M. le président. Madame Sollogoub, l’amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je vous fais confiance, mais ma demande n’est pas satisfaite par le code de l’environnement. Peut-être le sera-t-elle par des décrets à venir ou par le projet de loi d’orientation agricole. Quoi qu’il en soit, en l’état, rien n’est fait.

Cela étant dit, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.

TITRE III

FACILITER LA CONCILIATION ENTRE LES BESOINS EN EAU DES ACTIVITÉS AGRICOLES ET LA NÉCESSAIRE PROTECTION DE LA RESSOURCE

Après l’article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
Article 5

Intitulé du titre III

M. le président. L’amendement n° 37 rectifié octies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mmes Saint-Pé et L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Romagny, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :

Concilier la nécessaire protection de l’agriculture et de la ressource en eau

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Cet amendement rédactionnel vise à apporter quelques clarifications importantes pour la jurisprudence, demain.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Honnêtement, je ne vois pas ce que cette modification peut apporter. La commission y est donc plutôt défavorable, mais s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié octies.

(Lamendement nest pas adopté.)

Intitulé du titre III
Dossier législatif : proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
Après l’article 5

Article 5

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 211-1 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– après la seconde occurrence du mot : « gestion », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « respecte le principe de non-régression du potentiel agricole, prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : » ;

– au 1°, les mots : « , ou dont » sont remplacés par les mots : « et dont » ;

– au 5° bis, la seconde occurrence des mots : « l’eau » est remplacée par les mots « la ressource » et, après le mot : « garantir », sont insérés les mots : « le développement de » ;

– après le même 5° bis, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :

« 5° ter La préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’élevage ; »

b) Le II est ainsi modifié :

– après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle doit permettre de satisfaire les exigences du maintien et du développement des activités agricoles et piscicoles. » ;

– au début du 3°, les mots : « De l’agriculture, » sont supprimés ;

1° bis (nouveau) Après l’article L. 211-1-1, il est inséré un article L. 211-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-1-2. – Pour l’application du présent titre, et notamment du VII de l’article L. 212-1, et dans le respect des dispositions de l’article 4 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, les projets destinés au stockage de l’eau et aux prélèvements nécessaires au remplissage des plans d’eau, permanents ou non, qui répondent à un usage partagé au sens du 5° bis du I de l’article L. 211-1 sont réputés d’intérêt général majeur. » ;

2° L’article L. 212-1 est ainsi modifié :

a) Le II est ainsi modifié :

– au 1°, le mot : « économique » est remplacé par les mots : « des nécessités économiques » ;

– la dernière phrase du 3° est ainsi rédigée : « Elles sont compatibles avec le principe de non-régression du potentiel agricole, qui implique une préservation voire un accroissement ponctuel des prélèvements d’eau aux fins agricoles, notamment d’irrigation et d’élevage. » ;

b) Au premier alinéa du VII, après le mot « humaines », sont insérés les mots : « , notamment agricoles, » ;

c) Le XI est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils prennent particulièrement en compte et évaluent, dans leur phase d’élaboration ou d’instruction, les impacts attendus sur l’économie agricole, et s’assurent du respect du premier alinéa et du 5° bis du I de l’article L. 211-1, du 3° du II et du VII du présent article. » ;

d) Le XIII est complété par les mots : « , notamment celles relatives au respect du principe de non-régression du potentiel agricole » ;

3° Le 1° du II de l’article L. 212-5-1 est complété par les mots : « , dans le respect des dispositions relatives à la protection du potentiel agricole mentionné au premier alinéa et au 5° bis du I de l’article L. 211-1, au 3° du II et au VII de l’article L. 212-1 » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 212-6 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « département », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « , qui s’assure notamment du respect du principe de non-régression du potentiel agricole, tel que mentionné au premier alinéa et au 5° bis du I de l’article L. 211-1, au 3° du II et du VII de l’article L. 212-1. » ;

b) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Son arrêté d’approbation est publié. » ;

5° L’article L. 213-8 est ainsi modifié :

a) Au 2°, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;

b) Au 2° bis, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l’article.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réellement surpris que cette proposition de loi n’ait pas fait l’objet, a minima, d’une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, tant les sujets qu’elle traite relèvent également du champ de compétence de celle-ci. Je m’en suis d’ailleurs ouverte au président de notre commission.

