M. Michel Canévet. Cet amendement est important, car il vise, dans l’esprit de ce que je viens d’évoquer, à reporter pour les grandes entreprises la mise en œuvre de l’imposition qui affectera l’activité en cours.

Nous considérons que taxer les entreprises sur l’impôt sur les sociétés aura un effet récessif sur l’économie. (Murmures sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Il faut donc trouver une autre source de financement des comptes publics, car notre objectif n’est pas non plus de les dégrader.

M. Pascal Savoldelli. Vous voulez faire payer tout le monde à travers TVA !

M. Michel Canévet. Nous proposons donc, par cet amendement, d’augmenter d’un point le taux normal de TVA à 20 %, pour le porter à 21 %, afin d’alléger cette mesure dont je redoute qu’elle ne soit contre-productive. Ce relèvement ne toucherait ni les biens de première nécessité ni le taux réduit à 10 %.

Soyez attentifs aux effets de cette taxe sur les bénéfices et soutenez cette proposition importante, car il convient véritablement de privilégier le soutien aux entreprises et à l’économie française.

M. le président. L’amendement n° I-1675 rectifié, présenté par MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

1° Après le mot :

France

Insérer les mots :

et à l’étranger

II. – Alinéa 7

1° Remplacer le taux :

20,6 %

par le taux :

18,1 %

2° Remplacer le taux :

10,3 %

par le taux :

9,05 %

3° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Si ces redevables réalisent 75 % ou plus de leur chiffre d’affaires hors de France, le taux de la contribution exceptionnelle est fixé à 23,6 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024 et à 11,8 % pour le second exercice clos à compter de cette même date.

III. – Alinéa 9

1° Remplacer le taux :

41,2 %

par le taux :

38,7 %

2° Remplacer le taux :

20,6 %

par le taux :

19,35 %

3° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Si ces redevables réalisent 75 % ou plus de leur chiffre d’affaires hors de France, le taux de la contribution exceptionnelle est fixé à 44,2 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024 et à 22,1 % pour le second exercice clos à compter de cette même date.

La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. En lisant, il y a une dizaine de jours, l’article des Échos détaillant les contributions d’un certain nombre d’entreprises, j’ai constaté que celles d’entre elles qui seront le plus mises à contribution sont celles qui sont pleinement engagées dans l’économie française, soutenues par l’État, et qui réalisent leur chiffre d’affaires en France. J’ai à l’esprit Orange, EDF, Renault ou encore Dassault – on peut certes nourrir des désaccords avec certains points de son histoire ou certaines sensibilités de ses dirigeants, mais il s’agit tout de même d’une entreprise qui produit en France.

À l’inverse, les banques de réseau et d’affaires seront moins contributrices.

Évidemment, j’ai eu un choc et je me suis dit qu’il fallait corriger ce dispositif pour valoriser le made in France.

Premièrement, il convient de prendre pour champ d’application le chiffre d’affaires mondial, et pas uniquement français. On continuera, bien sûr, de taxer les bénéfices réalisés en France – le contraire serait difficile –, mais c’est bien le chiffre d’affaires à l’échelle mondiale qu’il faut considérer.

Deuxièmement, abaissons le taux de la surtaxe de 2,5 points pour les entreprises qui produisent et vendent en France, et augmentons-le de 3 points pour celles qui font le choix de produire et vendre à l’international.

Quelques chiffres pour mesurer ce que je propose : sur la base des bénéfices de 2023, EDF paierait non pas 500 millions d’euros, mais 470 millions d’euros, soit une économie de 30 millions d’euros ; le Crédit Mutuel, 24 millions d’euros de moins ; en revanche, Generali paierait 10 millions d’euros de plus, Allianz, 6 millions d’euros de plus, etc.

Faisons attention : dans sa rédaction actuelle, cette mesure pénalisera les secteurs de la construction, de la logistique ou des services, c’est-à-dire ceux qui sont le plus difficilement délocalisables.

