M. Cédric Perrin. Les dispositions de cet amendement revêtent, de mon point de vue, une importance capitale. Je n’ignore pas qu’elles sont contestées, mais il faut avoir à l’esprit que les réseaux de narcotrafiquants, les groupes terroristes et, au-delà, toutes les organisations criminelles tirent profit de la généralisation des messageries chiffrées et des difficultés qu’éprouvent les services de renseignement à accéder aux informations échangées sur ces plateformes.
Cet amendement tend à instaurer pour ces dernières une obligation de mettre en œuvre les mesures techniques nécessaires, afin de permettre aux services de renseignement d’accéder au contenu intelligible des correspondances et des données qui y transitent.
Cet accès serait limité aux seules correspondances et données ayant fait l’objet d’une autorisation spécifique de mise en œuvre des techniques de recueil de renseignements, après avis de la CNCTR.
Afin de garantir le respect de ces exigences de coopération, il est proposé de renforcer les sanctions pénales applicables aux personnes physiques et morales qui refuseraient de s’acquitter de leur obligation.
Les personnes physiques commettant ces infractions de manière habituelle encourraient ainsi une amende de 1,5 million d’euros ; quant aux personnes morales se trouvant dans la même situation, elles s’exposeraient à une amende pouvant atteindre 2 % de leur chiffre d’affaires mondial annuel hors taxes. Je rappelle que, en Grande-Bretagne, le montant de l’amende prévu dans les mêmes circonstances atteint 10 % du chiffre d’affaires.
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi on pourrait établir une différence entre ce qui est fait aujourd’hui avec les SMS et les mails et ce qui serait fait demain avec WhatsApp, Signal, Telegram ou d’autres applications.
Actuellement, une grande partie, voire la totalité, des délinquants utilisent WhatsApp, Signal et Telegram, précisément pour se soustraire à la possibilité, pour la justice et la police, de contrôler leurs échanges.
Cette mesure constituerait donc, à mon sens, un élément essentiel de ce qui pourrait être mis en œuvre pour renforcer notre arsenal et un atout considérable pour lutter à armes égales. Ne pas l’adopter reviendrait à laisser les policiers se battre avec un pistolet à billes contre des individus équipés de bazookas !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Notre collègue Cédric Perrin a raison : les technologies ont permis aux narcotrafiquants d’utiliser d’autres outils que leur simple téléphone.
Partant de là, il faut effectivement aller sur le terrain des interceptions satellitaires. Nous avons procédé à des auditions et une expérimentation est menée.
Se pose ensuite la question des messageries cryptées. La force de notre commission d’enquête résidait dans son caractère transpartisan et dans la recherche permanente d’un équilibre entre le besoin de sécurité et les garanties apportées aux libertés publiques.
Il est par ailleurs surprenant qu’un amendement d’une telle portée soit proposé par la voie parlementaire et non par le Gouvernement. Ses conséquences sont si lourdes, qu’il eût été assez naturel que le Gouvernement le présente lui-même.
Or aucune audition n’a été menée ; aucune étude d’impact n’a été réalisée. Il s’agit d’une technique extrêmement invasive, d’une porte dérobée que l’on nous propose d’ouvrir, sans savoir qui, finalement, l’empruntera à terme. Les risques nous semblent tout de même très importants.
La commission n’a pas mégoté son soutien à de nouvelles techniques spéciales d’enquête, aux interceptions satellitaires, à tout ce qui a été peu ou prou validé, à tout ce qui a été plus ou moins testé, à tout ce qui nous est apparu raisonnable.
En revanche, je trouve, mon cher collègue, votre amendement très ambitieux, sans doute même gourmand, et ses dispositions me semblent soulever des questions quant à l’équilibre du texte. Nous avons intérêt à donner de l’élan à notre démarche et à réaffirmer que le Sénat a travaillé dans l’esprit de la chambre des libertés qu’il est.
J’ai examiné la liste des signataires de l’amendement et je comprends bien leur position. Mais, pour les raisons que j’ai évoquées, la commission demande son retrait ; à défaut, son avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. J’ai écouté tant le président Perrin que le rapporteur.
