Présidence de M. Dominique Théophile
vice-président
Secrétaires :
M. Guy Benarroche,
Mme Marie-Pierre Richer.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Loi de finances pour 2025
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 143, rapport général n° 144, avis nos 145 à 150).
Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
seconde partie (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Culture
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, il est heureux que la culture soit un tant soit peu préservée dans le contexte budgétaire que nous connaissons, même si la vigilance est toujours de mise – nous y reviendrons dans un instant. À ce titre, le budget que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans une trajectoire de progression des crédits au cours des années précédentes. En effet, le montant global des crédits demandés en 2025 pour la culture s'élève à 3,9 milliards d'euros.
Le Gouvernement avait initialement déposé un amendement augmentant les crédits de la mission de 266 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 160 millions d'euros en crédits de paiement. L'amendement que nous examinerons ce matin tend à proposer un montant légèrement inférieur. Ces moyens sont attendus. Ils devraient être ciblés vers la défense du patrimoine, plus particulièrement – c'est un sujet qui nous tient tous à cœur ici – du patrimoine rural. Je note également que le Gouvernement a déposé un autre amendement de minoration de 130 millions d'euros, qui réduit tout de même cette majoration – amendement qui nous est parvenu dans la nuit, à deux heures du matin…
Les crédits dédiés aux grands projets continuent de constituer une part importante de la mission, malgré la clôture de plusieurs chantiers de grande ampleur au cours des dernières années. Quelque 18 millions d'euros sont notamment prévus pour le site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine.
Il faut également noter que 50 millions d'euros sont prévus sur le programme 131 pour financer des investissements structurants à destination des opérateurs du spectacle vivant. Une partie de ces moyens contribuera également aux travaux du nouvel établissement public résultant de la fusion en 2025 du Mobilier national et de la Cité de la céramique-Sèvres et Limoges.
Le cas de l'Opéra de Paris doit faire l'objet d'une attention particulière. L'établissement se trouve face à un mur d'investissement au cours des prochaines années : le besoin de financement exceptionnel est estimé à au moins 200 millions d'euros d'ici à 2030. L'Opéra met en avant des besoins de travaux importants sur les deux sites de représentation, alors que l'établissement a annoncé la fermeture de l'Opéra Garnier entre 2028 et 2030, puis de l'Opéra Bastille entre 2030 et 2032.
Mon collègue rapporteur spécial Didier Rambaud et moi-même avons choisi, cette année, de mettre l'accent sur le centre Pompidou, qui devrait fermer à l'été prochain pour travaux jusqu'en 2029. Le chantier s'annonce titanesque. Les 150 000 œuvres des collections du musée devront être déménagées au nouveau centre de Massy qui vient d'être terminé. L'ensemble des personnels du musée sera redéployé sur d'autres sites, une partie des œuvres étant exposée jusqu'en 2029 au Grand Palais.
L'État a d'ores et déjà engagé 226 millions d'euros pour la rénovation technique de Beaubourg, notamment son désamiantage. En parallèle, le centre a pour objectif de réorganiser les différentes fonctions de manière plus rationnelle et plus lisible au sein du bâtiment, pour un montant estimé à 207 millions d'euros. Cette partie des travaux a vocation à être financée exclusivement sur fonds propres. Il ne reste cependant que quelques mois avant de boucler ce budget, sans quoi les ambitions de l'établissement devront nécessairement être revues à la baisse.
S'agissant enfin du spectacle vivant, l'année 2024 confirme les bons résultats atteints quant au retour du public – mais cela va de pair avec des exigences de financement. La fréquentation des opérateurs est en progression de 5,6 % par rapport à la saison dernière et retrouve, pour la plupart d'entre eux, les niveaux antérieurs à la crise sanitaire.
Je souligne cependant que la plupart des lieux de spectacle vivant ont été durement touchés par l'inflation, qui a limité leurs marges artistiques au cours des deux dernières années. Le nombre de levers de rideau a ainsi diminué pour l'essentiel des opérateurs du programme 131.
Toutefois, il est nécessaire que l'offre de spectacles aille dans le sens d'une rationalisation de la production, alors que la Cour des comptes indique que le nombre moyen de représentations pour un spectacle était, en 2019, de 3,7 dans un centre dramatique national et de 2,3 pour une scène nationale. De telles statistiques ne sont plus tolérables, d'un point de vue tant environnemental que budgétaire.
