M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission des lois. Ils le seront !
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Théocrite disait « en persévérant, on arrive à tout » ; il disait également que « l’eau, goutte à goutte, creuse le roc ».
Nous sommes réunis pour saluer la persévérance sénatoriale. Il s’agit d’une œuvre collective : je rends hommage à Jean-Michel Arnaud, qui est l’auteur de cette proposition de loi, et à Jean-Yves Roux, qui a déposé il y a un peu plus d’un an une autre proposition de loi sur le même sujet, adoptée par le Sénat. J’y associe également l’immense majorité des groupes de la Haute Assemblée, ainsi que de Mme la ministre, chère Françoise Gatel, qui a été un relais très utile et qui a travaillé depuis plusieurs années à mes côtés sur ce sujet.
Mon groupe et moi-même sommes satisfaits par cette proposition de loi, mais nous ressentons également un sentiment de frustration : que de temps perdu !
M. Alain Marc, rapporteur. Absolument !
M. Mathieu Darnaud. En 2017, Bruno Retailleau était le premier signataire d’une proposition de loi visant à faire entendre la voix des communes, lesquelles répétaient à l’envi que la loi NOTRe était perfectible en de nombreux points.
En effet, cette loi censurait une forme de liberté communale : qui mieux que les élus des territoires connaît leurs ressources en eau ? Qui mieux que les maires, singulièrement dans les territoires ruraux et de montagne, peut dire ce qui est bon pour les communes ?
Nous avons également été alertés par les présidents d’intercommunalité. Certains estiment que nous essayons d’œuvrer contre la construction intercommunale. Pas du tout ! Nous entendons les élus des territoires, à commencer par les présidents de certaines communautés de communes, qui nous confient ne pas pouvoir exercer les compétences « eau » et « assainissement ».
Au bout de toutes ces années, nous avons, je le crois, fait œuvre utile pour redonner de la liberté aux communes.
Mes chers collègues, permettez-moi de remercier le Premier ministre, de saluer son action et son courage politique. Il n’est jamais évident de reconnaître, une fois le transfert engagé vers certaines communautés de communes, qu’il faut revenir à la raison et rester attaché à la liberté communale, à la France des communes.
Sur le fond, les questions liées à la ressource en eau démontrent qu’il est nécessaire d’organiser la répartition des compétences en fonction des bassins hydrographiques et des bassins versants. Nous l’avons dit à de multiples reprises : l’eau, plus qu’aucune autre compétence, est avant tout affaire non de limites administratives intercommunales, mais de bassins hydrographiques et versants.
Ma collègue Anne Ventalon et moi-même avons une pensée particulière pour les nombreux Ardéchoises et Ardéchois qui sont actuellement frappés par des inondations et des épisodes cévenols. Néanmoins, nous voulons voir la question de l’eau de façon positive, car la liberté communale est enfin consacrée.
Je me félicite qu’à force de persévérance nous puissions aujourd’hui dire aux maires de France qui éprouvaient toutes les difficultés à envisager le transfert de leurs compétences qu’ils pourront désormais, grâce à la présente proposition de loi, faire en conscience le choix de la raison et de l’avenir, en prenant en compte les contraintes environnementales.
Il est temps de faire confiance aux maires et aux élus locaux de France. Je les remercie, et je remercie le Gouvernement de leur rendre cette liberté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment même où la trente-quatrième convention d’Intercommunalités de France est en cours, nous sommes réunis pour discuter d’un sujet les concernant, à savoir la gestion des compétences « eau » et « assainissement ».
Lorsqu’on échange avec les élus locaux, a fortiori les maires, force est de constater que l’eau, cette ressource vitale, est au cœur de nombreuses préoccupations.
Il suffit d’observer les conséquences du dérèglement climatique : l’évolution de la pluviométrie conduit à la multiplication et à l’intensification d’épisodes de sécheresse ou d’inondations. Nous le constatons actuellement en Ardèche, et nous avons une pensée pour tous les sinistrés qui ont subi des précipitations de 600 millimètres en 48 heures et je crains, hélas ! que cet épisode ne soit pas terminé.
Le sujet est particulièrement inquiétant, puisque ces dérèglements peuvent dégrader la qualité de l’eau potable et l’assainissement des eaux usées, ce qui engendre parfois des coûts non négligeables pour les collectivités concernées.
