M. le président. L’amendement n° I-506 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° I-97, présenté par Mme Vermeillet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 244 quater B bis du code général des impôts, il est inséré un article 244 quater B… ainsi rédigé :
« Art. 244 quater B …. – Les articles 244 quater B et 244 quater B bis ne sont pas applicables :
« 1° Aux entités constituées en conformité avec la législation d’un État qui n’est pas membre de l’Union européenne ;
« 2° Aux entités constituées en conformité avec la législation d’un État membre de l’Union européenne lorsque celles-ci sont contrôlées au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ou lorsque 25 % des droits de vote sont détenus par une ou plusieurs personnes physiques non ressortissantes de l’Union européenne ou entités visées au 1°. »
La parole est à M. Bernard Pillefer.
M. Bernard Pillefer. Cet amendement du groupe Union Centriste vise à réserver le crédit d’impôt recherche aux entreprises européennes.
Une telle mesure se justifie tout particulièrement par le coût de cette dépense fiscale : je rappelle que le montant du CIR dépassera 7,7 milliards d’euros en 2025.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, le crédit d’impôt recherche a aussi vocation à défendre l’attractivité de notre territoire. À cet égard, les investissements extra-européens ont leur importance. L’adoption d’un tel amendement ne serait certainement pas un bon signal.
Vous l’avez compris, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le rapporteur général, ce que nous proposons, ce n’est pas de réserver le CIR aux entreprises européennes stricto sensu. Nous souhaitons simplement instaurer un critère de répartition du capital : ce dernier doit rester majoritairement français ou européen.
On sait très bien qu’un certain nombre d’entreprises étrangères sont venues en France pour capter les crédits du CIR, puis se sont empressées de repartir, délocalisant ainsi le fruit des recherches menées dans notre pays. De tels procédés s’apparentent à un dol de subventions. Il s’agit réellement d’un très bon amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ma chère collègue, pourquoi vouloir priver du bénéfice du CIR les entreprises extra-européennes ? Pourquoi fermer ainsi la porte à des investisseurs étrangers, quand bien même ils seraient pourvoyeurs d’emplois et renforceraient l’attractivité de notre territoire grâce aux chercheurs, que nous nous efforçons de soutenir ? Je n’ai aucune raison de vous croire animée de mauvaises intentions, mais, je vous l’avoue, j’ai un peu de mal à comprendre…
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. De telles dispositions me semblent en effet dangereuses, car nous avons besoin des différentes entreprises étrangères qui viennent s’installer chez nous.
Prenons l’exemple de la lessive. Pour ce produit, les consommateurs ont des exigences très diverses à travers le monde. Il faut s’adapter aux habitudes de chaque pays et les capitaux étrangers permettent de soutenir la recherche menée à cette fin, notamment en Europe.
Voter cet amendement, c’est tout simplement se tirer une balle dans le pied : les investisseurs étrangers se détourneront de la France pour aller s’installer dans un autre pays européen. Si l’on veut garder des entreprises au plus près des lieux de consommation, il faut soutenir la recherche. C’est ainsi que l’on conservera des produits répondant aux besoins spécifiques des consommateurs français et, plus largement, européens.
M. le président. L’amendement n° I-464 n’est pas soutenu.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)
PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2025.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons, au sein du titre Ier de la première partie, l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 14.
Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les cinq premiers sont identiques.
L’amendement n° I-576 rectifié est présenté par MM. Haye et Pillefer, Mmes de La Provôté et Billon, M. Courtial et Mme Jacquemet.
L’amendement n° I-793 est présenté par Mme Guhl, MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° I-799 rectifié est présenté par Mme Blatrix Contat, M. Ros, Mme Bélim, M. Bourgi, Mme Briquet, M. Chantrel, Mme Daniel et MM. Fagnen, Féraud, Pla, Redon-Sarrazy et Temal.
L’amendement n° I-1067 rectifié bis est présenté par MM. Cardon, Durain et Kerrouche et Mme Espagnac.
