionnement de notre justice pénale. Cette case prison, il nous appartient de la rendre plus dissuasive. Je sais que le garde des sceaux est déterminé à agir dans ce sens.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 46 rectifié septies, présenté par MM. Rochette, Malhuret, Longeot, A. Marc, Capus, Chevalier et L. Vogel, Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme L. Darcos, M. V. Louault, Mme Bourcier, M. Verzelen, Mme Lermytte, MM. Médevielle, Brault, Wattebled, Khalifé, Maurey et Meignen, Mmes Pluchet et Doineau, MM. Dhersin, Henno et Courtial, Mme Romagny, M. Bonneau, Mme Saint-Pé, M. Bleunven, Mmes Billon et Sollogoub, M. Hingray et Mmes Perrot et Phinera-Horth, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- L’article 222-37 du code pénal est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« …. – Toute personne coupable de ces infractions, lorsqu’elles ont été constatées à bord d’un véhicule à moteur, encourt également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension, pour une durée de trois ans ou plus, du permis de conduire.
« 2° La confiscation du véhicule. »
II. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 325-1-1 est complété par les mots :« immatriculé en France ou à l’étranger » ;
2° Le troisième alinéa du II de l’article L. 325-1-2 est ainsi rédigé :
« Les frais d’enlèvement et de garde en fourrière sont à la charge du propriétaire. Toutefois, en cas de vol du véhicule ayant servi à commettre l’infraction ou lorsque le véhicule était loué à titre onéreux à un tiers prouvant sa bonne foi, l’immobilisation ou la mise en fourrière est levée dès qu’un conducteur qualifié proposé par le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule peut en assurer la conduite. »
La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Ce texte, nous l’avons vu, prévoit des sanctions pénales et financières pour les narcotrafiquants.
Par cet amendement, nous proposons de nous en prendre également à la logistique et à l’organisation des transports des narcotrafiquants, plus communément appelés go fast.
Cet amendement vise ainsi à faciliter la saisie et la confiscation des véhicules utilisés par les narcotrafiquants, y compris ceux qui sont immatriculés à l’étranger. En effet, si nous ne précisons pas ce point, les narcotrafiquants vont rapidement exploiter cette faille législative et se réorganiser pour rouler avec des plaques d’immatriculation étrangères.
Nous proposons également, en peine complémentaire, d’alourdir les sanctions pour les conducteurs. Nous prévoyons enfin une porte de sortie pour les loueurs qui parviendraient à prouver leur bonne foi et pourraient ainsi récupérer leur matériel facilement.
Les narcotrafiquants, nous l’avons déjà dit, travaillent en galaxie ou en autarcie. Nombre de véhicules loués à l’étranger font ainsi partie de la galaxie du narcotrafic. Les loueurs sont souvent engagés dans le même trafic.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Notre collègue souhaite créer une peine complémentaire de suspension du permis de conduire et de confiscation du véhicule des narcotrafiquants. Il s’agit d’une intuition puissante.
Cependant, cette mesure nous semble satisfaite par le droit existant. En effet, l’article 222-44 du code pénal permet déjà de condamner les personnes coupables des infractions liées au trafic de stupéfiants à la suspension de leur permis pour une durée de cinq ans, à l’annulation du permis avec une interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans et à la confiscation d’un ou plusieurs véhicules.
Pour cette raison, nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, nous émettrions un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. J’entends bien vos arguments, monsieur le rapporteur.
Toutefois, cette proposition ne sort pas de notre chapeau. Nous l’avons travaillée avec les services des douanes, qui ont accepté de nous répondre. Aujourd’hui, on ne saisit pas une voiture immatriculée à l’étranger ! L’administration hésite souvent à le faire en raison de la complexité administrative que suppose une saisie.
Nous proposons ici une saisie automatique, systématique. Si nous ne précisons pas que sont saisis les véhicules immatriculés à l’étranger, nous ne confisquerons que les véhicules français utilisés pour des go fast, et pas les autres. Ainsi, nous ne réglerions pas totalement le problème.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. M. le ministre et moi venons d’échanger brièvement d’un banc à l’autre. Il est possible que les immatriculations à l’étranger soient un problème, en effet.
Nous avions demandé le retrait de l’amendement, mais nous allons à présent émettre un avis favorable. Dans le doute, il vaut mieux adopter cet amendement, afin de pouvoir y revenir au cours de la navette, plutôt que le rejeter alors qu’il serait nécessaire.
La commission émet donc un avis favorable.