Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord avoir une pensée pour notre ancien collègue Didier Guillaume, qui fut ministre de l’agriculture et avec qui j’eus très souvent l’occasion d’échanger dans cet hémicycle.

Madame la ministre, un budget est un cap que l’on fixe pour l’année à venir. Mais, cette fois-ci, vous avez eu en plus un problème majeur à résoudre : les mouvements dans nos campagnes ont commencé voilà quasiment un an jour pour jour, le 16 janvier 2024. Depuis un an, des promesses ont été faites. Toutes n’ont pas été tenues.

Vous avez dû apporter des réponses en urgence. Ainsi que plusieurs collègues l’ont rappelé, certaines des mesures annoncées ont été reportées.

L’agriculture française s’en est trouvée encore un peu plus fragilisée. D’ailleurs, les travaux du Sénat l’ont mis en évidence : tout doucement, mais très sûrement, la ferme France perd pied, et la compétitivité de notre agriculture décline ; sa balance commerciale en pâtit largement.

Cette situation dégradée est la conséquence de choix ; elle n’est pas uniquement liée aux phénomènes climatiques. Pour preuve, d’autres pays en Europe et dans le reste du monde, bien que tout aussi concernés par le changement climatique, n’ont pas connu semblable dégradation.

De cette dégradation, nous devons tenir compte dans la construction du budget pour 2025. Il faut fixer un cap, non seulement pour honorer les promesses qui ont été faites et qui, jusqu’à présent, n’ont pas été tenues, mais également pour prolonger les actions engagées.

Dans cette perspective, la commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques ont travaillé conjointement sur une proposition de résolution européenne visant à fixer les lignes directrices du Sénat sur la politique agricole commune après 2027.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Très bon travail !

M. Daniel Gremillet. À cet égard, le projet de budget pour 2025 vaut indirectement confirmation ; il apporte une réponse politique aux attentes qui entourent le secteur. Je pense en particulier à l’indépendance alimentaire de la France, ainsi qu’à la capacité de notre agriculture à répondre aux demandes sociétales et à nourrir la population dans de bonnes conditions, mais aussi à la protection des revenus des agriculteurs.

Madame la ministre, nous avons reçu plusieurs alertes.

La première concerne – plusieurs collègues y ont fait référence – le dossier assurantiel. Le fait que notre agriculture aille de difficulté en difficulté fragilise le système assurantiel. Et bien que celui-ci vienne d’être réformé, il est d’ores et déjà nécessaire de remettre l’ouvrage sur le métier pour trouver de nouvelles solutions.

La deuxième alerte est liée aux crises sanitaires qui frappent le monde végétal comme le monde animal. Le phénomène touche particulièrement l’arboriculture et, plus généralement, l’ensemble des productions. Ne négligeons pas ce problème ; la solution dépendra des avancées de la recherche, des moyens qui y seront consacrés, ainsi que de notre capacité à développer des systèmes de protection lorsque cela sera possible. Nous examinerons tout à l’heure des amendements relatifs à la protection des plantes et des productions animales.

Nous voilà rendus au point où nous risquons d’être confrontés à ce que nous avons déjà connu il y a soixante-dix ans : la mutation de dangers sanitaires touchant les populations animales en dangers sanitaires touchant la population humaine. Nous protéger contre les premiers, c’est donc aussi nous prémunir contre les seconds : ne l’oublions pas.

Nous avons fait le choix, en matière agricole, de renforcer notre arsenal législatif et de déposer un certain nombre de textes. Je souhaite d’ailleurs rendre hommage aux auteurs des propositions de loi qui seront bientôt examinées dans cet hémicycle. L’une d’elles met notamment en lumière le coût pour notre agriculture de la surabondance de réglementations, les choses fonctionnant de manière plus simple dans d’autres pays.