L’amendement n° I-1401 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Laménie, Brault et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et M. V. Louault.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 3° de l’article 44 sexies-0 A est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« d. Ou elle a réalisé des dépenses de recherche, définies aux a à g du II de l’article 244 quater B et au 1 du A du II de l’article 244 quater B bis, représentant au moins 5 % des charges, à l’exception des pertes de change et des charges nettes sur cessions de valeurs mobilières de placement, fiscalement déductibles au titre de cet exercice et elle répond aux critères des jeunes entreprises d’utilité sociale mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail ou aux conditions prévues au 2° du titre II, de l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Cette catégorie spécifique est qualifiée de jeune entreprise d’innovation à impact. » ;
2° L’article 199 terdecies-0 A ter est ainsi modifié :
a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Des entreprises qui, à la date de la souscription, sont qualifiées de jeunes entreprises d’innovation à impact en application du d du 3° de l’article 44 sexies-0 A. » ;
b) Le A du III est complété par les mots : « , à l’exclusion des souscriptions mentionnées au 3° du I du présent article, pour lesquelles le taux de la réduction d’impôt est porté à 40 %. »
II. – Le présent article s’applique jusqu’au 31 décembre 2027.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Les amendements nos I-576 rectifié et I-793 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° I-799, rectifié.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement vise à créer la catégorie des jeunes entreprises innovantes à impact (JEII). L’objectif est clair : offrir aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) les mêmes incitations fiscales que celles qui sont accordées aux entreprises d’innovation technologique.
Alors que l’innovation sociale joue un rôle crucial pour répondre aux défis sociaux et environnementaux actuels, elle demeure largement sous-financée. À l’inverse, l’innovation technologique bénéficie d’un cadre de soutien ambitieux et bien établi.
En assimilant les entreprises de l’ESS au dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI), nous reconnaissons leur impact économique, territorial et sociétal et leur donnons ainsi les moyens de se développer.
Je précise que cet amendement, inspiré par ESS France, a été adopté par l’Assemblée nationale. Votons-le à notre tour, pour que les jeunes entreprises innovantes à impact puissent bénéficier des mêmes leviers que les autres JEI.
Mme la présidente. L’amendement n° I-1067 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° I-1401 rectifié bis.
Mme Laure Darcos. Il est défendu, madame la présidente.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je suis surpris par le manque de cohérence de ces amendements. En effet, compte tenu de leur but d’utilité sociale, les JEII semblent sans rapport avec le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation.
Il y a de quoi se poser des questions, même si notre assemblée a déjà adopté, de façon tout à fait respectable, certains amendements sur le sujet.
Pour l’heure, il vaut mieux stabiliser les dispositifs en place et les évaluer, plutôt que de chercher à poursuivre une marche en avant incessante : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le dispositif des JEI sert à soutenir l’innovation, notamment celle qui peut être la plus disruptive possible. Il n’a pas vocation à financer les entreprises de l’ESS, aussi respectables soient-elles, surtout qu’elles bénéficient déjà de réductions fiscales : avis défavorable également.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Compte tenu des arguments qui viennent d’être présentés, je retire l’amendement de notre collègue Paoli-Gagin.
Mme la présidente. L’amendement n° I-1401 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je suis, moi aussi, sensible aux arguments présentés par le rapporteur général et le ministre. Toutefois, il faut prêter attention à ces amendements d’appel, compte tenu de l’absence de soutien dynamique à l’économie sociale et solidaire.
Notre groupe votera l’amendement n° I-799 rectifié, même s’il est sans lien avec les critères du crédit d’impôt en faveur de la recherche.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-799 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-2164 rectifié, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 755 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la première occurrence du mot : « ou » est supprimée et après la référence : « 1649 AA », sont insérés les mots : « ainsi que les actifs numériques figurant dans un portefeuille d’actifs numériques, au sens de l’article 1649 bis C » ;
b) Au second alinéa :
i) Après le mot : « avoirs », sont insérés les mots : « ou des actifs numériques » ;
ii) Les mots : « ou le contrat » sont remplacés par les mots : « , le contrat ou dans le portefeuille » ;
2° Le I de l’article 1729-0 A est complété par un d ainsi rédigé :
« d. Des actifs figurant ou ayant figuré dans un ou plusieurs portefeuilles d’actifs numériques qui auraient dû être déclarés en application de l’article 1649 bis C.
« Le montant de cette majoration ne peut être inférieur au montant de l’amende prévue au X de l’article 1736. » ;
3° Le X de l’article 1736 est ainsi modifié :
i) Au premier alinéa, le mot : « compte » est remplacé par le mot : « portefeuille » ;
ii) Au second alinéa, le mot : « comptes » est remplacé par le mot : « portefeuilles ».
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 10-0 A, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » et après la référence : « 1649 AA », sont insérés les mots : « ou à l’article 1649 bis C » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 23 C, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » et après la référence : « 1649 AA », sont insérés les mots : « ou à l’article 1649 bis C » ;
3° Au 1° de l’article L. 66, la référence : « et 150 VG » est remplacée par les références : « , 150 VG et 150 VH bis » ;
4° À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 169, les mots : « et 1649 AB du même code » sont remplacés par les mots : « , 1649 AB et 1649 bis C du code général des impôts ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à lutter contre la fraude dans le domaine des actifs numériques. Il est ainsi proposé de rendre applicable la procédure de taxation d’office en cas d’omission de déclaration de la plus-value réalisée sur la cession de ces actifs.