Cette ostracisation délibérée est une nouvelle preuve de la volonté des auteurs de ce texte de faire passer des normes d’intérêt général pour des contraintes d’intérêt privé.

La gestion de l’eau, dont nous traitons ici, est l’une des grandes thématiques sur lesquelles travaille notre commission. De nombreux collègues ont rédigé des rapports d’information importants sur la question. Je pense notamment à Hervé Gillé et à Rémy Pointereau.

Au lieu de s’inspirer des propositions de bon sens figurant dans leurs rapports, cet article risque de fragiliser un édifice juridique indispensable à la conciliation des usages de l’eau. La définition des zones humides est ainsi remise en cause, alors que le bon fonctionnement du cycle de l’eau en dépend en grande partie.

Il serait bon que nos collègues lisent et entendent, ne serait-ce qu’une seule fois, les travaux d’hydrologues de renom. Si la nouvelle définition prévue par l’article devait être adoptée, un très grand nombre de zones humides seraient déqualifiées, alors qu’elles sont parfaitement caractérisées. De ce fait, elles ne feraient plus l’objet des mesures de préservation fonctionnelle dont elles peuvent bénéficier.

Mes chers collègues, il s’agit là d’un enjeu d’intérêt général majeur : en rendant cumulatifs les critères de sol et de végétation, cette rédaction rendra impossible le classement en zone humide d’une parcelle cultivée sur laquelle l’activité agricole empêche le développement de la végétation naturelle caractéristique – je pense par exemple à la production de maïs.

Malgré toutes les circonlocutions de M. le rapporteur, cet article aura de lourdes conséquences sur l’environnement et pour le partage de l’eau.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, sur l’article.

M. Vincent Louault. Ce sujet est très important et mérite que nous y passions un peu de temps.

La définition actuelle des zones humides empêche de construire sur des zones cultivables, des zones classées U par les plans locaux d’urbanisme (PLU) ou UI dans les zones industrielles. Le rapport de compensation est d’un sur trois, et je ne parle pas du « zéro artificialisation nette » (ZAN) : c’est alors la double peine !

Dans un village de mon département, un terrain situé à 100 mètres de l’église est classé en zone humide sur la base du seul critère pédologique, à cause de la présence d’oxydes ferreux. Or des régions entières ont des sols riches en oxydes ferreux : je pense à la Vendée, territoire à l’origine entièrement marécageux (Mme Annick Billon le confirme.), ou encore au Pas-de-Calais, département intégralement classé en zone humide.

La loi portant création de l’Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement, est revenue sur une jurisprudence que l’on avait mis trente ans à établir. Ce travail a pris beaucoup de temps, car il a fallu définir ce qu’est un étang, puis ce qu’est une zone humide. Selon cette jurisprudence, une terre doit cumuler la présence d’oxydes ferreux dans le sol et celle de plantes hygrophiles pour être qualifiée comme humide. Je demande que l’on revienne à cette définition.

Je suis très déçu de la réponse technocratique du Gouvernement. Ce dernier tend une simple sucette aux agriculteurs, en les autorisant à mener des projets agricoles, et oublie purement et simplement les collectivités territoriales.

Le Sénat est l’assemblée des collectivités : nous ne saurions accepter de voir nos zones U bousillées par les zones humides créées par les semelles de labour de nos charrues !

Nous nous sommes donc entendus en commission pour réinstaurer le caractère cumulatif des critères définissant une zone humide. Mes chers collègues, j’en appelle à votre vigilance : il faut rejeter l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.

