M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Madame la rapporteure générale, je n’ai pas bien compris : le tableau qui nous est fourni à l’article 11 fait état d’un déficit de 16 milliards d’euros et non de 15 milliards.

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour lassurance vieillesse. Il a été révisé.

Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est bien 15 milliards d’euros !

M. Bernard Jomier. Quoi qu’il en soit, la réduction du déficit n’est pas non plus significative. Quand la dette atteint ce niveau d’ampleur, ce n’est absolument pas satisfaisant. Votre discours est d’ailleurs orthogonal avec celui que la majorité sénatoriale tenait lors des PLFSS précédents.

L’examen du texte au Sénat n’aura pas permis de remettre la sécurité sociale sur une trajectoire réelle de réduction des déficits. Pourquoi ? Parce que vous avez reculé par rapport au Gouvernement sur la suppression d’exonérations, dont plusieurs rapports nous disent qu’elles n’ont pas d’effet sur l’emploi.

Vous avez fait marche arrière et, pour compenser, vous êtes allés chercher d’autres mesures, rappelées par Mme la rapporteure générale, prises notamment sur le dos de tous les salariés. Je pense à la journée de travail supplémentaire. Plutôt que de viser de façon plus significative les lobbies du tabac, de l’alcool, vous avez préféré voter le déremboursement pour tous les assurés sociaux.

Le travail du Sénat, je suis désolé de le dire, n’apporte absolument rien de structurant.

Vous nous répondez que vous avez eu quinze jours pour préparer la LFSS. C’est faux : le Gouvernement a eu quinze jours, mais la majorité sénatoriale, elle, y réfléchit depuis plusieurs années. Si l’on reprend vos propos de l’année dernière, on voit bien que vous n’appliquez pas ici ce que vous préconisiez alors…

Nous ne voterons donc pas cet amendement et nous rejetterons l’article 11.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Vous vous félicitez, madame la rapporteure générale, de ce nouvel exercice, mais nous n’avons pas encore examiné la totalité du texte. Même si le suspens n’est pas à son comble, n’anticipez pas à ce stade la qualité de nos travaux.

Sur les exonérations de cotisations, on est à rebours de ce qui était initialement prévu puisqu’elles passent de 4 milliards d’euros à 3 milliards. L’effort de solidarité des entreprises en matière de protection sociale a été amenuisé au Sénat. À l’inverse, les sept heures de travail gratuit rapporteront 2,5 milliards. On a donc allégé l’effort des entreprises, mais renforcé celui qui est demandé aux salariés.

Au demeurant, cet effort des salariés sera en réalité doublement renforcé. Nous n’avons pas eu l’occasion de le souligner hier, mais le seuil de déclenchement des heures supplémentaires des salariés pour améliorer leur pouvoir d’achat s’éloignera, car ils doivent travailler sept heures gratuitement… Nous en avons légitimement longuement débattu : faut-il défiscaliser et désocialiser ces heures supplémentaires ? En tout état de cause, toutes ces mesures n’amélioreront pas les difficultés des salariés en matière de pouvoir d’achat.

Les efforts ne sont donc pas partagés, mais pèsent davantage sur les salariés que sur les plus riches et les entreprises de ce pays.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous nous sommes opposés à nombre de dispositifs, dont nous mesurons aujourd’hui les effets. Nous ne voterons pas cet article, mais je souhaiterais revenir sur le sujet des exonérations.

Certes, la commission a décidé de ne pas y toucher pour des salariés qui perçoivent entre 1 et 1,2 Smic. Nous avons reçu les représentants des secteurs concernés par une densité importante de bas salaires : 17 % des salariés se trouvent dans ce cas de figure du fait de la déflation salariale. Si le salaire médian se rapproche du Smic, c’est parce que le salaire médian ne suit pas l’inflation. C’est donc un problème de déflation, le Smic étant le seul à suivre l’inflation.

Nous n’avons pas tiré la conséquence de nos entretiens avec les économistes, qui disaient qu’à partir de 2 ou de 2,5 Smic – dans le meilleur des cas – ces exonérations ne serviraient à rien et qu’elles n’auraient aucun effet sur l’emploi et la compétitivité. J’adhère à cette analyse d’économistes tout à fait libéraux, comme Gilbert Cette. Si nous les avions écoutés, nous aurions 8 milliards de plus.

Comme le souligne la Cour des comptes, depuis 2018, les compléments de salaire exonérés et non compensés ont augmenté de 10 milliards d’euros. Nous avons récupéré 500 millions par la fiscalité des actions gratuites : avouez que le rendement est tout de même faible. J’y insiste, les heures supplémentaires, c’est 2,4 milliards.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je comprends que vous soyez opposés à cet amendement, je ne remets donc pas du tout en cause vos positions.

Je reviendrai sur un sujet qui m’est cher : les allègements généraux. L’économie sera de 1 milliard d’euros. Pourquoi avons-nous agi ainsi ? Parce que la réduction des allègements de 2 points au niveau du Smic, que nous avions proposée pour 2025, n’a pas été mise en place. Or il me semble que vous avez plutôt approuvé cette position.

Je l’ai dit à Mme la ministre, il faut travailler sur la suite. On proposait pour la première année de ramener les seuils de 2,2 et de 3,2 à 2,1 et à 3,1.

