M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis 1997, un versement annuel de la branche AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles) vers la branche maladie est prévu afin de compenser les dépenses assumées à tort par la branche maladie, puisqu’elles sont liées à des sinistres ou à des pathologies d’origine professionnelle non déclarés comme tels.
Selon la commission chargée de l’évaluation de la sous-déclaration des AT-MP, laquelle déplore d’ailleurs que la plupart de ses recommandations restent lettre morte, le montant de cette sous-déclaration est évalué désormais entre 2 milliards et 3,8 milliards d’euros. Ce rapport a été voté à l’unanimité des seize experts.
Notons le plus grave : ces sous-déclarations privent les salariés de leurs droits. Ainsi, à leur coût pour la branche maladie et pour les organismes complémentaires, il faut ajouter la perte encourue par les assurés, évaluée à 1 milliard d’euros, qui n’est pas comptabilisée dans le montant de la sous-déclaration.
Par ailleurs, l’ensemble de ces coûts restent minorés.
Ils sont minorés, d’abord, parce qu’ils sont évalués au regard du coût de ces pathologies pour l’assurance maladie et non au regard du coût qu’elles auraient pour la branche AT-MP, sans ticket modérateur ni jours de carence.
Ils sont minorés, ensuite, parce que le périmètre des risques pathologiques étudiés est partiel. Ajoutons que l’origine professionnelle de certains cancers est mal reconnue. L’approche est donc minimaliste, d’autant que l’on ne retient désormais même pas la fourchette basse.
Si la branche AT-MP faisait face à la totalité de ces sinistres et pathologies, elle devrait assumer des dépenses bien supérieures à cette estimation et verrait les taux de cotisation augmenter, comme dans tout système assurantiel. Elle s’engagerait alors dans une politique de prévention.
Ce transfert annuel n’est donc pas indu. Il n’est que la manifestation, très atténuée, du véritable coût des mauvaises conditions de travail.
C’est pourquoi, plutôt que de persister dans le déni, nous souhaitons que les recommandations du rapport des experts soient enfin mises en œuvre et que le coût réel des risques professionnels soit révélé, ce qui obligerait à investir dans une véritable politique de prévention des accidents du travail. Je rappelle que la France reste championne d’Europe des accidents et des morts au travail ! La sous-évaluation est un obstacle à la prévention.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Nous entamons l’examen d’un article important, qui n’est autre que la transposition fidèle d’un accord national interprofessionnel (ANI), conclu le 15 mai 2023 et approuvé par l’ensemble des partenaires sociaux, sur la question des accidents du travail et de leur indemnisation. Cet accord a été précisé l’été dernier par un relevé de décision des partenaires sociaux, qui a ensuite fait l’objet d’un travail avec les parlementaires. Ainsi, Mme la rapporteure Marie-Pierre Richer vous présentera des amendements qui ont fait l’objet d’échanges avec les partenaires sociaux ; je tiens à l’en remercier.
M. le président. L’amendement n° 1020, présenté par Mmes Brulin, Silvani, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. L’article 24 fait suite à deux arrêts de 2023 de la Cour de cassation, qui a jugé que les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peuvent prétendre, en cas de faute inexcusable de l’employeur, à une indemnité complémentaire distincte de la rente versée par la branche AT-MP, en poursuivant en justice leur employeur. Toutefois, si ce dernier n’en a pas les moyens, cette indemnité complémentaire est payée par la branche AT-MP.
Madame l’ministre, vous avez eu raison de rappeler que cet article était le fruit d’un accord national interprofessionnel. Néanmoins, aux yeux de certains acteurs, comme la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath), dont on ne peut pas contester l’expertise en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles, il constitue un recul.
En effet, c’est un moyen de contourner la jurisprudence de la Cour de cassation. Cette jurisprudence favorable aux victimes en cas de faute inexcusable de l’employeur est appliquée par toutes les juridictions de fond depuis deux ans ; elle l’est également par les fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.
Un autre problème se pose : selon nous, pour garantir le principe d’une immunisation intégrale des victimes en cas de faute inexcusable de l’employeur, il faudrait un mécanisme qui permette une prise de relais effective en cas de défaut de paiement des employeurs, sans peser uniquement sur la branche AT-MP. En effet, on ne peut pas exonérer de la sorte les employeurs de toute responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 24.
