Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chaque année, nous débattons de l'opportunité d'instaurer une telle taxe additionnelle sur les bénéfices des sociétés, ma chère collègue.

Faut-il taxer les bénéfices, qui sont un véritable moteur pour notre économie ? J'estime pour ma part que nos industries, et plus généralement notre économie, doivent être aussi productives et bénéficiaires que possible, car c'est ainsi que nous conserverons de l'activité et de l'emploi dans nos territoires.

En ce qui concerne l'agroalimentaire, j'estime que les entreprises ne font pas toutes leurs choux gras de l'augmentation des prix. Certaines entreprises du secteur agroalimentaire, que je connais, ne sont pas aussi florissantes que vous le dites. Une analyse plus fine conduirait à mon sens à nuancer vos propos en fonction des territoires et des entreprises elles-mêmes. Un certain nombre de nos collègues spécialistes des questions agricoles et agroalimentaires pourraient sans doute nous éclairer.

En tout état de cause, dans un contexte d'économie en berne, il ne paraît pas judicieux d'ajouter une surtaxe à l'impôt sur les sociétés, qui taxe déjà les bénéfices.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Ce PLFSS instaure une taxe exceptionnelle et temporaire pour les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 1 milliard d'euros. Le Gouvernement estime en effet que tout le monde doit participer à l'effort de redressement des comptes publics, d'autant que, lors de la crise covid et lors de la crise énergétique qu'a emportée la guerre en Ukraine, ces entreprises ont pu bénéficier des différentes protections mises en œuvre par l'État.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. J'entends vos contre-arguments relatifs aux entreprises du secteur agroalimentaire qui sont en difficulté, madame la rapporteure générale, mais je vous invite à lire le dispositif de l'amendement, qui ne vise que les entreprises qui, durant les trois années durant lesquelles nous avons connu de l'inflation, et, partant, des surmarges et un phénomène de boucle prix-profit identifiés par le FMI, ont vu leurs bénéfices augmenter de plus de 25 %. Les entreprises en difficulté ne sont donc pas visées. Certaines entreprises ont en effet profité de la situation pour démultiplier, et parfois même doubler leur taux de marge.

Lorsque, par le passé, nous avons connu un phénomène de boucle prix-salaire, et que l'échelle mobile des salaires était appliquée, alors on vous entendait, mes chers collègues ! Vous considériez en effet que ça n'allait pas du tout, car les salaires étaient seulement indexés sur l'inflation. En revanche, en période de boucle prix-profit, on ne vous entend plus, tant il est vrai qu'il n'existe pas d'échelle mobile pour remédier aux difficultés qu'emporte ce phénomène !

Encore une fois, les entreprises en difficulté ne sont pas concernées. Seules sont visées celles dont le bénéfice a augmenté de 25 % ou plus en trois ans, c'est-à-dire les « pauvres » entreprises dont la marge est passée de 30 % à 50 %. En tout état de cause, je ne peux pas vous laisser dire que les entreprises qui sont en difficulté seront mises à mal. Tel n'est pas du tout l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chatillon, pour explication de vote.

M. Alain Chatillon. Je démens vos propos, madame Poncet Monge. J'ai été chef d'entreprise dans l'agroalimentaire et je ne vois pas dans quelle entreprise vous avez vu cela ; vous dites des bêtises !

Le véritable problème de nos entreprises et de notre pays tient à la forte baisse de l'âge de départ en retraite et à l'effondrement du temps de travail.

Nous subissons aujourd'hui les conséquences de cinq années de mauvaise gestion, au cours desquelles les problèmes de fond n'ont en réalité pas été pris en compte.

En outre, alors que dans d'autres pays européens, notamment l'Allemagne, l'âge de la retraite est fixé à 67 ans, nous travaillons cinq ans de moins en France. Quant au temps de travail, il faudrait l'augmenter de trois à quatre heures pour l'ensemble des salariés, en prévoyant bien évidemment de ne pas imposer ces heures supplémentaires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Nous soutiendrons l'amendement de notre collègue écologiste, car il vise non pas les petites et moyennes entreprises en difficulté – il ne s'agit pas du tout de cela ! –, mais les superprofits de la grande distribution.

Dites-nous donc qui va mal dans la grande distribution ! Auchan, c'est-à-dire la famille Mulliez ? Carrefour ? Lidl ? Aldi ? Leclerc ?