Mme Raymonde Poncet Monge. C’est timide !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il n’est pas possible de tout faire en une seule année. Il faut aussi donner le temps aux entreprises de se préparer à cette difficulté supplémentaire, car ces charges représentent une masse importante.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1392.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Après l’article 12

Article 12

I. – Pour l’année 2025, l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale est fixé à 16,28 milliards d’euros.

II. – Pour l’année 2025, les prévisions de recettes par catégorie affectées au Fonds de réserve pour les retraites sont fixées à :

 

(En milliards deuros)

Prévisions de recettes

Recettes affectées

0

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.

Mme Annie Le Houerou. L’article 12 vise à fixer l’objectif d’amortissement de la dette sociale ainsi que les prévisions sur les recettes du Fonds de réserve pour les retraites et du Fonds de solidarité vieillesse.

La doctrine gouvernementale relative aux relations financières entre l’État et la sécurité sociale consiste à ne pas compenser certaines mesures d’exonération de cotisations ou de baisse des prélèvements sociaux, ce qui, pour la seule année 2019, a pesé à hauteur de 5 milliards d’euros sur le budget de la sécurité sociale, lequel, sans cette doctrine, aurait été excédentaire cette année-là.

Les conséquences de cette doctrine ont été aggravées par la décision de l’exécutif de faire porter par la sécurité sociale l’ensemble de la dette covid, qui ne relevait pas intégralement de son champ d’action.

Transférer plus d’une centaine de milliards d’euros de dette sociale à la Cades et à l’Unédic nous a obligés à consacrer, pendant plus de dix ans, des recettes sociales de l’ordre de 10 milliards à 13 milliards d’euros chaque année au remboursement de cette dette, au lieu d’affecter cet argent à combler nos besoins sociaux.

Nous nous retrouvons donc aujourd’hui en déficit, car les recettes ont baissé, les dépenses ont augmenté et la dette est restée.

Si je reviens sur cet épisode covid, c’est parce que la dette restant à amortir par la Cades jusqu’en 2033 devrait s’élever à 137,9 milliards d’euros en 2025, soit presque l’équivalent des 136 milliards affectés après le covid. La Caisse a déjà amorti 258,5 milliards d’euros.

Je rappelle que les choix politiques qui ont été faits successivement par les gouvernements de M. Macron ont organisé l’endettement de la sécurité sociale et simulé son inefficacité. Or, nous en sommes convaincus, notre modèle est viable lorsqu’il est géré de manière responsable.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Annie Le Houerou. Enfin, je souligne que les recettes affectées au Fond de réserve pour les retraites s’élèvent à zéro euro…

M. le président. L’amendement n° 953, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Un récent rapport de l’Assemblée nationale sur la Cades est particulièrement intéressant en ce qu’il démontre en quoi la création de cette caisse a constitué une rupture dans l’histoire de la sécurité sociale.

Jusqu’aux années 1990, la sécurité sociale dégageait de nouvelles recettes en augmentant les taux de cotisation ou en ayant recours à l’emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations. En conséquence, il n’y avait pas d’encours de dette.

En 1993 est créée la Cades, qui émet des titres à moyen et à long terme sur les marchés financiers. Il s’agit non pas, comme l’État, de faire « rouler la dette », mais d’amortir la dette sociale avec des intérêts à rembourser à court terme.

Cette différence de fonctionnement est très importante, puisque le but symbolique est de chiffrer et de montrer le besoin de remboursement, par opposition à d’autres solutions comme l’effacement ou la dilution par roulement.

Ainsi, la Cades a versé 75 milliards d’euros en commissions bancaires et en intérêts depuis 1996. Chaque année, la sécurité sociale paie 3 milliards d’euros en frais financiers. Nous contestons cette logique et le nouveau transfert de 16 milliards d’euros à la Cades.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons, par cet amendement symbolique, la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie ma collègue d’avoir rappelé l’histoire de la Cades et d’en avoir vanté les bienfaits.

La Cades a en effet été bien commode pour gérer la dette, mais il se trouve que nous sommes dans une situation difficile et que nous n’avons plus de marges de manœuvre. La question se pose donc de savoir s’il faut prolonger au-delà de 2033 ? Si nous voulons prolonger cette fameuse Cades, il faudra présenter des comptes attestant d’une trajectoire revenant vers l’équilibre.

On nous reproche un manque d’effort dans ce PLFSS, on nous dit qu’il faudrait être plus proches de l’équilibre, mais les enjeux n’ont jamais été aussi nombreux qu’actuellement.

Je rappelle également à nos collègues que l’article 12 correspond à une disposition obligatoire des LFSS, dont l’absence entraînerait un risque de censure de l’ensemble du texte.

Par ailleurs, si les ressources de la Cades étaient transférées à la sécurité sociale, la Caisse ferait défaut sur sa dette, ce qui entraînerait une crise financière majeure : l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ne pourrait plus se financer sur les marchés et la sécurité sociale ne pourrait plus payer les prestations. C’est la situation que nous avons failli connaître lors de la crise sanitaire, où il a fallu d’énormes moyens pour payer les prestations de santé et verser les pensions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Empêcher le remboursement de la dette serait d’abord contraire à la loi organique de 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie. Par ailleurs, il est essentiel de rembourser la dette sociale, tout simplement pour garantir la pérennité et la soutenabilité de notre système de protection sociale.

