Afin d'éviter que le financement de la péréquation soit paradoxalement « anti-péréquateur », en sollicitant plus fortement la dotation forfaitaire de communes moins riches que celles qui n'en disposent plus, cet amendement vise à ajuster l'enveloppe globale de DGF fixée dans cet article 29 du PLF, à due concurrence de l'augmentation de DSR et de DSU prévue à l'article 61, qui sera examiné en seconde partie.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de ces onze amendements.
Madame la sénatrice Senée, je doute qu'un appel ait été lancé l'an dernier en faveur d'une indexation de la DGF sur l'inflation – très honnêtement, je ne l'ai pas vérifié. Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'une telle disposition n'a pas été adoptée.
Pour ma part, je considère que la stabilisation des concours financiers de l'État aux collectivités locales est une décision sage au regard de la situation très tendue, pour ne pas dire très grave, dans laquelle se trouvent les comptes publics du pays.
Il faut replacer cet échange dans la perspective plus générale de notre débat sur le projet de loi de finances et tout mettre sur la table.
Dans le projet de loi de finances, l'État demande aux collectivités territoriales de faire un effort de 5 milliards d'euros.
Nous avons pris en commission la décision de supprimer l'article 30 du PLF. Je pense que ce vote sera confirmé dans l'hémicycle. Cela représente 800 millions d'euros, soit nettement plus que l'indexation de la seule DGF. Nous avons clairement dit à l'État que nous refusions les évolutions proposées et, si j'en crois la presse, l'État aurait entendu, dans le cadre des négociations encore en cours, et notre message et celui des collectivités territoriales sur ce sujet.
Je mets également dans la balance de nos discussions ce matin le fonds de précaution de 3 milliards d'euros. Comme vous le savez, nous avons adopté en commission des finances deux amendements visant à réduire de deux tiers l'effort de solidarité demandé aux collectivités territoriales. La discussion en est au stade final s'agissant des modalités. Cela devrait grandement soulager les collectivités et les élus locaux, qui, tout en affirmant leur esprit de responsabilité et leur volonté de participer à l'effort, demandent que celui-ci soit fixé dans des proportions plus raisonnables.
Si nous parvenons à nos fins, l'enveloppe de 5 milliards d'euros d'effort demandée par le Gouvernement serait ramenée à 2 milliards d'euros. En tenant cette ligne, qui traduit responsabilité et sérieux budgétaire, les collectivités territoriales prendront leur part à l'effort. C'est le message que je souhaite que nous portions collectivement.
Le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne a eu l'occasion de rappeler un passé qui n'est pas si ancien que cela et les efforts demandés à une époque où – soyons objectifs – la situation de nos comptes publics n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui.
Ce panorama étant dressé, avec, devant nous, l'effort collectif que l'on demande aux Français, je souhaite que chacun accepte de participer. Je le redis, cela peut se faire de manière plus raisonnable, pour des montants moindres que la proposition initiale du Gouvernement.
Enfin, l'indexation sur l'inflation est selon moi un faux sujet. Le Sénat a travaillé sur la question. Il faudrait maintenant, même si je ne sais pas si la période y est pleinement propice, que l'on réfléchisse à une nouvelle étape de décentralisation. Quelles libertés nouvelles pour les collectivités locales ? Quels moyens financiers ? Quelles responsabilités demain ? C'est une étape que nous appelons collectivement de nos vœux.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je partage les propos du rapporteur général.
Un certain nombre de points relatifs à la DGF ont été abordés à l'occasion des prises de parole sur l'article et des présentations d'amendement. Évidemment, l'enjeu est plus vaste et nous abordons une discussion de plusieurs heures sur la participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement de nos comptes publics.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises sur la proposition initiale du Gouvernement, mais également sur notre volonté de la faire évoluer avec les parlementaires. Nous sommes disposés à étudier certaines modifications proposées, notamment sur le fonds de précaution, l'écrêtement de la dynamique de TVA ou le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Concernant la DGF et le présent article 29, Jean-Baptiste Lemoyne a rappelé, à raison, certains faits historiques pas si lointains que cela – ils remontent à dix ans ! Oui, il y a eu dans l'histoire récente de notre pays des baisses de DGF. Décidées par des gouvernements socialistes, elles ont atteint 11 milliards d'euros.