En conclusion, la correction que je propose n’est pas révolutionnaire, mais elle a du sens : nous devons absolument adresser au patronat un signal montrant que nous considérons mieux ceux qui font le choix de produire et de payer leurs impôts en France.

M. le président. L’amendement n° I-1674, présenté par MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

France

insérer les mots :

et à l’étranger

La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. Le Sénat devra sans doute engager une réflexion sur l’impôt sur les sociétés.

J’entends en effet ce que disait tout à l’heure notre collègue Michel Canévet sur le fait que l’OCDE préconise un taux uniforme de 25 % pour l’impôt sur les sociétés à l’échelle internationale. En France, nous avons abaissé notre taux à cette fin, mais cela ne signifie pas pour autant que nous éviterons l’évasion fiscale, car certains pays continueront à appliquer un taux de 10 %, 15 % ou 20 %, inférieur à celui que préconise l’OCDE.

Nous devons donc réfléchir à un mécanisme permettant de corriger cet écart. Nous ne pouvons pas taxer les bénéfices réalisés à l’étranger ; en revanche, nous avons la possibilité de réfléchir à la façon de taxer le différentiel entre ce qui est imposé en France et ce qui le serait à l’étranger. Certains économistes ont fait des propositions à ce sujet ; à mon sens, nous serions bien inspirés d’y réfléchir.

Je retire cet amendement n° I-1674 au profit de l’amendement n° I-1675 rectifié.

M. le président. L’amendement n° I-1674 est retiré.

L’amendement n° I-955, présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et Ouizille, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Remplacer le taux :

20,6 %

par le taux :

53,2 %

II. – Alinéa 9

Remplacer le taux :

41,2 %

par le taux :

73,2 %

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Pour compléter les propos que j’ai tenus dans ma prise de parole sur l’article, le présent amendement, que propose le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, vise à instaurer une contribution exceptionnelle sur les sociétés, calquée sur la surtaxe d’impôt qui avait été décidée par le gouvernement d’Édouard Philippe en 2017.

Une vérité est incontestable : la contribution exceptionnelle mise en place par le gouvernement Philippe en 2017 était bien plus ambitieuse que celle qui nous est proposée aujourd’hui. Pourtant, la représentation nationale ne peut nier que, à cette époque, le contexte budgétaire était nettement moins critique que celui de 2024.

À l’époque, la contribution exceptionnelle répondait à un impératif ponctuel : compenser le manque à gagner lié à la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe de 3 % sur les dividendes. Cette mesure avait alors permis d’engranger près de 10 milliards d’euros, en portant le taux effectif de l’impôt sur les sociétés jusqu’à 43,3 %.

Or le projet actuel du Gouvernement affiche des ambitions réduites, avec une prévision de recettes de seulement 5 milliards d’euros. Monsieur le ministre, l’urgence budgétaire de 2024 ne peut être ignorée, le pays fait face à des déficits structurels persistants et à une dette publique proche de son niveau record.

Pourtant, la contribution exceptionnelle proposée s’avère timide en comparaison à 2017, ne visant qu’un taux effectif bien inférieur à celui d’alors. Cette prudence apparaît incompréhensible, alors que le contexte exige des décisions fortes pour préserver les finances publiques et garantir la crédibilité de l’État.

Ce choix, monsieur le ministre, soulève une question fondamentale : pourquoi s’engager dans une réponse moins ambitieuse aujourd’hui, alors que l’urgence est plus grande ? En 2017, une telle surtaxe avait été justifiée, malgré une conjoncture budgétaire bien moins préoccupante. Il ne s’agit plus seulement de combler un manque à gagner, mais d’agir avec la détermination requise par la gravité de la situation.

M. le président. L’amendement n° I-407 rectifié, présenté par MM. Bilhac et Daubet, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et MM. Roux et Masset, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Remplacer le taux :

20,6 %

par le taux :

25 %

II. – Alinéa 9

Remplacer le taux :

41,2 %

par le taux :

45 %

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement vise à relever le taux de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises pour 2025.