M. Fabien Gay. Qui va mal, parmi ceux-là ? Ah ! Peut-être pas les familles qui détiennent le capital, mais les salariés, oui ! Depuis la crise covid, ils n'ont jamais lâché, ils n'ont pas vu l'ombre d'une augmentation de salaire et ils sont en train de payer la crise en subissant une vague de licenciements, comme c'est le cas à Auchan.

En revanche, les entreprises de la grande distribution ont réalisé des profits, et même des superprofits, comme le dit l'auteur de cet amendement. Et elles ont touché dans le même temps beaucoup d'argent public – c'est le cas pour Auchan –, dont il faudrait savoir à quoi il a servi. En tout cas, il n'a pas servi à maintenir l'emploi, puisque l'on vient d'annoncer une vague de licenciements.

Pour les salariés de la grande distribution, c'est donc la triple peine : ils n'ont pas d'augmentation de salaire, ils paient de l'impôt et celui-ci sert à les licencier.

En réalité, vous ne voulez pas toucher aux superprofits, fût-ce de manière infime. Mais nous ne confondons pas tout. Nous le savons bien, 68 000 entreprises sont défaillantes, notamment des TPE-PME (très petites, petites et moyennes entreprises) ; c'est une vraie question et nous la traiterons. Mais, pour l'instant, ce n'est pas d'elles qu'il s'agit ; il s'agit des cinq ou six entreprises qui, depuis la crise, ont beaucoup profité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE–K, SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. À ceux d'entre vous qui auraient des doutes, je rappelle que, dans le cadre de la loi de finances, le Gouvernement a fait une proposition qui vise à instaurer une contribution exceptionnelle temporaire sur les bénéfices des très grandes entreprises.

Le dispositif serait ciblé sur les très grandes entreprises, à savoir celles dont le chiffre d'affaires réalisé en France est supérieur ou égal à 1 milliard d'euros et qui sont redevables de l'impôt sur les sociétés. Son champ s'étendrait donc bien au-delà du secteur de la grande distribution.

Je vous invite donc à voter cette disposition lors de l'examen du projet de loi de finances. La contribution est conçue pour être temporaire et exceptionnelle, afin de participer au redressement des finances publiques. Le dispositif est plus large que celui que vous proposez dans cet amendement, ainsi que dans le suivant.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, voilà deux fois que vous nous expliquez le dispositif de cette taxation, en précisant bien chaque fois qu'elle ne sera que temporaire.

De plus, sauf erreur de ma part, la mesure que vous évoquez figurera dans le projet de loi de finances, qui porte sur le budget de l'État. Et il est tout à fait normal, cela nous convient parfaitement, que l'on mette ces entreprises à contribution pour renforcer le budget de l'État.

Toutefois, pour l'heure nous examinons le budget de la sécurité sociale. Est-il inconsidéré que les entreprises que nos collègues ont citées…

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Vous voulez donc les taxer deux fois ?

Mme Céline Brulin. Oui, je pense qu'elles peuvent être taxées deux fois, sachant que les Français auront à subir le déremboursement de leurs consultations médicales et de leurs médicaments, la non-revalorisation de leur pension de retraite, l'augmentation du tarif de leur complémentaire santé, voire des heures supplémentaires travaillées pour rien, et je pourrais continuer longuement cette addition !

Il ne nous paraît donc pas incongru que des entreprises qui réalisent des superprofits contribuent à renforcer le budget de la sécurité sociale, qui est notre système de protection sociale et de solidarité nationale.

On nous dit sans cesse que la pyramide des âges fait qu'il devient de plus en plus compliqué d'assurer la retraite de chacun. Ce n'est pas complètement faux, donc trouvons donc de nouvelles ressources pour la protection sociale ; et cet amendement en propose une.

Ce n'est pas sans une certaine inconséquence que l'on caricature ainsi le débat. Nous ne sommes pas tous d'accord sur la manière de trouver de nouvelles ressources et il est légitime que nous en débattions, de manière démocratique. Permettez-le donc ! Vous ne pouvez pas toujours résoudre les problèmes – et celui auquel nous sommes confrontés est bien réel – en brandissant comme seule et unique solution celle qui nous conduit à toujours plus de déficits. Nous devons trouver de nouvelles ressources : débattons-en sereinement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 842.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1101, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 3 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section 15 ainsi rédigée :

« Section …

« Contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières

« Art. L. 137-42. – I. – 1° Est instituée une contribution additionnelle sur les bénéfices générés par les activités domestiques d'exploration et d'exploitation de gisements d'hydrocarbures et de raffinage des sociétés productrices de pétrole redevables de l'impôt sur les sociétés prévu à l'article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 750 000 000 euros.