Cette réforme reprend de nombreuses recommandations du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) sur les grands enjeux de la branche AT-MP. Comme cela a été rappelé, l’article retranscrit fidèlement la demande des partenaires sociaux signataires du relevé de décision du comité de suivi de l’ANI. Il permet une revalorisation importante – nous y reviendrons ultérieurement – et bienvenue des prestations d’incapacité permanente versées par la branche à l’ensemble des victimes d’incapacité permanente.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la sénatrice, on ne peut pas à la fois déplorer le manque de dialogue social et rejeter les fruits d’un accord national interprofessionnel !
En l’occurrence, cet article est bien la transposition, la plus fidèle possible, de cet accord qui a été approuvé par l’ensemble des partenaires sociaux. Toutes les organisations syndicales y ont souscrit, jusqu’à celles avec lesquelles on a souvent bien du mal à s’entendre.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Il nous faut avancer sur cette question et cet article contient des avancées significatives pour les victimes et leur famille.
M. le président. L’amendement n° 179, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
…° Au 5° de l’article L. 142-1, les mots : « de travail » sont supprimés et le mot : « au » est remplacé par le mot : « aux » ;
…° Au 1° de l’article L. 351-3, après le mot : « permanente », il est inséré le mot : « professionnelle » ;
…° Au 4° de l’article L. 431-1, les mots : « de travail » sont supprimés et après la seconde occurrence du mot : « incapacité », il est inséré le mot : « professionnelle » ;
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Cet amendement tend à procéder à plusieurs coordinations juridiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 180, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
compte tenu
par les mots :
à partir
La parole est à Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 181, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11, première phrase
Après le mot :
part
insérer le mot :
professionnelle
II. – Alinéa 12, première phrase
Après le mot :
part
insérer le mot :
fonctionnelle
La parole est à Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 182 rectifié est présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 1208 rectifié est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :
Son montant est égal au nombre de points d’incapacité permanente fonctionnelle multiplié par un pourcentage d’une valeur de point fixée par un référentiel prenant en compte l’âge de la victime. Ce pourcentage et ce référentiel sont définis par arrêté des ministres chargés du travail et de la santé. Cet arrêté définit également les conditions dans lesquelles ce référentiel est actualisé.
La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 182 rectifié.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Cet amendement vise à aligner le mode de calcul de la part fonctionnelle de l’indemnité en capital sur celui de la part fonctionnelle de la rente. Serait utilisé dans les deux cas le référentiel Mornet, conformément à la demande des partenaires sociaux. Cela permettra notamment de faire dépendre de l’âge de la victime le montant de la part fonctionnelle de l’indemnité en capital.
Cet amendement tend également à permettre une réactualisation du référentiel d’indemnisation de l’incapacité fonctionnelle permanente.
Je remercie par ailleurs le Gouvernement d’avoir déposé un amendement identique afin d’assurer la recevabilité financière de cet ajustement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 1208 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 182 rectifié et 1208 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 183, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 20, première phrase
Après le mot :
part
insérer le mot :
professionnelle
II. – Alinéa 21, première phrase
Après le mot :
part
insérer le mot :
fonctionnelle
La parole est à Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 184, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 20, deuxième phrase
Remplacer les mots :
à un montant minimal déterminé au 1er avril de chaque année d’après le coefficient mentionné à l’article L. 161-25, par ce montant minimal
par les mots :
au minimum mentionné au premier alinéa du même article, par ce minimum
La parole est à Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 185 est présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 1338 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 20, avant-dernière phrase
Remplacer les mots :
des lésions
par les mots :
de cette incapacité
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Conformément au souhait des partenaires sociaux, cet amendement vise à expliciter que la volonté du législateur est de laisser inchangée la règle du taux utile, en rapprochant la rédaction retenue de celle qui est en vigueur.
Je remercie Mme la ministre d’avoir permis la recevabilité financière de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 1338.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 185 et 1338.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 1401, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Après la troisième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cet arrêté définit également les conditions dans lesquelles ce référentiel est actualisé.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Mme la rapporteure m’a fait part de sa crainte que le référentiel d’indemnisation, qui s’inspire du référentiel Mornet utilisé par les juridictions et qui sera fixé par arrêté, ne soit pas revalorisé.