Il s’inscrit dans le même esprit que ceux qui viennent d’être défendus, même s’il est plus mesuré : on pourrait pousser un peu plus le taux pour l’année prochaine, sans pour autant revenir sur les taux appliqués pour la suivante.

L’année 2025 est une année charnière dans la trajectoire de redressement des finances publiques. L’effort doit être plus important au regard des superprofits réalisés par les grandes entreprises.

Les collègues l’ont rappelé, les entreprises du CAC 40 enchaînent des records de valorisation en bourse, de bénéfices, et de dividendes versés. Ce relèvement s’inscrit donc dans la nécessité de partager plus équitablement entre tous les acteurs la charge que représente le redressement des finances publiques.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° I-41 rectifié est présenté par M. Levi, Mme Sollogoub, MM. Bonhomme, Longeot, Henno, Houpert, Laugier, Fargeot, Chasseing, Klinger, Pellevat, Hingray et J.M. Arnaud, Mmes Billon et O. Richard, M. Courtial et Mme Herzog.

L’amendement n° I-361 est présenté par M. Capo-Canellas.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 7

Remplacer le taux :

20,6

par le taux :

10

et le taux :

10,3

par le taux :

5

II. – Alinéa 9

Remplacer le taux :

41,2

par le taux :

20

et le taux :

20,6

par le taux :

10

III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° I-41 rectifié.

M. Olivier Henno. Je ne reviens pas sur les taux de 30,15 % et de 35,3 %, déjà évoqués. J’ai bien entendu les propos de M. le ministre ; il n’en reste pas moins vrai que nous marquerons un écart important avec le taux moyen européen. Nous ne devons pas oublier que les acteurs économiques font preuve d’une mobilité extrême en fonction des évolutions fiscales – on peut le regretter, mais c’est une réalité dont nous devons avoir conscience.

Cet amendement de M. Pierre-Antoine Levi vise donc à lisser à la baisse les effets et les impacts de cette décision.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l’amendement n° I-361.

M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement est identique au précédent.

Nous avons eu l’occasion de dire – je l’avais indiqué en discussion générale – que l’on pouvait craindre un effet récessif lié à la mise en œuvre d’un certain nombre d’augmentations de taxes et de prélèvements. Nous sommes au cœur du sujet.

La modulation proposée n’aura-t-elle, à ce titre, pas un effet contre-productif pour le rendement budgétaire lui-même ? L’amendement qui vient d’être présenté par mon collègue Olivier Henno vise à garantir que le taux global d’impôt sur les sociétés ne dépasse pas 30 %.

M. le président. L’amendement n° I-127 rectifié quinquies, présenté par M. Canévet, Mme Vermeillet, M. Delahaye, Mme N. Goulet, M. Henno, Mme Perrot, M. Cigolotti, Mmes Billon, O. Richard et Sollogoub, MM. J.M. Arnaud, Vanlerenberghe et Fargeot, Mme Guidez, M. Pillefer, Mme Romagny et MM. Levi, Longeot, Bleunven et Marseille, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – À l’article 278 du code général des impôts, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 22 % ».

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Par l’amendement n° I-126 rectifié bis, je vous ai proposé de faire la moitié du chemin, mes chers collègues. Par le présent amendement, je vous propose d’aller plus loin et de supprimer totalement cette contribution exceptionnelle qui pénalisera l’économie de notre pays.

Nous le pouvons, si nous relevons le taux normal de TVA de 20 % à 22 %.

M. Pascal Savoldelli. Portez-la donc à 25 % !

M. Michel Canévet. Cette hausse s’appliquerait aux importations, qu’il convient de taxer de façon significative, et elle ne pénaliserait pas nos entreprises exportatrices tout en abondant les caisses de l’État de 13 milliards d’euros de recettes supplémentaires.

Nous éviterions ainsi la surtaxe des entreprises, certes annoncée comme temporaire, mais les hausses d’impôts n’ont-elles pas tendance à être définitives dans notre pays ? Et nous disposerions de ressources pour réduire le déficit de l’État, dont je rappelle que, en dépit des mesures significatives annoncées lors de cette séquence budgétaire, il reste à un niveau stratosphérique.