Chaque fois que nous sommes confrontés à des menaces – souvenez-vous de ce qu’il en fut pour le terrorisme ou pour la covid –, la beauté du travail parlementaire réside dans la capacité à trouver le juste équilibre entre, d’un côté, la défense des libertés publiques, et, de l’autre, la lutte contre la menace qui pèse sur nous. Il convient de respecter une proportionnalité et d’apporter une forme de réponse ajustée.
Or, actuellement, le code de la sécurité intérieure exige des opérateurs qu’ils fournissent les moyens du décryptage, mais pas les résultats.
Vous souvenez-vous de ce que la gendarmerie nationale a pu réaliser avec EncroChat ? Elle a réussi, ce qui a été salué et utilisé par le monde entier, à casser le chiffrement d’une messagerie cryptée qui permettait aux criminels et aux trafiquants de communiquer dans le monde entier tout en se cachant. C’est à cette occasion que nous avons découvert des crimes extraordinairement violents, des salles de torture et des pratiques barbares que nous imaginions à peine.
Aujourd’hui, nous n’avons plus affaire à des enfants de chœur ! Ces gens-là se cachent derrière le chiffrement et la technique, et il faut que les opérateurs puissent, en cas de réquisition, donner les clés qui nous permettent de comprendre.
Pensez-vous un seul instant que les policiers et les gendarmes s’amusent à décrypter des conversations privées pour le plaisir ? Ils le font pour des enquêtes, c’est-à-dire dans un cadre très déterminé, avec des moyens proportionnés à la finalité.
N’oublions pas que la lutte contre la criminalité planétaire est un enjeu fondamental pour nos sociétés.
Je résume l’idée qui sous-tend cet amendement : les opérateurs doivent pouvoir donner aux services d’enquête les clés de chiffrement sans opposer de clauses contractuelles. C’est ce qu’ils font aujourd’hui, paralysant l’action des forces de sécurité intérieure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. J’aimerais bien pouvoir vous expliquer mon vote, mes chers collègues, mais, même si nous savons tous ici que le droit est parfois complexe, le débat auquel nous sommes en train d’assister sur cet amendement, comme sur le précédent d’ailleurs, est pour moi quelque peu crypté, si vous me permettez ce jeu de mots osé. (Sourires.)
J’ai l’impression que le président Perrin, le rapporteur Durain et le ministre Retailleau se comprennent tous à mots couverts, mais ce n’est pas tout à fait notre cas…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vraiment ?
Mme Audrey Linkenheld. Disons que je parle pour moi. Madame de La Gontrie, si vous comprenez mieux, je vous laisserai m’expliquer tout à l’heure ! (Sourires.)
J’ai essayé de lire les quatre pages de l’amendement, mais je dois reconnaître que, malgré mes efforts, je n’ai pas compris grand-chose.
Avant de décider de mon vote, je vais donc m’en tenir à une question portant sur l’exposé des motifs, qui sert finalement à dire de manière quelque peu vulgarisée ce que les amendements présentent de manière plus juridique : qui est la personne physique ou morale donnant l’autorisation spécifique, après avis de la CNCTR, de mise en œuvre des techniques de renseignement dont il est question dans cet amendement ? En d’autres termes, est-ce une autorité politique, technique, judiciaire ou administrative ?
La représentation nationale doit être éclairée pour pouvoir s’exprimer en toute conscience.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.
M. Cédric Perrin. De mon point de vue, il n’y a aucune différence entre ce dispositif et celui qui s’applique aujourd’hui pour les SMS ou les mails,…
M. Cédric Perrin. … sauf que ceux-ci ne sont ni cryptés ni chiffrés. Pour contrôler WhatsApp, Signal, Telegram ou d’autres applications chiffrées, il faut avoir les clés.
Aujourd’hui, ma chère collègue, la surveillance est assurée par le groupement interministériel de contrôle (GIC), l’autorisation étant délivrée par le Premier ministre après avis de la CNCTR, qui opère un contrôle ferme et clair sur la demande initiale. Aucun contrôle ne peut être réalisé sans l’intervention du Premier ministre, du GIC et de la CNCT.
Je ne vois pas pourquoi il y aurait une différence de traitement entre les opérateurs de téléphonie, les fournisseurs d’accès à des emails et les opérateurs de messageries cryptées.
La question est de savoir si nous voulons réellement lutter de manière efficace contre le narcotrafic et les bandes organisées, qui ont bien compris que, si elles veulent éviter d’être mises en échec, elles n’ont qu’à utiliser ces messageries cryptées.
