M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’avis est franchement défavorable. (Exclamations amusées sur quelques travées.) Après tout, il existe bien des avis de sagesse positive ou négative…

Il est franchement défavorable parce que je ne voudrais pas donner le moindre signe de complaisance au cœur du travail que nous menons ici pour lutter contre la fraude à l’arbitrage des dividendes. L’adoption d’un tel amendement ne me paraît ainsi absolument pas souhaitable. Je pense qu’il y a bien d’autres manières de soutenir les sociétés de capital-risque ou d’encourager les organismes de placement collectif (OPC).

Nous pouvons partager votre objectif, mais le signal que vous envoyez n’est pas le bon, ainsi que j’aurai l’occasion de le répéter à plusieurs reprises lors de nos débats.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. L’exonération de retenue à la source ne va pas dans le sens de ce que nous souhaitons faire fiscalement. Je crois savoir que d’autres amendements sur ce sujet, portés notamment par M. le rapporteur général, nous permettront d’y revenir.

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° I-1392 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° I-887 rectifié, présenté par Mmes Billon, Housseau, Saint-Pé, Tetuanui et Vermeillet et MM. Courtial, Delcros, Fargeot, Longeot, Menonville et Bleunven, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 163 quatervicies du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« Le I de l’article 757 B et le I de l’article 990 I ne s’appliquent pas au plan d’épargne retraite prévu à l’article L. 144-2 du code des assurances. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. La loi Pacte de mai 2019 a instauré deux types de PER : le PER assurantiel et le PER compte-titres ou PER bancaire.

La mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale relative à la fiscalité de l’épargne par capitalisation finançant la retraite a réalisé une première évaluation de ces dispositifs.

Elle a relevé plusieurs disparités fiscales entre les deux types de PER au détriment du PER bancaire, faisant état d’une « différence […] peu compréhensible dans la mesure où PER assurantiel et PER compte-titres impliquent un blocage identique de l’épargne ».

Les différences de traitement entre les deux dispositifs concernent en grande partie les droits de succession. Le PER bancaire bénéficie du droit commun, tandis que le PER assurantiel bénéficie d’un régime proche de l’assurance vie.

De telles différences ne permettent pas au public de porter un intérêt équivalent à ces deux produits. Le plan d’épargne retraite assurantiel offrant de meilleurs avantages fiscaux, il est aujourd’hui largement plus attractif que le plan d’épargne retraite compte-titres, ce qui va à l’encontre de l’objectif de la loi Pacte d’ouvrir la concurrence en permettant aux entreprises d’investissement de proposer des offres alternatives à l’offre assurantielle.

Dans un souci d’homogénéité, cet amendement vise à mettre fin à cette distorsion en uniformisant le régime fiscal, sans pour autant créer de rupture de traitement entre les différents types de compte-titres. Considérant que ces deux contrats ont pour vocation de constituer pour leurs bénéficiaires un capital en vue de la retraite, nous proposons de revenir sur les avantages liés à l’assurance vie du PER assurantiel, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un contrat d’assurance vie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il a dû m’échapper quelque chose, madame la sénatrice… (Sourires.) J’ai été le rapporteur de cette partie de la loi Pacte. Vous imaginez bien que s’il y a deux PER, c’est qu’ils n’ont ni les mêmes caractéristiques ni la même logique. Sinon, il n’y en aurait qu’un !

En l’occurrence, j’y insiste, les deux dispositifs obéissent à des règles différentes. Le PER assurantiel prévoit ainsi un dispositif de garantie pour financer la retraite, avec des mécanismes fiscaux sur la durée. Lorsque les taux évoluent, il arrive que les banques ou les assureurs proposent de changer de produit, mais les souscripteurs oublient souvent les garanties fiscales attachées au contrat originel.

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Même avis.

M. le président. Madame Billon, l’amendement n° I-887 est-il maintenu ?

Mme Annick Billon. Non, je vais le maintenir, monsieur le président.

Je peux comprendre qu’il y ait une différence de traitement mais, en l’occurrence, on parle d’avantages en matière de droits de succession.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est normal !

Mme Annick Billon. L’objectif initial de la loi Pacte était qu’il y ait les mêmes avantages. N’étant pas convaincue par vos explications, je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-887.