Dans le projet de budget pour 2025, nous ne remettons pas en cause la DGF ni ne la baissons. Nous consolidons les augmentations réalisées en 2023 et en 2024, poursuivant, donc, la trajectoire engagée.
Je ne crois pas avoir vu d'amendements en ce sens, mais s'il y a des propositions pour réduire la DGF et, ainsi, accroître la contribution des collectivités territoriales, discutons-en ! Ce n'est toutefois pas la proposition du Gouvernement : ce que nous proposons, c'est de maintenir l'effort de péréquation.
J'ai entendu plusieurs orateurs mentionner la nécessité d'une réflexion sur l'architecture et les modalités d'attribution de la DGF. C'est une évidence ! Il faut avoir l'ambition de réformer cette dotation, dont certaines variables de calcul sont aujourd'hui obsolètes. Quoi qu'il arrive, c'est un travail qui devra être mené dès 2025, sans quoi nous aurons chaque année la même discussion sur toutes les anomalies de ce calcul.
Je partage l'avis de M. le rapporteur général concernant l'indexation sur l'inflation. Ce n'est en effet pas la bonne manière de traiter le sujet, indépendamment, évidemment, du coût d'un demi-milliard d'euros que représenterait cette indexation.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. C'est effectivement intéressant d'étudier l'histoire, monsieur le ministre ; elle nous permet de comprendre le présent…
Je le confirme, les conséquences de l'article 29 ne peuvent pas être appréciées, en 2024, comme si cet article avait été déposé en 2004. Du gel des années Sarkozy, à la baisse drastique des années Hollande, puis au non-rattrapage des années Macron, les collectivités ont été, au travers d'une attaque en règle contre la dotation globale de fonctionnement, très fortement mises à contribution depuis plus d'une décennie.
Sans revenir sur mes précédents propos, permettez-moi d'insister sur le fait que la question n'est pas seulement budgétaire. Elle concerne, plus largement, l'organisation territoriale de notre République, les moyens accordés – et dans quelles conditions – à nos collectivités territoriales. Doit-il y avoir, oui ou non, un effort de solidarité nationale à destination de l'ensemble de ces collectivités ? Ou les laisse-t-on se débrouiller entre elles ?
Je le dis, dans un pays en difficulté – je ne sais pas si nous traversons une crise historique, mais reconnaissons que la Nation est fragilisée –, dans un pays où, de plus en plus, on oppose de manière malsaine ceux qui auraient les moyens et ceux qui ne les auraient pas, dans un pays où les élus locaux sont chaque jour plus sollicités pour protéger leur population, continuer ainsi n'est pas une bonne réponse.
Bien évidemment, nous pouvons tous conclure nos interventions de ce jour – nous le faisons depuis des années – en évoquant la nécessité d'une grande réforme de la DGF et des finances des collectivités locales. Nous serons tous d'accord sur ce point. Cela dit, nous pouvons aussi tous reconnaître que la situation politique, dans laquelle nous avons, les uns et les autres, notre part de responsabilité, ne permettra pas une telle réforme.
De ce fait, ne pas faire un geste sur la DGF à travers cet article 29 est une erreur et un très mauvais signal envoyé à nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. Cette discussion sur la DGF et l'article 29 renvoie en effet à la question plus large du soutien de l'État aux collectivités territoriales et des relations qu'ils entretiennent entre eux. C'est dans ce cadre très global, incluant le sujet de la fiscalité locale, que le constat partagé de la nécessité d'une révision de la DGF doit s'inscrire. Il faut bien considérer l'ensemble de ces questions.
Notre débat doit aussi s'envisager, comme l'a fait M. le rapporteur général, sous l'angle plus large de l'effort demandé aux collectivités territoriales dans le contexte qui est le nôtre aujourd'hui.
En complément des propos déjà tenus, j'évoquerai les travaux en cours à la suite de l'adoption en commission des finances de l'amendement de suppression de l'article 64, lequel établissait, en deuxième partie du PLF, le fonds de précaution.
La question qui se pose est de savoir comment contribuer à l'effort national pour redresser le solde public, comme nous nous engageons à le faire, sans capter l'épargne des collectivités locales. Le dispositif de lissage sur lequel nous travaillons doit permettre de répondre à cet enjeu : en passant par ce biais, et non par une mise en réserve, on allège l'effort de 1 milliard d'euros et on fait contribuer les collectivités sans capter leur épargne.