Je prendrai l’exemple de nos voisins allemands, qui sont leaders, à l’échelon européen, sur bon nombre de productions. Pendant douze mois, les prix du lait dans nos deux pays étaient quasiment identiques, à l’euro près. Mais les indicateurs du mois d’octobre montrent que la France est en train de décrocher : le prix allemand dépasse désormais le prix français de 45 euros les 1 000 litres – et l’Allemagne n’a pas de loi Égalim !

Là encore, ces différences de rémunération entre agriculteurs selon les pays traduisent des choix politiques. Et le lait est loin d’être la seule production concernée : j’ai d’autres exemples très concrets en tête.

Ces éléments nous obligent, le budget n’étant, je l’ai dit, que la traduction des réponses que nous apportons aux attentes de la profession.

Si, par ailleurs, je partage ce que notre collègue Anne-Catherine Loisier a indiqué à propos de la forêt, sujet que je ne saurais passer sous silence, ce n’est pas seulement parce que je suis un élu des Vosges ! (Sourires.) Au sein de notre groupe, et plus largement du Sénat, nous sommes tous convaincus que le secteur forestier est absolument capital.

Madame la ministre, en matière agricole, il serait dommage que l’on assiste à un grand gâchis. Depuis l’après-guerre, le budget de l’agriculture a rarement été aussi important. N’aliénons pas notre potentiel ! Maintenons notre force de frappe !

Les présents choix budgétaires, en plus de leurs effets immédiats – déterminer ce que nous avons dans notre assiette –, conditionnent l’avenir, car l’agriculture et la forêt s’inscrivent dans le temps long !

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Discussion générale (suite)

3

Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que l’ont dit Bernard Buis et Daniel Gremillet voilà quelques instants, nous avons appris avec grande tristesse la disparition de Didier Guillaume, qui fut sénateur de la Drôme de 2008 à 2018, vice-président du Sénat et président du groupe socialiste du Sénat, ainsi que ministre de l’agriculture de 2018 à 2020.

Un hommage lui sera rendu prochainement par M. le président du Sénat, mais je souhaitais en notre nom à tous lui rendre d’emblée cet hommage et témoigner à ses proches notre profonde sollicitude.

4

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Discussion générale (interruption de la discussion)

Loi de finances pour 2025

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie, des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (suite)

Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural (suite)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, en préambule de mon propos, joindre ma voix aux hommages rendus à la mémoire de votre ancien collègue sénateur, mon prédécesseur, M. le ministre Didier Guillaume, qui vient de décéder brutalement.

Je l’avais encore croisé voilà peu ; rien ne laissait présager une disparition si brutale. Je veux en cet instant vous faire part de ma tristesse, adresser mes condoléances à ses proches et témoigner, ainsi que nous aurons l’occasion de le faire ultérieurement, de la qualité de son action à la tête du ministère dont j’ai aujourd’hui la charge.

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà maintenant un an que, à l’issue d’une première mobilisation d’ampleur, historique par sa résonance en Europe, les agriculteurs français se voyaient promettre un lot de mesures destinées à transformer leur quotidien. La responsabilité des représentants de la Nation eût été de graver celles-ci dans le marbre définitivement. Mais, par calcul, les tenants de l’instabilité politique et de la crise permanente en ont décidé autrement, en choisissant la voie de la censure. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Ou la voie de la dissolution !

Mme Annie Genevard, ministre. Avec cette suspension du temps durant l’examen d’un budget tant attendu, car porteur de la concrétisation de tant d’espoirs, c’est le cri de colère que le monde agricole exprime depuis un an qui s’est trouvé privé d’une partie de réponse.

M. Jean-Claude Tissot. Vous êtes toujours là…

Mme Annie Genevard, ministre. Nous ne pouvons pas accepter que le contrat moral que nous avons passé avec le monde paysan soit, une fois de plus, piétiné.

C’est pourquoi, depuis ma nomination à la tête du ministère de l’agriculture il y a quatre mois, je dédie chaque minute de mon temps à traduire ces promesses en actes, en même temps que j’apporte des réponses aux crises sanitaires et météorologiques.

Pour ce faire, mon principal vecteur est le budget, que j’ai l’honneur de défendre aujourd’hui devant vous.

