compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Di Folco,
Mme Véronique Guillotin.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 17 octobre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
changement de régime de perception des droits de mutation à titre onéreux faisant suite à une évolution de la population communale
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, auteure de la question n° 066, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Mme Annick Jacquemet. Ma question porte sur la perception des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) par les communes.
Aux termes de l’article 1595 bis du code général des impôts, les DMTO de l’année n perçus dans les communes de moins de 5 000 habitants sont versés à un fonds départemental de péréquation, qui les distribue aux communes en année n+1. Quant aux communes de plus de 5 000 habitants, elles perçoivent directement le produit des DMTO au titre de l’année n.
Le changement de strate – le franchissement de ce seuil – entraîne mécaniquement l’exclusion du bénéfice du fonds départemental de péréquation. C’est ce qui arrive, dans le département dont je suis élue, le Doubs, à la commune de Saint-Vit, qui percevait jusqu’à l’an dernier les DMTO via ce fonds. En effet, sa population ayant atteint 5 044 habitants à la fin de 2023, elle change de régime : à partir de 2024, elle encaissera directement le produit des DMTO.
Or, comme il n’est pas possible de bénéficier la même année des deux dispositifs, elle sera privée des DMTO au titre de 2023, soit de 200 000 euros, ce qui n’est pas rien.
Les élus de cette commune ont le sentiment de perdre des ressources, qui leur sont pourtant dues au titre de l’année 2023. Leur impression est d’autant plus légitime que, lors de la mise en place du dispositif de collecte des DMTO, les grandes communes de plus de 5 000 habitants ont bénéficié immédiatement des ressources, tandis que les autres ont dû attendre une année supplémentaire en raison de la péréquation.
Ainsi, pour ces communes, qui connaissent un décalage dans la perception de ces ressources, il est clairement injuste de perdre une année lorsqu’elles franchissent le seuil des 5 000 habitants, car ce décalage était initialement lié à la péréquation. Il y aurait, dans le cas contraire, absence d’équité entre les communes de plus de 5 000 habitants et celles de moins de 5 000 habitants.
Quelles sont les intentions du Gouvernement pour mettre fin à cette situation, afin que Saint-Vit et les autres communes se trouvant dans la même situation ne perdent pas une année de DMTO ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Jacquemet, il y a deux articles du code général des impôts relatifs à cette situation.
L’article 1584 de ce code prévoit qu’est « perçue, au profit des communes de plus de 5 000 habitants, […] une taxe additionnelle aux droits d’enregistrement ou à la taxe de publicité foncière exigibles sur les mutations à titre onéreux ».
Par ailleurs, l’article 1595 bis prévoit que le produit de ces taxes perçu sur le territoire des communes de moins de 5 000 habitants est versé à un fonds départemental de péréquation.
Les ressources provenant de ce fonds sont ensuite réparties, l’année suivante, par le conseil départemental, entre les communes de moins de 5 000 habitants, selon trois critères légaux : l’importance de la population, le montant des dépenses d’équipement brut et l’effort fiscal de la collectivité bénéficiaire.
En ce qui concerne la répartition du fonds départemental, le conseil départemental devra en effet exclure une commune passée au-dessus du seuil de 5 000 habitants en année n de la répartition au titre de la même année ; c’est le cas de la commune de Saint-Vit, que vous évoquez, madame la sénatrice. En revanche, une telle commune bénéficiera directement de la taxe additionnelle au titre de l’année n, de manière contemporaine, c’est-à-dire dès l’année en question.
De la même manière, dès qu’une commune passe sous le seuil des 5 000 habitants en année n, elle ne bénéficie plus de la taxe additionnelle au titre de cette année. En revanche, le conseil départemental est légitime à l’intégrer dans la répartition des ressources du fonds, à laquelle il procédera au titre de cette année, alors même que cette commune n’aura pas alimenté ce fonds l’année précédente.