Il nous faut appeler à l’effort collectif l’ensemble de nos concitoyens, faute de quoi la situation des comptes publics ne reviendra pas à meilleure fortune. Tel était du reste le sens de la proposition formulée par le groupe Union Centriste lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Tel est le sens de la présente proposition, qui permettra de trouver les ressources nécessaires pour réduire ce déficit.

Je vous invite donc à y réfléchir et à prendre une décision courageuse, mes chers collègues. Par cet amendement, c’est une mesure de soutien à l’économie française, à nos entreprises et à l’emploi de notre pays que je vous propose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Certains collègues souhaitent taxer le chiffre d’affaires mondial des entreprises françaises rayonnant à l’international au motif que leur siège social se trouve en France. Comme vous le savez, mes chers collègues, l’administration ne peut prendre en compte que le chiffre d’affaires qui est produit en France, et c’est heureux, car à défaut, les entreprises adopteraient des stratégies d’évitement.

À titre personnel, lorsqu’une multinationale – ce n’est pas un gros mot – arbore le drapeau tricolore j’en ressens une grande fierté, y compris pour ce qu’elle produit à l’étranger. Si nous n’avions pas de multinationales, ce serait autant de parts de marché occupées par des entreprises étrangères, et nous n’en serions que moins performants à l’échelle mondiale, mais aussi nationale.

C’est toutefois à l’échelle française et européenne, qui importe à mes yeux tout particulièrement, que se consolide notre visibilité dans les échanges mondiaux entre les grands continents, notamment avec les États-Unis et l’Asie, autour de la Chine et de l’Inde.

S’il est bon que nous puissions débattre, j’estime donc qu’il ne faut pas se tromper de débat, mes chers collègues.

Comme vous le savez, mon assentiment est conditionné au caractère ciblé et temporaire du dispositif proposé. Oui, il s’agit d’une contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises, mais les Français aspirent à sortir des difficultés que nous traversons.

En quelques jours, les conditions de financement de notre dette se sont détériorées. Les agences de notation, que l’on critique parfois pour leur prétendue ingérence, traduisent simplement l’inquiétude des acteurs économiques, singulièrement des pays qui sont susceptibles de financer notre dette. Il nous faut donc y être attentifs, mes chers collègues.

L’avis est défavorable sur l’amendement n° I-504 rectifié de M. Lurel, car le dispositif visé n’a aucunement vocation à devenir pérenne.

En ce qui concerne l’amendement n° I-1675 rectifié de Grégory Blanc, je répète que la fiscalité s’applique au chiffre d’affaires réalisé dans notre pays. En vertu des règles qui s’appliquent à tous, en l’occurrence, le caractère territorialisé de l’impôt sur le revenu, la disposition que vous proposez est inapplicable, mon cher collègue. L’avis est donc défavorable.

M. Grégory Blanc. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La surtaxe d’impôt sur les sociétés (IS) instaurée en 2017 avait emporté non pas 10 milliards d’euros, mais 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires, soit deux fois moins monsieur Cozic. S’agissant de milliards d’euros, il me paraît important de le préciser.

Prenons garde, monsieur Masset, à ne pas surcharger les taux consolidés d’impôt sur les sociétés, qui sont déjà particulièrement élevés. Si l’amendement n° I-407 rectifié était adopté, ce taux atteindrait en effet plus de 36 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 3 milliards d’euros.

Je partage le souci des auteurs des amendements identiques nos I-41 rectifié et I-361 de limiter l’effort demandé aux entreprises. Comment toutefois compenser les effets de la disposition proposée de manière à respecter notre objectif de réduction du déficit public à 5 % du PIB en 2025 ? Les exposés des motifs de ces amendements ne formulent pas de proposition en ce sens.