En réponse, le ministère a mis en place le plan Mieux produire, mieux diffuser, pour lequel 9 millions d'euros étaient prévus en 2024. Sans remettre en cause l'objectif global, qui semble de bonne politique, on peut s'interroger sur le caractère paradoxal de la mise en place d'un cadre administratif, doté de moyens spécifiques, alors que l'idée initiale est celle d'une simplification et d'une rationalisation de la production. Dans la situation actuelle, sans doute eût-il été plus efficace, d'un point de vue budgétaire, de jouer sur le volet des aides à la création artistique, en les conditionnant à des objectifs de nombre de représentations ou de critères environnementaux.
Au-delà de ces remarques, la commission des finances a proposé d'adopter les crédits de la mission, mais elle n'avait alors pas connaissance des amendements transmis la nuit dernière. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je me félicite que les moyens de la culture soient préservés dans le projet de budget que nous examinons aujourd'hui. Chacun des opérateurs de la mission doit participer à l'effort collectif de responsabilité budgétaire, mais nous sommes attentifs à ce qu'ils disposent des moyens de leurs actions.
Je souhaite ensuite revenir plus précisément sur les moyens contenus dans ce texte pour l'éducation artistique et culturelle ainsi que pour l'enseignement supérieur culturel.
Sur ce dernier point, les crédits à destination des établissements d'enseignement avaient connu une hausse importante en 2024, notamment à destination des écoles nationales d'architecture. Celles-ci étaient dans une situation difficile. Les crédits supplémentaires sont maintenus en 2025, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Par ailleurs, 30 millions d'euros sont également prévus pour financer de nouveaux investissements structurants au sein des établissements nationaux de l'enseignement supérieur culturel.
S'agissant des investissements, la situation d'Universcience, gestionnaire, notamment, de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, et qui est financé par le programme 361, semble particulièrement inquiétante.
Le besoin de travaux est énorme : selon les estimations du ministère, il atteindrait entre 30 millions et 40 millions d'euros annuels jusqu'à 2030, très loin des 5 millions d'euros de la subvention d'investissement. La trésorerie de l'opérateur devrait être négative dès 2025 et l'établissement connaîtra un déficit dès 2026.
En conséquence, le rapporteur spécial Vincent Éblé et moi-même conduirons une mission de contrôle budgétaire sur ce point.
J'en viens maintenant au sujet du pass Culture. Une enveloppe de 210,5 millions d'euros est prévue en 2025 pour le financement du dispositif, soit des crédits stables par rapport à l'année précédente.
Il faut toutefois noter que les financements accordés par le ministère de l'éducation nationale pour le volet collectif du pass Culture augmentent également en parallèle.
Plusieurs évaluations ont livré une vision mitigée du dispositif et vont dans le sens de son adaptation. Madame la ministre, vous aviez annoncé qu'une réforme serait lancée rapidement. Plusieurs amendements, dont l'un, proposé par la commission des finances, a été adopté sur l'initiative de M. le rapporteur général, visent d'ailleurs à mettre en place des économies sur le pass Culture pour des montants divers. Nous aurons donc une discussion sur le sujet.
Au-delà de ces remarques thématiques, les dépenses de personnel des agents rémunérés par le ministère de la culture augmentent de 25,3 millions d'euros par rapport à 2024.
Ces crédits financent en particulier la revalorisation de la rémunération des agents contractuels du ministère, qui représentent près de 16 000 équivalents temps plein. Ils devraient bénéficier en 2025 d'une prime exceptionnelle au titre du rattrapage par rapport aux autres ministères.
Je veux enfin consacrer quelques mots au premier bilan des Jeux de 2024 sur la fréquentation des opérateurs culturels.
De manière générale, si les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ont entraîné un afflux de visiteurs à Paris, les opérateurs ont souffert, pour certains, d'une fermeture complète ou d'importantes difficultés d'accès.
Pour l'ensemble des opérateurs répartis sur le territoire, le ministère estime la baisse de fréquentation à 20 % pendant la période des Jeux par rapport à 2023. Pour les opérateurs parisiens, la diminution, à hauteur de 27 %, est encore plus importante.