Nous aurons évidemment l'occasion d'en reparler lors de l'examen de la seconde partie du PLF, mais je voulais dès à présenter éclairer l'assemblée sur ce point. Cela permet, me semble-t-il, de porter un regard un peu différent sur la question de la DGF dans le contexte actuel.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Oui, monsieur le ministre, il faut réduire les déficits, mais pas sur le dos des collectivités. Je répète qu'elles ne sont pas responsables de la situation financière !
Les collectivités locales sont le socle de la République ; c'est vrai en particulier des communes. Ce socle est aujourd'hui ébranlé parce que les élus n'ont plus les moyens de rendre service à leurs concitoyens.
Communes et départements sont dans une situation catastrophique. Aujourd'hui, les départements constituent également le socle économique, parce que la croissance sur laquelle compte le Gouvernement dans ses prévisions budgétaires n'aura pas lieu si les collectivités locales sont exsangues ! Et l'on va perdre des recettes.
Mais, parce que, oui, il faut faire des économies, je vous proposerai, en responsabilité, à l'article 33, non pas 500 000 euros, mais 2 milliards d'euros d'économies sur des opérateurs dont on dénonce à longueur d'année l'inutilité et le coût.
Chiche ! Donnons 500 000 euros aux collectivités et prenons 2 milliards d'euros aux opérateurs.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Je veux tout d'abord, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, réagir à la comparaison qui a été faite avec ce qui s'est passé sous le quinquennat de François Hollande.
Je n'étais pas parlementaire à ce moment-là, mais j'ai pour habitude, par fidélité à ma famille politique, d'assumer ce qui a été fait, y compris les erreurs qui ont pu être commises. Nous sommes bien d'accord pour dire qu'il y en a eu. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En tout état de cause, on ne peut pas mettre de signe égal entre la situation de l'époque et celle d'aujourd'hui.
Pour rappel – vous l'avez dit, monsieur le sénateur Lemoyne –, l'effort qui avait alors été demandé sur trois ans, c'est celui que vous demandez aujourd'hui en un an. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Sophisme !
M. Simon Uzenat. Non, monsieur Lemoyne ! Il faut être précis sur les chiffres. Et, même si la majorité sénatoriale va amoindrir l'effort, celui-ci restera infiniment plus important – tout le monde en convient.
De fait, nous ne raisonnons pas sur la base des 5 milliards d'euros annoncés par le Gouvernement, puisque, en réalité, l'effort sera plus proche des 11 milliards d'euros. Si nous le diminuons de 3 milliards d'euros, il restera, au minimum, de 8 milliards d'euros.
Du reste, à l'époque, l'inflation était égale à zéro. À l'époque, les collectivités avaient encore conservé une forme d'autonomie fiscale. Aujourd'hui, tout cela a disparu : l'inflation est beaucoup plus élevée et l'autonomie fiscale et financière, à la suite de vos décisions, a été quasiment réduite à néant. Les marges de manœuvre des élus locaux se sont donc forcément considérablement réduites.
Par ailleurs, il faut insister sur l'effet de ciseaux qui a résulté des décisions prises par les gouvernements depuis 2017, lesquels n'ont eu de cesse de transférer des charges et des compétences et de réduire l'autonomie fiscale et financière des collectivités, de les corseter au maximum, en augmentant la part des dotations.
Nous répétons ce que le président Raynal a dit à l'occasion des débats sur la taxe d'habitation ou sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : d'autres outils existent, qui reposent sur la confiance aux élus. (Marques d'impatience sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a ainsi défendu la création d'une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. J'ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur général, mais nous savons que l'effort ne sera pas de 5 milliards d'euros ! Toutes les collectivités, tous les exécutifs, tous les adjoints aux finances qui nous regardent aujourd'hui savent que l'effort demandé sera bien supérieur à ce montant.
Pensons, par exemple, à la hausse des cotisations à la CNRACL.
On ne s'en est pas forcément rendu compte, mais le fameux alinéa 93 de l'article 21 sur les recettes de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), qui modifie l'assiette, avec effet rétroactif, fera perdre à la ville de Lyon 500 000 euros pour 2024. On est loin du petit détail technique ! En 2025, Lyon perdra 1 million d'euros.
