Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je suis quelque peu ennuyée par cet amendement. Je conviens avec Mme la rapporteure générale que les édulcorants, à l’instar du sucre, ne sont pas formidables pour la santé. Si l’on cherche, avec les industriels, des trajectoires d’amélioration de leurs produits, il faut s’intéresser au sucre, véritable ou transformé, mais aussi aux édulcorants.

Toutefois, une difficulté se pose : on a du mal, aujourd’hui, à estimer la quantité d’édulcorants présente dans les produits alimentaires, parce que les fabricants ne sont pas tenus d’indiquer cette quantité ; seule la présence de tel ou tel édulcorant doit être indiquée sur l’étiquette. Il serait donc pratiquement impossible de mettre en œuvre le contrôle d’une règle comme celle que vous proposez.

C’est pourquoi, dans l’attente d’un travail plus large sur cette question, je suis au regret de devoir émettre un avis défavorable sur cet amendement, dont je ne saurais appliquer le dispositif. Je vous invite à le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Je suis, moi aussi, quelque peu partagé sur ces amendements.

Aujourd’hui, 36 % des produits dits « sucrés » sont en fait à base d’édulcorants. On incite les industriels à procéder à des reformulations ; je suis favorable à des taxes incitatives, avec des paliers importants, qui permettent une reformulation progressive, mais les fabricants peuvent aussi être amenés à reformuler complètement leur produit. Dans ce cas, ils ont généralement recours à des édulcorants pour conserver au produit son goût.

Dès lors, puisque les édulcorants sont malgré tout des palliatifs au sucre, si on les taxe davantage, les industriels ne seraient plus incités à reformuler leurs produits sucrés, qui se trouveraient en quelque sorte taxés deux fois ; on ne saurait alors plus vraiment comment les inciter à baisser le taux de sucre des produits.

On prend souvent, dans le débat, l’exemple de la taxation des boissons sucrées qui a été mise en place au Royaume-Uni, mais il n’y a pas, dans ce pays, de taxe sur les édulcorants. Cela permet une réelle incitation à la réduction de la consommation de sucre, via le recours à des édulcorants.

En revanche, madame la rapporteure générale, je suis content que vous ayez clarifié que la taxe envisagée porterait uniquement sur les édulcorants de synthèse et non pas sur les édulcorants naturels comme la stévia.

Au vu de nos doutes, si cet amendement n’est pas retiré, nous nous abstiendrons.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. On ne peut pas dissocier le sucre des édulcorants. Si une taxation supplémentaire pèse sur les boissons sucrées, elle doit également viser les boissons avec édulcorants, de manière à éviter les effets de déport.

Cela a été clairement souligné par le Conseil des prélèvements obligatoires, dont je tiens à citer la note sur la fiscalité nutritionnelle : « En 2020, il existait des taxes sur les boissons sucrées dans plus de 40 pays, au niveau national ou local, dont 11 en Europe, avec des ambitions toutefois variables en termes de barème et d’assiette. »

Ces pays « ont en outre introduit des taxes sur les boissons édulcorées pour limiter les effets de déport se traduisant par une hausse de la consommation d’édulcorants au regard de leur potentiel effet nocif sur la santé ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Je ne dirai qu’un mot sur la question des boissons édulcorantes. Il est essentiel que la taxe soda porte également sur les sucres cachés, catégorie qui englobe les édulcorants. Il faut aussi se souvenir que la plupart de ces derniers sont cancérigènes : ils ont sur la santé un effet extrêmement grave, parfois même plus grave que celui du sucre. Il faut donc bien taxer les deux à la fois. Nous devons à tout prix avoir ces deux piliers.

Le groupe écologiste soutiendra donc évidemment cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 133.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 1144 rectifié est présenté par MM. J.B. Blanc, Khalifé et Cambier, Mme Aeschlimann, MM. Panunzi, Bouchet et Anglars, Mme Noël, M. Daubresse, Mme Guidez, MM. Chatillon, Somon, Courtial et Houpert, Mme Joseph, M. Olivier, Mme Micouleau, M. Haye, Mme V. Boyer et M. Saury.

