M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à créer une taxe sur les superprofits réalisés par les Ehpad privés à but lucratif. Il s’inscrit dans la continuité de la proposition de loi visant à mettre à contribution les Ehpad privés à but lucratif réalisant des profits excessifs, dont je suis à l’origine et qui a malheureusement été rejetée par le Sénat le 17 octobre dernier.
Au-delà du cas d’Orpea mis en lumière par Les Fossoyeurs de Victor Castanet, nous constatons une montée en puissance des groupes privés dans le secteur des Ehpad. Entre 1986 et 2015, le nombre de places en établissements médico-sociaux médicalisés a augmenté de 85 %, tandis que les places dans le secteur privé lucratif ont bondi de 560 %.
Aujourd’hui, les cinq plus grands groupes français d’Ehpad privés sont contrôlés par des fonds de capital-investissement. Cette financiarisation, encouragée par la quête de profit des investisseurs, s’est installée sous les yeux des pouvoirs publics, souvent pris de court. Les chiffres sont éloquents : les fondateurs d’Orpea détiennent aujourd’hui un patrimoine de plus de 1 milliard d’euros et les grands groupes d’Ehpad figurent parmi les 500 plus grandes fortunes françaises.
Le modèle économique du secteur repose en grande partie sur de l’argent public, notamment grâce aux sommes versées directement par les agences régionales de santé (ARS) pour les soins et par les conseils départementaux pour la dépendance, ainsi qu’aux subventions publiques. Ce financement public annuel représente environ 40 % du chiffre d’affaires des Ehpad privés à but lucratif.
Face à cette situation, il est impératif de mieux redistribuer ces superprofits en prévoyant une contribution additionnelle affectée à la CNSA, qui permettrait de réinjecter ces excédents dans l’amélioration des soins, le soutien au personnel et une prise en charge plus digne de nos aînés.
Il s’agit d’un enjeu de justice sociale et de responsabilité collective.
M. le président. L’amendement n° 753 rectifié, présenté par Mmes Conconne, Bélim, Canalès et Artigalas et MM. Temal, Redon-Sarrazy, Pla, Uzenat, Bouad et Fagnen, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Une contribution additionnelle à la charge de certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif mentionnés au I de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. ».
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Cet amendement d’appel tend à créer une contribution additionnelle à la charge de certains Ehpad privés à but lucratif. Il s’agit ainsi de mobiliser de nouvelles ressources pour financer la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie en instaurant une taxe sur les superprofits réalisés par les Ehpad privés lucratifs.
Comme vient de le souligner Jean-Luc Fichet, ce sujet traîne depuis trop longtemps. De l’argent, il en faut pour nos aînés. De l’argent, il y en a dans le secteur privé lucratif.
Nous en avons déjà débattu lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, il convient maintenant de trouver quelques leviers pour répondre à cette question cruciale.
M. le président. L’amendement n° 957 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une cotisation spécifique est prélevée sur les revenus générés par les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif, dont le taux et l’assiette sont définis par décret. Les recettes sont directement affectées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous avons identifié le problème originel lors de la création de cette branche autonomie : l’absence de cotisation venant l’abonder. Cet amendement vise à y répondre en partie.
La branche autonomie est aujourd’hui financée à 88 % par la CSG, le reste provenant des impôts, taxes et autres contributions et transferts.
Nous proposons donc de remédier partiellement à cette iniquité en doublant la CSA payée par les entreprises. Cette solution nous semble plus viable et plus juste que d’envisager, comme nous nous apprêtons à en débattre, de faire contribuer les salariés par du travail gratuit.
Madame la rapporteure générale, vous avez indiqué à plusieurs reprises au cours de ce débat que la situation des entreprises était compliquée.
C’est en effet le cas pour certaines d’entre elles, notamment pour les petites entreprises qui remboursent actuellement leur prêt garanti par l’État (PGE), alors que la consommation n’est pas au rendez-vous, compte tenu du niveau du pouvoir d’achat. Cependant, de nombreuses entreprises qui ne connaissent pas de telles difficultés lancent tout de même des plans sociaux, que je qualifie pour ma part de plans de licenciement. Ceux-ci relèvent essentiellement de la volonté de leurs directions – de plus en plus souvent même, des fonds financiers qui les pilotent – d’accroître leur niveau de marge. Nous considérons qu’il faut mettre ces entreprises à contribution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les auteurs de l’amendement n° 649 rectifié reprennent la proposition de loi visant à mettre à contribution les Ehpad privés à but lucratif réalisant des profits excessifs qui a été examinée le 17 octobre dernier. Si ma mémoire est bonne, ce texte a été rejeté. Je serais donc tentée de dire : même avis, même vote ! Il ne me semble pas que le Sénat aura changé d’avis en quelques semaines.