Vous avez affirmé que le travail du Sénat n’avait pas été extraordinaire sur ce PLFSS. Je pense précisément l’inverse : nous avons demandé 5 milliards d’économies et les parlementaires ont su trouver des recettes supplémentaires. Le déficit, prévu initialement à 28 milliards d’euros, a été ramené à 15 milliards. Nous avons donc déjà parcouru une grande partie du chemin.

Pour ce qui concerne la Cades, l’objectif ne peut être supprimé au regard des déficits précédemment transférés. Je suis bien évidemment défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 953.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 835, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Dans un délai d’un an à partir de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impact sur la sécurité sociale, notamment sa branche autonomie, de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie de transférer la dette covid à la caisse d’amortissement de la dette sociale.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit bien évidemment d’un amendement d’appel.

En décidant, par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, de transférer la dette covid à la Cades, le Gouvernement a déstabilisé durablement la trajectoire financière de la Caisse, laquelle était, en 2019, sur le point de solder totalement la dette sociale en 2024. Nous devrions cette année avoir soldé la dette covid.

Selon l’économiste Mickaël Zemmour, quand nous constituons en 2020 plus d’une centaine de milliards d’euros de dette sociale exceptionnelle à la charge de la Cades et de l’Unedic, cela signifie que, pour une décennie supplémentaire, des ressources sociales de plus d’une dizaine de milliards, issues notamment de la CSG, de la CRDS et des cotisations chômage, devront être consacrées chaque année au remboursement de cette dette et non à répondre aux besoins sociaux.

De fait, le remboursement de la dette sociale immobilise 16,8 milliards d’euros dans le PLFSS pour 2025. C’est le montant de l’amortissement de la dette covid, soit une privation de ressources égale à ce qu’il nous faudrait pour enfin doter la branche autonomie des moyens nécessaires.

Les recettes courantes de la sécurité sociale ne peuvent financer une dépense exceptionnelle. Cette dette aurait dû être couverte par des recettes exceptionnelles. Vous avez refusé de le faire, voilà pourquoi vous diminuez aujourd’hui les dépenses courantes, non responsables du déficit.

Autrement dit, sans cette dette, la sécurité sociale aurait pu couvrir la majeure partie de son déficit et répondre aux besoins en matière d’autonomie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 835.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 12.

(Larticle 12 est adopté.)

Article 12
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Article 13

Après l’article 12

M. le président. L’amendement n° 958, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 3° du I de l’article L. 314-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les tarifs des établissements sont fixés dans les conditions de l’article L. 342-3 et, sauf pour ceux gérés de façon désintéressée, ils s’acquittent d’une redevance proportionnelle au chiffre d’affaires pour lequel ils sont en tarification libre fixée conjointement par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances et du ministre chargé des affaires sociales. Le produit de cette redevance est affecté à la branche mentionnée au 5° de l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Lors de l’examen, en ce début d’année, de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, dite Bien vieillir, nous avons eu un débat qui peut se résumer à une divergence de vues quant au statut même des Ehpad privés : s’agit-il d’entreprises ou ont-ils une mission de service public ?

Pour nous, la réponse était claire : les Ehpad privés lucratifs ne sont pas exempts de responsabilités collectives. S’ils souhaitent pratiquer des tarifs libres, sans habilitation à l’aide sociale, ils doivent contribuer, pour une fraction de leur chiffre d’affaires, à la solidarité et à l’autonomie.

Les établissements habilités à l’aide sociale ont des tarifs hébergement encadrés par le conseil départemental, contrairement aux Ehpad non habilités. Pour ces derniers, un arrêté annuel encadre et précise le taux d’évolution applicable au tarif hébergement pour les contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté.

En 2023, l’arrêté annuel a prévu un taux d’évolution à hauteur de 5,14 % pour les structures du secteur privé lucratif, contre un taux compris entre 0 % et 3 % pour les établissements habilités à l’aide sociale.

Le présent amendement vise à instaurer une redevance versée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie par les établissements non habilités à l’aide sociale.

Une telle mesure permettrait de procéder à un rééquilibrage entre établissements et d’assurer la pérennisation des établissements habilités à l’aide sociale.

Elle permettrait également de revaloriser l’allocation personnalisée d’autonomie et, ainsi, d’améliorer la prise en charge des personnes âgées à domicile ou en structure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Hier déjà, nous avons débattu de taxes sur les Ehpad.

Il s’agit ici d’une contribution, d’une redevance. C’est un peu différent, raison pour laquelle cet amendement est examiné à cet endroit du texte.

Notre avis était défavorable hier ; il le reste aujourd’hui, pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Même avis : défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 958.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 956, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le taux de cotisation patronales versé au titre du financement de l’assurance vieillesse est augmenté d’un point.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous proposons, par cet amendement, d’augmenter de 1 point le taux des cotisations patronales à la branche vieillesse.

Je veux citer notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, qui, l’an dernier, a défendu le même amendement dans les termes suivants : « On nous oppose qu’une telle hausse alourdirait le prix du travail. Reste que, pour le moment, en repoussant l’âge de départ à la retraite, nous n’avons fait qu’alourdir la charge qui pèse sur les salariés. »

Il s’agit d’une mesure d’équilibre. Il me semble nécessaire, aujourd’hui, d’envoyer un signal d’apaisement. On a demandé aux entreprises de faire un effort en matière d’emploi des seniors, et l’on attend toujours… L’effort demandé reste pourtant modeste : comme je l’avais indiqué, pour une petite entreprise de cinq salariés dont le patron était le vice-président d’une union patronale, la mesure représentait au maximum 300 euros par an – je dis bien par an. C’est un effort de rien du tout.