M. Michel Canévet. Avant tout, je tiens à féliciter les auteurs de cette proposition de loi. Il faut effectivement lever un grand nombre des contraintes qui pèsent sur les agriculteurs pour assurer la souveraineté alimentaire et économique de notre pays.

Des contraintes, il y en a partout : samedi dernier, je me suis rendu à la cérémonie des vœux de la commune de Lampaul-Guimiliau, où a fermé il y a onze ans l’abattoir Gad, qui employait 850 personnes. Cette fermeture s’explique tout simplement par la diminution de l’élevage breton.

Un projet vise à installer sur l’ancien site de Gad une unité de transformation du lin, dont la culture a jadis fait la prospérité d’une partie du Léon, au nord de la Bretagne. Or les porteurs du projet, qui souhaitent construire sur ce site déjà industrialisé, ont découvert que l’on y soupçonnait la présence d’un couple de chauves-souris : ils doivent non seulement déployer plus de 100 000 euros d’investissement pour construire une tour susceptible d’héberger, le cas échéant, ces animaux, mais aussi geler 2 000 mètres carrés devant la future unité de production.

C’est là une simple illustration des contraintes que nous faisons peser sur tous ceux qui entreprennent. Le résultat est clair : alors que nous aurions pu produire du lin dès cette année sur 400 à 500 hectares, le projet est reporté à des jours meilleurs. Voilà, madame la ministre, la réalité du terrain ! Et il ne s’agit que d’un exemple parmi bien d’autres.

Nous devons lever les contraintes et faire en sorte que notre réglementation tienne compte des réalités économiques. Là où il y a eu une activité industrielle, une nouvelle activité industrielle doit pouvoir s’implanter.

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, sur l’article.

Mme Lauriane Josende. Je tiens à alerter le Gouvernement sur les difficultés que rencontrent les territoires touchés par la sécheresse.

Madame la ministre, vous connaissez très bien la situation terrible dans laquelle se trouvent les Pyrénées-Orientales : le rendement des vignobles y a été divisé par deux à cause de la sécheresse dont nous faisons les frais depuis deux ans.

J’avais déposé des amendements sur cet article, mais ils ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 41 de la Constitution. Puisqu’il s’agit a priori de mesures réglementaires, je m’en remets à vous.

Il convient de simplifier les normes et d’alléger les contraintes. Je précise que ces dispositions ont été élaborées avec l’ensemble des acteurs locaux, qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou des acteurs économiques, en particulier les agriculteurs.

Il s’agit tout simplement de coller à la réalité du terrain. En France, les règles relatives au débit des cours d’eau sont applicables partout et inadaptées aux spécificités de la géographie méditerranéenne.

Le débit de nos cours d’eau peut être très fort en hiver, mais, malheureusement, quasi inexistant en été, du fait de la sécheresse. L’arrosage dépendant des canaux gravitaires, la question des retenues collinaires est cruciale.

Je tiens à souligner que vous vous êtes intéressée à nos difficultés dès votre prise de fonction et que vous vous êtes rendue dans notre département. Si nous ne pouvons passer par la loi, il est temps d’adopter par voie réglementaire ces mesures, qui sont prêtes et faciles à appliquer.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Lauriane Josende. Je compte sur votre engagement.

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, sur l’article.

M. Mickaël Vallet. Le fait de passer par une proposition de loi nous prive d’étude d’impact, ce qui pose tout de même problème.

De nombreux collègues appellent à porter un regard objectif sur la situation en se fondant sur des données scientifiques ; mais, faute d’étude d’impact, l’on risque de minimiser les conséquences d’un tel article.

Dans l’exposé des motifs, on se contente d’indiquer que le retour à la définition des zones humides de 2019 a pour objet de « réduire l’insécurité juridique des agriculteurs ». Selon cette définition, pour être qualifié de zone humide, un terrain devra cumuler deux critères – un sol hydromorphe et une végétation hygrophile – et non plus à répondre à l’un des deux.