Je pense notamment aux territoires qui ont dû être approvisionnés en eau potable par des camions-citernes, notamment en outre-mer, mais également dans la Drôme, par exemple à Clansayes durant l’été 2023 ; je pense aussi aux dépenses d’entretien liées à l’endommagement des réseaux ou des ouvrages de prélèvement.
Nous n’oublions pas non plus les investissements qu’il faudra réaliser pour tenir compte des besoins en matière d’interconnexion des réseaux, de stockage d’eau brute et de nouvelles techniques de captage.
Autant de raisons qui expliquent pourquoi, en matière de gestion de l’eau et d’assainissement, la mutualisation des moyens techniques et financiers peut se révéler stratégique et bénéfique tant pour nos concitoyens que pour les élus locaux.
L’article 64 de la loi NOTRe a rendu obligatoire le transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers les communautés de communes, en fixant une date limite au 1er janvier 2020.
Compte tenu de l’importance des réorganisations territoriales qu’impliquait un tel transfert, de nombreux élus avaient fait part de leurs inquiétudes. C’est la raison pour laquelle la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes avait instauré un mécanisme de minorité de blocage permettant à certaines communes d’obtenir le report d’un tel transfert jusqu’au 1er janvier 2026.
Pourquoi la loi devrait-elle contraindre et forcer les communes à transférer leurs compétences ? Alors que les élus locaux souhaitent davantage de liberté et de différenciation, pourquoi ce transfert devrait-il demeurer obligatoire, alors qu’il ne l’était pas avant l’entrée en vigueur de la loi NOTRe ?
Je suis convaincu du bien-fondé de la présente proposition de loi, car il faut davantage de souplesse en la matière, ainsi que le Sénat le propose de manière constante ces dernières années.
Je n’ai donc pu que me réjouir en entendant, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement du 9 octobre dernier, le Premier ministre se prononcer, en réponse à notre collègue Cécile Cukierman, en faveur du caractère facultatif du transfert des compétences « eau » et « assainissement » pour les communes.
J’ai naturellement souhaité déposer un amendement à l’article 1er qui vise à rendre le transfert de ces compétences non plus obligatoire, mais bel et bien facultatif. Dans le même esprit que le vôtre, monsieur le rapporteur, il me paraît important de permettre à toutes les communes membres d’une communauté de communes qui n’ont pas encore transféré leurs compétences à l’intercommunalité d’en conserver l’exercice.
Ainsi, ces communes pourront librement choisir soit de continuer à exercer seules ces compétences, soit de les confier, en tout ou partie, à un syndicat ou à leur communauté de communes.
Par ailleurs, je ne suis pas convaincu de la pertinence d’une rétroactivité des transferts de compétences. Autrement dit, nous ne devons pas permettre l’annulation de transferts déjà réalisés, car cela serait difficilement faisable d’un point de vue comptable.
Concrètement, les communes qui n’ont pas fait usage de leur minorité de blocage pour reporter le transfert des compétences au 1er janvier 2026 ne pourront pas obtenir la restitution des compétences. Il en va de même pour les agglomérations.
Bien entendu, les communes qui ont choisi de reporter le transfert au 1er janvier 2026, qui ont engagé ou qui ont été associées à des études de préparation du transfert ne sont pas concernées par ces restrictions. Dans la mesure où le transfert n’a pas encore eu lieu, nous devons leur permettre de conserver leur liberté de gestion en la matière.
Mes chers collègues, il est nécessaire que l’assouplissement de la gestion des compétences « eau » et « assainissement » soit synonyme de différenciation et de liberté pour les élus locaux. J’espère que les amendements en ce sens seront adoptés par notre assemblée.
Par conséquent, le groupe RDPI votera en faveur de l’adoption de ce texte, afin de marquer la fin d’un long épisode. Néanmoins, si la voie de l’assouplissement est nécessaire, je suis convaincu qu’il nous faut également à tout prix éviter de laisser les communes isolées, et travailler ensemble pour davantage de mutualisation.