L’amendement n° 1166 rectifié est présenté par Mme Bourcier, M. Chasseing, Mme Lermytte, M. Rochette, Mme L. Darcos, M. Brault, Mme Paoli-Gagin et MM. Grand et Omar Oili.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le présent article entre en vigueur au 1er juillet 2025.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Laurent Somon, pour présenter l’amendement n° 1144 rectifié.

M. Laurent Somon. Il est défendu, madame la présidente. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° 1166 rectifié.

Mme Laure Darcos. Le présent amendement de ma collègue Corinne Bourcier vise à prévoir un délai de six mois avant l’entrée en vigueur de la réforme de la taxe sur les boissons sucrées.

Ce délai, qui avait été accordé lors de la dernière réforme de cette taxe, en 2018, est essentiel pour permettre aux industriels et aux agriculteurs d’anticiper les effets importants qu’aura cette réforme sur leur activité.

Mme la présidente. L’amendement n° 314, présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing et Mme Bourcier, est ainsi libellé :

I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Cet article entre en vigueur le 1er janvier 2026.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Par cet amendement de repli, nous proposons que l’aggravation de la taxe soda entre en vigueur seulement au 1er janvier 2026, de manière à laisser aux acteurs de la filière le temps de s’organiser.

Mme Lermytte, Mme Bourcier et moi-même tenons à rappeler plusieurs faits : plus de trente sites industriels concernés sont implantés en France, pour 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires ; 2 milliards d’euros y ont été investis entre 2020 et 2025 ; quelque 11 000 emplois directs et 50 000 emplois indirects dépendent de cette activité. Par ailleurs, les boissons rafraîchissantes sans alcool représentent 4 % seulement des apports journaliers en sucre.

La surtaxe envisagée causerait un coût additionnel de 250 millions d’euros pour les industriels, avec un risque inflationniste. Cette aggravation est de nature à affecter les capacités d’investissements des industriels ; elle pèserait aussi sur les fournisseurs, notamment les betteraviers, ainsi que sur les circuits de distribution ; une pression inflationniste ne manquerait pas non plus de s’exercer sur les familles.

Il convient donc a minima de laisser à la filière le temps nécessaire pour appréhender ce changement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est défavorable sur les trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Le barème proposé me semble pouvoir être absorbé par les acteurs de la filière dès le 1er janvier 2025.

D’ailleurs, il s’agit d’un barème extrêmement incitatif, dont l’objectif est de diminuer la quantité de sucre employée par les fabricants de ces produits, et non de produire des recettes supplémentaires. J’estime qu’il doit être mis en place immédiatement.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1144 rectifié et 1166 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 314.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9 bis, modifié.

(Larticle 9 bis est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame la présidente, je sollicite une brève suspension de séance.

Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 9 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Après l’article 9 bis (suite)

Après l’article 9 bis

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 550 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L’amendement n° 618 rectifié est présenté par Mmes Guillotin, Briante Guillemont et M. Carrère, MM. Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

L’amendement n° 720 rectifié est présenté par M. Jomier, Mme Canalès, M. Ros, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, M. Bourgi, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, M. Jeansannetas, Mme G. Jourda, M. M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 9 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 1613 bis du code général des impôts, il est inséré un article L. 1613… ainsi rédigé :

« Art. L. 1613 …. – I. – Il est institué une contribution perçue par la Caisse nationale d’assurance maladie sur les boissons alcooliques :

« 1° Définies par la catégorie « Autres bières » à l’article L. 313-15 du code d’imposition sur les biens et services ;

« 2° Conditionnées dans des récipients destinés à la vente au détail soit directement, soit par l’intermédiaire d’un professionnel ou préalablement assemblées et présentées dans des récipients non destinés à la vente au détail afin d’être consommables en l’état ;

« 3° Contenant un ou plusieurs arômes naturels ou artificiels et au moins vingt grammes de sucre ou une édulcoration équivalente par litre exprimée en sucre inverti.

« II. – Le tarif de la contribution mentionnée au I est déterminé par décret au 1er janvier 2025. Il est relevé au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le second chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Le tarif est publié au Journal officiel par arrêté du ministre chargé du budget.