« 2° La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l'exercice considéré au titre de l'impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.

« 3° La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :

« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.

« II. – 1° Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d'ensemble et la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminés avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.

« 2° Le chiffre d'affaires mentionné au I du présent article s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis dudit code, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

« 3° Les réductions et crédits d'impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.

« 4° Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d'opérations de cession ou d'acquisition d'actifs, pour la fraction du résultat imposable de l'exercice concernée.

« 5° La contribution additionnelle est reversée sans rang de priorité aux branches mentionnées à l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale ».

II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu'au 31 décembre 2025.

III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation provisoire de l'application du I du présent article avant le 31 juillet 2025 et un rapport d'évaluation définitif au plus tard le 31 juillet 2026.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Vous le savez, depuis le début de la guerre en Ukraine, les profits des entreprises pétrolières ont explosé. TotalEnergies a ainsi enregistré un profit de 19,8 milliards d'euros en 2023.

En plus de profiter des crises, les entreprises pétrolières sont aussi des faiseuses de crises. En effet, qu'il s'agisse de la crise climatique, de la crise environnementale ou des crises sanitaires, il y a toujours un coût. Ainsi, dans son rapport de juillet 2015, la commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air avait établi que celui-ci s'élevait au moins à 3 milliards d'euros par an. Au travers de ces coûts, les entreprises pétrolières sont la cause d'une crise permanente. Il est donc juste qu'elles contribuent financièrement à la prise en charge sanitaire des crises qu'elles provoquent.

À l'heure où la Ville de Paris s'engage résolument dans la transformation de la capitale, dans le cadre de son nouveau plan Paris santé environnement et de son nouveau plan Climat, je regrette que le Gouvernement ait abandonné les déterminants environnementaux de la santé, dont le changement climatique et la santé planétaire. C'est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement. Rappelons, en effet, que chaque année le climat est responsable de 223 000 morts dans les aires urbaines européennes, selon la revue The Lancet Planetary Health.

Cet amendement vise donc à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les superprofits réalisés par les entreprises pétrolières, afin de financer notre sécurité sociale. En résumé, nous sommes pour l'instauration d'un principe « empoisonneur-payeur », afin que la sécurité sociale soit aussi financée par ceux qui nuisent à notre santé.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Permettez-moi de revenir sur mon intervention précédente, dans laquelle s'était glissée une erreur. En effet, votre amendement, madame Poncet Monge, visait à taxer les superprofits des entreprises agroalimentaires, ce qui m'a aussitôt rappelé des situations difficiles dans certains endroits du territoire.

Quant au débat, madame Brulin, nous le laissons se tenir. En réalité, il revient chaque année à peu près dans les mêmes termes, car ce sont des positions politiques qui s'opposent. Certains voudraient taxer plus pour financer la sécurité sociale et tenter de résorber le déficit. Je comprends cela, mais nous souhaitons proposer autre chose. Toutefois, nous laissons toute sa place au débat, puisque nous vous écoutons et que nous respectons vos propositions. Ensuite, il nous faut trouver un compromis et faire en sorte qu'une majorité se dégage.

Dans l'amendement qui vise à taxer les sociétés pétrolières, faut-il comprendre que les marges indiquées sont faites en France ? En effet, chacun sait que les entreprises pétrolières qui ont pignon sur rue, dans notre pays, sont plutôt des filiales que des maisons mères, et s'arrangent ainsi pour ne pas payer tous les impôts qui pourraient leur être appliqués. En réalité, dans une logique d'optimisation, les grands groupes choisissent de se positionner dans tel ou tel pays et c'est à cela qu'il faut réfléchir. À force d'ajouter toujours plus de taxes, on risque de créer un vrai repoussoir pour les entreprises qui souhaiteraient s'installer en France.

Est-il judicieux de taxer les bénéfices des entreprises ? Là encore, la question se pose car, pour ma part, je souhaite que les entreprises réussissent en France, de manière à créer de l'emploi. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement et je le ferai de nouveau sur les mesures de même nature, car elles ne correspondent pas à la position que soutient la majorité sénatoriale.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 232 rectifié ter, présenté par Mme Lubin, M. M. Weber, Mme S. Robert, MM. Pla et Bourgi, Mme Artigalas, MM. Tissot, Redon-Sarrazy et Fagnen, Mme Bonnefoy, MM. Kerrouche et Ziane, Mmes Monier, Carlotti et Conconne, M. Montaugé, Mme Linkenheld et MM. Cardon, Stanzione et P. Joly, est ainsi libellé :