(Lamendement nest pas adopté.)

(M. Dominique Théophile remplace M. Didier Mandelli au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

vice-président

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers amendements sont identiques.

L’amendement n° I-658 est présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° I-943 est présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Ouizille, Cozic, Kanner et Raynal, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° I-1671 est présenté par MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Ces amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 167 bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi modifié :

a) Les mots : « Il est sursis au paiement de l’impôt afférent aux plus-values et créances constatées dans les conditions prévues au I du présent article et aux plus-values imposables en application du II, lorsque » sont remplacés par le mot : « Lorsque » ;

b) Les mots : « territoire ayant » sont remplacés par les mots : « dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant » ;

c) Et les mots : « , et qui n’est pas un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A » sont remplacés par les mots : « , il est sursis au paiement de l’impôt afférent aux plus-values et créances constatées dans les conditions prévues au I du présent article et aux plus-values imposables en application du II » ;

2° Le V est ainsi modifié :

a) Au b, les mots : « ou territoire mentionné au IV, le transfère à nouveau dans un État ou territoire autre que ceux mentionnés au même IV » sont remplacés par les mots : « membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, précitée, le transfère à nouveau dans un État autre que ceux mentionnés précédemment » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

«… Lorsque le contribuable justifie que son transfert de domicile fiscal dans un État ou territoire qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen, mais qui a conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, précitée obéit à des raisons professionnelles, aucune garantie n’est exigée pour l’application du sursis de paiement prévu au 1 du présent V. » ;

3° Le premier alinéa du 2 du VII est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quinze » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

4° Le VIII est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du 1, les mots : « l’opération d’échange ou d’apport répondant aux conditions d’application des articles 150-0 B ou 150-0 B ter intervenue » sont remplacés par les mots : « l’échange entrant dans le champ d’application de l’article 150-0 B intervenu » ;

b) Au 4, les mots : « des articles 244 bis A ou » sont remplacés par les mots : « de l’article » ;

c) Au premier alinéa du 4 bis et au premier alinéa du 5, les mots : « ou territoire » sont supprimés ;

5° Le 2 du IX est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– Les mots : « au titre d’une créance mentionnée au second alinéa du 1 du I ou d’une plus-value imposable en application du II » sont supprimés ;

– Les mots : « à ce titre » sont supprimés ;

– Les mots : « au second alinéa du 1 du I et au » sont remplacées par les mots : « aux I et » ;

b) Le second alinéa est supprimé.

II. – Le III de l’article 112 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 est abrogé.

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-658.

M. Pascal Savoldelli. Je pense que vous trouverez cet amendement philosophiquement juste, puisqu’il a pour objet de taxer seulement la plus-value qui quitte le territoire, et ce pour de mauvaises raisons. Par conséquent, il tend plutôt à inciter à la conservation des titres, donc à la pérennité du capital des entreprises.

Ce rétablissement de l’exit tax dans la version antérieure à celle adoptée lors du précédent quinquennat a été voté par une large majorité des groupes à l’Assemblée nationale, et pas seulement par les groupes de gauche.

Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas me parler d’harmonisation européenne, comme vous avez pu le faire – à raison – pour d’autres amendements. En effet, l’abaissement de quinze ans à deux ans après le départ du délai pour bénéficier du dégrèvement d’office des plus-values latentes, et à cinq ans pour les plus-values excédant 2,57 millions d’euros, résultait bel et bien d’une décision politique française, et non d’une injonction de l’Europe.

Il en est de même pour l’obtention du sursis de paiement, désormais accordé sans condition professionnelle et de manière automatique dans tous les territoires, sauf ceux qui ne sont pas coopératifs ou qui n’ont pas conclu d’accord sur la fraude fiscale.

Concrètement, le coût de la réforme de 2019 a été considérable, l’administration fiscale ayant été contrainte de renoncer à la taxation de 30 % des plus-values entre la valeur d’acquisition et la valeur du mouvement de départ.