Ce budget, chacun ici connaît les conditions de sa construction : contraint temporellement, contraint politiquement, contraint financièrement.

J’insiste quelques instants sur le contexte financier, que la censure votée au mois de décembre a considérablement aggravé.

Cette situation non seulement oblige le Gouvernement à prendre des mesures d’économies supplémentaires, mais nous empêche par ailleurs de faire droit à l’ensemble des amendements déposés.

L’adoption de vos amendements, aussi pertinents soient-ils pour la planification écologique, la vaccination, la transition agroécologique, et j’en passe, représenterait bien souvent un effort financier que la situation économique actuelle ne nous permet pas d’assumer.

M. Franck Montaugé. Ce sont des choix politiques !

Mme Annie Genevard, ministre. Nous devons faire des choix,…

Mme Annie Genevard, ministre. … mais nous devons aussi faire en sorte que le débat ait lieu sur les sujets essentiels que vous souhaitez aborder ce soir.

Cela étant, l’ambition de ce texte pour notre agriculture reste grande. Si les crédits qui lui sont alloués sont, certes, en baisse par rapport au budget 2024, qui avait été abondé dans un contexte exceptionnel – j’y reviendrai –, leur niveau demeure historique.

L’ensemble des concours publics destinés à l’agriculture atteindra en 2025 le montant de 13,3 milliards d’euros pour le seul compte de l’État, soit une hausse de près de 1 milliard d’euros – 1 milliard d’euros ! – par rapport au budget 2023.

En y ajoutant les financements de la PAC, soit 9,4 milliards d’euros, et les moyens du Casdar, ce ne sont pas moins de 25,3 milliards d’euros qui seront consacrés en 2025 au développement de l’agriculture et à notre souveraineté alimentaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à votre vote, ces crédits doivent permettre de défendre trois grandes priorités.

La première d’entre elles est de tenir parole. Les agriculteurs se sont vu promettre voilà un an déjà un lot de mesures pour que leur compétitivité et leurs revenus cessent d’être grevés par les charges.

Aussi fallait-il commencer par s’attaquer au carburant de la colère, j’ai nommé la hausse de taxe sur le gazole non routier, ou GNR, sur laquelle ce budget revient. Avec votre concours, la promesse sera tenue.

Débarrassés de cet irritant, il nous fallait ensuite procéder à de larges allégements de charges, ces charges qui minent aujourd’hui trop fortement la capacité des agriculteurs à résister à la concurrence internationale. C’est, là aussi, la promesse que tient ce budget, en rehaussant le taux de dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terres agricoles de 20 % à 30 %, pour un montant de 50 millions d’euros.

Ce type de dispositif, qui, du fait de son périmètre, bénéficie d’un impact large, doit toutefois s’accompagner de mesures plus ciblées pour les filières les plus en difficulté.

Le Gouvernement propose en ce sens deux mesures essentielles.

D’une part, alors que les éleveurs ont été durement frappés par les crises sanitaires cette année, la mise en place, pour 150 millions d’euros, d’un avantage fiscal et social au profit des éleveurs bovins est destinée à lutter contre la décapitalisation du cheptel bovin.

D’autre part, la pérennisation du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, dit TO-DE, permet d’alléger le coût du travail pour l’emploi de saisonniers agricoles. Cet effort de 163 millions d’euros aidera, en particulier, nos viticulteurs et nos arboriculteurs. Nous avons également veillé, en lien avec les parlementaires, à ce que la réforme des allégements généraux ne vienne pas percuter ce dispositif vital pour la compétitivité de nos filières.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget s’inscrit pleinement dans le respect de la parole donnée. Il apportera à nos agriculteurs le soutien dont ils sont demandeurs pour se projeter plus sereinement dans la compétition internationale.

Je sais pouvoir compter sur votre soutien pour graver ces dispositions dans le marbre. Mais, à l’évidence, nous ne saurions en rester là.

J’en viens donc à la deuxième priorité de ce budget : favoriser la résilience des filières les plus exposées.