Dans tous les cas de figure, chaque commune continuera bien à percevoir les ressources issues de la taxation additionnelle assise sur ces prélèvements obligatoires, soit directement, soit par l’intermédiaire du fonds, sans rupture d’une année à l’autre.
Ces modalités de répartition claires méritent d’être stabilisées, car toute évolution pourrait avoir des effets de bord importants pour chaque bénéficiaire.
articulation entre la taxe locale facultative sur la publicité extérieure et la redevance d’occupation du domaine public
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 024, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Didier Rambaud. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous alerter sur la nécessité de clarifier l’articulation entre la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE), facultative, et la redevance d’occupation du domaine public (RODP) lorsque deux autorités distinctes sont compétentes sur un même territoire pour percevoir l’une ou l’autre des recettes.
Ce sujet a suscité des interrogations des parlementaires par le passé, puisque, en septembre 2021, une question écrite de notre collègue Brigitte Micouleau avait été publiée avec un intitulé quasiment identique.
Cette question s’adressait également au ministre de l’économie et des finances, lequel a publié une réponse le 14 avril 2022. Toutefois, la lecture de cette réponse laisse planer un doute quant à la correcte interprétation du terme « chronologique ».
En effet, le ministre indique qu’une « commune ne peut pas lever la taxe locale sur la publicité extérieure en même temps que l’établissement public de coopération intercommunale perçoit la redevance sur un même support, et réciproquement ». Il précise ensuite que « les textes ne prévoient pas de traitement spécifique en cas de double institution », ajoutant que, dès lors, « le seul droit de priorité qui puisse exister entre la taxe et la redevance ne peut être que chronologique ».
Or il est possible d’interpréter différemment cette réponse, selon que l’on retient la date de la levée ou celle de la décision de mise en place de la taxe ou de la redevance.
Par conséquent, madame la secrétaire d’État, pour lever toute ambiguïté, pouvez-vous préciser quelle est la juste interprétation du terme « chronologique » figurant dans la réponse du ministère ? Si « le seul droit de priorité qui puisse exister entre la taxe et la redevance ne peut être que chronologique », faut-il prendre en compte la date de la levée ou la date de mise en place de la taxe et de la redevance ?
Enfin, l’encadrement juridique de l’articulation entre la TLPE et la RODP vous semble-t-il suffisant ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Monsieur le sénateur Rambaud, le code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit un principe d’incompatibilité entre la perception d’une redevance d’occupation du domaine public et la taxe locale sur la publicité extérieure levée sur le même support.
En effet, aux termes de l’article L. 2333-6 dudit code, « dès lors que la commune [ou son groupement] lève la taxe sur un support publicitaire ou une préenseigne, il ne peut être perçu, au titre du même support ou de la même préenseigne, un droit de voirie ou une redevance d’occupation du domaine public ».
Le législateur a ainsi entendu préserver l’occupant du domaine public de tout mécanisme qui conduirait à un double prélèvement, par la voie fiscale et domaniale, pour un même fait générateur : dès lors que la taxe est levée, une redevance d’occupation domaniale ne peut être perçue en sus. L’avant-dernier alinéa de l’article L. 2333-6 du CGCT précise clairement ce point, ainsi que les modalités de perception.
intentions relatives au « new deal mobile »
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 049, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie.
M. Hervé Maurey. La France a devant elle un certain nombre d’échéances en matière de communications fixes et mobiles.
En premier lieu, le dispositif dit du New Deal mobile, destiné depuis 2018 à garantir la couverture en téléphonie mobile de nos territoires, prendra fin en 2025. Or, à son échéance, il manquera plusieurs milliers de pylônes pour assurer la couverture promise en 2018.
En second lieu, le démantèlement du réseau de cuivre, entamé le 31 janvier dernier, devrait s’achever en 2030. Il mettra fin au réseau ADSL, ce qui risque d’entraîner un certain nombre de conséquences : déconnexion de certains usagers ou service non assuré.