Concernant les musées et monuments les plus connus, qu'il s'agisse du Louvre, du château de Versailles ou encore du musée d'Orsay, il faut souligner que ces derniers ont cependant été moins touchés par cette diminution de fréquentation. Néanmoins, à la fin du mois d'août 2024, les niveaux sont redevenus comparables à ceux d'une année normale.
Quant aux retombées à long terme des Jeux, le ministère espère pouvoir capitaliser l'intérêt marqué du public pour les monuments mis en avant pendant cette période estivale et festive historique – on se souvient notamment de la cérémonie d'ouverture. Je crois que nous pouvons toutes et tous le souhaiter.
Je conclus, afin de laisser la place aux débats, en rappelant que la commission des finances propose d'adopter les crédits de la mission.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de la culture a relevé plusieurs motifs de satisfaction dans les crédits alloués au programme « Patrimoines ». Dans le contexte de maîtrise des finances publiques, leur préservation par rapport au niveau de 2024 témoigne d'une réelle attention portée à ces enjeux. Alors que les projets patrimoniaux s'inscrivent dans le temps long, cette stabilité budgétaire constitue à l'évidence un signal positif.
Elle n'est cependant pas synonyme d'adéquation avec les besoins d'investissements du secteur, qui atteignent des niveaux absolument colossaux. La commission a donc accueilli avec soulagement votre annonce, madame la ministre, d'un amendement d'abondement de crédits, qui confirment votre ambition patrimoniale. Si son montant est très sensiblement inférieur à celui que vous aviez annoncé en commission, il est néanmoins tout à fait substantiel.
Nous regrettons cependant que la méthode budgétaire suivie par le Gouvernement ne permette pas de garantir la bonne information du Parlement. La ventilation des mouvements de crédits proposée par amendement à la hausse comme à la baisse n'est en effet indiquée que de manière très vague. Nous attendons donc, madame la ministre, que vous nous précisiez le plus finement possible la portée de ces ajustements.
La commission a par ailleurs relevé plusieurs points de vigilance dans ce projet de budget sur le patrimoine monumental. Elle s'est inquiétée de la faiblesse des financements fléchés vers l'entretien des édifices et a souhaité que le fonds incitatif et partenarial puisse à l'avenir recevoir une part plus large des crédits déconcentrés. À l'heure de la mise en œuvre du plan Culture et ruralité dont vous avez été l'architecte, madame la ministre, la commission a appelé de ses vœux une traduction budgétaire des annonces faites sur l'ingénierie patrimoniale des communes.
Ces dispositifs sont aujourd'hui dotés de crédits modestes. Ils ont pourtant des effets très positifs, non seulement sur la préservation des paysages, mais aussi sur les relations entre les élus et les architectes des Bâtiments de France (ABF) – ainsi que l'a relevé la mission d'information consacrée par notre assemblée à cette profession.
En ce qui concerne l'archéologie préventive, de fortes divergences d'analyse ont été identifiées sur la situation financière de ses opérateurs. La commission a donc appelé à une objectivation de cette situation avant le prochain exercice budgétaire.
Nous avons enfin regretté la complète absence, dans ce budget, des enjeux de rénovation énergétique du bâti ancien, qui constituent un immense impensé des politiques patrimoniales. Je crois qu'il est aujourd'hui aussi urgent qu'indispensable de faire une place à cette thématique au sein du budget de l'État.
Au bénéfice de ces différentes observations, la commission de la culture a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Patrimoines ». Néanmoins, cet avis a été formulé avant que le Gouvernement ne dépose de nouveaux amendements la nuit dernière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Mme Colombe Brossel applaudit.)
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de la culture salue la relative – et précaire – stabilité du budget consacré à la création artistique, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture.
Ce statu quo présumé doit cependant être mis en perspective de la ponction pratiquée dans les recettes des collectivités. Celle-ci aura des répercussions en cascade sur l'ensemble des échelons qui seront tentés ou contraints de se recentrer sur leurs compétences obligatoires. La culture pourrait être la première compétence partagée touchée, alors que son financement public provient à 75 % des collectivités.