Vous le savez, le Gouvernement mobilise toute son énergie pour répondre aux urgences dans lesquelles se trouve prise l’agriculture française.

Les moyens que l’État a déployés en ce sens sont considérables. Je peux notamment mentionner la mise à disposition gratuite de près de 14 millions de doses de vaccin contre la fièvre catarrhale ovine de sérotype 3 (FCO 3), pour un montant de 37 millions d’euros, et la création d’un fonds d’urgence exceptionnel de 75 millions d’euros pour accompagner les éleveurs face à la crise sanitaire, ainsi que la mise en place d’un dispositif d’aide à la trésorerie pour aider les agriculteurs dont les exploitations ont été frappées, parfois gravement, par des aléas climatiques violents.

Pour ce qui est de répondre à ce type d’événements, qui sont appelés à se multiplier en raison du dérèglement climatique, le présent budget donne à l’État et aux agriculteurs des moyens pérennes.

Il le permet d’abord par l’adaptation de notre fiscalité, en autorisant la modulation des charges qui pèsent sur nos agriculteurs en fonction de la conjoncture. Aussi, via un effort global de 14 millions d’euros, nous permettrons l’exonération à hauteur de 30 % de la réintégration de la déduction pour épargne de précaution en cas de sinistre climatique ou sanitaire. Cette mesure, en particulier, accompagnera les exploitants confrontés aux effets du dérèglement climatique.

C’est cette même raison qui nous guide dans le choix d’augmenter le budget dédié à l’assurance récolte. Ce dispositif, qui permet aux agriculteurs d’être mieux couverts face aux aléas climatiques, est abondé à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros.

Cela étant, mesdames, messieurs les sénateurs, favoriser la résilience de nos filières, c’est se placer en position d’anticipation, et non seulement de réaction.

À cet égard, j’aimerais aborder la question des produits phytosanitaires. Chacun dans cet hémicycle, moi y compris, est convaincu de la nécessité d’en sortir à terme. Mais cette ambition doit s’accompagner d’une règle simple : on ne saurait interdire sans proposer de solution pour remédier à la situation ainsi créée. Sinon, c’est la mort de nos filières, de la diversité de nos exploitations et de notre alimentation, donc de notre souveraineté alimentaire.

Aussi, j’ai souhaité que le budget 2025 maintienne des moyens ambitieux, d’environ 100 millions d’euros, pour le fonds destiné à financer la stratégie de réduction du recours aux produits phytosanitaires, qui a vocation à financer la recherche d’alternatives chimiques et non chimiques et à accompagner les agriculteurs sur le chemin des transitions.

Voilà comment, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entendons, par ce budget, favoriser la résilience de nos filières.

Un tel objectif s’inscrit dans une exigence de long terme : préparer notre production alimentaire aux enjeux que représente la maîtrise de nos besoins vitaux ou, en d’autres termes, l’impératif de souveraineté. Telle est la troisième priorité de ce budget.

Vous le savez, la perte d’attractivité des métiers de l’agriculture et la perte de sens que ressentent les professions agricoles font peser un risque que je qualifierai d’existentiel sur le renouvellement des générations.

Le budget que le Gouvernement vous propose d’adopter vise à apporter à ce problème de premières réponses fortes. J’en évoquerai trois devant vous.

D’abord, la revalorisation de trois dispositifs fiscaux doit permettre de favoriser la transmission d’une exploitation à un nouvel installé.

Ensuite, le cumul de l’exonération de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs et du taux réduit de cotisations maladie et famille, pour 25 millions d’euros, vise à favoriser l’embauche des jeunes.

Enfin, parce que plus aucun aspirant agriculteur ne doit penser que la retraite le frappera plus durement que le travail, les pensions sont revalorisées sur la base des vingt-cinq meilleures années.