On me dit qu’une telle augmentation détruirait des emplois, mais je demande à voir. Je suis même convaincue du contraire.

Madame la rapporteure générale, madame la ministre, j’espère que vous saurez vous montrer favorables à cette proposition, dont nous partageons pour moitié la paternité avec le groupe Union Centriste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je n’irai pas jusqu’à parler de paternité commune : nous ne ferons pas d’enfants ensemble… (Sourires.)

En l’occurrence, augmenter de 1 point la cotisation employeur sur l’assurance vieillesse, c’est encore alourdir les charges de l’entreprise. Si cela ne représente pas un gros volume pour une petite entreprise, ce peut être important pour de plus grandes.

Il faut surtout regarder les charges par rapport au coût du travail : dans notre pays, le taux de cotisation est énorme. Certes, les prestations sont à l’avenant, si bien que je ne remets pas en cause ce qui est fait aujourd’hui. Cependant, je crois qu’il ne faut pas aller plus loin, en tout cas pour ce qui concerne les taux.

Jean-Marie Vanlerenberghe ne peut se défendre ce soir et, ne me rappelant pas exactement ses propos, je ne me hasarderai pas à le paraphraser… Quoi qu’il en soit, on peut avoir des idées différentes.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous n’avons fait que recopier !(Sourires.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. On en revient finalement au débat d’hier soir : faut-il ou non faire payer la protection sociale par le travail ? C’est une vaste question, à laquelle j’espère que nous pourrons réfléchir tous ensemble.

Pour l’heure, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame la sénatrice, vous dites que les entreprises doivent participer, mais elles le font déjà ! Quand le Sénat décide de réduire les allègements généraux de 3 milliards d’euros, c’est bien une participation.

Mmes Cathy Apourceau-Poly et Céline Brulin. Ce ne sont que 3 milliards d’euros sur 80 milliards !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Certes, mais il faut aussi créer de l’emploi dans notre pays et favoriser l’attractivité.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Grâce aux salariés !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je sais que vous avez eu un très long débat hier ; je l’ai suivi. Il était très intéressant.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je ne le rouvrirai pas, mais je veux dire que je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 956.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Jean-Marie Vanlerenberghe va être déçu… (Sourires.)

Après l’article 12
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Article 14 (début)

Article 13

I. – Sont habilités en 2025 à recourir à des ressources non permanentes afin de couvrir leurs besoins de trésorerie les organismes mentionnés dans le tableau ci-dessous, dans les limites indiquées :

 

(En millions deuros)

Encours limites

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

65 000

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire (CPRPF)

300

Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

450

Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL)

13 200

II. – Au premier alinéa de l’article L. 139-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « douze mois » sont remplacés par les mots : « deux ans et dont la durée moyenne annuelle pondérée est inférieure ou égale à un an » – (Adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Article 14 (interruption de la discussion)

Article 14

Est approuvé le rapport figurant en annexe à la présente loi décrivant, pour les quatre années à venir (2025 à 2028), les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

Annexe

RAPPORT DÉCRIVANT LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET LES OBJECTIFS DE DÉPENSES PAR BRANCHE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE ET DU RÉGIME GÉNÉRAL, LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DE CES RÉGIMES AINSI QUE L’OBJECTIF NATIONAL DES DÉPENSES D’ASSURANCE-MALADIE POUR LES ANNÉES 2025 À 2028

Le solde des régimes obligatoires de base a connu une dégradation sans précédent en 2020, sous l’effet des dépenses occasionnées par la crise sanitaire et de la récession qui l’a suivie, et a atteint le niveau de –39,7 milliards d’euros. Il s’est redressé en 2021 à –24,3 milliards d’euros, sous l’effet de la reprise progressive de l’activité. L’amélioration s’est poursuivie en 2022, à la faveur d’un recul important des coûts liés à la covid-19 mais pour cette année dans un contexte marqué par le début d’une forte poussée de l’inflation, le solde de ces régimes atteignant – 19,7 milliards d’euros, puis de nouveau en 2023, marquée par une quasi-extinction de dépenses de crise, avec un solde de –10,8 milliards d’euros.