Allez dans les mairies des grandes communes ! Vous y mesurerez les conséquences de cette « petite » modification de l'article 21.
Nous débattrons, à l'article 64, de l'instauration du fonds de réserve. Quoi qu'il en soit, l'effort sera beaucoup plus important que 5 milliards d'euros !
Si l'on souhaite que nos collectivités puissent assumer leurs dépenses de fonctionnement, notamment la hausse du taux de cotisation à la CNRACL, il faut absolument que l'on vote l'indexation de la DGF.
Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane, pour explication de vote.
M. Adel Ziane. J'emboîterai le pas à mes collègues et réagirai aux arguments qui nous sont opposés en prenant pour exemple les années de la présidence de François Hollande.
Je souhaite que l'historiographie soit complète.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. M. Hollande a un fan-club dans l'hémicycle !
M. Adel Ziane. Je ne suis pas membre d'un fan-club ! Simplement, ayant entendu deux fois les mêmes arguments, je veux vous répondre, monsieur Lemoyne.
Je rappellerai juste quelques chiffres. Aujourd'hui, nous parlons d'un déficit public de 6 %. Ce déficit s'élevait à environ 5,2 % en 2011-2012, quand le Président de la République François Hollande est arrivé aux responsabilités – c'est bien de reprendre les chiffres –, contre 2,6 % lorsqu'il a quitté le pouvoir.
C'est le premier point. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Le sujet, ce sont les collectivités !
M. Adel Ziane. Je ne fais que mentionner des éléments factuels, qu'il convient de rappeler.
Monsieur le ministre, je viendrai vous voir tout à l'heure ; nous pourrons discuter de ces éléments. (Mêmes mouvements.)
J'en viens à mon second point, chers collègues, puisque nous devons nous justifier. Nous parlons d'une époque – c'était il y a dix ans – où les collectivités territoriales disposaient encore de marges de manœuvre pour construire un budget et répondre aux sollicitations.
Certains d'entre nous ont été élus aux finances. Je l'ai moi-même été de 2020 à 2023, dans ma ville de Saint-Ouen. J'ai bien vu les conséquences de la suppression de la taxe d'habitation, de la baisse des impôts de production, notamment de la CVAE, de l'impôt sur les sociétés… Les élus aux finances ont alors dû se débattre.
Vous le savez : quelle que soit la sensibilité partisane à laquelle nous nous rattachons, nous avons dû trouver des solutions nouvelles et réfléchir à la possibilité de trouver d'autres subventions.
M. Adel Ziane. Le projet de loi qui est proposé aujourd'hui prévoit une baisse de 11 milliards d'euros pour les collectivités.
Or, quand on diminue les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), du fonds vert ou de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), on crée des difficultés pour les collectivités qui sollicitent des subventions pour boucler leur budget.
Tels sont les éléments, de mon point de vue très factuels, que je voulais apporter à notre débat.
Je viendrai vous voir, monsieur le ministre, avec le tableau des déficits de 2012 à 2017.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Ce débat est passionnant, mais il faudrait peut-être que l'on fasse preuve de pragmatisme et que l'on réponde à la question qui nous est posée dans les conditions financières et politiques du moment. Restons-en à l'article dont nous discutons.
Mon collègue Sautarel a anticipé le débat que nous aurons sur l'article 64 en évoquant l'amendement qu'il a déposé. C'est bien d'avoir de la visibilité, mais je rappelle qu'un lissage – pour ne pas parler de « rabot » – consiste à ne supprimer que les inégalités de surface.
Cher collègue, vous venez d'exprimer la nécessité, que j'ai mentionnée précédemment, d'organiser durablement une réforme de la solidarité horizontale entre les collectivités territoriales. Nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 64.
C'est comme si, pour notre part, nous revenions sur votre vote contre la réintroduction de la CVAE pour les entreprises dont le chiffre d'affaires atteint 1 milliard d'euros !
Le débat est organisé. À chacun de prendre ses responsabilités. Rien ne sert de chercher des contre-arguments et de refaire le débat pendant des heures, aussi intéressant soit-il.
Mais, en l'occurrence, une question se pose : la solidarité nationale doit-elle ou non reposer sur une dotation globale de fonctionnement indexée sur l'inflation ?