Pour moi, je le répète, il n’y a pas de différence majeure du point de vue des libertés publiques avec ce que nous faisons déjà aujourd’hui. Je veux bien entendre les arguments du rapporteur, qui met en avant le besoin d’équilibre et de mesure dans nos décisions, mais, très objectivement, pour avoir présidé la délégation parlementaire au renseignement (DPR) pendant un an, je puis vous assurer que la procédure, qui fait intervenir le Premier ministre, le GIC et la CNCTR, permet d’assurer un contrôle efficace.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Pour répondre à Mme la sénatrice Linkenheld, qui a besoin d’éclaircissements sur les parties judiciaire et administrative, je comprends, à la lecture de l’amendement du sénateur Perrin, qu’il vise les deux aspects.
Permettez-moi de faire le parallèle avec la lutte contre le terrorisme. Aujourd’hui, pour récupérer des informations sur des messageries cryptées – Telegram, WhatsApp, Signal ou autres –, que ce soit en administratif ou en judiciaire, les services judiciaires ou de renseignement – direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), service national de renseignement pénitentiaire (SNRP) –, sont obligés de faire de la captation à distance, c’est-à-dire qu’ils prennent possession du téléphone à distance.
Il y a des officines privées qui le font. Je vous rappelle à cet égard les problèmes rencontrés avec des sociétés israéliennes.
Cependant, pour avoir été au conseil de défense et de sécurité nationale pendant plusieurs années, je puis témoigner que le Président de la République a toujours refusé les solutions étrangères, notamment israéliennes, et a préféré développer des solutions françaises, internes à l’État. J’y insiste, nous ne sous-traitons pas ces espionnages administratifs ou judiciaires, et nous sommes parmi les seuls pays dans ce cas.
Ce que dit le sénateur Perrin me paraît extrêmement intéressant, même si j’entends les préoccupations de la commission. Nous pourrions peut-être profiter de la navette pour saisir le Conseil d’État de ces questions, avant de reprendre le débat devant l’Assemblée nationale.
Personne ne conteste que nous sommes devant un problème de libertés publiques, mais pour réaliser des écoutes téléphoniques classiques, si j’ose dire, nous devons pouvoir profiter de portes dérobées nous permettant d’entrer dans les messageries cryptées. Il faut donc forcer les opérateurs à ces plateformes de nous en ouvrir l’accès.
C’est très compliqué pour ces plateformes, car leur raison d’être repose justement sur la confidentialité, mais le parallèle avec la lutte contre le terrorisme, que le ministre de l’intérieur et moi-même faisons, est évident. Il s’agit d’adopter les mêmes techniques, qui ont fait leurs preuves.
Aussi, comme Bruno Retailleau, je soutiens la proposition du sénateur Perrin, tout en étant attentif, évidemment, aux effets de bord éventuels.
En conclusion, madame la sénatrice, pour avoir pendant longtemps eu à connaître d’écoutes administratives, je puis vous assurer que tout est extrêmement encadré. La CNCTR en refuse même beaucoup.
Mme Audrey Linkenheld. Qui les autorise in fine ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Si c’est administratif, l’autorité ministérielle – ministre de la justice pour le SNRP, ministre de l’intérieur pour la DGSI ou la direction nationale du renseignement territorial, le ministre des armées pour la DGSE – fait une demande. Ensuite, le cabinet du Premier ministre, après avis de la CNCTR, donne ou refuse l’autorisation.
Si c’est une écoute judiciaire, c’est le magistrat du siège. Par parenthèse, vous savez qu’il existe un débat sur les données de connexion entre les juges européens et le Conseil d’État. En tout état de cause, ces écoutes judiciaires sont subordonnées au respect des libertés publiques protégées par le bloc de constitutionnalité.
Objectivement, il y a peu de risques. Ces textes ont pour objet de lutter contre la criminalité organisée : il s’agit non pas d’écouter tout le monde, tout le temps, sur tous les sujets, mais de s’intéresser aux narcotrafiquants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous souhaitons pousser le parallèle avec le terrorisme jusqu’au bout – parquet spécialisé, chef de file, modalités de détention –, mais n’oublions pas que le terrorisme, cet ennemi terrible, tue moins en France que le narcotrafic, qui constitue aujourd’hui une menace concurrente. Nous devons donc avoir les mêmes moyens pour le combattre que pour lutter contre le terrorisme.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Je vais illustrer notre position de façon encore plus nette.