Par l’amendement n° I-127 rectifié quinquies, notre collègue Canévet propose quant à lui une solution assez radicale. Nous en avons déjà débattu en commission. Je tiens toutefois à répéter qu’une augmentation de 2 points du taux de TVA revient à augmenter de 16 milliards d’euros les recettes d’un impôt unanimement considéré comme le plus anti-redistributif qui soit. Soyons attentifs au choc qu’une telle augmentation pourrait emporter sur la consommation, mon cher collègue.

En matière de fiscalité, les sensibilités peuvent certes diverger, mais vous conviendrez sans doute qu’une telle mesure aurait un effet récessif certain. Elle serait de plus assurément perçue par l’opinion publique comme une manière facile d’aller chercher des recettes dans la poche des consommateurs, en particulier de ceux dont les revenus sont les moins élevés.

Il nous faut au contraire relancer la consommation, notamment outre-mer, où l’inflation est violente. L’un des leviers dont nous disposons est le déblocage de l’épargne, qui s’établit depuis la crise sanitaire à un niveau anormalement élevé.

Au regard de l’état d’extrême urgence budgétaire qui nous contraint – je rappelle que nos comptes ont connu une dégradation, inédite sous la Ve République, de 60 milliards d’euros en neuf mois –, nul ne peut avoir la certitude de détenir la meilleure solution.

Dans ce PLF, l’option retenue consiste à baisser les dépenses tout en instaurant des contributions exceptionnelles. Celles-ci vont certes à rebours des convictions d’un certain nombre d’entre nous, mes chers collègues, mais à défaut, nous verrons le bateau couler, ou du moins continuer de s’enfoncer.

Le climat social ne nous laisse guère le choix : il nous faut dans un premier temps appeler les entreprises à l’effort le plus important, avant de faire les réformes structurelles qui s’imposent – il nous faudra y travailler résolument, mes chers collègues.

En tout état de cause, l’avis est défavorable sur l’ensemble des amendements restant en discussion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. En novembre 2017, nous n’avons pas surtaxé les entreprises au titre de l’impôt sur les sociétés pour de bonnes raisons. Si nous avons dû demander cette surtaxe exceptionnelle d’un rendement de 5 milliards d’euros, c’est en effet parce qu’il nous fallait rembourser les 10 milliards d’euros que nous avions perçus au titre de la taxe sur les dividendes que nous avions instaurée en contradiction avec le droit européen. Cela doit appeler chacun à la plus grande vigilance quant aux conséquences des dispositions adoptées au regard du droit communautaire.

Rien n’étant pire que le zigzag fiscal, l’article 11 ne relève pas structurellement l’impôt sur les sociétés. Vous avez raison d’être vigilant au cap que nous devons maintenir en la matière, monsieur le rapporteur général.

Le taux d’IS du prochain exercice sera un faux taux, puisque dès l’exercice suivant, il baissera. En fonction de la taille et de la profitabilité des entreprises, ce « faux » taux pourra toutefois être élevé.

Le rendement de cette contribution exceptionnelle, bien supérieur à celui de la précédente surtaxe à l’IS, s’élèvera à 8 milliards d’euros. Si nous avons besoin d’un tel rendement pour contribuer au redressement de nos comptes, cela ne signifie nullement que nous souhaitons revenir en arrière en matière de fiscalité.

J’estime toutefois qu’il vaut mieux demander une participation temporaire aux entreprises profitables qu’imposer une hausse des prix à la consommation à l’ensemble de nos concitoyens. Nous avons une vraie divergence en la matière, monsieur Canévet. Si le rendement d’une hausse du taux de TVA est bien connu, l’effet cliquet qu’emporterait une telle hausse l’est tout autant.

L’avis est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. L’amendement n° I-1675 rectifié vise non pas à taxer des bénéfices réalisés à l’étranger – chacun sait que ce n’est pas possible –, mais à changer la valeur de référence de manière à prendre en compte le chiffre d’affaires mondial dans le seul calcul de la surtaxe. Un tel mode de calcul n’est pas illégal.

L’article des Échos que j’évoquais m’a inspiré un parallèle avec l’annonce de la fermeture, dans le département dont je suis élu, de l’usine Michelin de Cholet.