Pour nous, membres du groupe CRCE – Kanaky, cette indexation ne doit pas être temporaire. Elle doit être durable. Il y va du contrat de confiance, du contrat républicain entre les collectivités territoriales et l'État.
Nous ne souhaitons pas qu'il en aille autrement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je serai très synthétique.
Madame Senée, je vous confirme ce que j'ai déjà dit. Il y a eu, l'an dernier, un appel, un dialogue, un vote. Si le vote n'a pas été favorable, c'est parce que nous avons estimé que nous disposions de suffisamment d'éléments pour ne pas voter l'indexation sur l'inflation. Voilà ce qui compte !
Cette année, le contexte est différent à mille et un égards. Les déficits ne sont pas les mêmes ; la proposition n'est pas identique non plus. L'an dernier, l'État ne demandait pas un effort de 5 milliards d'euros – sans compter celui qui découle de l'augmentation des taux de cotisation à la CNRACL. Cela dit, chacun ici concédera que, quand on a un problème de financement des retraites des agents de l'État et des collectivités, il faut être au rendez-vous !
Il en va de même, depuis toujours, pour l'indexation des traitements des fonctionnaires, qui est en général demandée par les fonctionnaires et souvent soutenue par les élus.
Les collectivités doivent prendre leurs responsabilités. Je ne nie pas qu'il en résulte un coût, mais ce dernier est toujours supporté par l'employeur, dans l'économie privée comme dans l'économie publique.
Je répète que la copie que nous proposons ici, à la suite du travail qui a été réalisé en commission des finances, permet de réduire sensiblement l'effort inscrit dans le projet de loi de finances.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C'est vrai !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il faudra en tenir compte lors du vote du texte.
Pour ma part, je vous invite de nouveau, mes chers collègues, au regard de la situation de nos comptes publics, à faire preuve de sérieux et de responsabilité. Cela dit, il est bien normal que chacun se détermine en son âme et conscience !
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, j'ai besoin de comprendre.
Vous venez de nous dire qu'il s'agissait d'un gel, et non d'une baisse. En ce cas, pourquoi le Premier ministre l'a-t-il présenté comme tel lorsqu'il a exposé le budget devant la Nation et annoncé qu'un effort serait demandé aux collectivités ? J'ai du mal à suivre… Si l'on demande un effort, cela veut bien dire qu'il y a une baisse !
M. Grégory Blanc. Plus globalement, on assiste à un transfert de la dette de l'État vers celle des collectivités. Cela change-t-il quelque chose aux comptes de la Nation ? Car c'est bien de cela que l'on parle : facialement, ce transfert permettra à l'État de dire qu'il rééquilibre ses comptes. Or, si l'endettement des collectivités locales est supérieur, nous assisterons à la même dérive.
Finalement, à travers cette proposition, on s'attaque à l'épargne des collectivités en leur demandant d'emprunter davantage. Comme je l'ai dit, cette diminution de leur épargne accélérera la dégradation de leurs comptes. Nous ne saurions le supporter.
Il faut une réforme structurelle de l'État, notamment en matière de décentralisation, afin de clarifier un certain nombre de choses.
Je répète, par ailleurs, qu'il faut réformer la DGF. Le Comité des finances locales (CFL) lui-même nous explique que l'on ne peut réformer la DGF à moyens constants. Il y a bien là un sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Monsieur Blanc, stabiliser la DGF ne signifie pas qu'il n'y aura pas de contribution financière des collectivités territoriales par ailleurs ! Ne faites pas semblant de ne pas comprendre, vous le savez très bien. (MM. Adel Ziane, Hervé Gillé et Grégory Blanc protestent.)
Sincèrement, je trouve assez admirable que vous tentiez de défendre le bilan de François Hollande pour expliquer que l'on pouvait à ce moment-là diminuer la DGF de 11 milliards d'euros. C'est bien tenté ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Pascal Savoldelli. C'est pourtant vrai !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Vous essayez d'utiliser un certain nombre de chiffres. Nous pourrons reparler autant que vous voulez du déficit. À la vérité, vous le savez très bien, pour ne pas franchir la barre des 3 %, vous ne tenez pas compte de la mesure one-off qu'est le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Mais disons que c'est hors sujet, car ce n'est pas cela qui importe !