Nous sommes à l’aéroport du Bourget, en août 2024. Un ressortissant franco-russe, Pavel Durov, est arrêté. C’est le fondateur de la messagerie Telegram, à laquelle les autorités judiciaires françaises reprochent un manque de coopération dans une affaire de pédopornographie qu’elles instruisent. Par la suite, les enquêteurs ont disposé d’un certain nombre d’informations qui leur ont permis de démanteler un réseau de pédopornographie gigantesque.
Voilà ce à quoi ce dispositif va servir ! Il ne s’agit pas d’écouter des sénateurs ou des députés.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est toujours ce que l’on dit ! (Sourires.)
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Comme l’a expliqué très clairement le garde des sceaux, il s’agit de disposer d’armes à la hauteur de la menace.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je m’en remets à vous pour décider du sort de cet amendement du président Perrin, dont l’adoption me semble essentielle pour donner de la puissance à nos forces de sécurité et à nos enquêteurs.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.
TITRE IV
RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION PÉNALE DU NARCOTRAFIC
Chapitre Ier
Mesures de droit pénal
Article 9
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le 14° du II de l’article 131-26-2 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
a bis) (nouveau) Après le mot : « code », sont insérés les mots : « ainsi que le délit d’appartenance à une organisation criminelle prévu à l’article 450-1-1 » ;
b) Les mots : « lorsqu’il a pour objet » sont remplacés par les mots : « lorsque l’association de malfaiteurs ou l’organisation criminelle a pour objet la préparation d’ » ;
2° Le titre V du livre IV est ainsi modifié :
aa) (nouveau) L’intitulé est complété par les mots : « et de l’appartenance à une organisation criminelle » ;
a) (Supprimé)
b) L’article 450-1 est ainsi modifié :
– après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’infraction préparée est un crime pour lequel la loi prévoit une peine de réclusion criminelle à perpétuité ou une répression aggravée en cas de commission en bande organisée, la participation à une association de malfaiteurs est punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 225 000 euros d’amende. » ;
– au deuxième alinéa, après le mot : « crimes », sont insérés les mots : « autres que ceux mentionnés au deuxième alinéa » ;
c) (Supprimé)
d) (nouveau) Après l’article 450-1, il est inséré un article 450-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 450-1-1. – Constitue une organisation criminelle tout groupement ou toute entente prenant la forme d’une structure existant depuis un certain temps et formée en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, un ou plusieurs crimes et, le cas échéant, un ou plusieurs délits.
« Le fait pour toute personne de concourir sciemment et de façon fréquente ou importante au fonctionnement d’une organisation criminelle, indépendamment de la préparation d’une infraction particulière, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Ce concours est caractérisé par un ou plusieurs faits matériels démontrant que, directement ou indirectement, cette personne tient un rôle dans l’organisation de cette structure, fournit des prestations de toute nature au profit de ses membres, ou verse ou perçoit une rémunération à ou de ses membres. » ;
e) (nouveau) À l’article 450-2, après les mots : « l’article 450-1 », sont insérés les mots : « ou ayant commis l’infraction prévue à l’article 450-1-1 » ;
f) (nouveau) À l’article 450-3, les mots : « de l’infraction prévue par l’article 450-1 » sont remplacés par les mots : « des infractions prévues par les articles 450-1 et 450-1-1 » ;
g) (nouveau) À l’article 450-4, les mots : « de l’infraction définie à l’article 450-1 » sont remplacés par les mots : « des infractions définies aux articles 450-1 et 450-1-1 » ;
h) (nouveau) À l’article 450-5, les mots : « au deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deuxième et troisième alinéas ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 5° bis du I de l’article 28-1 est ainsi modifié :
a) Avant le mot : « délits », sont insérés les mots : « crimes ou » ;
b) (nouveau) Après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ainsi que l’infraction prévue à l’article 450-1-1 du même code » ;
c) (nouveau) Les mots : « lorsqu’ils ont » sont remplacés par les mots : « lorsque l’association de malfaiteurs ou l’organisation criminelle a » ;