Je le répète, cet amendement a eu un écho très large parmi toutes les sensibilités politiques. Il correspond à l’état de l’opinion, quelle que soit la couleur du vote, et même chez les abstentionnistes. Ainsi, 72 % de nos concitoyens qualifient ce choix fiscal d’injuste. Tâchons de rétablir de la justice fiscale en répondant aux aspirations les plus progressistes de la population !

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° I-943.

Mme Florence Blatrix Contat. Il s’agit du même amendement, qui vise à rétablir l’exit tax dans sa version antérieure à 2019 afin d’éviter que certains ne se domicilient fiscalement ailleurs pour échapper à certains impôts.

Je vous fais remarquer par ailleurs que, dans le PLF pour 2023, nos collègues députés Les Républicains avaient porté un amendement identique. Cette année encore, l’indispensable taxation du patrimoine fait consensus à l’Assemblée nationale.

On sait que les 500 plus grandes fortunes ont vu leur patrimoine multiplié par six en un peu plus de dix ans. Si nous voulons taxer celui-ci et éviter qu’il ne parte à l’étranger, il est absolument indispensable de rétablir l’exit tax. C’est la condition sine qua non pour retrouver de la justice fiscale. Nous pouvons trouver un accord en ce sens ici, au Sénat.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour présenter l’amendement n° I-1671.

M. Grégory Blanc. Mes collègues ont beaucoup insisté, à juste titre, sur deux points.

Premier point : un besoin de justice et de cohésion, au travers d’un impôt proportionné et équitable, traverse le pays. Lorsqu’un impôt ou un dispositif fiscal apparaît injuste, cela suscite de la colère.

La fraude fiscale est un combat qui nous réunit toutes et tous. Quand Nicolas Sarkozy – chacun pensera ce qu’il veut de son action – a mis en place l’exit tax en 2011, cela correspondait à une demande de l’opinion.

Parmi les personnes qui quittent la France, il y a des binationaux qui, après avoir fait carrière ici, retournent dans leur pays d’origine, mais il y a aussi ceux qui sont animés par le désir de frauder le fisc et qui ne quittent pas vraiment le pays. Il s’agit sans doute d’une minorité de situations identifiées par nos services fiscaux, mais nous devons sans cesse avoir à l’esprit que le paiement de l’impôt permet de renforcer la cohésion du pays.

Second point : revenir à la version initiale – quinze ans – permet de conserver un lien fiscal avec la France. En abaissant le délai à deux ans, on éteignait quasiment le dispositif. Ce lien fiscal conservé par des personnes ayant quitté le territoire nous apparaît tout à fait vertueux.

Avec mes collègues de gauche, nous ne comprendrions pas qu’une mesure votée de manière quasiment transpartisane à l’Assemblée nationale, avec le groupe LR notamment, ne soit pas reprise au Sénat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Quelle belle invitation, et quelle belle plaidoirie ! Il ne vous a cependant pas échappé que les deux assemblées parlementaires procèdent à la fois d’idées, d’origines et de modes de scrutin différents. Il peut arriver que nous nous retrouvions ici même à partager des points de vue au-delà de nos sensibilités politiques, mais ce n’est pas toujours le cas…

Mon avis sur ces amendements identiques, lequel est défavorable, s’inscrit dans le droit-fil des positions que j’ai prises lors des quatre derniers exercices.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Défavorable.

M. le président. L’amendement n° I-617, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 2 du VII de l’article 167 bis du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Nous vivons une belle journée : une fois n’est pas coutume, monsieur le président, je vais être d’accord avec mes collègues de gauche. Considérez que l’amendement est défendu.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° I-659 est présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° I-1515 rectifié est présenté par MM. Delcros et Laugier, Mme N. Goulet, MM. Courtial et Henno, Mme Sollogoub, M. Menonville, Mmes Billon, Housseau et Romagny, MM. Chauvet, Duffourg et Canévet, Mmes Vermeillet et Antoine, M. Longeot, Mme Saint-Pé et M. Parigi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le premier alinéa du 2 du VII de l’article 167 bis du code général des impôts, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Ces délais sont doublés lorsque les conditions suivantes sont réunies :

« 1° Le contribuable contrôle une société dans les conditions prévues au premier alinéa du 1 du I ;

« 2° La société contrôlée a bénéficié depuis sa création d’un montant cumulé d’aides fiscales ou budgétaires au moins égal à 100 000 euros. »

II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-659.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur général, que vous ayez des divergences d’appréciation avec vos collègues LR de l’Assemblée nationale ne m’inspire pas de commentaires. Dont acte ! En revanche, nous venons de vous présenter une série d’amendements solidement argumentés. Vous pouvez y être défavorable, mais prenez au moins la peine de nous répondre sur le fond. J’y insiste, car ce n’est pas rien : une majorité s’est manifestée à l’Assemblée nationale pour soutenir ces amendements.