Je souhaite donc que soit inscrit dans la loi le principe d’une actualisation du référentiel. L’adoption de cet amendement, fruit d’une concertation avec les partenaires sociaux, permettra de garantir à long terme le niveau d’indemnisation du déficit fonctionnel des victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Cet amendement vise à permettre une réactualisation du barème de l’indemnisation de l’incapacité permanente fonctionnelle afin que celui-ci puisse suivre les évolutions du barème Mornet. Cela permettra au barème AT-MP d’être conforme à la pratique des juridictions.
À titre personnel, puisque cet amendement n’a pu être examiné par la commission, j’y suis favorable.
M. le président. L’amendement n° 186, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– à la première phrase, la première occurrence du mot : « le » est remplacée par le mot : « les » et le mot : « constitue » est remplacé par le mot : « constituent »
La parole est à Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1351, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Après le mot :
au
insérer les mots :
2° du
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 187, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 35
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 443-1, les mots : « troisième alinéa » sont remplacés par la référence : « II » ;
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 188 est présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 692 rectifié est présenté par Mme Canalès, M. Fagnen, Mmes Bonnefoy et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou, Montaugé et Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas et Vayssouze-Faure, Mme G. Jourda, M. M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 813 rectifié bis est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1207 rectifié bis est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 41
1° Remplacer la première occurrence du mot :
du
par les mots :
correspondant au
2° Remplacer les mots :
du 2° de
par les mots :
mentionné au 2° du
3° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À la demande de la victime, le montant de la majoration de la part fonctionnelle peut être versé en capital dans des conditions définies par arrêté.
II. – Après l’alinéa 41
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) L’avant-dernier alinéa de l’article L. 452-2 est complété par les mots : « , à l’exception de la majoration de la part fonctionnelle lorsqu’elle est versée en capital » ;
La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 188.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. En tant que rapporteures des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) sur les grands enjeux de la branche AT-MP, Annie Le Houerou et moi avons salué les propositions ambitieuses des partenaires sociaux pour revaloriser les prestations d’incapacité permanente de la branche AT-MP.
Nous avons toutefois estimé que leurs propositions ne répondaient pas pleinement aux enjeux pour les victimes d’une faute inexcusable de l’employeur. Certes, la réforme proposée conduirait à renforcer leur indemnisation viagère à long terme, mais cette revalorisation se ferait au prix d’une diminution de leur indemnisation à court terme.
Il nous a donc semblé opportun d’ouvrir à toutes les victimes d’une faute inexcusable de l’employeur la possibilité de convertir en capital une partie de leur rente, à savoir la majoration de la part fonctionnelle, afin de leur permettre de recevoir un capital à court terme.
Comme il se doit, nous avons consulté les partenaires sociaux sur cette question. Ils ont estimé que notre proposition compléterait utilement le dispositif pour renforcer l’indemnisation des victimes de faute inexcusable de l’employeur.
Je remercie une nouvelle fois Mme la ministre qui a assuré la recevabilité financière de notre amendement. Je le précise, car les amendements que nous examinons sur cet article sont importants. Sans l’action de Mme la ministre et du Gouvernement, ils ne pourraient être adoptés.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 692 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. À mon tour, je salue la transposition dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale des avancées incluses par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel (ANI).
Je remercie également Mme la rapporteure, avec qui j’ai travaillé sur le rapport d’information de la Mecss sur la branche AT-MP, d’avoir repris nos recommandations dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, je remercie Mme la ministre d’avoir assuré la recevabilité financière de cet amendement.
Dans les cas où la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, cet amendement vise à garantir que la majoration de l’indemnisation pour déficit fonctionnel permanent sera versée sous forme de capital, quel que soit le taux de ce déficit, si la victime le demande.
L’objectif est de préserver au mieux les intérêts des victimes, en particulier de celles qui sont atteintes de pathologies lourdes, dont l’espérance de vie est parfois malheureusement réduite. Ces victimes savent qu’elles ne pourront bénéficier que pendant une durée limitée d’une rente. Le versement en capital permet de répondre à cette situation de manière plus juste, en leur offrant une compensation immédiate et adaptée à leurs besoins.
Si le versement en capital n’est pas clairement inscrit dans la loi, il appartiendra au juge de prendre une décision de manière discrétionnaire. Ainsi, les victimes pourraient se voir refuser le bénéfice d’un tel versement ou voir ce dernier réduit au motif que la loi ne mentionne pas expressément cette possibilité.