2° Le 4° de l’article 689-5 est ainsi modifié :
a) Au début, le mot : « Délit » est remplacé par les mots : « Crime ou délit » ;
b) (nouveau) Le mot : « prévu » est remplacé par le mot : « prévus » ;
c) (nouveau) Après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ou d’appartenance à une organisation criminelle prévu à l’article 450-1-1 du même code » ;
d) (nouveau) Les mots : « lorsqu’il a » sont remplacés par les mots : « lorsque l’association de malfaiteurs ou l’organisation criminelle a » ;
3° L’article 706-34 est ainsi modifié :
a) Les mots : « le délit » sont remplacés par les mots : « les crimes ou délits » ;
b) (nouveau) Le mot : « prévu » est remplacé par le mot : « prévus » ;
c) (nouveau) Après les mots : « même code », sont insérés les mots : « et le délit d’appartenance à une organisation criminelle prévu par l’article 450-1-1 dudit code » ;
d) (nouveau) Les mots : « lorsqu’il a » sont remplacés par les mots : « lorsque l’association de malfaiteurs ou l’organisation criminelle a » ;
4° Le 15° de l’article 706-73 et le 4° de l’article 706-73-1 sont ainsi modifiés :
a) Au début, le mot : « Délits » est remplacé par les mots : « Crimes ou délits » ;
b) (nouveau) Après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ou d’appartenance à une organisation criminelle prévu à l’article 450-1-1 du même code » ;
c) (nouveau) Les mots : « lorsqu’il a » sont remplacés par les mots : « lorsque l’association de malfaiteurs ou l’organisation criminelle a » ;
4° bis (nouveau) Le 2° de l’article 706-74 est ainsi modifié :
a) Au début, après le mot : « Aux », sont insérés les mots : « crimes ou » ;
b) Les mots : « le deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « les deuxième et troisième alinéas » ;
5° Le 7° de l’article 706-167 est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « Le délit » sont remplacés par les mots : « Les crimes ou délits » ;
b) Le mot : « prévu » est remplacé par le mot : « prévus » ;
b bis) (nouveau) Après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ainsi que le délit d’appartenance à une organisation criminelle prévu par l’article 450-1-1 du même code » ;
c) Les mots : « lorsqu’il a » sont remplacés par les mots : « lorsque l’association de malfaiteurs ou l’organisation criminelle a ».
Mme la présidente. L’amendement n° 222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 5, 7, 14 à 19, 24, 25, 29, 30, 34, 35, 38, 39 et 46
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Nous venons de vivre un moment important, et je vous propose d’en vivre un autre, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est peut-être un peu moins essentiel, mais ce sujet animera tout de même nos discussions tout au long de la navette, me semble-t-il.
Nous aimerions voir supprimée la nouvelle infraction, issue du rapport Durain-Blanc, qui figure à cet article. En effet, il s’agit d’incriminer la seule appartenance à une organisation criminelle, indépendamment de toute participation à l’organisation d’une activité délictueuse.
Aujourd’hui, d’après le rapport et l’exposé des motifs de la proposition de loi, les magistrats n’auraient pas les moyens de le faire. Les auteurs de la proposition de loi présentent cette mesure comme étant de bon sens.
Je vois là trois difficultés.
La première est d’ordre constitutionnel. Je pense à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Certes, nous pouvons attendre une décision du juge constitutionnel, mais je me dois de le rappeler dans l’intérêt de nos débats.
La deuxième tient à la difficulté que l’on éprouve, aux termes de votre texte, à définir ce que serait l’appartenance à une organisation criminelle. J’ai constaté, durant mes quatre ans et demi au ministère de l’intérieur et mes trente-six jours au ministère de la justice,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Seulement ? (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Vous savez, madame de La Gontrie, c’est plus l’intensité d’une relation que sa longueur qui compte. (Nouveaux sourires.)
J’ai constaté, donc, que les organisations criminelles comme la DZ Mafia n’avaient pas de bulletins d’adhésion et de fichiers ! Seuls les groupes d’ultra-droite sont très organisés, et nous avons d’ailleurs pu récolter des informations très intéressantes lors de perquisitions. Le souci de l’ordre prévaut dans ces structures, ce qui aide bien les services. Cependant, les autres organisations criminelles n’organisent pas les choses de manière aussi évidente.