Il faut s'attendre à des baisses de subventions aux structures, à des retraits de participation à des projets coconstruits, à des désengagements financiers d'équipements structurants et à des renoncements à investir – avec, pour conséquences, l'annulation d'événements, la fermeture de lieux, la disparition d'associations et de compagnies ou encore la suppression d'emplois. Les renoncements d'ores et déjà en cours dans les régions, les départements, les métropoles et les communes ébranlent l'ensemble de l'édifice de la compétence culturelle partagée, aussi bien dans sa dimension financière qu'institutionnelle.
Je ne peux évidemment passer sous silence l'exemple de la région Pays de la Loire, dont le budget dédié à la culture est réduit des deux tiers cette année. Cette coupe drastique et brutale aura des conséquences graves et durables sur l'ensemble de l'écosystème culturel local.
Cette fragilisation sans précédent du socle financier et partenarial des politiques culturelles dans les territoires affectera aussi les actions que vous menez. Quel avenir pour le plan Mieux produire, mieux diffuser, qui repose sur un cofinancement de l'État et des collectivités ? Quel ancrage pour votre plan Culture et ruralité qui a besoin de l'ingénierie des collectivités ?
Alors que le secteur de la création fait face à une grave crise économique, devenue systémique, cette action ministérielle fragmentée, faite de plans et de programmes successifs, nous interroge.
En ce qui concerne la transmission, la commission constate que, en dépit des aides ponctuelles débloquées, les difficultés structurelles des établissements persistent. Le plan global de réforme des écoles d'art territoriales, annoncé en début d'année, tarde à se concrétiser. La mission de diagnostic pour objectiver leur situation financière n'a toujours pas commencé. Certes, ces écoles relèvent d'abord des collectivités, mais l'État se doit d'être à leurs côtés. Il y va de l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur artistique. C'est d'ailleurs pourquoi nous défendrons un amendement pour améliorer les conditions d'accès des étudiants boursiers à ces écoles.
En matière de démocratisation culturelle, la commission accueille favorablement votre projet de refonte du pass Culture, qu'elle a toujours considéré comme un outil et non comme une politique publique. À ce titre, nous estimons indispensable que la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture soit intégrée à la liste des opérateurs de l'État afin d'améliorer le contrôle du Parlement sur ses moyens et son fonctionnement. Nous formulerons des propositions en ce sens, ayant eu l'occasion d'entendre l'ensemble des protagonistes lors d'une table ronde.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission de la culture a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ». Cependant, cet avis a été émis avant que le Gouvernement n'ait formulé de nouvelles propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l'ambiance de nos débats est marquée par l'exigeante quête d'économies, force est de constater que la trajectoire des crédits dédiés à la culture reste positive. Du moins, c'était le cas avant que d'autres amendements n'aient été transmis dans la nuit. Je n'ai pas encore refait le calcul des montants totaux…
M. Max Brisson. Il ne vaut mieux pas ! (Sourires.)
M. Bernard Buis. Avec un total de 3,92 milliards d'euros de crédits de paiement, l'enveloppe demandée augmente légèrement par rapport à 2024. C'est notamment le cas du financement du programme 175, qui regroupe les crédits destinés à sauvegarder, protéger, étudier et mettre en valeur le patrimoine de notre pays.
Les besoins sont immenses et je crois que les Françaises et les Français y sont particulièrement attentifs. En témoigne la précipitation du public pour la réouverture de l'un de ses fleurons nationaux : je fais bien évidemment référence à la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Tous ces dons, toute cette ferveur et tout cet enthousiasme pour rebâtir un édifice, au-delà de sa dimension exceptionnelle, démontrent bel et bien qu'une majorité de nos compatriotes sont attachés au patrimoine français.
Promouvoir la culture architecturale, paysagère et urbaine est également essentiel, sans oublier le patrimoine archéologique.
Autant de raisons pour lesquelles notre groupe votera sans hésitation l'amendement du Gouvernement visant à augmenter les moyens dédiés à la rénovation et à la réhabilitation des monuments et bâtiments existants. Ces 131 millions de crédits de paiement supplémentaires dans le programme 175 seront les bienvenus afin de préserver notre patrimoine, en particulier dans les territoires.
Si la capitale a son lot d'exceptions, n'oublions pas non plus les multiples joyaux disséminés un peu partout dans notre pays.
Selon les informations disponibles sur la plateforme de données ouvertes du ministère de la culture, au 9 janvier 2025, sur les 46 530 immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, plus de 44 000 sont situés à l'extérieur de Paris. Rien que dans la Drôme, on dénombre 281 édifices. C'est dire l'incroyable variété de notre patrimoine, qu'il nous appartient collectivement de préserver.