Madame la ministre, faites en sorte que cette proposition de loi puisse cheminer rapidement après son adoption par le Sénat, afin qu’elle puisse s’appliquer avant le 1er janvier prochain. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un 2 février, jour de la marmotte dans une petite ville rurale de Pennsylvanie, Phil Connors, interprété par Bill Murray, se retrouve piégé dans une boucle temporelle. Chaque matin, son réveil sonne et il revit toujours la même journée, jusqu’à devenir fou de ne pas savoir comment s’en sortir. Voilà le synopsis d’un film de 1993, Un jour sans fin, comédie légère et familiale qui occupera très agréablement l’une de vos prochaines soirées pluvieuses !
J’imagine qu’en découvrant l’inscription à l’ordre du jour d’un nouveau texte sur le transfert des compétences « eau » et « assainissement », certains ont dû se sentir comme Bill Murray, bloqué dans un jour de la marmotte sénatorial. (Sourires.) Sauf qu’ici il n’y a ni comédie ni légèreté !
Depuis l’adoption de la loi NOTRe, nous revenons presque tous les ans sur le même sujet avec pugnacité, mais en ressentant peut-être une pointe de lassitude.
Pêle-mêle, le Sénat avait adopté le 23 février 2017 la proposition de loi de Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes, puis la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, puis la loi Engagement et Proximité du 27 décembre 2019, puis la loi 3DS du 21 février 2022 et, enfin, le 16 mars dernier la proposition de loi que j’avais déposée visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement ».
Nous voilà réunis aujourd’hui, le 17 octobre 2024, pour l’examen de la proposition de loi déposée par Jean-Michel Arnaud afin d’essayer, de nouveau, de sortir de l’impasse qui dure depuis l’adoption du fameux amendement gouvernemental lors de l’examen de la loi NOTRe.
Le diagnostic est connu : l’inadéquation d’un dispositif pensé de manière uniforme, quels que soient les territoires, qui transforme des compétences optionnelles des communautés de communes et d’agglomération en compétences obligatoires.
Les remontées du terrain sont sans équivoque : le recours forcé à l’intercommunalité pose de réelles difficultés, notamment dans les communes rurales et de montagne. Nous sommes sans cesse alertés par des municipalités, qui s’opposent via des motions et des délibérations à ce qui est perçu comme une délégation de compétences beaucoup trop technocratique.
Il semble donc absolument nécessaire de revenir une nouvelle fois sur ce dispositif rigide, d’autant que la date butoir du 1er janvier 2026 approche, et que les occasions de nous rattraper vont devenir rares.
La semaine dernière, le Premier ministre s’est engagé devant le Sénat à agir. Il s’agit évidemment d’une grande satisfaction, mais nous attendons de connaître les modalités précises d’application de cette annonce. Michel Barnier le sait, les montagnards sont pragmatiques.
À ce titre, madame la ministre, sentez-vous libre de vous inspirer de nos plus récents travaux !
Le Sénat avait adopté à une large majorité la proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement » que j’avais déposée, dont la rédaction avait été perfectionnée par Alain Marc, qui en était également rapporteur. Je remercie par ailleurs mes collègues députés du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot), qui ont jugé la thématique suffisamment importante pour l’inscrire à deux reprises dans leur niche parlementaire.
En parallèle, le Sénat a élaboré un compromis avec la ministre Dominique Faure, qui permettait de préserver à la fois la liberté des communes, la spécificité des zones rurales et de montagne et l’intérêt général.
Sur le fond, nous ne voulons pas revenir en arrière, ce qui serait coûteux financièrement et humainement, en plus d’être psychologiquement usant. Nous continuons de nous concentrer sur les communautés de communes, car c’est là que se trouve le nœud du problème.
En ce qui concerne la méthode, nous insistons sur la nécessité de prendre des mesures claires et simples. Dans les communes rurales et de montagne, les élus ne disposent pas des moyens administratifs adéquats pour se permettre des fantaisies technocratiques.
Le rapporteur a évoqué son amendement tendant à réécrire l’article 1er, que nous examinerons dans quelques minutes. La solution qu’il propose se présente comme une résolution après une décennie d’égarements.