Il y a même des personnes qui se revendiquent, par exemple, de la DZ Mafia, dans les prisons ou ailleurs, soit pour faire les malins, soit pour bénéficier d’une protection, réelle ou supposée, soit pour faire peur.
Ce qui nous inquiète beaucoup avec cette infraction nouvelle, c’est qu’elle n’est pas du tout précise. Le garde des sceaux que je suis ne peut accepter ici, devant la Haute Assemblée et d’éminents parlementaires qui exercent ou ont exercé le noble métier d’avocat, la création d’une infraction avec aussi peu de précisions. Cela me paraît être en contradiction avec ce que nous souhaitons faire.
La troisième difficulté, enfin, tient à l’existence de l’association de malfaiteurs. Cette infraction implique, certes, que des délinquants se réunissent en vue de faire quelque chose de mal, ce qui la distingue de votre proposition. Cependant, tout ce qui relève de l’association de malfaiteurs – recel, blanchiment, organisation – correspond à ce que vise la nouvelle infraction que vous appelez de vos vœux.
Aussi, je vous propose, en bonne intelligence, de retirer ce dispositif du texte.
Je comprends votre intention novatrice, mais votre amendement n’est pas assez clair. Ses dispositions posent un problème d’ordre constitutionnel et pourraient brouiller l’application des règles relatives à l’association de malfaiteurs.
En effet, le magistrat ouvrant une information de ce chef demanderait aux enquêteurs de police ou de gendarmerie de prouver l’existence de l’organisation et un avocat suffisamment expérimenté aurait tôt fait d’obtenir l’annulation de la procédure, ce qui n’arriverait certainement pas si l’on poursuivait d’emblée pour association de malfaiteurs, une infraction bien plus solide pour les enquêteurs.
Je le répète, l’intention est bonne, mais ce dispositif n’a pas sa place dans ce texte. D’où cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur le garde des sceaux, lorsque les auditions nous ont démontré qu’une de nos propositions n’était pas judicieuse, nous avons accepté de la voir supprimée, comme ce fut le cas tout à l’heure avec les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross).
Pour autant, en l’occurrence, je comprends mal votre position. Bien sûr, c’est une innovation que nous proposons, mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, si nous nous en tenons au statu quo, nous n’arriverons pas à vaincre les narcotrafiquants et la criminalité organisée.
C’est pourquoi nous tentons de mettre en œuvre de nouvelles dispositions. Sont-elles perfectibles ? Probablement, et c’est tout l’intérêt de la navette parlementaire, mais je ne suis pas totalement convaincue par les arguments que vous nous opposez.
Tout d’abord, c’est vrai, il existe déjà la participation à une association de malfaiteurs, qui, elle, sera caractérisée lorsque celui qui sera incriminé sur cette base aura préparé une infraction particulière. C’est la préparation du délit qui va permettre de caractériser la participation à une association de malfaiteurs.
Pour notre part, nous nous sommes librement inspirés de ce qui a été mis en œuvre pour lutter contre la mafia. Avec ce délit d’appartenance à une organisation criminelle, nous souhaitons pouvoir sanctionner quelqu’un qui a conscience de faire partie d’une organisation criminelle, quand bien même il ne préparerait aucune infraction déterminée.
C’est ce critère qui distingue les deux infractions, qui ne se confondent pas, et j’imagine qu’un magistrat saura parfaitement faire la différence entre l’existence d’une préparation à une infraction et le fait de faire sciemment partie d’une organisation criminelle.
Dès lors, comment définir une organisation criminelle ? De la même manière que l’on définit une bande organisée, une notion retenue dans un certain nombre d’articles du code pénal. Cela ne me paraît pas beaucoup plus complexe.
Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, nous avons tenu compte de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Je crois qu’il faut essayer d’aller plus loin que ce que notre droit permet, pour poursuivre des personnes qui ne participent pas clairement à la préparation d’une infraction, mais qui participent très clairement à une organisation criminelle, et qui le savent.
Soyons innovants si nous voulons gagner la lutte contre le narcotrafic. Je le répète, nous pourrons encore travailler à une amélioration de la rédaction, mais nous devons aller de l’avant à partir de notre proposition.
La commission demande donc le retrait de cet amendement de suppression, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.