Et je veux ici vous remercier, ainsi que vos collègues députés, d’avoir œuvré depuis presque deux ans pour que cette réforme voie le jour. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 permettra, j’en suis sûre, de concrétiser vos travaux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je compte sur vous pour soutenir tous ces dispositifs, car ils nous remontent directement du terrain et contribueront à n’en pas douter au renouvellement de nos générations d’agriculteurs.

Mais ce renouvellement n’aurait que peu de sens si l’agriculture elle-même était mise en danger. C’est la raison pour laquelle je souhaite déployer des moyens substantiels pour assurer la transition de l’agriculture française. Pour ce faire, plusieurs leviers sont à notre disposition.

J’insiste en préambule sur un point : les mesures d’économies supplémentaires que la situation exige auraient pu conduire à la fin de notre planification écologique en agriculture, à son arrêt complet ; au plan comptable, c’eût été confortable.

J’assume de faire un choix différent. Certes, celui-ci est plus difficile à endosser, puisqu’il consiste à diffuser l’effort en ciblant plutôt les dépenses de fonctionnement. Mais, face aux défis très graves que notre agriculture doit surmonter, la responsabilité commande d’opter pour une gestion en bon père – ou en bonne mère – de famille.

M. Jean-Claude Tissot. Ça veut dire quoi ?

Mme Annie Genevard, ministre. Tout le monde doit mettre la main au pot, afin que le processus se poursuive. Aussi, je ferai en sorte que les crédits affectés à la planification soient au maximum préservés.

Ce faisant, ce sont les financements du plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada), qui prépare la sortie des produits phytosanitaires suffisamment en amont pour éviter que nous ne nous retrouvions dans des impasses, ceux de notre plan de souveraineté en fruits et légumes et ceux de notre plan Protéines, autrement dit ceux de notre souveraineté alimentaire, qui sont protégés.

J’insiste par ailleurs sur un point : la répartition qui vous a été proposée par mon prédécesseur dans le projet annuel de performances est une indication, mais nous n’avons pas encore procédé à la répartition proprement dite. Celle-ci se fera sur la base d’un retour d’expérience relatif aux mesures déployées en 2024, des échanges avec les professionnels et, bien sûr, de la discussion qui est menée avec les parlementaires en prévision de la CMP. En tout état de cause, certaines lignes qui affichent zéro ne resteront pas à zéro.

J’en viens plus concrètement aux mesures que ce budget prévoit. Je pense d’abord au déploiement du plan d’adaptation de pans entiers de notre agriculture.

Ainsi du plan « agriculture climat Méditerranée », que j’ai lancé en fin d’année dernière – mon prédécesseur en avait été l’initiateur – et dont le financement sera maintenu ; il porte d’ores et déjà ses fruits. Dans ces territoires très affectés par le changement climatique, des cultures alternatives de la diversification sont à l’œuvre. Voilà qui doit permettre d’accompagner financièrement l’adaptation des filières les plus affectées par le dérèglement climatique et de favoriser la diversification dans une cinquantaine de territoires labellisés du pourtour méditerranéen.

Dans le même sens, l’accès à l’eau pour l’irrigation des exploitations et l’abreuvement des animaux est un objectif majeur – un impératif – qui doit être atteint dans le cadre d’une gestion raisonnée de la ressource. Tel est justement le rôle du fonds hydraulique. Pour un montant total de 20 millions d’euros en 2024, celui-ci a permis de financer quarante-huit projets de gestion innovante de l’eau en France. Le financement de ce fonds, dont j’ai révélé les lauréats, doit être pérennisé.

Toutefois, ces mesures d’adaptation sont insuffisantes et doivent s’accompagner d’actions de lutte contre le changement climatique. C’est tout le sens de la politique de décarbonation pour le reboisement, qui était jusque-là menée par le ministère de l’agriculture et qui sera désormais conduite par la ministre de la transition écologique.

Mme la présidente. Madame la ministre, je vous invite à conclure.

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, voter ce budget est impératif. Depuis quatre mois, je mène au sein du Gouvernement un important travail pour convaincre nos agriculteurs que l’État ne les a pas abandonnés. C’est tout le sens de mon action.