Le déficit repartirait à la hausse en 2024 (–18,0 milliards d’euros), du fait de la croissance des prestations induite par l’inflation enregistrée en 2023, avec notamment une revalorisation de 5,3 % des pensions de retraite au 1er janvier, alors que la masse salariale croîtrait de 3,2 % seulement (après 5,7 % en 2023) (I). Le solde de la sécurité sociale bénéficie néanmoins de l’affectation à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) en provenance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), prévue par la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, ainsi que des effets graduels de la réforme des retraites liés au relèvement progressif de l’âge d’ouverture des droits et à l’accélération du rythme de montée en charge de la durée d’assurance. La trajectoire présentée dans cette annexe traduit enfin la mise en œuvre des mesures proposées dans la présente loi (II). D’ici 2028, le déficit atteindrait 19,9 milliards d’euros : si les dépenses ralentissaient chaque année à partir de 2025 du fait de la normalisation de l’inflation, les perspectives d’évolution spontanée des recettes ne permettraient pas de résorber le déficit né initialement de la crise. Les mesures nouvelles en dépenses et en recettes permettraient cependant d’éviter l’accroissement du déficit, avec notamment, dès 2025, une réduction des allègements généraux rapportant 4 milliards d’euros à la sécurité sociale, une nouvelle hausse du taux des cotisations dues par les employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales (CNRACL) et un décalage à juillet de la date de revalorisation des pensions, permettant d’économiser 3 milliards d’euros sur leur masse (sans compter le gain d’un milliard, conventionnellement neutralisé dans la présentation des comptes de la sécurité sociale, au titre des retraites de la fonction publique de l’État). Deux branches concentreraient l’essentiel du déficit à moyen terme : la branche Maladie, du fait notamment des dépenses pérennes nées à l’occasion de la crise sanitaire, et la branche Vieillesse malgré une montée en charge graduelle des mesures paramétriques de la réforme des retraites (III).

I. – La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 sinscrit dans un contexte macroéconomique de retour de linflation sous les 2 % et dune croissance qui redémarrerait progressivement dans un contexte deffort significatif sur la dépense publique et les recettes.

L’hypothèse de croissance du produit intérieur brut (PIB) qui a été retenue est de 1,1 % en 2025, après une évolution identique en 2024. Le rythme de l’inflation repasserait durablement sous 2 %, qui est la cible poursuivie par les autorités monétaires, et, après les niveaux très élevés observés en 2022 et 2023 (respectivement 5,3 % et 4,8 % d’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac en moyenne annuelle) atteindrait 1,8 % en 2025 (après 2,0 % en 2024). À moyen terme, la croissance effective du PIB serait supérieure à son rythme potentiel de 1,2 % par an et atteindrait 1,5 % par an en 2027 et 2028. La masse salariale du secteur privé, principal déterminant de l’évolution des recettes de la sécurité sociale, progresserait de 3,2 % en 2024 et de 2,8 % en 2025, avant de revenir progressivement à son rythme tendanciel proche de 3,4 % par an.

Le tableau ci-dessous détaille les principaux éléments retenus pour l’élaboration des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses décrits dans la présente annexe :

 

2023

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

PIB en volume

0,9 %

1,1 %

1,1 %

1,4 %

1,5 %

1,5 %

Masse salariale du secteur privé *

5,7 %

3,2 %

2,8 %

3,1 %

3,4 %

3,4 %

Inflation hors tabac

4,8 %

2,0 %

1,8 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

Revalorisations au 1er janvier (puis au 1er juillet à compter de 2025) en moyenne annuelle**

2,8 %

5,3 %

0,9 %

1,8 %

1,75 %

1,75 %

Revalorisations au 1er avril en moyenne annuelle **

3,6 %

3,9 %

2,6 %

1,8 %

1,75 %

1,75 %

ONDAM ***

0,3 %

3,3 %

2,8 %

2,9 %

2,9 %

2,9 %

* Masse salariale du secteur privé hors prime exceptionnelle de pouvoir dachat et prime de partage de la valeur ajoutée. Y compris ces éléments de rémunération, la progression de la masse salariale attendue est de 2,9 % en 2024.

** Évolutions incluant, pour lannée 2023, les effets en moyenne annuelle de la revalorisation anticipée au 1er juillet 2022 de 4,0 % et tenant compte pour 2025 dune revalorisation prévue à 1,8 % au 1er juillet.

*** Évolution de lONDAM, y compris dépenses de crise sanitaire. Sans prise en compte de ces dépenses, lévolution de lONDAM est de 4,8 % en 2023.

La trajectoire présentée dans la présente annexe repose sur les mesures adoptées dans la présente loi de financement de la sécurité sociale, avec un solde qui atteindrait –16,0 milliards d’euros en 2025.

La trajectoire de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) intègre une rectification de 1,2 milliard d’euros (soit l’équivalent de 0,4 point) de l’objectif fixé pour 2024 par la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, du fait notamment d’une progression plus dynamique que prévu des dépenses de soins de ville, en particulier au titre des indemnités journalières et des actes des médecins spécialistes, et d’un coût prévisionnel plus élevé que prévu de 0,3 milliard des dépenses demeurant identifiées au titre de la gestion de la covid-19. Par rapport à cette base rectifiée, l’ONDAM fixé dans la présente loi évolue de 2,8 %, y compris dépenses liées à la covid-19, lesquelles seraient stables d’une année sur l’autre, se situe en hausse de 2,8 %. Mesuré en tenant compte des mesures nouvelles mais avant mesures d’économies, le taux de progression de l’ONDAM en 2025 atteindrait 4,7 %. Cette évolution intègre notamment l’effet sur les dépenses de soins de ville de la nouvelle convention médicale signée en juin 2024 et les conséquences pour l’hôpital et les établissements médico-sociaux d’une nouvelle hausse de taux des cotisations dues par les employeurs à la CNRACL. Le taux de progression de l’ONDAM serait ramené au taux précité de 2,8 % par des mesures d’économies portant à la fois sur les dépenses au titre des soins de ville, des produits de santé et des établissements sanitaires et médico-sociaux, d’un montant total de 4,9 milliards d’euros, auxquelles s’ajoutent les actions de maîtrise médicalisée et de lutte contre la fraude déjà intégrées dans l’évaluation tendancielle de 4,7 %. L’ONDAM pour 2025 inclut par ailleurs une provision de 0,5 milliard d’euros au titre de la gestion de la covid-19.