Pour conclure mon propos, je remercie tous les sénateurs avec qui nous travaillons depuis des mois sur un compromis. Madame la ministre, après le congrès des maires ruraux se tiendra dans quelques semaines le Congrès des maires. Ce sera l’occasion de mettre en musique l’intelligence territoriale puisque les élus, selon une formule que quelques-uns reconnaîtront, sont bien les « inventeurs du possible ». (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, certains domaines exigent des directives et un cadre nationaux. Tel est assurément le cas pour l’eau et l’assainissement, tant les enjeux qui les concernent sont vitaux, qu’il s’agisse de santé publique, d’environnement ou de préservation d’une ressource naturelle toujours plus rare et fragile.
Néanmoins, une fois ce cadre national fixé, faut-il imposer de Paris un modèle unique déterminant de manière purement administrative le périmètre géographique de gestion et de mutualisation des services de l’eau et de l’assainissement ? Faut-il imposer un périmètre purement administratif, celui des intercommunalités, qui plus est des intercommunalités parfois immenses issues de la loi NOTRe ? Faut-il imposer un modèle s’appliquant uniformément partout en France, en zone fortement urbanisée comme en milieu hyperrural ? Un tel modèle ne peut garantir ni l’efficacité des services ni la maîtrise des coûts, bien au contraire !
Nous pensons, à l’inverse, que pour déterminer le bon périmètre de gestion des services il faut tenir compte de la diversité des territoires, de leur géographie, des bassins de vie et plus encore des bassins versants. Il faut surtout tenir compte de l’avis des maires et des conseils municipaux, qui vont sur le terrain, connaissent parfaitement leurs territoires, sont quotidiennement en relation directe avec leurs habitants et ont à cœur de leur offrir des services de qualité sans que les coûts pour nos concitoyens s’envolent – et ce point n’est pas anodin.
Nous connaissons le sens de l’engagement, du service public et des responsabilités des maires. Mes chers collègues, ne les dépossédons pas de ces prérogatives, alors qu’ils sont les mieux placés, sur le terrain, pour déterminer la bonne échelle de gestion et de mutualisation – car il faut mutualiser ! – des services de l’eau et de l’assainissement.
Certains maires ont déjà transféré ces compétences, car ils estimaient qu’il s’agissait de la bonne échelle de mutualisation. Les communes ne l’ayant pas encore fait doivent, premièrement, avoir la liberté de créer des syndicats de gestion de l’eau et de l’assainissement à l’échelle que les élus locaux jugeront la plus pertinente et, deuxièmement, pouvoir mutualiser les compétences humaines et les moyens matériels, en déléguant directement la gestion des services de l’eau et/ou de l’assainissement à l’échelon le plus adapté : syndicat ou intercommunalité. Bref, il faut de la souplesse.
Pour cela, il faut revenir sur le caractère obligatoire du transfert de ces compétences au 1er janvier 2026, et les maintenir dans le champ des compétences facultatives.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi et de plusieurs amendements en faveur desquels le groupe Union Centriste votera.
Je remercie Jean-Michel Arnaud pour le travail qu’il a réalisé, ainsi que le rapporteur Alain Marc et tous nos collègues qui s’investissent depuis longtemps sur ce sujet. Madame la ministre, je vous remercie également de votre écoute, de votre ouverture et de votre bienveillance. Vous connaissez parfaitement cette question importante, sur laquelle nous attendent les maires de France, en particulier ceux des communes rurales. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon propos ne détonnera pas : j’estime moi aussi que l’examen de la présente proposition de loi est assurément un moment important. Cependant, ma joie est teintée d’un peu d’amertume et de peine au souvenir des débats passés, qui nous conduisent aujourd’hui à devoir apporter une correction qui est nécessaire.
En effet, je me souviens parfaitement des interventions de nos collègues Jacques Mézard et Jean-Jacques Hyest lors de l’examen de la loi NOTRe. Cette loi, qui devait nous permettre d’atteindre la parousie (Sourires.), était présentée comme un grand moment de redécoupage et de réorganisation des compétences et des territoires, guidé par la recherche d’économies d’échelle et d’efficacité, dans un contexte de clarification des compétences. En réalité, ce fut plutôt un grand barnum !
Je me souviens aussi des auditions de la ministre de la décentralisation Marylise Lebranchu et du secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale André Vallini, à qui nous avions expliqué les nombreux problèmes posés par la réforme, mais qui semblaient animés de certitudes définitives.