Nous en revenons aux crypto-actifs, dont la presse se fait assez régulièrement l’écho. Pour certains, ils représentent les financements de l’économie de demain ; certes, mais ils doivent être maniés avec une grande précaution, compte tenu des fraudes que l’on rencontre dans ce secteur.
Par ailleurs, l’amendement tend à remplacer dans le code général des impôts la notion de « compte d’actifs numériques » par celle de « portefeuille d’actifs numériques ». De fait, cette précision rédactionnelle est devenue inutile, puisqu’une ordonnance du 15 octobre 2024 procède à cette modification, qui entrera en vigueur à compter du 30 décembre 2025.
Enfin, nous suggérons de corriger une imperfection légistique concernant certaines dispositions du CGI.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Antoine Armand, ministre. Il est extrêmement judicieux d’étendre les dispositifs de lutte contre les fraudes aux actifs numériques : avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-99 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° I-1002 est présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 1740 A bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « sur le fondement du c du 1 de l’article 1728, des b ou c » sont remplacés par les mots : « ou de 40 % sur le fondement du b et du c du 1 de l’article 1728, » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …° Ou permettre au contribuable de crédibiliser auprès de l’administration une minoration de sa base taxable. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° I-99.
Mme Nathalie Goulet. L’article 1740 A bis du CGI dispose : « Lorsque l’administration fiscale a prononcé à l’encontre du contribuable une majoration de 80 % sur le fondement du c du 1 de l’article 1728, des b ou c de l’article 1729 ou de l’article 1729-0 A, toute personne physique ou morale qui, dans l’exercice d’une activité professionnelle de conseil à caractère juridique, financier ou comptable ou de détention de biens ou de fonds pour le compte d’un tiers, a intentionnellement fourni à ce contribuable une prestation permettant directement la commission par ce contribuable des agissements, manquements ou manœuvres ainsi sanctionnés est redevable d’une amende dans les conditions prévues au II du présent article. »
Les conseils sont systématiquement sollicités pour mettre au point des montages frauduleux. Ils peuvent ainsi être poursuivis aux termes des dispositions précitées. Toutefois, la majoration de 80 % est trop élevée, si bien que l’administration fiscale ne l’applique pas. Voilà pourquoi nous proposons de la ramener à 40 %.
Un certain nombre de procédures ont contraint les cours d’assises à prononcer des sanctions trop importantes. Il a fallu revoir la criminalisation des délits concernés, afin qu’ils soient mieux sanctionnés.
De la même manière, nous devons réduire l’ampleur des sanctions applicables à la fraude fiscale. Pour rappel, le rapport remis par Éric Bocquet en 2012 dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales préconisait déjà de sanctionner les conseils, sans lesquels les montages frauduleux ne pourraient avoir lieu.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° I-1002.
M. Thierry Cozic. Je me rallie aux arguments présentés par notre collègue Nathalie Goulet. J’ajoute que cet amendement, comme le précédent, vise à répondre à l’affaire des Pandora Papers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements identiques tendent à sanctionner les montages fiscaux abusifs mis au point grâce à certains intermédiaires. Cela fait longtemps que notre assemblée s’efforce de combattre ce phénomène.
L’an dernier, le Gouvernement, sollicité par la commission, avait émis un avis défavorable sur les mêmes amendements. Je crains que sa position n’ait pas changé cette année.
Toutefois, nous ne nous résignons pas – ces amendements en sont la preuve, et il faut aussi tenir compte des demandes formulées par de nombreux autres sénateurs –, car le problème de la fraude doit absolument être traité.
Je suis étonné que l’administration fiscale n’ait jamais mis en œuvre les sanctions administratives pourtant prévues à l’article 1740 A bis du CGI, comme l’a rapporté notre collègue Goulet.
Je défendrai, au nom de la commission des finances, un amendement sur ce sujet. J’espère qu’il sera soutenu unanimement : nous enverrions ainsi un message clair à ceux qui usent et abusent des montages fiscaux, jusqu’à la fraude.
Nous connaissons des temps difficiles. Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui appellent à lutter activement contre la fraude sociale, et c’est avec la même ardeur qu’il nous faut aussi combattre la fraude fiscale. C’est une question de justice.
Cette année encore, la commission sollicite l’avis du Gouvernement, dans l’espoir qu’il entende notre appel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Antoine Armand, ministre. Le Gouvernement est évidemment sensible à votre appel.