Vous ne pouvez pas seulement nous dire que vous n’avez pas le même avis à cause du mode de scrutin. Nous ne sommes pas à la maternelle politique ! Dites-nous en quoi notre argumentation n’est pas solide, robuste, étayée et pour quelles raisons précises vous nous opposez un avis défavorable.

Ne le prenez pas mal, monsieur le rapporteur général, mais, à cet instant de notre discussion, la cuisine politicienne ne m’intéresse pas !

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° I-1515 rectifié.

M. Bernard Delcros. Notre groupe alerte le Sénat depuis plusieurs années sur cette question de l’exit tax. Nous pensons que le moment est venu de corriger un dispositif d’évitement de l’impôt français, notamment par les plus grandes sociétés. Nous avons cependant choisi d’être mesurés, pour couper court aux arguments que l’on pourrait nous opposer sur l’attractivité de la France.

Comme cela a été dit, le délai a été réduit de quinze ans à deux ans. Ainsi, depuis 2019, il suffit de s’expatrier pendant deux ans pour éviter de payer l’impôt sur une plus-value réalisée lors d’une vente d’entreprise, y compris lorsque l’entreprise a bénéficié d’aides françaises, par exemple le crédit d’impôt recherche (CIR).

Nous souhaitons rendre le dispositif plus efficace en visant particulièrement les détenteurs de sociétés qui ont bénéficié d’importantes subventions françaises, notamment des crédits d’impôt. Le présent amendement vise donc à doubler le délai, de deux ans à quatre ans ou de cinq ans à dix ans, suivant le montant de la plus-value.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je ne suis pas certain que tous les amendements faisant l’objet d’une discussion commune aient été présentés…

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, les trois premiers amendements en discussion commune ont été présentés, puis le rapporteur et le ministre ont donné leur avis. Soit nous passons au vote sur les trois premiers, soit nous les présentons tous !

M. le président. Je vous rappelle que ces amendements sont en discussion commune.

M. Fabien Gay. Je peux donc présenter l’amendement n° I-659.

M. le président. M. Savoldelli l’a déjà fait…

M. Fabien Gay. Non, il pensait que nous en étions aux explications de vote, puisque les avis avaient été donnés.

M. le président. La parole est donc à M. Gay, pour présenter l’amendement n° I-659.

M. Fabien Gay. Nous proposons évidemment de rétablir l’exit tax, contre l’avis de la commission et du Gouvernement. Nous n’avons pas la main trop lourde : selon un rapport de l’Institut Montaigne, notre proposition, qui ne vise, rappelons-le, que les plus-values, rapporterait 67 millions d’euros ; pas de quoi dégrader l’attractivité de la France !

Il s’agit d’un amendement de repli visant à faire passer le délai de deux à quatre ans et de cinq à dix ans sur les plus-values dépassant 2,5 millions d’euros, et ce pour des entreprises qui auraient touché des aides publiques de plus de 100 000 euros. Mes chers collègues, ne pas voter cette proposition reviendrait à organiser la fraude fiscale et la fuite d’argent public à l’étranger !

Pour résumer, nous vous proposons de voter le rétablissement de l’exit tax. Vous dites vouloir combattre la fraude fiscale, mais vous refusez habituellement toutes les propositions que nous faisons à ce titre… En votant le présent amendement, vous ferez preuve d’autant de détermination à combattre la fraude fiscale que la fraude sociale.