Mes chers collègues, si nous partageons la même vision sur ce point, je ne peux en dire autant concernant le pass Culture.
Notre groupe est en effet défavorable à l'idée de réduire de moitié le financement de cette politique publique, comme le propose le rapporteur général.
Le pass Culture est-il un dispositif irréprochable ? Certainement pas. Mais comme l'a souligné mon collègue Didier Rambaud lors de la présentation de son rapport spécial en commission, si le pass Culture doit être ajusté et réformé, car il est imparfait, le dispositif a néanmoins le mérite de permettre à des milliers de jeunes d'accéder à la culture sous une forme ou une autre.
En 2023, près de 81 millions d'offres étaient proposées aux utilisateurs de la part individuelle du pass Culture, dont plus de 80 millions étaient des livres.
N'oublions pas non plus que ce dispositif est récent. Le pass a été généralisé en mai 2021. Aussi, mes chers collègues, ne freinons pas l'accès à la culture pour les jeunes générations.
La culture est l'un des ciments de notre nation et penser qu'il est nécessaire de réaliser des économies à ce sujet, c'est prendre le risque de son effritement.
Bien entendu, nous devons dépenser mieux. Mais comment ?
Si l'on souhaite que le pass Culture soit plus efficace et moins coûteux, des pistes existent. Je sais, madame la ministre, que vous souhaitez une réforme de cet outil. Vous l'avez rapidement annoncé après votre nomination.
Vient d'abord la question de la modulation du financement, que ce soit en fonction des ressources ou du lieu d'habitation du bénéficiaire.
Ensuite, pourrions-nous développer davantage l'itinérance ? Au fond, c'est la question de l'accès à la culture qui se pose et, avec elle, celle de la mobilité. Nous en sommes témoins dans nos ruralités.
En outre, le bénéfice du pass Culture sera-t-il un jour étendu aux Français de l'étranger ?
Par ailleurs, dans quelle mesure aider davantage les petites organisations culturelles ?
Se pose enfin la question de la structure du pass Culture. Comme l'ont proposé Didier Rambaud et Vincent Éblé dans leur rapport présenté en juillet 2023, ainsi que la Cour des comptes, transformer la société du pass Culture en opérateur de l'État pourrait se révéler pertinent.
Un tel changement serait utile, non seulement pour présenter au sein du projet annuel de performances les financements apportés par l'État, son compte financier et les emplois qu'elle rémunère, mais également pour renforcer ses attributions de service public.
Plusieurs membres de notre groupe voteront donc l'amendement que défendra M. Laouedj. Toujours est-il que les nombreuses critiques qui sont émises sur le pass Culture révèlent à mon sens que nous manquons de recul pour évaluer qualitativement ce dispositif et décider d'en retirer une part substantielle de financement.
Par conséquent, notre groupe réserve son vote sur les crédits de cette mission, en fonction de l'avenir des amendements qui réduiraient de manière excessive et hâtive les moyens consacrés au dispositif du pass Culture.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Michel Laugier et Roger Karoutchi applaudissent également.)
Mme Mireille Jouve. Madame la ministre, avant toute chose, je vous remercie vivement de l'attention particulière que vous avez su témoigner à Marseille hier, lors de votre visite, en annonçant la protection au titre des monuments historiques de cinquante-cinq édifices.
Le 7 décembre dernier, le monde avait les yeux tournés vers Notre-Dame de Paris, reconstruite en cinq ans à peine. Ce chantier était un défi que la France, ses artisans et les collectivités ont réussi à relever grâce aux dons, qu'ils soient le fait d'anonymes ou de généreux mécènes.
Toutefois, permettez à la Provençale que je suis de rappeler que 2024 a également vu l'achèvement des travaux de restauration du Palais des papes, à Avignon. Chantier certes plus modeste, mais ô combien important et symbolique pour la cité des papes, le Vaucluse, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et notre pays.