Pour ma part, je ne parviens pas à comprendre de quelle insécurité juridique il est question. J’ai consulté le compte rendu des débats en commission : il a été question de pertes de chances pour la construction de zones industrielles, comme à l’instant au sujet du lin.

Mes chers collègues, nous pouvons tous donner des exemples locaux, mais cela ne fera pas une étude d’impact. En revanche, comme chacun d’entre vous, je sais que les zones humides, qui filtrent naturellement l’eau, constituent des zones tampons irremplaçables. La construction de stations d’épuration se heurte à de nombreuses difficultés urbanistiques : nous devrions donc nous réjouir d’en avoir de « naturelles ».

Je souligne également que ces zones sont des réserves de biodiversité, sans tomber dans la caricature du couple de chauves-souris ou de je ne sais quel pélobate cultripède qui empêcherait la construction d’une unité de production.

En outre, ces zones sont utiles pour capter le carbone – ce n’est pas un petit sujet – et permettent de maintenir un élevage extensif.

Un rapport de 2009 estimait que 67 % des zones humides avaient disparu en un siècle, et l’on voudrait encore en retrancher. L’argument de la sécurité juridique des agriculteurs ne colle pas à bien des réalités de terrain. Voici la mienne : mon département compte plus de 100 000 hectares de zones humides, dont plus de 10 000 dans un seul canton. Mais les agriculteurs, toutes tendances syndicales confondues, n’appellent pas à requalifier ces zones.

Monsieur le président, mon temps de parole étant écoulé, je poursuivrai mon propos après la présentation des amendements de suppression de l’article.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 5 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 12 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 47 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 82 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac, Cabanel et Guiol, Mme Jouve et MM. Masset et Roux.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 5.

M. Daniel Salmon. L’article 5 modifie la hiérarchie des usages de l’eau en reconnaissant par principe un ouvrage de stockage d’eau pour une activité agricole comme d’intérêt général majeur et en inscrivant le principe de « non-régression du potentiel agricole » dans le code de l’environnement. Ce faisant, il remet en cause l’ensemble de la politique sanitaire et écologique de la gestion de l’eau.

De plus, il modifie la définition des zones humides afin d’en réduire le périmètre, donc le niveau de protection. Or les scientifiques et les organismes chargés de la protection des écosystèmes ont largement documenté le fait que ces zones cruciales pour la biodiversité, le fonctionnement du cycle de l’eau et la lutte contre les inondations étaient en train de disparaître.

Certains réclament que nous nous fondions sur la science pour légiférer : c’est précisément ce que je fais.

Ces constats ne sortent pas du chapeau : ils sont issus des travaux d’hydrologues spécialistes du sujet. Il est donc hors de question de revenir sur la définition des zones humides.

En l’absence de tout encadrement et de toute distinction entre les usages agricoles de l’eau, cet article favorise les pratiques intensives et ouvre la voie à l’accaparement des ressources par les acteurs dont les moyens financiers sont suffisants pour réaliser des ouvrages.

À l’heure actuelle, les zones de répartition des eaux (ZRE) couvrent plus d’un tiers de l’Hexagone. Autrement dit, la quantité d’eau disponible est inférieure aux besoins de la population, y compris hors des périodes de sécheresse. Ce déséquilibre structurel menace à la fois les usages et les milieux. Il nuit aux objectifs de reconquête et de maintien du bon état des eaux.

Une telle situation devrait nous conduire à adopter une trajectoire généralisée de sobriété, applicable à tous les usages. Pourtant, l’irrigation continue de se développer – les surfaces irrigables ont augmenté de 23 % entre 2010 et 2020. Elle est essentiellement destinée à la culture du maïs et du soja. Bref, on irrigue ici et on déforeste au Brésil : bonjour le développement durable !