En troisième lieu, le réseau 2G va être démantelé entre 2025 et 2026 et le réseau 3G le sera entre 2028 et 2029. Cela aura également d’importantes conséquences, notamment pour les objets connectés : alarmes, dispositifs médicaux…
J’ai donc trois questions simples. Tout d’abord, comment le Gouvernement prépare-t-il ces échéances ? Ensuite, un nouveau programme de couverture mobile est-il prévu, comme cela a été évoqué ? Enfin, comment éviter que la suppression du réseau de cuivre et des réseaux 2G et 3G n’affecte nos concitoyens et nos entreprises ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Monsieur le sénateur Maurey, l’accès à un réseau mobile de qualité est une condition essentielle du bon développement des territoires, notamment ruraux. Le Gouvernement y est particulièrement attaché.
L’accord du New Deal mobile a été conclu en 2018 entre les opérateurs et l’État. Il a orienté l’effort des opérateurs vers la couverture du territoire, au moyen d’obligations de couverture inédites.
Six ans après la conclusion de cet accord, la couverture du territoire en réseau mobile paraît aujourd’hui très satisfaisante, près de 99,9 % de la population et de 94 % de la superficie du territoire étant couverts au 31 décembre 2023, selon l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
Cette politique publique a coûté 3 milliards d’euros et s’est largement faite au profit des territoires ruraux, qui ont bénéficié du déploiement de 67 % des sites mobiles depuis le démarrage du New Deal.
Ce succès est le fruit de la coopération entre l’État, les opérateurs et les collectivités locales ; chacun peut ici le mesurer. Il permet à la France d’avoir une couverture 4G bien supérieure à celle de ses voisins, Allemagne, Espagne ou Royaume-Uni.
Pour compléter cette couverture, les engagements pris au titre du New Deal participeront à la poursuite des déploiements au-delà de l’année 2025, notamment pour la couverture en services mobiles à l’intérieur des véhicules sur la totalité des axes routiers prioritaires et la couverture des axes ferrés à l’intérieur des trains d’ici à 2030.
Enfin, indépendamment du New Deal, des obligations de couverture contribueront également à fournir un réseau sur tout le territoire ; il s’agit principalement des obligations de déploiement de sites 5G.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d’État, je ne remets nullement en cause l’utilité du New Deal.
En revanche, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous lorsque vous affirmez que ses résultats sont très satisfaisants. En effet, selon les services de l’État eux-mêmes, il manquera plusieurs milliers de pylônes à l’échéance de cet accord. Aussi, la question se pose, notamment au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de l’opportunité d’un prolongement du New Deal ou de la mise en place d’un autre dispositif.
J’y insiste, il manquera toujours plusieurs milliers de pylônes ; on ne peut donc pas dire que le bilan soit très satisfaisant, dans la mesure où l’objectif de couverture totale, annoncé en 2018, ne sera pas atteint.
En outre, je n’ai pas entendu de réponse sur mes questions relatives au réseau de cuivre, au réseau 2G et au réseau 3G. Ce sera pour la prochaine fois… (Sourires.)
manque de transparence sur les informations fiscales fournies aux collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, auteur de la question n° 025, adressée à M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
M. Philippe Grosvalet. Madame la secrétaire d’État, la suppression de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ainsi que l’instauration de mécanismes de compensation ont changé le paysage fiscal pour les collectivités territoriales.
Ce mouvement aurait dû s’accompagner d’une plus grande transparence de l’information fiscale et financière sur les ressources transférées. Or nous ne pouvons que déplorer le manque d’informations transmises. Les collectivités sont ainsi dans l’impossibilité de contrôler avec exactitude les montants attribués par l’État.
À titre d’exemple, le département de Loire-Atlantique s’est vu notifier un refus par la direction générale des finances publiques (DGFiP) lorsqu’il a demandé, pour contrôle, le montant du produit de la CVAE retenu pour le calcul de sa compensation, l’exactitude du montant de celle-ci se trouvant dès lors impossible à établir.