Premièrement, ces amendements visent à réduire le taux de majoration à 40 %, au motif que cette dernière n’est pas appliquée par l’administration fiscale. Nous ne pouvons accéder à une telle demande, car les agissements couverts par cette amende sont graves et doivent être punis.
Deuxièmement, ces amendements tendent à sanctionner les personnes qui travaillent à rendre crédibles les montages frauduleux. L’intention est parfaitement louable, mais elle est de nature à entretenir le flou au moment du contentieux, ce qui fragiliserait les amendes infligées.
Je vous propose que nous retravaillions ces propositions et que nous arrêtions ensemble une formulation plus nette, notamment en matière de contentieux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, ce n’est pas sérieux ! Aujourd’hui, les montants des fraudes sont extravagants. Devant notre commission, des avocats nous ont dit combien ils étaient fiers d’éclairer l’administration fiscale sur la manière dont fonctionnent les fraudes fiscales agressives.
La majoration n’étant jamais appliquée, il n’est jamais possible de mettre en cause les artisans des montages. C’est précisément la raison pour laquelle nous proposons d’en réduire le taux, afin d’élargir mécaniquement l’assiette : en appliquant un taux de 40 %, nous nous assurons qu’un beaucoup plus grand nombre de fraudeurs seront rattrapés par l’administration fiscale.
Je maintiens cet amendement, en espérant qu’il sera voté ; nous pourrons toujours le retravailler au cours de la navette. La situation du pays impose que nous prenions des mesures contre la fraude fiscale : les citoyens nous regardent, monsieur le ministre.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-99 et I-1002.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
L’amendement n° I-699, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le III de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du code général des impôts, il est inséré un III… ainsi rédigé :
« III… : Déchéance des droits à perception de certains avantages fiscaux
« Article 200… – I. – Les personnes physiques qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions prévues aux articles 1729 A bis et 1741 sont inéligibles à l’un des avantages fiscaux suivants :
« 1° L’avantage en impôt procuré par les déductions au titre de l’amortissement prévues aux h et l du 1° du I de l’article 31 et à l’article 31 bis ;
« 2° Les réductions, y compris, le cas échéant, pour leur montant acquis au titre d’une année antérieure et reporté, et crédits d’impôt sur le revenu ;
« 3° La réduction d’impôt acquise au titre des investissements mentionnés à la première phrase des vingt-sixième et vingt-septième alinéas du I de l’article 199 undecies B. La réduction d’impôt acquise au titre des investissements mentionnés à la deuxième phrase du vingt-sixième alinéa du I de l’article 199 undecies B et à l’article 199 undecies C. »
« II. – L’inéligibilité à l’un des avantages fiscaux énumérés au I est automatique et porte pour une durée de 10 ans à compter de la condamnation définitive.
« III. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Nous ne sommes pas les seuls à le penser ici : la commission d’une infraction fiscale doit entraîner une déchéance fiscale.
Par cet amendement, nous proposons de priver les fraudeurs de tout droit à bénéficier d’un avantage fiscal pendant dix ans, à condition que l’infraction entraîne une perte de recettes d’au moins 120 000 euros.
Voici quelques chiffres destinés à vous éclairer sur le volume de pertes causées par la fraude chaque année : les sommes réclamées par l’administration fiscale après contrôle s’élevaient à 14,61 milliards d’euros en 2022, soit 11,95 milliards d’euros d’impôts éludés et 2,66 milliards de pénalités. Notez qu’un cinquième de ces sommes est le fait de particuliers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Antoine Armand, ministre. Je suis sensible à votre raisonnement, monsieur le sénateur. Toutefois, le principe d’individualisation de la peine n’est pas respecté, pas plus que celui de proportionnalité, puisque vous donnez à la sanction un caractère fixe et automatique.
Mme la présidente. L’amendement n° I-700, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le III de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du code général des impôts, il est inséré un III … ainsi rédigé :
« III … : Déchéance des droits à perception de certains avantages fiscaux
« Article 200 … – I. – Les personnes morales qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions prévues aux articles 1729 A bis et 1741 du code général des impôts sont inéligibles à l’un des avantages fiscaux suivants :
« 1° Les allégements d’imposition prévus aux articles 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 terdecies, 44 quaterdecies, 44 quindecies et 208 sexies ;
« 2° Les crédits d’impôts prévus aux articles 244 quater B, 244 quater C ;
« 3° Les réductions d’impôts prévus à l’article 238 bis. »
« II. – L’inéligibilité à l’un des avantages fiscaux énumérés au précédent paragraphe est automatique et porte pour une durée de 10 ans à compter de la condamnation définitive.
« III. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Pierre Barros.