Plus sérieusement, l’alourdissement de la fiscalité sur les gestionnaires d’Ehpad commerciaux ferait peser un risque majeur de désinvestissement dans ce secteur.
La dénonciation des excès de certains de ces établissements était tout à fait légitime et je suis en parfait accord pour mettre en cause ceux qui créent des produits financiers sur le dos des personnes âgées. Je ne mâche pas mes mots à ce sujet.
Pour autant, à la suite de cette dénonciation, l’ensemble du secteur des Ehpad commerciaux a été touché, y compris les personnels, les familles des résidents et les résidents eux-mêmes. Il a donc fallu redoubler d’efforts pour soutenir tous ces établissements. En effet, alors même que seuls certains d’entre eux se comportaient mal, c’est sur l’ensemble du secteur que l’opprobre a été jeté. Un sursaut de vérité s’est produit, ce dont il faut se réjouir, mais cela a rendu les choses difficiles pour tout le monde.
De plus, il convient de nuancer : le public et le privé non lucratif ont également leurs limites. Il s’agit donc de trouver un équilibre entre tous ces acteurs dont nous avons besoin, car la population vieillit. Même si l’on entre en Ehpad à un âge de plus en plus avancé – environ 87 ans aujourd’hui –, de nombreuses places d’accompagnement sont nécessaires, notamment dans les structures spécialisées. Veillons à ne pas compromettre un équilibre, qui reste à trouver.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 649 rectifié.
Sur l’amendement n° 753 rectifié, je renvoie aux travaux de la commission des affaires sociales. Trois de ses membres ont présenté un excellent rapport d’information sur la situation des Ehpad, qui a montré qu’il fallait exclure un alourdissement de la fiscalité des établissements privés à but lucratif. Je renvoie également à la proposition de loi récemment rejetée.
Là encore, la commission est un avis défavorable.
L’amendement n° 957 rectifié vise quant à lui à créer une contribution sur les revenus générés par les Ehpad privés à but lucratif. Votre exposé était tout à fait intéressant, ma chère collègue : il a montré qu’il existait en effet d’autres sources de financement pour le grand âge.
Pour autant, la proposition de la commission que je présenterai dans quelques minutes est différente. Sur ce sujet, nous ne sommes pas d’accord. Vous faites part d’une appréciation politique, ce que j’entends parfaitement. Reste que la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements. Leurs auteurs pointent de réels problèmes, mais ils apportent de très mauvaises solutions.
Qu’adviendrait-il si l’on augmentait la fiscalité des établissements privés ? Deux scénarios sont envisageables, qui ne sont d’ailleurs pas incompatibles : soit une baisse d’investissement du privé lucratif – or nous ne vivons pas dans un pays où l’offre de places dans ce domaine est excédentaire, nous avons donc besoin de l’ensemble de ces acteurs –, soit une répercussion sur les prix – les Français paieront plus cher.
Dans les deux cas, il s’agit d’une mauvaise nouvelle.
Vous soulignez la nécessité d’augmenter les contrôles des autorités administratives, nous sommes tous d’accord sur ce point. Toutefois, l’augmentation de la fiscalité est une fausse bonne réponse à cette problématique. Elle provoquerait simplement une attrition de l’offre ou une augmentation des tarifs.
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est de l’idéologie !
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je veux bien tout entendre, y compris toutes les raisons que l’on peut trouver pour ne surtout pas solliciter les grands groupes lucratifs.
Les Ehpad sont aujourd’hui financés par trois biais différents. La puissance publique paie les soins et la dépendance. C’est donc sur la seule partie « hôtelière » qui reste à la charge des résidents que certains groupes bâtissent aujourd’hui des fortunes colossales.
Je ne suis pas contre l’entreprise : il faut créer de la richesse pour pouvoir la redistribuer. Si la puissance publique ne peut pas tout faire – et encore, ce domaine pourrait être réservé à des Ehpad publics ou privés non lucratifs –, on ne peut décemment pas ne pas mettre à contribution des investisseurs qui bâtissent de telles fortunes.
Les dispositifs proposés ne sont peut-être pas la bonne solution. Toutefois, mes chers collègues, consentez-vous du moins à ce que nous en cherchions d’autres ensemble ?