L’absence de transparence se remarque également dans le suivi de l’évolution du produit de la taxe sur la valeur ajoutée, qui concerne désormais directement les finances des collectivités, depuis la mise en place des mécanismes de compensation sur fraction de TVA. Il en va de même pour d’autres recettes, comme la taxe spéciale sur les conventions d’assurances (TSCA) ou les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Il est absolument nécessaire de renouer un lien de confiance entre l’État et les collectivités, et cette confiance passe par une plus grande transparence. Les collectivités territoriales devraient pouvoir accéder à une information complète leur permettant de contrôler les modalités de calcul et vérifier ainsi la correcte et juste attribution des compensations dues par l’État.
Par ailleurs, une information fiscale partagée contribuerait à la bonne administration des collectivités, renforçant d’autant leurs capacités de projection et de souplesse.
Madame la secrétaire d’État, comment l’État compte-t-il rendre plus transparente pour les collectivités l’information relative aux modalités de calcul des compensations ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de la consommation. Monsieur le sénateur Grosvalet, en contrepartie de la suppression de la CVAE comme ressource locale, les collectivités bénéficient depuis 2023 d’une fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette ressource donne lieu à trois actualisations annuelles, en fonction des prévisions des recettes de TVA.
La DGFiP partage votre volonté d’accompagner au mieux les collectivités locales dans l’évaluation de leurs ressources fiscales ; pour cela, elle a mis en place plusieurs outils.
Tout d’abord, elle notifie chaque année, au mois de mars, le montant des ressources fiscales prévisionnelles revenant à chaque collectivité locale, y compris le montant des fractions de TVA. Il s’agit d’aider les collectivités à bâtir leur budget.
Ensuite, chaque actualisation de la ressource TVA s’accompagne d’un courrier adressé à chaque collectivité bénéficiaire par voie électronique et donnant, individuellement, le montant de la ressource TVA attribuée.
Enfin, la DGFiP adresse chaque mois, à chaque collectivité, un état détaillé des ressources fiscales qui lui ont été versées, sous la forme d’avances de fiscalité.
En ce qui concerne les fractions de TVA, ces différents outils permettent de fournir une information précise aux collectivités locales et de suivre finement les ressources fiscales. Ce circuit nous paraît fonctionnel et il est éprouvé.
Pour ce qui concerne les DMTO dont les départements et les communes sont attributaires, le produit de ce prélèvement obligatoire est versé quotidiennement aux départements en fonction des cessions enregistrées, et les départements sont informés des versements par leurs comptables assignataires.
Le circuit de recouvrement et de reversement du produit de la TSCA et des DMTO obéit à un schéma classique comparable à d’autres produits perçus par les collectivités locales ; il ne nous semble pas nécessiter d’évolutions notables.
Enfin, je le précise, la DGFiP travaille en étroite collaboration avec les associations d’élus locaux. Si des difficultés se font jour, comme celle que vous évoquiez concernant le département dont vous êtes élu, la Loire-Atlantique, et que je connais bien, ces instances peuvent approfondir ces sujets.
régime de financement des ehpad
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 026, adressée à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
M. Jean-Claude Anglars. Madame la secrétaire d’État, notre population vieillit. D’ici six ans, il y aura 49 % de Français âgés de 75 à 84 ans.
Or la France n’est pas prête à répondre aux défis du vieillissement démographique. Aujourd’hui, le constat est partagé : la situation est catastrophique, pour reprendre les mots des professionnels du secteur du grand âge, qui ne cessent de lancer des alertes sur la situation, comme lors de la journée nationale du 24 septembre dernier.
La loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie a introduit diverses dispositions, certes bienvenues, mais insuffisantes.
Le cas des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est particulièrement alarmant. Le précédent gouvernement n’a pas su consolider la situation financière de ces établissements : près de 80 % d’entre eux sont en situation de déficit. Ces structures ne disposent plus des moyens de mener à bien leur mission, pourtant essentielle dans la prise en charge des résidents, et l’on court le risque de fermetures d’établissement.