« III. – A. – La taxe est due lors de la mise à la consommation en France des boissons mentionnées au I. Elle est acquittée, selon le cas, par les fabricants, les entrepositaires agréés, les importateurs, les personnes qui réalisent l’acquisition intracommunautaire de ces boissons, les représentants fiscaux des opérateurs établis dans un autre État membre de l’Union européenne mentionnés à l’article 302 V bis ou par les personnes mentionnées au 4° du 2 du I de l’article 302 D.

« B. – Il appartient au redevable de démontrer que les quantités de sucres comprises dans les produits taxés et non prises en compte dans le calcul de l’impôt ne sont pas des sucres ajoutés. À défaut, le redevable est tenu au paiement du complément d’impôt.

« IV. – Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu’en matière de contributions indirectes.

« V. – Par dérogation aux dispositions précédentes, les bières répondant aux critères du présent I produites par les brasseries dont la production annuelle, tous produits confondus, est inférieure à 200 000 hectolitres ne sont pas redevables de cette contribution. »

La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 550.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à instituer une contribution à laquelle seraient soumis les fabricants de bières sucrées.

Le débat que nous venons de mener nous a permis de rappeler que les écologistes souhaitent taxer les boissons sucrées sans alcool, pour lutter contre l’obésité et les maladies liées au sucre. Notre sincérité politique nous oblige donc, par cohérence, à demander aussi la taxation des boissons sucrées alcoolisées.

Une taxation supplémentaire des bières sucrées offrirait bien sûr à la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) des recettes supplémentaires. Mais elle aurait aussi d’autres bénéfices. D’une part, comme mes collègues députés écologistes l’ont exposé à l’Assemblée nationale, elle serait une nouvelle arme dans le combat contre l’obésité et pour la santé ; d’autre part, elle permettrait surtout de lutter contre l’alcoolisation des jeunes.

La consommation précoce d’alcool par ces derniers augmente, alors qu’elle est particulièrement dangereuse pour la santé. Le goût et le packaging tendance de ces bières sucrées ou édulcorées, quand ce n’est pas les deux à la fois, sont étudiés pour attirer les 18-25 ans et même, à mon sens, les 15-20 ans ; d’ailleurs, on constate que 8,4 % des jeunes de 17 ans ont une consommation régulière de ces bières.

Nous demandons donc, par cohérence juridique et sanitaire, que ces bières sucrées soient également taxées. Les bières artisanales seraient évidemment exclues de l’assiette de la contribution que nous proposons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 618 rectifié.

Mme Maryse Carrère. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 720 rectifié.

M. Bernard Jomier. Je voudrais souligner, en complément de l’exposé de Mme Souyris, que ces produits relèvent d’une stratégie des fabricants consistant à encourager une transition depuis le goût des enfants pour le sucre vers une consommation d’alcool ; ils visent un public jeune, voire très jeune.

Rappelons que, voilà quelques années, nous avions institué, pour des raisons similaires, une taxation des prémix à base de vin. Cette taxation s’est montrée très efficace, les ventes de ces produits ayant nettement reculé. Notre proposition relève donc d’un parallélisme des formes.

Il ne faut pas accepter ce marketing qui vise les adolescents et les jeunes adultes. Il ne faut pas accepter que des industriels jouent à créer ou à entretenir des addictions.

La question de l’addiction est devenue très importante dans notre société. Or, en l’occurrence, nous sommes face à une stratégie industrielle qui vise à les développer. C’est bien pourquoi nous avons déposé cet amendement visant les prémix à base de bière.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le rapport d’information de notre commission sur ce sujet concorde tout à fait avec ce qui vient d’être dit.

L’alcool cause 41 000 morts prématurées ; il a un coût direct de 3,3 milliards d’euros pour l’assurance maladie et un coût social de 180 milliards d’euros. Nous sommes absolument d’accord sur ce constat.

Toutefois, que préconisions-nous dans ce rapport ? Nous insistions sur la nécessité de lancer une réflexion sur ce sujet et de travailler avec les filières sur un prix minimum de vente par unité d’alcool. Il est extrêmement important de mener ce travail et d’essayer de mettre tout le monde d’accord avec nous, ce qui ne serait pas le cas aujourd’hui.

C’est pourquoi, faute de retrait de ces amendements identiques, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je partage les préoccupations des auteurs de ces amendements, mais j’en ai une autre : la taxation proposée de diverses bières se heurterait à des problèmes de faisabilité juridique.