Nous revenons aujourd’hui sur une mesure emblématique de cette réforme, celle de l’exercice d’une compétence essentielle : le service public de l’eau et de l’assainissement.
Nous l’avions rappelé à l’époque, cette compétence, construite après la Deuxième Guerre mondiale, est le fruit d’un rapprochement entre les communes qui prenait généralement la forme de syndicats, et ce sur la base d’un consentement éclairé. Ce service à la population était le produit d’ententes locales parfois très anciennes – datant de cinquante ou soixante ans –, qui avaient donné toute satisfaction.
La loi NOTRe a remis toute cette organisation en cause, en créant une obligation et en forçant le transfert des compétences, initialement prévu en 2017 – ne l’oublions pas, l’échéance de 2020 correspond à un premier report obtenu par le Sénat.
La loi de 2018, dont j’étais le rapporteur, avait ensuite permis un aménagement du calendrier et un report de l’échéance de six années supplémentaires. À cette occasion, nous avions déjà essayé d’introduire le caractère facultatif du transfert de ces compétences.
Je me souviens également des auditions préparatoires à l’examen de cette loi, pendant lesquelles l’administration centrale pressait le mouvement de manière presque sournoise, en expliquant, force histogrammes à la clé, que plus les communes étaient grandes, meilleur était le rendement.
Évidemment, il y avait un biais essentiel : on ne tenait pas du tout compte des caractéristiques territoriales, notamment des zones de montagne, dans lesquelles les difficultés pour assurer le service sont nombreuses. (M. le rapporteur acquiesce.) Je me souviens que l’on se fondait sur ces données pseudo-scientifiques pour justifier de passer à une autre échelle.
Je me réjouis que le Gouvernement retrouve la voie de la sagesse, que cette surdité prolongée prenne fin, et que nous corrigions la faute originelle de la loi NOTRe. Les communes s’en porteront beaucoup mieux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – M. Louis Vogel et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque j’interviens en onzième position dans la discussion générale, je crains de ne pas être très original. Mais ne dit-on pas que la pédagogie est l’art de la répétition ?
Dans la vie législative, nous ne le savons que trop, de simples amendements peuvent avoir une immense portée.
En 2015, c’est en effet par un simple amendement gouvernemental au funeste projet de loi NOTRe, sans étude d’impact ni avis préalable du Conseil d’État, que le gouvernement d’alors avait fait adopter le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux EPCI, y compris dans les communautés de communes.
De haute lutte, le Sénat avait obtenu un certain nombre d’assouplissements, mais le mal était fait. Nonobstant différentes mesures d’adaptation législatives, le résultat final n’a pas répondu totalement aux inquiétudes des élus, notamment dans les communes rurales et de montagne, mais également dans d’autres territoires.
En effet, ce résultat ne résout pas le problème de fond : la loi oblige toujours les communes à transférer l’eau et l’assainissement à leur communauté de communes au 1er janvier 2026.
La mise en place de cette communautarisation généralisée a été voulue, nous dit-on, pour éviter une trop forte dispersion des modalités d’exercice de ces compétences, celle-ci étant supposée engendrer un manque de rationalisation des services, selon les législateurs de l’époque. La loi NOTRe se donnait ainsi pour objectif une mutualisation efficace des moyens techniques et financiers nécessaires à une meilleure maîtrise des réseaux de distribution d’eau potable et d’assainissement, notamment dans les zones rurales.
Nous y voilà, les mots magiques sont lâchés : rationalisation, maîtrise, mutualisation ! Combien d’inepties, mes chers collègues, débouchant invariablement sur de l’incurie en matière de gestion d’argent public, ont été inventées sur la base de ce mirage ? Comment un principe aussi général peut-il être opérant, au vu de la très grande hétérogénéité des situations locales ?
À l’évidence, la fixation du niveau d’exercice de ces compétences ne saurait être uniforme et déconnectée du terrain ; elle doit, au contraire, relever de considérations matérielles et techniques propres à chaque territoire.
Fort heureusement, ici même, le 9 octobre dernier, Michel Barnier, nouveau Premier ministre au parcours d’élu local éprouvé et particulièrement robuste, a déclaré : « Nous ne reviendrons pas sur les transferts déjà réalisés, mais il n’y aura plus de transferts obligatoires en 2026. »
Il est temps de clôturer ce qui constitue, depuis la loi NOTRe de 2015, une véritable difficulté, et peut-être une blessure dans la confiance entre le Gouvernement et le Sénat.