Dans l’Aveyron, certains établissements, comme l’Ehpad de Bozouls ou celui de Saint-Chély-d’Aubrac, qui date de 1873 – c’est la plus ancienne maison de retraite du département –, connaissent de grandes difficultés financières, malgré l’engagement et le sens du devoir du personnel. Ces difficultés entraînent des conséquences sur l’attractivité des établissements auprès des familles, mais aussi des emplois, du personnel soignant et d’accompagnement.
Ma question porte donc sur la question du financement des structures d’accueil du secteur médico-social.
En premier lieu, un an après la mise en place dans chaque département d’une commission dédiée au suivi et à l’examen de la situation financière des structures médico-sociales en difficulté, quel est le bilan de ces commissions ?
En second lieu, la loi du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 a ouvert la possibilité d’opter pour la fusion des sections Soins et Dépendance dans le financement des Ehpad, mais cela n’est possible qu’à titre d’expérimentation, dans quelques départements volontaires, ce qui laissera tous les autres Ehpad sans solution. Quelles solutions comptez-vous apporter à ces derniers ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Monsieur le sénateur Anglars, les crédits destinés aux établissements et services pour les personnes âgées ont augmenté de près de 7 milliards d’euros sur la période 2019-2024.
Les Ehpad ont notamment bénéficié d’un plan d’aide exceptionnel dans le cadre du Ségur de la santé entre 2021 et 2024. Le volet médico-social s’est élevé à 1,5 milliard d’euros, et l’Ehpad Ferrié, de Laval, géré par le centre communal d’action sociale (CCAS), a ainsi bénéficié de près de 110 000 euros au titre des investissements du quotidien.
Ensuite, le Gouvernement a pris acte du constat d’urgence et a poursuivi la mise en place des actions complémentaires instaurées en 2023 : un soutien exceptionnel de 100 millions d’euros à destination des agences régionales de santé (ARS) pour répondre aux besoins les plus urgents, mais aussi des actions pérennes pour réussir la transition démographique à venir, au travers des commissions dédiées au suivi de la situation financière des structures en difficulté installées à la fin du mois de septembre 2023 dans chaque département.
Ces commissions réunissent l’ARS, le conseil départemental, la direction départementale des finances publiques (DDFiP), l’Urssaf et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Les élus sont tenus informés de ses travaux relatifs à l’examen des difficultés de trésorerie et aux souplesses accordées pour le paiement des dettes sociales ou fiscales.
Ces commissions ont été pérennisées en janvier 2024. Elles sont considérées comme facilitant l’accompagnement des situations par 82 % des membres. Le suivi est réalisé à l’échelon national par une cellule ministérielle.
La direction générale de la cohésion sociale a également mis en place un groupe de travail associant les fédérations du secteur, des ARS et des conseils départementaux. Cinq sous-groupes ont été formés, et les premières transformations sont d’ores et déjà mises en œuvre.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit en effet l’expérimentation de la fusion des sections Soins et Dépendance des Ehpad, dans 23 départements. Son financement est prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Une évaluation annuelle par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et un rapport du Gouvernement seront remis au Parlement en 2028, pour préparer sa généralisation et sa pérennisation.
Les moyens de tous les Ehpad sont par ailleurs renforcés via la création de 6 500 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, conformément à l’engagement du Président de la République de créer 50 000 emplois supplémentaires d’aides-soignants et d’infirmiers.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. En 2024, quelque 181 millions d’euros ont ainsi été consacrés à la création de 4 300 postes. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, nous accélérons la cadence, pour atteindre un taux d’encadrement de 7,3 ETP pour 10 résidents.
coupes budgétaires au centre de coordination des dépistages des cancers de nouvelle-aquitaine
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteure de la question n° 035, adressée à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Frédérique Espagnac. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.