En effet, les bières sont déjà assujetties à une taxation encadrée par la directive européenne du 19 octobre 1992. Aux termes de cette directive, deux taux sont possibles : un taux réduit, pour les bières titrant à moins de 3,5 degrés d’alcool, et un taux normal pour les bières titrant à plus de 3,5 degrés. Sauf modification de cette directive, les États membres ne peuvent pas créer de tranches supplémentaires de fiscalité.

Par ailleurs, sur la forme, votre amendement tend à renvoyer à un décret la fixation d’une fiscalité dont la détermination relève pourtant du législateur. Cette disposition s’expose donc à une censure du Conseil constitutionnel pour incompétence négative.

Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques est défavorable ; je vous invite à les retirer, puisque cette disposition ne pourra être mise en œuvre.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Tout d’abord, je veux remercier Mme la rapporteure générale d’avoir suggéré d’aborder cette question par le biais du prix minimum par unité d’alcool. Véronique Guillotin, Xavier Iacovelli et moi-même avions lancé ce débat l’an dernier, par des amendements au PLFSS pour 2024.

Nous sommes d’accord, madame la rapporteure générale, mais alors, présentez-nous un tel dispositif, ou à tout le moins émettez un avis favorable quand nous proposons ce type d’approche ! Il ne faudrait pas que des arguments techniques s’y opposent systématiquement…

Madame la ministre, je trouve vos arguments extrêmement intéressants. Concernant le risque de censure par le Conseil constitutionnel, celui-ci examinera de toute façon la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 dans son entièreté, comme chaque année.

Je note en outre que, si tel est votre principal argument contre son adoption, c’est que vous ne remettez pas en cause la légitimité et le bien-fondé de notre argumentation ; je n’en doute d’ailleurs nullement, connaissant vos positions sur ce sujet. Alors, adoptons cette disposition ; nous verrons bien si le Conseil constitutionnel la censure, nous écouterons ce qu’il aura à nous dire.

Je veux enfin anticiper quelque peu sur l’amendement suivant en vous répondant sur le sujet de la réglementation européenne.

Vous nous avez rappelé qu’elle pose une limite entre les bières qui titrent à moins de 3,5 degrés d’alcool et les autres. Mais le problème est justement que cette limite n’est plus du tout adaptée, puisqu’il y a de moins en moins de bières titrant à moins de 3,5 degrés.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 550, 618 rectifié et 720 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 722 rectifié, présenté par M. Jomier, Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane, Lurel et Ros, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, M. Jeansannetas, Mme G. Jourda, M. M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 9 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 1613 ter du code général des impôts, il est inséré un article 1613 ter … ainsi rédigé :

« Art. 1613 ter. – I. – Les bières titrant à plus de 8 % vol. font l’objet d’une taxe spécifique perçue au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés.

« II. – La taxe est due lors de la mise à la consommation en France des boissons mentionnées au I. Elle est acquittée, selon le cas, par les fabricants, les entrepositaires agréés, les importateurs, les personnes qui réalisent l’acquisition intracommunautaire de ces boissons, les représentants fiscaux des opérateurs établis dans un autre État membre de l’Union européenne ou toute personne légalement responsable de l’acquittement de cette taxe.

« III. – Le montant de la taxe est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2026, dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Ce montant est exprimé avec deux chiffres après la virgule, le deuxième chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Il est constaté par arrêté du ministre chargé du budget, publié au Journal officiel.

« IV. – Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu’en matière de contributions indirectes.

« V. – Le produit de cette taxe est versé à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

« VI. – La contribution mentionnée au I du présent article est acquittée auprès de l’administration des douanes et recouvrée selon les modalités de recouvrement, de contrôle, de sanctions et de privilèges applicables aux contributions indirectes. Le droit de reprise de l’administration s’exerce dans les mêmes délais.

« Le tarif de la taxe mentionnée au I du présent article est déterminé par décret. »

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Cet amendement vise à soumettre à une taxe spécifique les bières titrant à plus de 8 % d’alcool.