La trajectoire financière des régimes de retraite de base intègre les effets des mesures de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, portant un relèvement progressif de l’âge d’ouverture des droits de 62 ans à 64 ans, au rythme d’un trimestre par génération à compter du 1er septembre 2023, et une accélération du rythme de montée en charge de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension à taux plein, au rythme d’un trimestre par génération, contre un trimestre toutes les trois générations antérieurement. Cette trajectoire intègre également les effets des mesures d’accompagnement de la réforme en matière de départs anticipés (notamment pour carrières longues, invalidité, inaptitude, handicap, usure professionnelle), des revalorisations des petites pensions, actuelles et futures, ainsi que de renforcement de certains droits familiaux (meilleure prise en compte des indemnités journalières maladie dans le salaire de référence, surcote un an avant l’âge légal à compter de 63 ans pour les mères et les pères de familles ayant atteint les conditions fixées pour le bénéfice d’une pension à taux plein). Elle intègre aussi les effets des hausses des taux des cotisations vieillesse dues par les employeurs privés, cette hausse étant compensée pour ces derniers par une baisse à due concurrence des cotisations au titre des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP), et de celles, déjà évoquées, dues par les employeurs territoriaux et hospitaliers, à hauteur de 4 points par an en 2025, 2026 et 2027. Enfin, elle tient compte du décalage de janvier à juillet de la date de revalorisation des retraites à partir de 2025.

La trajectoire financière de la branche Famille intègre, sur un horizon pluriannuel, les effets de la réforme du service public de la petite enfance et de celle du complément de mode de garde votée dans la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023, ainsi que ceux de l’augmentation de l’allocation de soutien familial intervenue en novembre 2022.

La trajectoire financière de la branche Autonomie intègre une progression de 4,7 % à champ constant de l’objectif global des dépenses (OGD) en 2025, permettant de financer, d’une part, des mesures salariales et, d’autre part, l’accroissement de l’offre médico-sociale face aux besoins démographiques. Elle tient compte également de l’entrée en application en 2025 de l’expérimentation de la réforme du financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des unités de soins de longue durée. S’agissant des dépenses hors du champ de l’OGD, la trajectoire intègre la montée en charge des mesures des lois de financement de la sécurité sociale pour 2022 et 2023, portant notamment sur la création et l’indexation d’un tarif plancher pour l’aide à domicile, la mise en place d’une dotation qualité, ainsi que de temps dédiés au lien social auprès des aînés bénéficiant d’un plan d’aide à domicile. Elle intègre également le déploiement du soutien financier à la mobilité des aides à domicile prévu dans la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie. La trajectoire tient compte également, depuis 2024, de l’affectation à la branche Autonomie de 0,15 point de CSG en provenance de la CADES.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son avis n° HCFP-2024-3 du 8 octobre 2024 relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025, indique que les prévisions de croissance, de masse salariale et d’inflation pour 2024 sont « réalistes ». Il estime en revanche que la prévision de masse salariale pour 2025, grandeur clé pour la trajectoire des comptes sociaux, est « un peu optimiste » en lien avec une prévision de croissance « un peu élevée » dans le contexte de l’important effort de redressement des comptes publics, ce qui qui conduit le Haut Conseil à juger le scénario macroéconomique pour 2025 globalement « fragile ». L’inflation projetée pour 2025 est jugée « un peu élevée ». S’agissant des prévisions de recettes, le Haut Conseil estime qu’elles sont « cohérentes » avec le scénario macroéconomique, spécifiquement s’agissant des cotisations sociales qu’elles sont « plausibles » en 2024, et que la prévision est même « prudente » en 2025. S’agissant des dépenses, en particulier de la progression de l’ONDAM de 2,8 % en 2025 qui repose sur 4,9 milliards d’euros d’économies, le Haut Conseil souligne la « difficulté à générer des économies de cette ampleur, sur lesquelles le Haut Conseil ne dispose que de peu d’information, [qui] le conduit à considérer que la trajectoire d’ONDAM pour 2025 apparaît très optimiste ».

II. – La trajectoire financière traduit un effort de redressement sans précédent à la mesure des enjeux de soutenabilité des comptes sociaux.

En 2024, la situation financière de l’ensemble des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) se dégraderait, le solde atteignant -18,0 milliards d’euros, après -10,8 milliards d’euros en 2023. Cette dégradation intervient alors que le solde s’était nettement redressé depuis le point bas atteint en 2020 au plus fort de la crise sanitaire (–39,4 milliards d’euros). Dans le sillage des évolutions de la masse salariale, les recettes progresseraient en 2024 à un rythme de 4,2 %, en ralentissement après +4,8 % en 2023, malgré le renfort de 2,6 milliards d’euros de CSG au titre du transfert déjà cité de 0,15 point de CSG en provenance de la CADES, alors que les dépenses accélèreraient (+5,3 % en 2025 après +3,1 % en 2024) en raison notamment de l’indexation des prestations : la progression des recettes serait ainsi en phase avec la modération de l’inflation à l’œuvre à compter de 2024, tandis que les dépenses continueraient de subir avec un an de décalage le contexte de l’inflation, toujours élevée, observée pour 2023.