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 5.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 12.

M. Jean-Claude Tissot. Nous proposons nous aussi de supprimer l’article 5, relatif à l’usage de la ressource en eau en agriculture.

Nous pensons sincèrement que les solutions proposées ne sont pas les bonnes. Ce n’est pas en traitant la question de l’eau sous le seul prisme de l’agriculture que nous trouverons un système efficace, durable et acceptable par tous.

La crainte que cet article nous inspire a encore été renforcée lorsque nous avons pris connaissance de certains amendements déposés par nos collègues centristes, qui tendent à aller encore plus loin. Il nous paraît impensable de légiférer avec tant de légèreté sur ce sujet crucial – l’eau est notre bien commun le plus précieux.

Nous nous opposons fermement à la modification de la hiérarchie des usages de l’eau consistant à reconnaître par principe un ouvrage de stockage d’eau pour une activité agricole comme d’intérêt général majeur et à inscrire le principe de non-régression du potentiel agricole dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ou les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage).

Dans le contexte actuel, le fait de diminuer la part de la société civile au profit de celle des agriculteurs dans les comités de bassin s’apparente clairement à une provocation. Cet article nous apparaît davantage comme un tract politique, visant à donner des gages à une partie des représentants du monde agricole, qu’à une réforme réfléchie de notre modèle de gestion de la ressource en eau en agriculture.

Pourtant, face aux effets du changement climatique, nous pourrions nous accorder sur la nécessité d’une réforme globale de notre politique de l’eau en vue d’un usage raisonné et partagé de cette ressource. Mais une telle réforme doit faire l’objet d’un texte de loi à part entière, fondé sur la concertation de tous les acteurs, accompagné d’une étude d’impact solide et documentée, nourrie notamment de la littérature savante.

À cet égard, je tiens à mentionner les travaux de notre collègue Hervé Gillé. Dans son rapport d’information sur la gestion durable de l’eau, remis en 2023, M. Gillé relève que le dialogue et la concertation sont la clef d’un usage raisonné et partagé de la ressource. L’une des précieuses recommandations de ce rapport est de conditionner les retenues d’eau à des contrats d’engagement réciproque portant notamment sur des changements de pratiques pour aller vers davantage de sobriété.

En tout état de cause, cet article ne ferait que déséquilibrer le système et attiser les tensions existantes. Les membres du groupe socialiste demandent donc sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 47.

M. Gérard Lahellec. L’article 5 facilite les projets de stockage de l’eau présentant un intérêt général majeur, en oubliant que le partage de l’eau est essentiel et qu’il faut, en priorité, assurer la disponibilité de l’eau potable pour chacun.

De plus, cet article propose une nouvelle définition des zones humides, au risque de voir ces dernières disparaître sinon entièrement, du moins en partie.

Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à proposer la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié.

M. Henri Cabanel. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. L’article 5 est crucial pour sécuriser les usages agricoles de l’eau. La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour cet article absolument déterminant comme pour presque tous les autres articles du présent texte, nous avons travaillé en bonne intelligence avec le ministère de la transition écologique. (Marques dironie sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) L’eau relevant, comme vous le savez, du périmètre de ce ministère, il était important que nous travaillions de concert.

Il s’agit là d’un sujet majeur pour les agriculteurs, car la question du stockage est particulièrement déterminante. Au cours de l’année qui vient de s’écouler, malgré une pluviométrie exceptionnelle, de nombreux territoires ont subi des sécheresses aux conséquences dramatiques. Face à ces manifestations du changement climatique, des mesures de stockage de l’eau seraient plus qu’utiles.

Madame Josende, j’ai été réellement marquée par les visites que j’ai effectuées dans votre département : la sécheresse y provoque des ravages inimaginables. Sans eau, il ne peut y avoir d’agriculture. Il faut prendre la mesure de la situation.