Elles pourraient également se voir opposer le fait que le législateur n’a prévu un versement sous forme de capital qu’au moment de l’attribution de la part fonctionnelle de base, mais non en cas de faute inexcusable de l’employeur, ce qui ouvrirait la voie à l’attribution de l’indemnisation sous forme de rente.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 813 rectifié bis.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à garantir que, dans les cas où la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, la majoration de l’indemnisation pour déficit fonctionnel permanent puisse être versée sous forme de capital, à la demande de la victime, quel que soit le taux de ce déficit.
Les victimes ayant une espérance de vie souvent réduite, notamment celles qui sont atteintes d’une pathologie lourde, elles craignent de ne pouvoir bénéficier d’une rente que pendant une période limitée.
Dans ces situations, le versement en capital offre une compensation immédiate, mieux adaptée à leurs besoins, et ce d’autant plus qu’il existe peu de périodes indemnisables avant consolidation. Ce versement permettrait également de compenser immédiatement les pertes subies avant la stabilisation de l’état de santé.
Si nous n’inscrivions pas clairement cette possibilité dans la loi, les victimes ne pourraient pas bénéficier d’un versement sous forme de capital. Elles pourraient également se voir opposer le fait que législateur n’a prévu la possibilité d’un versement sous forme de capital que pour l’attribution de la part fonctionnelle de base, mais qu’il ne l’a pas explicitement permis en cas de faute inexcusable de l’employeur. Cela ouvrirait la voie à l’attribution de l’indemnisation sous forme de rente ou à une proratisation du montant pourtant entièrement dû.
Pour toutes ces raisons, cet amendement vise à permettre le versement de la majoration de l’indemnisation pour déficit fonctionnel permanent sous forme de capital, à la demande de la victime.
J’ajoute que, si les organisations syndicales sont favorables à cette modification essentielle, nous devons cette disposition à l’expertise des associations de victimes, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante et autres maladies professionnelles (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath). C’est l’absence de cette disposition dans le texte l’année dernière qui nous a conduits à ne pas voter l’article 39.
Je remercie le Gouvernement d’avoir assuré la recevabilité financière de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 1207 rectifié bis.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Il s’agit de faire en sorte que puisse être versée en priorité en capital la majoration de l’indemnisation couvrant le préjudice personnel, en cas de faute inexcusable de l’employeur, sous réserve de l’accord de la victime.
Il est important que des modalités de versement en capital soient autorisées pour les victimes en cas de faute inexcusable de l’employeur et qu’elles le soient de manière explicite.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 188, 692 rectifié, 813 rectifié bis et 1207 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1072 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 814, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 43
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Les mots : « a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation » sont remplacés par les mots : « ou ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander devant la juridiction de sécurité sociale la réparation intégrale de l’ensemble des préjudices causés qui ne sont pas indemnisés pour l’intégralité de leur montant par les prestations, majorations et indemnités prévues par le présent livre, notamment » ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à garantir une indemnisation juste et complète des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Cet objectif est conforme à la jurisprudence. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 juin 2010, a en effet reconnu que, bien que le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles soit forfaitaire, il est essentiel que, dans les cas de faute inexcusable de l’employeur, les victimes puissent obtenir réparation des préjudices non couverts intégralement par les prestations existantes.
De même, dans son arrêt du 12 janvier 2017, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé conforme à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales le régime de réparation forfaitaire du préjudice du salarié à raison de la faute inexcusable de l’employeur. Elle a considéré que cette réparation venait en complément de dédommagements automatiquement perçus par le salarié, ce qui singularisait sa situation par rapport à la situation de droit commun.
Tel qu’il est actuellement rédigé, à rebours de cette jurisprudence, l’article 24 ne permet pas une réparation complète des préjudices déjà partiellement indemnisés au titre du livre IV de la sécurité sociale.
Dès lors, en cas de non-réparation intégrale, les dépenses sont à la charge des départements, via la prestation de compensation du handicap (PCH), ou des mutuelles.
Il s’agit donc de préciser, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, que la victime a droit à la réparation intégrale de l’ensemble de ses préjudices, y compris ceux qui ont été partiellement indemnisés par le régime forfaitaire.