Le solde atteindrait 16,0 milliards d’euros en 2025, en amélioration de 2 milliards d’euros par rapport à 2024. Sur cette année et dans le sillage de l’évolution de l’inflation en 2024, qui conduirait à une revalorisation, décalée au 1er juillet, des pensions de retraite à hauteur de 1,8 %, et des prestations revalorisées au 1er avril à hauteur de 1,9 %, les dépenses globales ralentiraient (avec une évolution de +2,8 % pour cette année 2025). Les dépenses relevant de l’ONDAM progresseraient par ailleurs de 2,8 %, après 3,3 % en 2024. Les recettes croîtraient de 3,2 %, soutenues par une hausse de 2,8 % de la masse salariale du secteur privé et par les mesures de la loi de financement : à titre principal, la réduction des allègements généraux de cotisations patronales via l’abaissement des points de sortie des réductions des cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales respectivement à 2,2 et 3,2 fois la valeur du SMIC d’une part, et la baisse de 2 points du taux de ces allègements au niveau du SMIC d’autre part, et la hausse de 4 points du taux des cotisations dues par les employeurs à la CNRACL.

À partir de 2026 et jusqu’à l’horizon 2028, le solde se dégraderait, malgré une progression de l’ONDAM inférieure à 3 %, la montée en charge progressive des effets de la réforme des retraites, deux nouvelles hausses du taux de cotisation à la CNRACL en 2026 et 2027 et l’impact favorable de l’extinction progressive de la déduction forfaitaire spécifique de l’assiette des cotisations dues au titre de l’emploi des salariés dans certains secteurs et de la réforme de l’assiette de prélèvements des travailleurs indépendants. Le déficit atteindrait ainsi près de 20 milliards d’euros à l’horizon 2028.

III. – Dici 2028, les branches des régimes obligatoires de base de sécurité sociale connaîtraient des évolutions différenciées.

La branche Maladie verrait son déficit se creuser en 2024, avec un solde atteignant -14,6 milliards d’euros après -11,1 milliards d’euros en 2023, sous les effets d’une progression de l’ONDAM de 3,3 % alors que les recettes de la branche seraient particulièrement pénalisées par la modération de la progression de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (+2,7 % en 2023 et +2,0 % en 2024). En 2025, le déficit de l’assurance maladie se résorberait légèrement (–13,4 milliards d’euros), la branche bénéficiant de la réduction des allègements généraux de cotisations sociales. À l’horizon 2028, son déficit se stabiliserait à environ 15 milliards d’euros.

La branche Autonomie verrait son solde repasser en excédent en 2024, à 0,9 milliard d’euros, sous l’effet de l’apport d’une fraction de CSG de 0,15 point supplémentaire de la part de la CADES, en application de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie. Le solde de la branche redeviendrait négatif en 2025 (–0,4 milliard d’euros), et se dégraderait par la suite, en raison des effets de la création de 50 000 postes en EHPAD à l’horizon 2030, de la mise en place, à ce même horizon, de 50 000 solutions nouvelles pour les personnes en situation de handicap et leurs proches et du financement de temps dédiés au lien social auprès des personnes âgées qui bénéficient d’un plan d’aide à domicile. La branche assurera par ailleurs le financement de la mesure adoptée dans le cadre de la réforme des retraites visant à une meilleure prise en compte, dans la durée cotisée, des périodes de congés de proche aidant.

L’excédent de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) serait divisé de moitié en 2024, en s’établissant à 0,7 milliard d’euros, après 1,4 milliard d’euros en 2023, du fait de la baisse du taux de cotisations prévu par la réforme des retraites en contrepartie de celles de la branche vieillesse, avec un pas supplémentaire en 2026. Par ailleurs, la branche devra financer la réévaluation à la hausse du coût de la sous-déclaration en application du rapport remis au Parlement à l’été 2024, portant le transfert de 1,2 milliard d’euros en 2024 à 2,0 milliards d’euros d’ici 2027. Le solde de la branche deviendrait ainsi négatif à compter de 2026. De plus, la branche prendrait en charge de nouvelles dépenses liées à la meilleure prise en compte, à l’issue de la réforme des retraites, de la pénibilité et de l’usure professionnelle ainsi que le coût lié à l’amélioration de l’indemnisation de l’incapacité permanente en cas de faute inexcusable de l’employeur.

À partir de 2024, le solde de la branche Vieillesse serait directement affecté par une augmentation de la taille des générations qui partent à la retraite mais bénéficierait de la hausse progressive de l’âge effectif de départ du fait des dispositions votées dans le cadre de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Le solde de la branche serait également particulièrement sensible au contexte d’inflation, et se dégraderait en 2024 (en atteignant -6,3 milliards d’euros après ­2,6 milliards en 2023) en dépit de recettes dynamiques (+5,5 %), ses dépenses étant attendues en hausse de 6,8 %. La situation cumulée de la branche et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’améliorerait en 2025 du fait de la mesure de décalage de la revalorisation des pensions au 1er juillet, de l’apport de recettes lié à la hausse du taux de cotisations dues par les employeurs à la CNRACL et de la refonte des allègements généraux. À l’horizon 2028, le déficit de la branche Vieillesse (régimes obligatoires de base et FSV) atteindrait ­6,1 milliards d’euros. Ce solde bénéficierait des dispositions de la réforme des retraites de 2023 à hauteur d’un montant global de 8,0 milliards d’euros sur ce champ en 2028. Il est à noter que les excédents des régimes complémentaires de retraite permettent que le solde apprécié sur l’ensemble des régimes soit favorable et que les effets de la réforme votée au printemps 2023 continueront de monter en charge jusqu’en 2032.