Après l'article 3 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Ces cotisations sont pour partie à la charge de l'employeur et pour partie à la charge du salarié. Leur taux est fixé comme indiqué dans le tableau suivant :

Cotisation plafonnée

Cotisation plafonnée

Cotisation déplafonnée

Cotisation déplafonnée

Cotisation déplafonnée

Cotisation déplafonnée

Sur la part de la rémunération dans la limite du plafond prévu au premier alinéa du présent article

Sur la part de la rémunération dans la limite du plafond prévu au premier alinéa du présent article

Sur la totalité de la rémunération

Sur la totalité de la rémunération

Sur la part de la rémunération strictement supérieure à quatre fois le plafond prévu au premier alinéa du présent article

Sur la part de la rémunération strictement supérieure à quatre fois le plafond prévu au premier alinéa du présent article

Employeur

Salarié

Employeur

Salarié

Employeur

Salarié

8,55 %

6,90 %

2,02 %

0,40 %

1,78 %

1,60 %

 »

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Cet amendement a pour objet de créer, au profit de la branche vieillesse, une surcotisation sociale sur les revenus supérieurs à quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit à 8 700 euros net par mois environ.

Vous me répondrez sans doute, mes chers collègues, qu'il s'agit encore d'une taxe et que mon amendement est de même nature que les précédents. Au bout d'un moment, vous finirez par nous brocarder, comme on l'a vu faire à l'Assemblée nationale, en disant que du côté gauche de l'hémicycle on ne sait que proposer des taxes et des impôts supplémentaires, et faire l'addition finale.

Par ailleurs, vous avez dit comprendre parfaitement, madame la rapporteure générale, que nous cherchions à proposer de nouvelles recettes pour la sécurité sociale, mais que nos propositions ne correspondaient pas aux vôtres, ce que j'entends. Toutefois, les recettes – dans tous les sens du terme – que nous proposons ne vous conviennent jamais. Dès lors qu'il s'agit de demander un effort supplémentaire à ceux qui pourraient vraiment le fournir, cela ne fonctionne jamais. En revanche, toutes les recettes qui consistent, comme l'ont dit plusieurs de mes collègues, à solliciter toujours plus les retraités, les salariés ou les malades, fonctionnent, pour ainsi dire, plein pot. Il faudrait quand même que, de temps en temps, vous arriviez à mixer les solutions.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Pour ce qui est de mixer les solutions, je n'ai pas fait beaucoup d'avancées, j'en conviens.

Toutefois, l'équilibre de la branche vieillesse nous inquiète tout comme vous, madame Lubin, car cette branche, déjà déficitaire, le sera encore un peu plus au cours des prochaines années.

Pour faire face au vieillissement de la population, nous avons proposé, au Sénat, une contribution de solidarité par le travail, solution dont je sais qu'elle ne convient pas aux sénateurs siégeant à la gauche de l'hémicycle. Compte tenu du « mur du vieillissement », de la montée en charge des maladies chroniques, de la nécessité de privilégier le maintien à domicile et de prévoir l'accompagnement des personnes âgées dans les Ehpad, dont nous savons les difficultés, il s'agit d'inviter chacun à contribuer un peu pour renforcer le budget de la branche autonomie, en fournissant sept heures de travail supplémentaires.

Le problème se pose aussi pour la branche vieillesse, comme vous l'avez très bien dit, chère collègue. Cependant, l'avis de la commission est défavorable sur votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la sénatrice, une telle disposition reviendrait à alourdir pour de nombreux actifs le taux de prélèvement dont ils s'acquittent déjà, pour un total de 1,5 milliard d'euros. Nous examinerons au cours des débats un article portant sur la question des allègements généraux, qui prévoit qu'une partie des économies obtenues reviendra à la branche vieillesse et à la branche maladie. Je vous suggère de réintroduire le sujet au moment de l'examen de cet article.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Nous sommes au cœur d'un débat très intéressant et je salue le travail de la rapporteure générale.

Au groupe Union Centriste, nous sommes attachés au principe de stabilité fiscale et nous considérons que le tissu économique français n'est pas assez solide pour subir les chocs, les uns après les autres. Quelque 66 000 entreprises sont en faillite dans notre pays et plusieurs questions se posent, qu'il s'agisse du coût du travail ou du coût de l'énergie, auxquelles nous devons être attentifs.

Nous sommes d'accord aussi – et c'est un point commun avec nos collègues de la gauche de l'hémicycle – pour dire que la sécurité sociale est en danger si l'on maintient le déficit à une telle hauteur.