Et si vous n’acceptez pas le rétablissement de l’exit tax, nous vous demandons de voter a minima notre amendement de repli. C’est le moins que vous puissiez faire dans le contexte actuel, avec les plans de licenciement qui s’accumulent. Car certaines entreprises, qui font des bénéfices et versent des dividendes, licencient et organisent la fraude fiscale !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-617 présenté par M. Hochart, et sur les amendements identiques nos I-659 et I-1515 rectifié ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-617 vise à supprimer le délai à l’expiration duquel l’exit tax n’est plus appliquée, ce qui va à l’encontre de la position exprimée par le Sénat depuis quatre ans sur ce sujet : avis défavorable.

Il en va de même pour les amendements identiques nos I-659 et I-1515 rectifié, qui tendent à doubler le délai de dégrèvement d’office dans le cadre de l’exit tax pour les contribuables qui contrôlent une société ayant bénéficié d’aides publiques. J’entends bien que vous considérez cette proposition comme étant de repli, mais la logique est la même que pour les amendements précédents.

La commission demande le retrait de ces deux amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Avis défavorable.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour un rappel au règlement.

Mme Annick Billon. Tout à l’heure, nous avons voté sur plusieurs amendements dans une certaine confusion…

Monsieur le président, l’amendement n° I-1504 rectifié, à l’article 3, et l’amendement n° I-887 rectifié tentant à insérer un article additionnel après l’article 3 auraient dû être largement adoptés. (Marques dapprobation sur les travées des groupes UC, SER et CRCE-K.)

M. Thierry Cozic. On est bien d’accord !

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Après l’article 3
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Article 4 (début)

Après l’article 3 (suite)

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Je souhaiterais que les avis soient justifiés de manière plus étayée, car je ne comprends pas la position de la commission et du Gouvernement. Nous partageons tous la volonté de lutter contre la fraude fiscale. À l’origine, les personnes visées par l’exit tax devaient conserver leurs actions pendant quinze ans. Depuis 2019, cette durée n’est plus que de deux ans.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur général, qu’ici nous sommes au Sénat et non pas à l’Assemblée nationale, et que la raison doit prévaloir… Certes, et nous sommes tous très attachés au bicamérisme. Toutefois, le Sénat peut se tromper. Pouvez-vous nous faire part d’une argumentation étayée, reposant sur des éléments fondés, structurés ? Chacun peut être amené à changer d’avis…

Vous ajoutez que la position de la commission est la même depuis des années. Pourtant, il y a six mois, vous défendiez la stabilité fiscale. Nous voyons bien que votre position a changé depuis l’année dernière, car le contexte a changé.

Plutôt que de camper sur des postures ou des positions de principes, étudions les dispositifs à la lumière de la situation financière du pays !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, je vais m’adresser au rapporteur général, puisque vous avez décidé de ne répondre à aucune question politique, vous contentant d’émettre des avis favorables ou défavorables. Au Parlement, on parle : nous sommes précisément là pour avoir un débat politique.

Monsieur le rapporteur général, vous avez en effet beaucoup lutté pour supprimer l’exit tax et pour qu’elle ne soit pas réinstaurée. Mais ce que vous refusez en rejetant notre amendement de repli est d’une autre nature… Nous souhaitons taxer les entreprises qui réalisent des plus-values – je dis bien des plus-values, pas des bénéfices ! – de plus de 2,5 millions d’euros, qui ont touché des aides publiques de plus de 100 000 euros et qui organisent leur délocalisation hors de France ! Il me semble qu’il y a tout de même matière à débat…

Quelle est la position du ministre sur cette question ? En ce moment même, des salariés sont en train de trinquer à cause des plans de licenciements qui ont lieu partout dans le pays. Nous parlons de 100 000 emplois menacés, dont la moitié dans l’industrie !

Je vise non pas le petit boulanger, mais ceux qui touchent beaucoup d’argent, versent des dividendes, et organisent la fraude fiscale ! Vous me répondez simplement : « Non, on ne touche rien. » Ce ne sera pas la peine de poser une question d’actualité au Gouvernement dans quelques semaines pour vous plaindre qu’un magasin Auchan va fermer dans votre circonscription… C’est le moment d’agir et de dire stop !

Je vous demande simplement de prendre une minute ou deux pour débattre de cet amendement avant de me dire que vous ne voulez pas qu’il soit adopté.