La branche Famille verrait son excédent se réduire en 2024 de plus de moitié, à 0,4 milliard d’euros, en lien avec la montée en charge des objectifs poursuivis en matière de petite enfance et de nouveau en 2025 avec la réforme du complément de mode de garde introduite par la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023. Le solde de la branche serait alors à l’équilibre en 2025 et deviendrait temporairement négatif en 2026 (–0,5 milliards d’euros). À l’horizon 2028, la branche renouerait avec les excédents, qui s’élèveraient à 0,9 milliard d’euros.

Prévisions des recettes, dépenses et soldes des régimes de base et du FSV

 

Recettes, dépenses et soldes de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(En milliards deuros)

2023

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

Maladie

Recettes

232,8

239,0

247,4

254,2

262,0

269,5

Dépenses

243,9

253,6

260,8

268,3

276,2

284,4

Solde

-11,1

-14,6

-13,4

-14,2

-14,3

-14,9

Accidents du travail et maladies professionnelles

Recettes

16,8

16,7

17,1

17,0

17,6

18,1

Dépenses

15,4

16,0

17,0

17,4

18,2

18,6

Solde

1,4

0,7

0,2

-0,4

-0,6

-0,5

Famille

Recettes

56,8

58,3

59,7

60,9

63,0

64,9

Dépenses

55,7

57,9

59,7

61,4

62,8

64,0

Solde

1,0

0,4

0,0

-0,5

0,2

0,9

Vieillesse

Recettes

272,5

287,4

297,1

307,6

315,9

322,1

Dépenses

275,1

293,7

300,2

309,3

318,6

328,2

Solde

-2,6

-6,3

-3,1

-1,7

-2,7

-6,1

Autonomie

Recettes

37,0

40,9

42,0

42,0

43,9

45,1

Dépenses

37,6

40,0

42,4

44,0

45,7

47,6

Solde

-0,6

0,9

-0,4

-1,9

-1,8

-2,5

Régimes obligatoires de base de sécurité sociale consolidés

Recettes

598,5

624,2

644,4

662,4

682,1

699,1

Dépenses

610,4

643,0

661,1

681,0

701,2

722,1

Solde

-11,9

-18,9

-16,7

-18,6

-19,1

-23,0

 

Recettes, dépenses et soldes du Fonds de solidarité vieillesse

(En milliards deuros)

2023

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

Recettes

20,4

21,4

22,0

22,8

23,5

24,2

Dépenses

19,3

20,6

21,3

21,9

21,6

21,1

Solde

1,1

0,8

0,7

0,9

1,9

3,1

 

Recettes, dépenses et soldes des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse

(En milliards deuros)

2023

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

Recettes

600,0

625,3

645,4

663,6

684,3

702,5

Dépenses

610,7

643,4

661,5

681,4

701,6

722,4

Solde

-10,8

-18,0

-16,0

-17,7

-17,2

-19,9

IV. – Écarts à la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Les écarts entre les prévisions de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et des organismes concourant à leur financement pour les années 2023 à 2027 figurant dans la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 et celles décrits dans la présente annexe sont retracés dans le tableau suivant :

 

Révisions des dépenses, champ ROBSS+FSV

(En milliards deuros)

2023

2024

2025

2026

2027

Dépenses prévues dans la LPFP 2023-2027 (1)

610,9

641,8

665,2

685,8

705,4

Dépenses prévues dans le présent rapport (2)

610,7

643,4

661,5

681,4

701,6

Écarts (2)-(1)

-0,2

1,6

-3,7

-4,4

-3,9

En 2024, l’essentiel de l’écart reflète le relèvement projeté des dépenses relevant de l’ONDAM (pour 1,2 milliard d’euros). Pour 2025, l’effet base de cette hausse serait compensé par un taux d’évolution de l’ONDAM pour 2025 ramené à +2,8 % (contre +3,0 % dans la LPFP), même si jouerait néanmoins à la hausse un effet de périmètre de 0,6 milliard d’euros (au titre principalement de l’expérimentation de la réforme du financement des EHPAD). En parallèle, le décalage de la date de revalorisation des pensions de retraites intervenant cette même année aurait un effet en termes de moindres dépenses à hauteur d’environ 4 milliards d’euros, expliquant l’essentiel de l’écart à la LPFP. Cette mesure expliquerait également la majeure partie des révisions attendues à l’horizon 2027. Dans une moindre mesure, la révision à la baisse des prévisions d’inflation (+2,0 % et +1,8 % en 2024 et 2025, contre +2,5 % et +2,0 % respectivement dans la LPFP) jouerait également, par la revalorisation des prestations, en termes de moindres dépenses.

En cumulé, les écarts entre les prévisions de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale de la LPFP et celles décrites dans la présente annexe s’élèvent à 1,4 milliard d’euros de dépenses supplémentaires en 2024. À compter de 2025, les dépenses seraient moindres, avec un écart cumulé de -2,3 milliards d’euros sur cette année, atteignant –10,6 milliards d’euros en 2027.