La situation actuelle n’est pas acceptable, d’autant que la plupart des Français ne pourront pas se payer une place en Ehpad. Les prix ont en effet déjà augmenté, monsieur le ministre : ils atteignent des niveaux astronomiques, pour un service qui n’a pas grand-chose à voir avec de l’hôtellerie 5 étoiles, alors que – je le répète – la puissance publique paie tout le reste.
Il nous faut donc impérativement nous attaquer à ce problème, mes chers collègues. (M. Alain Milon acquiesce.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le taux d’occupation dans les Ehpad a été affecté par le scandale qui a éclaté, et sans doute aussi par les limites d’un modèle qui est à bout de souffle. Vous conviendrez que cela n’a rien à voir avec la fiscalité, madame la rapporteure générale.
En ce qui concerne l’investissement, des études montrent bien que les groupes d’Ehpad comme Orpea et les groupes de crèches se sont appuyés, pour leur développement international, sur la profitabilité que rendent possible, en France, les financements alloués par la sécurité sociale. Ces groupes ont pu croître et créer de nouveaux établissements grâce à la rentabilité des premiers établissements créés.
Il arrive aussi que ces groupes croissent grâce à de l’endettement, la Caisse des dépôts et consignations, qu’il conviendra du reste d’interroger à ce sujet dans le cadre d’une audition, les aidant paradoxalement par un effet de levier.
Je doute donc que ces groupes qui adossent leur développement aux financements de notre sécurité sociale, uniques en Europe, se désengagent en cas de durcissement de la fiscalité.
La sécurité sociale étant la base de la profitabilité et l’un des facteurs du développement de ces groupes, il n’est pas raisonnable de ne pas les réguler financièrement, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Allez donc expliquer aux maires réunis en congrès ces jours-ci, en particulier à ceux qui sont gestionnaires d’Ehpad publics ou financeurs d’Ehpad privés, qu’ils soient à but lucratif ou non, qu’Orpea fait partie des cinq cents groupes les plus riches, alors qu’eux-mêmes n’auront pas un euro de plus pour mieux gérer leur Ehpad !
De très nombreux établissements se rapprochent aujourd’hui des ARS parce qu’ils sont déficitaires et se voient attribuer des financements pour des postes.
Dans le même temps, lorsqu’un Ehpad privé lucratif n’affiche pas complet, les financements de postes qui lui ont été alloués en trop disparaissent.
Ainsi, un Ehpad qui a une capacité d’accueil de cent résidents se voit financer cent postes. S’il n’accueille finalement que quatre-vingts résidents, l’établissement n’embauchera que quatre-vingts salariés. Les contrôles en aval étant inexistants, les crédits ne sont pas rappelés.
C’est ainsi que les grands groupes réalisent des profits faramineux !
Je doute donc qu’une taxation de ces grands groupes les décourage d’investir dans notre pays. C’est tellement peu le cas que certains se développent aujourd’hui dans le secteur des crèches ! Comment pourraient-ils renoncer à cette extraordinaire manne d’agent public, d’autant que les contrôles sont rares ?
La situation est telle que nous pourrions aller jusqu’à doubler le nombre de contrôleurs que les recettes seraient encore supérieures aux coûts que leur embauche emporterait, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Lors des travaux de la mission d’information sur la situation des Ehpad que j’ai conduite avec Mmes Deseyne et Nadille, nous avons pu constater que les cahiers des charges des Ehpad à but lucratif n’étaient pas du tout les mêmes que ceux des Ehpad publics et privés à but non lucratif.
Les Ehpad privés à but lucratif accueillent ainsi des résidents plus riches, dont les places ne sont pas habilitées à l’aide sociale, et des résidents qui n’ont pas de pathologies lourdes nécessitant un personnel plus nombreux.
L’argent que nous donnons à ces établissements, nous le donnons, non pas à des résidents, mais à des actionnaires. Si cet argent allait aux Ehpad publics ou privés à but non lucratif, nous dépenserions moins pour mieux traiter les résidents. L’argent que nous donnons aux Ehpad privés à but lucratif, c’est aussi l’argent de la maltraitance !
Il est tout de même grave, mes chers collègues, de financer des places d’Ehpad au seul motif que nous en avons besoin, quels qu’en soient les coûts humains et financiers. Cette mauvaise gestion alimente la maltraitance institutionnelle.
Il est temps de regarder les choses en face. La proposition de M. Fichet n’est sans doute qu’une proposition parmi d’autres, mais elle a le mérite d’exister. Donner toujours plus d’argent aux actionnaires des Ehpad privés à but lucratif, en ne soumettant ces établissements à aucun cahier des charges ne résout rien. Au contraire, nous disposons de ce fait de toujours moins d’argent dans les caisses pour assurer la prise en charge des résidents dans d’autres établissements.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Les scandales relatifs aux Ehpad et aux crèches nous poussent à trouver des solutions. Dès lors que des financements publics sont consentis, il faut être en mesure de fixer des règles. Toutefois, qui dit régulation ne dit pas forcément taxation.