Oui, vous avez diminué la DGF de 11 milliards d'euros ; il faut l'assumer.
M. Thierry Cozic. Assumez votre bilan !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Vous avez dit, à juste titre, que vous assumiez les bilans. Dès lors, assumez cette baisse ; point à la ligne !
M. Éric Jeansannetas. Assumez, vous aussi !
M. Pascal Savoldelli. Ce n'est pas le sujet !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce n'est pas grave, c'est juste un fait.
Vous avez baissé la DGF à hauteur de 11 milliards d'euros, alors que, depuis 2017, elle a été soit stabilisée, soit augmentée – en 2023 et en 2024.
Madame Senée, je connais l'argument selon lequel l'effort est non pas de 5 milliards d'euros, mais de 11 milliards d'euros.
Oui, il est vrai, s'agissant de la CNRACL, que la hausse du taux de cotisation employeur va peser sur les budgets des collectivités – je ne dis pas le contraire –, comme il est vrai que l'effort dépasse les 5 milliards d'euros initialement demandés par le Gouvernement. Tout cela est vrai.
M. Thomas Dossus. Voilà !
M. Thierry Cozic. Bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Toutefois, si l'on ne réforme pas le régime de la caisse qui pourrait représenter à peu près les trois quarts du déficit de notre assurance vieillesse dans dix ans, nous aurons de réels problèmes structurels pour l'équilibre des comptes sociaux.
M. Thierry Cozic. Après l'avoir ponctionnée !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Il ne faut donc pas céder à la confusion et mettre dans le même panier des sujets différents, même si, je vous l'accorde, madame Séné, la hausse du taux de cotisation à la CNRACL est aussi un effort demandé aux collectivités.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Premier ministre a annoncé que la hausse serait répartie différemment – trois points en quatre ans plutôt que quatre points en trois ans – afin d'obtenir un lissage. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Cela dit, je vous invite à ne pas mélanger les dotations aux collectivités et des dispositifs qui n'en sont pas. J'entends que certaines décisions, sans effet sur les dotations aux collectivités, puissent néanmoins avoir des incidences sur l'investissement local. Ainsi, il est vrai que le fonds vert va connaître un freinage, puisque ses crédits s'élèveront à 1 milliard d'euros en 2025. C'est moins que la trajectoire qui était initialement prévue, parce que notre pays doit faire des économies, mais ce n'est pas à proprement parler une baisse de dotation aux collectivités territoriales.
Il est important que, dans la chambre qui représente les territoires, nous soyons rigoureux sur les termes du débat.
J'y insiste, l'effort demandé aux collectivités territoriales dans ce projet de loi de finances pour 2025 est de 5 milliards d'euros et non pas de 11 milliards d'euros.
Je veux bien que l'on considère éventuellement l'augmentation du taux de cotisation à la CNRACL comme un effort supplémentaire, même s'il s'agit d'un effort structurel nécessaire à l'équilibre des comptes. Mais cet effort financier est de nature différente. (M. Thomas Dossus s'exclame.)
Une DGF stabilisée est évidemment nécessaire pour nos communes. Conservons cet article en l'état ! Ne l'alourdissons pas de 500 millions d'euros supplémentaires en votant vos amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Ce débat est extrêmement important et intéressant.
Il est vrai que nous sommes tous très sensibles aux moyens des collectivités territoriales. Néanmoins, les membres du groupe Union Centriste pensent, pour l'essentiel, qu'il leur faut avoir le sens des responsabilités et participer à l'effort collectif demandé.
Finalement, nous parlons de dotations au bloc communal, lequel est sans doute celui qui a le plus de marges de manœuvre, …
M. Michel Canévet. … car il a la possibilité de recourir à la fiscalité. Il peut donc participer à l'effort puisqu'il peut, contrairement aux autres niveaux de collectivités, rééquilibrer ses comptes. Il faut en tenir compte.
Je comprends que chacun ait envie de doter les collectivités de moyens supplémentaires – nous partageons cette envie –, mais il faut tenir compte de la situation globale des finances publiques.
M. Pierre Barros. Scandaleux !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-77 rectifié, I-444 rectifié bis, I-593 rectifié, I-626 rectifié bis, I-717 rectifié bis, I-935, I-1188 rectifié, I-1216 rectifié ter et I-1586 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.