Je me fais aujourd’hui le porte-voix des responsables du centre régional de coordination des dépistages des cancers de Nouvelle-Aquitaine, région dont je suis élue, tout comme Mme Darrieussecq.
Dans un contexte marqué par des restrictions budgétaires qui affectent nos concitoyens, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année à venir ne fait pas exception et subira, lui aussi, des coûts budgétaires. Le centre de dépistage, qui remplit une mission cruciale de santé publique, se trouve ainsi confronté à une forte réduction de ses moyens financiers mettant en péril l’ensemble de la chaîne de dépistage en Nouvelle-Aquitaine.
Ce centre est pourtant un acteur incontournable de la prévention. La Nouvelle-Aquitaine s’est distinguée cette année en devenant la première région de France du point de vue de la progression des taux de dépistage. Le premier trimestre de 2024 a ainsi vu le dépistage du cancer du sein augmenter de 14 %, tandis que celui du cancer colorectal progressait de 50 %.
Madame la ministre, alors que 40 % des cancers sont encore évitables et que tant de nos concitoyens perdent leur combat contre cette maladie en quelques mois, il est primordial d’intensifier nos efforts en matière de prévention.
La stratégie décennale de lutte contre les cancers de 2021 à 2030 fixe des objectifs ambitieux : réduire de 60 000 par an le nombre de cancers évitables et réaliser un million de dépistages supplémentaires d’ici à 2025.
Dans ce contexte, pourquoi réduire le budget du centre de dépistage et de prévention de Nouvelle-Aquitaine, le seul en France, à ma connaissance, à être directement touché par une baisse de financement ? Vous ne devez pas faire des économies au détriment de la santé des Français !
Je demande donc au Gouvernement, madame la ministre, de reconsidérer cette décision et de permettre à ce centre de continuer de jouer son rôle essentiel dans la lutte contre le cancer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Madame la sénatrice Espagnac, en décembre 2022, à l’occasion du premier comité de suivi de la stratégie décennale de la lutte contre le cancer, le Gouvernement avait annoncé une nouvelle organisation des dépistages organisés des cancers.
Cette stratégie prévoit le transfert, à l’assurance maladie, du pilotage d’un certain nombre de missions et des crédits qui étaient alloués aux centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC). De ce fait, les missions confiées à ces centres sont recentrées sur le suivi des résultats des programmes organisés, l’information et la formation des professionnels de santé, ainsi que le suivi des patients dépistés.
Au regard de ce recentrage d’activités, l’ARS de Nouvelle-Aquitaine a engagé un certain nombre d’actions pour permettre au CRCDC de Nouvelle-Aquitaine de s’adapter. Aujourd’hui, ce centre se trouve effectivement dans un état déficitaire, avec un budget de 11 millions d’euros, alors que le financement délégué par l’ARS s’élève à 9 millions d’euros.
Cette situation est le résultat d’un décalage important entre les orientations prises par le centre et celles qui sont prévues par l’ARS.
Je fais notamment référence au transfert d’une partie de leurs missions aux ARS et à l’assurance maladie, qui devait s’accompagner d’une stabilisation des effectifs des CRCDC. Or des recrutements ont tout de même été réalisés au cours des derniers mois dans cet établissement ; évoquons également certaines campagnes de communication menées dans la région et qui s’écartaient substantiellement des directives prévues. Ce sont autant d’accumulations d’actions non prévues dans le cahier des charges et pourtant mises en place par le centre qui ont conduit à ce contexte de déficit important.
L’ARS de Nouvelle-Aquitaine, en lien avec la direction des affaires juridiques (DAJ), ne manquera pas de se pencher sur la situation et de trouver des solutions pour rétablir un équilibre.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que le Gouvernement – en particulier Mme Darrieussecq – est pleinement engagé en faveur de la prévention et du dépistage, que nous souhaitons renforcer toujours davantage. J’en veux pour preuve le fait que le PLFSS pour l’année 2025 poursuit la stratégie de développement de la prévention afin d’améliorer la santé de tous.