Selon le récit de Michelin, l’entreprise serait contrainte de fermer cette usine en raison de la hausse du coût de l’énergie. Pas de bol, entre 2023 et 2024, les prix spot se sont effondrés ! Les autres arguments invoqués sont le coût de la main-d’œuvre – mais, pour un secteur d’une telle intensité capitalistique, l’écart avec la Chine joue un rôle résiduel – ou le niveau d’imposition.

On ne ferme pas une usine du jour au lendemain. Le groupe a d’ailleurs provisionné très en amont dans ses comptes 330 millions d’euros pour restructurations, en y incluant jusqu’aux frais de justice en cas de contestation devant les prud’hommes.

L’annonce aurait pu être faite au mois de mars. Elle est toutefois opportunément intervenue le jour de l’élection du prochain président des États-Unis, ce qui fait qu’elle a été écrasée par l’actualité internationale, mais en plein PLF, afin de faire pression sur le Parlement.

J’estime qu’il est temps d’envoyer un signal fort à ces entreprises.

Demain, quand Michelin vendra des pneus fabriqués en Pologne à Feu Vert, ce groupe échappera à toute forme de taxation, alors que grâce à son implantation à Cholet, nous percevons des recettes.

À l’heure où les salariés sont en négociation avec la direction et où nous essayons d’obtenir 10 millions ou 20 millions d’euros supplémentaires au titre de la revitalisation du territoire, j’estime qu’il nous faut envoyer un signal, mes chers collègues.

Le choix industriel de délocaliser, qu’il soit motivé par des surcapacités ou par une volonté de se replier sur le haut de gamme, doit avoir des conséquences fiscales.

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.

Mme Florence Blatrix Contat. La hausse de la TVA que propose M. Canévet est un marronnier, une solution de facilité à laquelle je suis profondément défavorable.

Une telle hausse pénaliserait les ménages les plus modestes. Le paiement de cette taxe injuste pèse en effet à hauteur de 30 % des revenus du vingtile des ménages les plus modestes, quand cette proportion chute à 5 % pour le vingtile des ménages les plus aisés.

Par ailleurs, sur le plan macroéconomique, si une hausse de la TVA protège effectivement nos exportations, elle emportera également un effet inflationniste sur les intrants de nos entreprises, tout en freinant la consommation, et partant, la demande.

Je suis donc totalement opposée à une telle hausse.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Je reviendrai rapidement sur quatre points.

Premièrement, cette contribution exceptionnelle est-elle réellement ciblée et temporaire ? Vous conviendrez qu’il paraît douteux que l’on puisse régler un déficit structurel grâce à une contribution prétendument ciblée et temporaire, mes chers collègues.

Deuxièmement, les amendements identiques que M. Henno et moi-même avons défendus visent à garantir que le taux global d’IS n’excède pas 30 %. Tous les modèles économiques montrent en effet que la croissance est très sensible à l’IS, l’effet récessif sur le PIB d’une augmentation de celui-ci étant du même ordre que le rendement supplémentaire qui en est attendu. Cet effet récessif se faisant de plus sentir pendant quatre ou cinq ans, il mérite à tout le moins d’être pris en considération.

Troisièmement, la proposition de M. Blanc vise à prendre en compte le chiffre d’affaires mondial des entreprises uniquement pour le calcul du taux de surtaxe, celui-ci s’appliquant ensuite sur seul le chiffre d’affaires réalisé en France. J’estime que cette idée stimulante mérite d’être examinée, même si cela doit se faire dans un autre cadre.

Quatrièmement, je suis convaincu qu’il nous faudra un jour utiliser le levier que constitue la TVA. Si nous voulons réduire les charges sociales de sorte que les salariés s’y retrouvent sur leur fiche de paie, il faudra en effet sans doute compenser cette réduction avec un peu de TVA. Quand Jean Arthuis avait proposé cela, il avait nommé ce mécanisme « TVA sociale », ce qui avait tué le débat. J’estime toutefois que c’est ainsi qu’il faudra procéder si nous souhaitons nous saisir de ce sujet, mes chers collègues.