Notre responsabilité est immense et je suis convaincue qu’ensemble nous l’assumerons pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, RDPI et INDEP.)

agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à cinq heures.

Nous avons 162 amendements à examiner.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

4 619 627 841

4 435 643 789

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

2 511 950 264

2 458 472 665

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

926 923 512

860 481 527

dont titre 2

358 779 499

358 779 499

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

732 254 065

668 189 597

dont titre 2

575 250 295

575 250 295

Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

448 500 000

448 500 000

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-2102, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

 

235 173 893

 

237 182 880

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

 

41 918 693

 

40 715 528

dont titre 2

1 167 564

1 167 564

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

 

7 777 831

 

6 034 231

dont titre 2

1 838 818

1 838 818

Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

 

 

TOTAL

 

284 870 417

 

283 932 638

SOLDE

-284 870 417

-283 932 638

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends que la présentation tardive de cet amendement puisse vous irriter, mais vous connaissez les conditions contraintes dans lesquelles le présent projet de budget – d’ailleurs, c’était vrai aussi du précédent – a été préparé.

Cet amendement vise à intensifier l’effort de redressement des finances publiques en annulant des crédits supplémentaires sur la mission, l’objectif étant de contribuer à atteindre une cible de déficit public de 5,4 % du PIB.

Pour autant, il ne s’agit pas de renoncer aux grandes priorités de mon action. Je pense notamment à un sujet que vous avez presque tous évoqué : la planification écologique.

Parler de planification écologique, c’est parler du plan Protéines, du pacte en faveur de la haie, du Parsada, qui permet d’anticiper le retrait probable de substances pour éviter que nous ne nous retrouvions dans des impasses techniques, ou encore du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes. Je le rappelle, la moitié des fruits et légumes consommés en France n’y sont pas produits ; une telle perte de souveraineté est absolument dramatique.

Je m’engage par ailleurs à procéder à des ajustements au sein des divers programmes pour préserver au maximum le soutien aux agriculteurs.

Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur un point, que j’ai déjà souligné dans la discussion générale : le budget de l’agriculture est l’un des rares budgets du projet de loi de finances pour 2025 à enregistrer une amélioration sur le plan fiscal – de telles améliorations, vous n’en trouverez pas beaucoup dans ce texte… Ainsi prévoyons-nous plus de 400 millions d’euros d’allégements de charges sociales et fiscales, ce qui aura un effet direct sur le revenu des agriculteurs.

Vous avez tous souligné les difficultés de revenu de cette profession. Or, ce revenu, de quoi dépend-il ? Du niveau des charges, du volume de production et du prix de vente. L’allégement des charges est donc un levier essentiel.

De surcroît, il est important de contextualiser cette diminution des crédits – plusieurs sénateurs l’ont fait – en la rapportant à la totalité des concours publics à l’agriculture. Une fois agrégés, ceux-ci atteignent en effet 25,6 milliards d’euros. La baisse dont il est question, 285 millions d’euros, représente donc 1,2 % de l’ensemble de ces concours.

Évidemment, il eût été préférable que nous ne soyons pas dans cette situation. Néanmoins, je vous invite, comme l’ont fait les sénateurs Klinger et Duplomb, à considérer la stabilité de ces concours et à relativiser cette baisse. Les termes qui ont pu être utilisés pour la qualifier – certains d’entre vous ont parlé d’un « effondrement du budget agricole » – me paraissent très exagérés et sans rapport avec la réalité des chiffres.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1412 rectifié, présenté par MM. Canévet et Delahaye, Mme O. Richard, M. Folliot et Mme Jacquemet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

 

74 008 001

 

76 016 988

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

 

18 093 371

 

16 890 207

dont titre 2

1 167 564

1 167 564

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

 

6 181 627

 

4 438 026

dont titre 2

1 838 818

1 383 818

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

 

 

TOTAL

 

98 282 999

 

97 345 221

SOLDE

- 98 282 999

- 97 345 221

La parole est à M. Michel Canévet.