Je vous invite, mes chers collègues, si vous ne consommez pas régulièrement de bière, à aller voir dans les rayons des magasins. Il y a plusieurs années, la plupart des bières titraient entre 3 % et 4 %. C’est ce qui a justifié la réglementation européenne en vigueur que nous évoquions il y a un instant. Mais le titrage a progressivement grimpé ; on est aujourd’hui à 5 % ou 6 %, et l’on voit même apparaître toujours plus de bières titrant à 8 % ou plus.

Quel mécanisme est ici à l’œuvre ? C’est ce que l’on nomme en physiologie la tolérance, ou l’accoutumance : quand on consomme un produit un tant soit peu addictif, pour continuer d’obtenir le même effet, on doit au fur et à mesure augmenter les quantités ingérées ; en l’occurrence, c’est évidemment la molécule d’alcool qui suscite ce phénomène d’accoutumance.

Or comment réagissent les fabricants ? Comme leurs clients demandent plus d’alcool, ils en mettent plus dans leurs produits.

Désormais, ils font des bières à 8, 9 ou 10 degrés, voire à 11 degrés. Il faut à tout prix enrayer cette escalade ! Fournir de plus en plus de produits à quelqu’un qui en demande, c’est exactement la logique des dealers. Nous parlons certes ici d’un produit légal, mais la logique est la même : on nourrit le phénomène d’accoutumance en augmentant la teneur en alcool.

Si les bières à plus de 8 degrés doivent devenir la norme, la consommation d’alcool des jeunes va grimper en flèche dans notre pays.

Cet amendement vise donc à enrayer ce phénomène, même si, j’en suis d’accord, on ne le jugulera pas uniquement par des mécanismes fiscaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Le Gouvernement sera défavorable à cet amendement, pour les raisons que j’ai précédemment invoquées.

S’il était adopté, cet amendement nous contraindrait à choisir par décret entre l’un des deux taux européens existants, soit de plus de 3,5 degrés, soit de moins 3,5 degrés. Par construction, un tel décret serait sans effet.

En revanche, nous pouvons continuer à mener une réflexion sur ce sujet. Peut-être faudrait-il également modifier les règles européennes et travailler avec nos collègues députés européens sur ce sujet ? Les problèmes de santé publique ne concernent pas que notre pays. Ils touchent également l’Europe et le monde entier.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 722 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1100, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 9 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la santé publique, est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 3322-9, il est inséré un article L. 3322-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3322-9-1. – Le prix minimum de vente au détail, toutes taxes comprises, des boissons mentionnées au 3°, 4° et 5° de l’article L. 3321-1 ne peut être inférieur à 0,60 euro par centilitre d’alcool pur.

« Un décret peut moduler à la hausse ce prix minimum unitaire, notamment selon la classification prévue à l’article L. 3321-1 ou selon les caractéristiques de la consommation de chacune de ces boissons, sans qu’il puisse dépasser 2 euros par centilitre d’alcool pur.

« Les prix minimum unitaires prévus aux alinéas précédents sont révisés chaque année au 1er janvier en fonction de l’indice des prix à la consommation hors tabac constaté par l’Institut national de la statistique et des études économiques pour la France. Ils sont arrondis au centime d’euro le plus proche. L’indice de référence est le dernier indice mensuel publié au 1er janvier 2024. »

2° Après l’article L. 3351-1, il est inséré un article L. 3351-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 3351-1-…. – La vente de boissons alcooliques à un prix inférieur à celui qui découle de l’application des dispositions de l’article L. 3322-9-1 est punie de 7 500 € d’amende. La récidive est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Les personnes physiques coupables de l’infraction prévue au premier alinéa encourent également la peine complémentaire d’interdiction à titre temporaire d’exercer les droits attachés à une licence de débit de boissons à consommer sur place ou à emporter pour une durée d’un an au plus.

« Les personnes morales coupables de l’infraction prévue au premier alinéa encourent les peines complémentaires prévues aux 2° , 4° , 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal. »

3° À l’article L. 3351-8, après la référence : « L. 3322-2 » est insérée la référence « L. 3322-9-1 ».

II. – Le 9° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° … de finances pour 2025, est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le pourcentage : « 28,14 % » est remplacé par le pourcentage : « 28,17 % » ;

2° Au a, le nombre : « 22,96 » est remplacé par le nombre : « 22,99 ».

III. – Le II entre en vigueur le 1er février 2025.

La parole est à Mme Anne Souyris.