Les excès et les dérives constatés montrent qu’il faut contrôler davantage. Je crois que nous en sommes tous d’accord, mes chers collègues. Renforçons donc les contrôles et imposons des cahiers des charges de manière à réguler l’argent public qui est alloué à ces Ehpad et à ces crèches, mais n’instaurons pas une nouvelle taxe dont le seul effet sera le renchérissement des tarifs supportés tous les mois par les usagers de ces établissements, ainsi que M. le ministre l’a indiqué. Toutes les sensibilités représentées dans cette assemblée devraient pouvoir s’accorder sur ce point.
Nous sommes tous conscients de la situation déficitaire des Ehpad publics et des profits que les Ehpad privés à but lucratif réalisent grâce aux financements publics. Trouvons donc des solutions rapidement, mais, de grâce, n’instaurons pas une fois de plus une taxe supplémentaire qui s’imputera sur les résidents !
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour explication de vote.
Mme Chantal Deseyne. Je dénonce comme vous les abus, voire la maltraitance institutionnelle dans les Ehpad privés à but lucratif dont nous avons eu connaissance dans le cadre des travaux de la mission d’information sur ces établissements, mes chers collègues. S’il est donc nécessaire d’effectuer davantage de contrôle et d’améliorer l’encadrement de ce secteur, gardons-nous toutefois de faire des généralités.
Je rappelle en effet que nous avons besoin de ces établissements, car les secteurs public et privé à but non lucratif n’ont pas la capacité de mettre à disposition suffisamment de places. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Je suis moi aussi très attentif à la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Pour autant, j’estime que la taxation des entreprises n’est pas la meilleure solution pour développer l’économie de notre pays, qui rencontre aujourd’hui des difficultés aiguës.
Nous ne parviendrons pas à relever le défi du vieillissement de la population par la seule action publique, mes chers collègues. Fort heureusement, nous pouvons compter sur les acteurs privés qui se sont mobilisés pour assurer l’accueil de nos anciens.
L’on parle beaucoup de la maltraitance dans les établissements privés, mais il y en a aussi dans les établissements publics où, il faut le dire clairement, les usagers ne sont pas toujours pris en charge comme il le faudrait.
Mme Annie Le Houerou. Par manque de moyens !
M. Michel Canévet. Il nous faut aussi être attentifs à cette réalité dans nos départements respectifs, mes chers collègues.
Je rappelle par ailleurs que le premier actionnaire du groupe Orpea, que certains collègues ont cité, est la Caisse des dépôts et consignations,…
Mme Raymonde Poncet Monge. Je l’ai dit !
M. Michel Canévet. … sous le contrôle du Parlement, et que le deuxième actionnaire est la Maif (Mutuelle assurance des instituteurs de France), organisme mutualiste. Des intérêts publics sont donc impliqués dans la gestion d’établissements privés.
Plutôt que de taxer toujours plus ces établissements, j’estime qu’il nous faut rendre possible que des investisseurs répondent aux besoins de la population. C’est ainsi que nous parviendrons à développer l’économie de notre pays.
Mme Monique Lubin. Avec des tarifs de 4 000 euros par mois ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souscris aux propos des deux derniers orateurs.
Ne mélangeons pas tout, mes chers collègues. Des alertes ont donné lieu à des contrôles qui ont mis en évidence des faits de maltraitance dans certains établissements privés.
Je rappelle toutefois que, dans les établissements publics et privés à but non lucratif, qui représentent 90 % à 95 % des établissements de nos départements ruraux, les contrôles qui ont été menés ont montré que les résidents étaient correctement pris en charge.
J’en profite pour remercier les employés de ces établissements, en particulier les infirmières et les aides-soignantes, qui ne sont, hélas ! pas assez nombreuses.
Du fait du vieillissement de notre population, le nombre de personnes âgées augmentera fortement d’ici à 2040, et même au-delà. Il nous faut rapidement trouver une solution pour prendre en charge ces personnes.
Nous avons besoin de capitaux et d’investisseurs pour créer des emplois, et partant, des cotisations qui nous permettront d’équilibrer nos régimes de retraite.
C’est de cette manière que nous devons procéder.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Certains orateurs paraissent prêter aux parlementaires de gauche un réflexe pavlovien de taxation. (Oui ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) C’est faire erreur, mes chers collègues !