J’y insiste, cet article est déterminant. Le Gouvernement est donc défavorable à ces quatre amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

M. Mickaël Vallet. Je profite de cette explication de vote pour poursuivre mon propos précédent.

Madame la ministre, vous avez abordé la question de l’élevage en montagne, que vous connaissez bien. Aussi, peut-être pourrez-vous nous éclairer.

On souhaite aujourd’hui s’inspirer de l’élevage extensif pratiqué dans les zones de montagne au profit des zones humides, notamment des marais. C’est précisément pourquoi on l’étudie de très près. Sans doute êtes-vous vous-même sensible à cette question. Sur le fond, qu’en pense le Gouvernement ?

Par ailleurs, le fait que vous ayez travaillé de concert avec le ministère de la transition écologique n’est pas vraiment de nature à nous rassurer, étant donné l’actuelle titulaire du poste et les décisions prises ces derniers mois.

Vous entendez conforter le métier d’agriculteur et vous vous dites favorable à la redéfinition des zones humides ; soit, mais pour qui ? Pour ceux qui pensent encore qu’il est de bon aloi de retourner des terres de marais, parce qu’elles sont extrêmement productives ? Ne vous y trompez pas, ils ne sont qu’une minorité ! Il faut plutôt d’écouter tous les autres.

Je sais que, d’un point de vue juridique, la définition des zones humides ne remet pas en cause le classement en zone de marais. Mais quel signal votre ministère enverrait-il en acceptant de redéfinir les zones humides de manière si restrictive ?

À cet égard, permettez-moi d’invoquer un de nos anciens collègues, qui siégeait du reste à la droite de l’hémicycle : il s’agit de Jérôme Bignon, qui est toujours président de Ramsar France. M. Bignon a pour habitude de dire que, lorsqu’on touche aux zones humides, il ne faut le faire que d’une main tremblante.

Madame la ministre, au moment d’apporter votre soutien à cet article, votre main a-t-elle un peu tremblé ? En assumez-vous l’intégralité, y compris au sujet des zones humides ?

Je vous invite à venir dans le marais de Brouage pour constater l’importance de ces zones, pour les agriculteurs comme pour l’ensemble de la population.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je ne crois pas que la décision de supprimer le caractère cumulatif des deux critères en 2019 ait été étayée par une quelconque étude d’impact. Rendez-vous compte : 30 % de notre pays est, de ce fait, classé en zone humide !

Auparavant, tout se passait très bien. Les agents des directions départementales des territoires (DDT) savaient faire preuve de pragmatisme, ils examinaient au cas par cas la présence de plantes hygrophiles et les critères pédologiques. Désormais, des cabinets d’études s’en chargent, ce qui donne lieu à des situations pour le moins exotiques : dans ma commune, sur les 50 hectares de la zone industrielle, la part de zones humides a été tour à tour évaluée à 60 %, à 30 % et à 10 % par trois cabinets différents, sur la base du seul critère pédologique.

Mes chers collègues, comment croire que le but d’un tel article est de détruire des zones humides ? Il n’est pas question de cela ! Mais rendez-vous bien compte que 30 % de nos zones urbanisées sont actuellement classées dans cette catégorie !

Un maire agriculteur des Ardennes m’a présenté, dans sa commune, un terrain caractéristique : d’un côté, une prairie, des joncs et une petite mare ; de l’autre, un grand vallon labouré. Les deux côtés sont classés en zone humide ! Aucune différenciation n’est faite. Dès lors que vous labourez, vous libérez des oxydes ferreux, d’où le classement en zone humide.

Madame la ministre, en cédant au délire, en voulant tout surprotéger, nous finirons par sanctuariser la France ! Dans certaines régions, toutes les exploitations agricoles sont en zone humide. En Bretagne, pour construire un poulailler sur un hectare, il faut trouver trois hectares au titre de la compensation. Cela vaut pour toutes les exploitations agricoles situées en fond de vallée. Un peu de pragmatisme et de bon sens !