Il me serait possible, ensuite, de répertorier les mille et un travaux qui, dans un Hexagone qui se passionne pour ses vieilles pierres, son histoire et la conservation de son patrimoine, se sont poursuivis tout au long de l'année. Je vous épargnerai cet inventaire, car il serait long et incomplet, comme le rappelle le juste combat de Stéphane Bern, mobilisé comme des millions de nos compatriotes pour sauver, préserver, restaurer le patrimoine de nos communes – églises, moulins, lavoirs, fontaines, ponts, manoirs… Ces édifices, par leur architecture, témoignent de notre histoire, des spécificités de nos régions, du charme de nos villages provençaux, normands, alsaciens ou périgourdins…
Ces monuments sont aujourd'hui menacés. Une large part des 40 000 édifices religieux qui appartiennent aux communes présentent des signes inquiétants de dégradation ; 10 % d'entre eux requièrent des travaux urgents et plusieurs milliers d'autres pourraient disparaître d'ici cinq ans si nous n'agissons pas.
Ce constat est préoccupant pour les amoureux du patrimoine, mais aussi pour les communes qui font face aux coûts élevés des travaux de restauration, alors que les besoins du quotidien appellent déjà des arbitrages complexes.
On le sait, pour trouver des solutions, le secours de l'État, les financements croisés ou l'appel au mécénat restent des pistes que les maires n'hésitent plus à emprunter. Mais tout monument n'est pas Notre-Dame de Paris, le Palais des papes ou le pont du Gard !
C'est pour cela, madame la ministre, que nous accueillons favorablement votre soutien à la préservation du patrimoine rural, en espérant qu'il ne restera pas à l'état de promesse et qu'il se concrétisera très rapidement…
D'ailleurs, nous souhaitons que la proposition de loi visant à promouvoir la conservation du patrimoine rural de notre collègue Édouard Courtial, qui tend à prévoir un cadre légal et financier au soutien de ces édifices, reprenne sa place dans l'ordre du jour.
Sans cela, je crains que la solution radicale évoquée il y a une trentaine d'années par une romancière, Laurence Cossé, dans Le Mobilier national, ne devienne une piste envisagée par certains. Souvenez-vous, madame la ministre, des affres de cet inspecteur du patrimoine au ministère de la culture, qui, lassé de voir les cathédrales partir en ruines, suggère de laisser s'effondrer certaines d'entre elles. Ce n'était qu'un roman… Espérons qu'il ne revête aucun caractère prémonitoire !
Plus sérieusement, il est urgent, ici et maintenant, de proposer un financement décent et les 300 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances sont un début modeste qui doit surtout être pérennisé.
C'est bien pour cela que vous aviez émis l'idée d'une tarification différenciée pour l'entrée de Notre-Dame de Paris. Le diocèse de Paris mise sur 14 millions de visiteurs en 2025. D'aucuns condamnent cette idée au nom de la loi de 1905. D'autres avancent des excuses sociales. Je sais qu'il y a là matière pour un débat auquel le groupe du RDSE n'échappe pas.
Toutefois, dois-je vous rappeler, madame la ministre, que la laïcité, consacrée par la loi de 1905, interdit la mise en place d'un prix d'entrée ou d'une redevance à destination des édifices religieux ?
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Mireille Jouve. Je veux également évoquer l'avenir du dispositif du pass Culture. Conçu pour faciliter l'accès des jeunes à la culture, il a été accueilli comme un réel progrès.
Néanmoins, au regard des premiers retours relatifs à son utilisation, il apparaît que des ajustements sont nécessaires, d'autant que ce sont souvent les géants du secteur qui en profitent le plus.
Sans entrer ici dans un débat oiseux sur ce qui est plus ou moins culturel, il apparaît nécessaire de veiller à l'intégration des publics les plus éloignés de la culture à ce pass. On le sait, en la matière, c'est un travail de Sisyphe, mais il doit être reconduit. De même, il nous semble opportun de réfléchir à la reprise en main publique de la société gestionnaire du dispositif.
Enfin, je tiens à rappeler l'importance du modèle de financement de la création cinématographique en France et du rôle central du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que ce prélèvement de 450 millions d'euros sur les réserves excédentaires du CNC n'affectera pas le budget ni les fonds affectés à la production cinématographique ? Je l'espère, car il est impératif de préserver ce modèle, vieux de près de quatre-vingts ans et envié bien au-delà de nos frontières.
Malgré ces réserves, en raison de ce que j'ai évoqué en introduction, nous voterons en faveur de l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)