Mme Céline Brulin. Comme beaucoup d’entre vous, je suis convaincue que les personnels qui accompagnent nos anciens agissent par vocation et qu’ils font de leur mieux, dans les établissements publics comme privés.
M. Michel Canévet. C’est vrai !
Mme Céline Brulin. Sans ouvrir un débat sémantique, lucratif signifie « qui apporte des gains, des bénéfices, des profits ». Cela ne pose aucune difficulté si ces profits sont réinvestis pour améliorer les conditions d’accueil des résidents.
Au-delà des scandales, c’est une logique que nous dénonçons. Tapez « investissement Ehpad » dans n’importe quel moteur de recherche, mes chers collègues : vous vous verrez proposer des taux de rendement qui laissent rêveurs…
L’accompagnement et les soins apportés à nos anciens sont-ils réellement compatibles avec l’objectif de faire de l’argent pour de l’argent, et non pour que celui-ci soit réinvesti pour améliorer les conditions d’accueil ?
Aujourd’hui, 66 % des Ehpad et 85 % des Ehpad publics sont en déficit. Dans de telles conditions, n’est-il pas raisonnable de nous efforcer de trouver de nouveaux moyens pour résorber ces déficits ? Pour ma part, j’estime que nous pouvons aller chercher dans le privé une partie de moyens qui nous permettront d’améliorer le ratio d’accompagnement.
M. le président. L’amendement n° 682 rectifié, présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas et Vayssouze-Faure, Mme G. Jourda, M. M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé une cotisation sur les dividendes des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ainsi que des établissements et services mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique. Le taux de cette contribution est fixé à 15 %. Elle est reversée intégralement à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
La contribution est assise sur l’ensemble des dividendes réalisés dans les entreprises mentionnées au premier alinéa, réalisés en France, ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
Un décret fixe la date et les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Cet amendement vise à limiter les velléités démesurément lucratives des établissements accueillant les publics les plus fragiles.
Je souhaite revenir sur les crèches, que nous avons brièvement évoquées au détour de notre discussion sur les Ehpad.
Chaque année, nous proposons des mécanismes de régulation auxquels l’on oppose une fin de non-recevoir.
Le scandale relatif aux crèches a montré les graves dérives dont certains établissements ont été le lieu. Le groupe People & Baby en particulier, dont je rappelle que les salariés n’ont pas été correctement payés au mois d’octobre, a été montré du doigt pour des défaillances dans la qualité de l’accueil des enfants.
Les quatre mastodontes du secteur des crèches privées, qui sont à l’origine de 90 % des créations de places, sont aujourd’hui financés, non pas par des investisseurs locaux qui accompagneraient les territoires en offrant des places que le public n’est pas en mesure de proposer, mais par des fonds de pension américains.
Ces groupes qui ne recherchent que le profit au détriment de la qualité d’accueil des enfants et des conditions de travail de leurs employés mettent de plus en difficulté les collectivités locales qui leur ont consenti une délégation de service public.
Notre objectif est donc de réguler, monsieur le ministre. L’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, votre prédécesseur nous a répondu, au sujet des Ehpad, qu’il convenait de « porter le fer sur la régulation et le contrôle plutôt que de recourir systématiquement à une nouvelle taxe à chaque difficulté rencontrée ». Depuis, en dépit des scandales, rien ne s’est passé. Aucun renforcement du dispositif de contrôle n’est intervenu.
Pour notre part, nous continuons d’affirmer qu’il faut trouver des solutions. Par cet amendement qui vise non pas à taxer pour taxer, mais à réguler pour accompagner un développement plus harmonieux pour le bien des enfants et des collectivités, nous vous proposons une première solution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Dans un monde idéal, des philanthropes pallieraient le manque de places dans nos Ehpad, nos crèches et nos établissements médico-sociaux. Tel n’étant pas le cas, ma chère collègue, j’estime qu’il faut laisser une place au privé lucratif, à condition que celui-ci fasse l’objet de contrôles et d’une surveillance accrus pour s’assurer que la recherche du gain n’est pas démesurée. La dénonciation de certains faits a tout de même eu pour conséquence un encadrement plus scrupuleux.
Par cet amendement, vous proposez d’instaurer une cotisation dont le taux serait fixé à 15 % sur les dividendes des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ainsi que sur les établissements d’accueil du jeune enfant, ma chère collègue.
Une telle disposition découragera sans doute un grand nombre d’investisseurs ; or elle concernera de nombreux établissements dont nous ne pouvons pas réellement nous passer.