Toutefois, les amendements de nos collègues pourraient finir par nous retourner le cerveau, en quelque sorte (M. Bernard Jomier ironise.), et il faut remettre l'église au milieu du village. Par conséquent, la différence qui nous oppose à eux tient à ce que, pour nous, la régulation des dépenses est un devoir. Nous dépensons trop dans ce pays, que ce soit pour le budget de l'État ou pour celui de la sécurité sociale. La part du PIB que nous consacrons à nos dépenses de santé est supérieure de deux points à celle de tous les autres pays de l'OCDE. Sommes-nous pour autant mieux soignés ?

Certes, nous ne sommes pas hostiles à l'idée de préserver la justice fiscale, mais notre premier devoir, que ce soit dans le cadre du PLF ou dans celui du PLFSS, reste de contrôler notre niveau de dépense, et de réguler la dépense sociale et la dépense fiscale. Voilà ce que les Français attendent de nous. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je ne me fais aucun souci pour le cerveau d'Olivier Henno : il n'est pas retourné et il fonctionne très bien, je le sais. (Sourires.)

Toutefois, la part des dépenses de santé dans le PIB est moindre en France qu'en Allemagne et qu'aux États-Unis. Ce que vous venez de dire n'est donc pas tout à fait juste, cher collègue.

Par ailleurs, vous ne faites pas que réguler les dépenses. En effet, Mme la rapporteure générale a ouvert le débat sur la journée de solidarité, que vous n'appelez d'ailleurs plus ainsi, car on a bien compris que les arbitrages au sein du socle commun étaient compliqués. La journée de solidarité impliquait que l'on supprime un jour férié soit d'origine religieuse, soit lié à la fin d'un conflit et à la commémoration des anciens combattants. Vous y avez renoncé et vous avez proposé la solution des sept heures de travail supplémentaires. Mais de quoi s'agit-il ? Les 2,5 milliards d'euros de recettes que vous prévoyez de dégager ne viendront pas d'une réduction de dépenses, mais plutôt d'une réduction des salaires ! Car vous allez faire perdre du salaire aux salariés du pays. Telle est la réalité que recouvre ce surcroît de sept heures de travail. Comment en serait-il autrement ?

J'ai entendu dire que cela représentait cinq minutes supplémentaires par jour, mais cela ne change rien. En réalité, vous ne faites qu'habiller la décision que vous avez prise, parce que vous n'osez pas supprimer un jour férié. Assumez donc ce choix !

Encore une fois, mes chers collègues, cette mesure ne supprimera aucune dépense sociale. Et tout le problème est là, car vous n'arrivez pas à supprimer des dépenses, ce qui n'est d'ailleurs pas étonnant compte tenu de la situation que vous connaissez comme nous sur le bout des doigts, qu'il s'agisse des hôpitaux exsangues ou des Ehpad en difficulté. Mais vous ne voulez pas vous attaquer aux recettes ! Et quand M. Dhersin propose une mesure, somme toute très modérée, qui compense en petite partie une injustice, vous levez les bras au ciel et vous dites : « Il a raison, mais, désolé, nos arbitrages ne vont pas dans ce sens. »

Voilà ce qu'est le débat au Sénat ! On peut bien se moquer de ce qui se passe à l'Assemblée nationale, mais quand on réagit comme vous le faites, le débat est tronqué ! (Mmes Annie Le Houerou et Émilienne Poumirol applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Madame la rapporteure générale, la réponse que vous m'avez faite résume parfaitement ce que nous vivons : vous vous opposez à ce que nous proposons ; à la solidarité de ceux qui ont les revenus les plus élevés, vous opposez un travail supplémentaire gratuit de tous les salariés, y compris ceux qui gagnent le Smic ou qui ont des métiers difficiles. Croyez-vous que les Français accepteront toujours de se plier à ce principe ? Ils ne l'acceptent déjà plus, comme l'a montré le résultat des dernières élections.

Monsieur Henno, nous avons en effet une différence fondamentale : nous estimons qu'il faut travailler sur les recettes et vous sur les dépenses. Mais quelles dépenses faut-il réduire selon vous ? Honnêtement, croyez-vous que les Français seront heureux d'entendre que le niveau de remboursement des médicaments va encore diminuer ? Certes, la baisse sera moins forte que ce qui était prévu, mais on a bien compris la technique qui consiste à annoncer le pire pour que l'on se réjouisse de ne pas l'atteindre.

M. Laurent Duplomb. Ça, c'est ce que fait la gauche !