Je salue donc la sagesse de ces propos et la vôtre, madame la ministre, vous qui avez longtemps milité pour cette évolution.
Je tiens également à remercier tout spécialement notre président de groupe, Mathieu Darnaud, qui n’a jamais cessé de défendre cette position de bon sens, ainsi que notre collègue Jean-Michel Arnaud, auteur de la proposition de loi. Arnaud, Darnaud, même combat, d’autant que M. Pernot va me succéder à la tribune ! (Sourires.)
Il ne s’agit donc pas d’opposer les collectivités entre elles, mais de rappeler le principe de subsidiarité, qui doit permettre aux communes de décider du niveau d’exercice de leurs compétences. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Clément Pernot.
M. Clément Pernot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est jour de fête au Sénat ! (Sourires.) La demande des maires, relayée par de nombreux sénateurs, va aboutir aujourd’hui : l’adhésion à un groupement pour la gestion de l’eau et de l’assainissement va devenir facultative, elle ne sera plus obligatoire ni en 2026 ni plus tard.
En supprimant cette obligation, le Sénat s’apprête à reconnaître le travail réalisé par les nombreuses générations de maires pour fournir en eau potable leurs administrés. Heureux habitants, qui jouissent journellement de ce bien de vie sans se soucier, pour la plupart d’entre eux, du pourquoi ou du comment, en considérant comme naturel l’accès au précieux liquide.
Voilà pourquoi la gestion de l’eau est viscéralement ancrée dans la mission du maire ; voilà pourquoi la loi imposant des regroupements était considérée comme un signe de défiance, comme une mesure insultante.
L’histoire de la gestion de l’eau a donné naissance à une multitude de situations individuelles très locales dont une mutualisation autoritaire aurait certainement altéré la qualité, la structure accueillante héritant d’une complexité ne pouvant être gérée efficacement à marche forcée.
C’est pourquoi il faut rendre grâce à tous les sénateurs qui, déjà conscients de ces difficultés, ont reporté l’exécution des premiers textes de 2020 à 2026.
C’est pourquoi il faut également saluer la belle écoute de notre Premier ministre Michel Barnier, qui a promis en ces lieux, lors de la séance des questions au Gouvernement du 9 octobre 2024 – qui deviendra une date anniversaire, n’en doutons pas ! (Sourires.) –, que la liberté pour les communes serait maintenant la règle en termes de gestion de l’eau et de l’assainissement.
L’adoption de ce texte sera un signal fort à destination de nos collectivités, qui attestera d’une volonté nouvelle d’organiser notre vie publique de manière plus respectueuse, moins verticale et plus partenariale.
C’est de cette manière qu’il nous faudra œuvrer pour accompagner les communes, les communautés de communes et les syndicats à relever les nouveaux défis nés de la raréfaction de la ressource. Il convient donc de laisser les territoires s’organiser librement, d’acter, de favoriser, d’inciter, d’inventer des collaborations entre eux, lesquelles devront être les plus circonstanciées possible afin d’obtenir, pour chaque commune, une gestion collective ou autonome idéale des compétences « eau » et « assainissement ».
L’ampleur de la mission nécessite des solidarités d’ingénierie, de financement et de moyens en général. L’État, via les préfectures et les agences de l’eau, avec les départements, doit se tenir réellement aux côtés des intervenants locaux dans un acte de décentralisation moderne et pertinent pour assurer à chaque citoyen une ressource pérenne, qualitative et quantitative en eau. La réussite de cet objectif passe par une confiance retrouvée entre tous les acteurs.
Le vote de cette proposition de loi est une première étape ; elle fait souffler un vent de liberté pour la vie publique locale. J’ose former le vœu que, dans le même esprit, puissent être réécrits les textes relatifs à l’urbanisme, en particulier au ZAN.
Les chers collègues, il me semble qu’un soleil se lève sur les exécutifs de nos territoires, et vous n’y êtes pas pour rien, madame la ministre ! (Exclamations amusées.) Depuis le Sénat, mes chers amis, veillons à ce que cela dure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)