Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 35 est présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 89 est présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour présenter l’amendement n° 35.
M. Jean-Jacques Michau. Nous estimons que les mesures d’accélération et de simplification doivent demeurer exceptionnelles et raisonnablement limitées dans le temps.
Nous nous opposons donc à la prolongation jusqu’en 2050 de ces mesures de simplification relatives à la construction de nouvelles installations nucléaires, prévues à l’article 7 de la loi Nouveau Nucléaire.
Nous ne souhaitons pas non plus que l’on revienne sur ladite loi, récemment adoptée, en élargissant la possibilité d’installer des SMR sans tenir compte du critère d’implantation à l’intérieur ou à proximité des installations nucléaires de base existantes.
L’acceptabilité du nucléaire suppose de la transparence et de la concertation avec toutes les parties prenantes. Elle suppose aussi une évaluation démocratique et pluraliste des besoins de notre société en matière énergétique, dans un contexte de transition énergétique et de décarbonation de nos économies.
Nous avons exprimé à plusieurs reprises nos réserves concernant la technologie nouvelle des SMR.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour présenter l’amendement n° 89.
M. Yannick Jadot. Vous faites ici plus fort que sur l’immigration, mes chers collègues : une révision législative tous les six mois !
Nous venons à peine de voter la loi Nouveau Nucléaire que vous en changez déjà les règles de dérogation et de simplification. On ne va tout de même pas, dans trois mois, voter des dispositions prévoyant une dérogation de soixante-dix ans, voire cent ans ! Certains enjeux, même en l’absence d’étude d’impact, deviennent compliqués…
Nous avons débattu de la loi Nouveau Nucléaire, qui prévoit d’ores et déjà des dérogations. Il serait tout de même plus responsable de cesser de faire de la cavalerie, sans prévoir d’étude d’impact et en mettant potentiellement en cause la biodiversité et la protection de l’environnement !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Ces amendements visent à supprimer l’article 14, qui complète les souplesses administratives prévues pour la construction de réacteurs électronucléaires, dont les petits réacteurs modulaires, par la loi Nouveau Nucléaire du 22 juin 2023.
L’adoption de ces amendements ne me paraît pas opportune.
D’une part, l’article 14 n’a peut-être pas fait l’objet d’une étude d’impact, mais il a profité d’un retour d’expérience dans le cadre du bilan annuel d’application des lois de notre commission pour l’année 2023-2024. L’ajustement ici proposé provient justement des acteurs de terrain. J’ajoute que la loi Nouveau Nucléaire, que l’article vient modifier, comportait une étude d’impact et avait fait l’objet d’un avis du Conseil d’État.
D’autre part, l’article 14 ne pose aucune difficulté sur le plan de la sécurité et de la sûreté nucléaires. Les dispositions proposées ne s’appliqueront pas directement, mais nécessiteront un décret.
Autre point : notre collègue Daniel Gremillet a déposé un texte dual, qui porte à la fois sur la programmation et sur la simplification énergétiques. Il est donc logique et souhaitable que ce texte pousse des mesures de simplification de ce type.
Enfin, l’article 14 répond aux besoins des acteurs économiques.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. L’article 14 élargit la possibilité d’installer des SMR sans tenir compte du critère d’implantation à l’intérieur ou à proximité des installations nucléaires de base existantes.
Sortir de l’emprise des sites nucléaires existants ne correspond pas à l’équilibre voté en 2023. Le Gouvernement rappelle, par ailleurs, que l’application de la procédure de droit commun pour les SMR est dans certains cas plus favorable que la procédure accélérée.
Un travail de fond a été engagé avec les porteurs de projet de SMR. Il permet d’identifier si ces modifications législatives ou réglementaires sont nécessaires. Il pourra produire ses fruits dans quelques mois. Je vous invite à avoir une position de prudence d’ici là.
La prolongation jusqu’en 2050 de l’application des mesures de simplification prévues par la loi d’accélération du programme nucléaire, ainsi que l’extension à cinquante ans de la durée maximale des concessions d’utilisation du domaine public maritime pour les projets de réacteurs liés à la résonance du nucléaire ne sont pas non plus nécessaires au développement de nouvelles installations.
Pour ces raisons, j’émets un avis de sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Je n’ai pas compris votre réponse, monsieur le rapporteur : vous nous expliquez qu’il existe des études d’impact et des retours de terrain pour des projets de SMR qui n’existent pas encore…
Il faut m’expliquer quel retour de terrain vous permet de dire que des SMR, qui n’existent pas, ont besoin d’une dérogation de cinquante ans, plutôt que de trente ans, quand une nouvelle loi vient à peine d’être adoptée !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 et 89.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 135 est présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 154 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 135.
M. Fabien Gay. Nous pensions qu’un équilibre avait été trouvé dans la loi Nouveau Nucléaire, qui prévoit que l’implantation de nouvelles installations nucléaires devra intervenir « à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante ».
Monsieur le rapporteur, j’ai également lu le rapport sur le développement des réacteurs nucléaires innovants en France publié par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) en décembre dernier. Je n’en fais pas la même analyse que vous.
Ce rapport invite à « adapter, de façon prudente, le cadre juridique du déploiement de l’énergie nucléaire [via les SMR] en définissant un cadre spécifique pour des dispositifs expérimentaux implantés sur les sites de recherche nucléaires actuels, dans le strict respect des règles de protection de la population et de l’environnement ».
Cette recommandation est quelque peu différente des dispositions du présent article. Nous proposons donc d’en rester aux mesures votées il y a un peu moins d’un an.
Cela ne nous empêche pas de nous interroger : la construction de ces nouveaux réacteurs, par exemple, relèvera-t-elle de la maîtrise d’ouvrage publique ou privée ?
Tant que nous n’avons pas réglé ces questions, nous proposons de ne pas élargir les conditions d’implantation des nouveaux réacteurs. Toute autorisation en dehors des sites existants ou de leurs environs poserait de nombreux problèmes, notamment si les sites retenus sont des zones industrielles ou densément peuplées.
Madame la ministre, je vous invite à retirer votre amendement identique au profit de celui que nous défendons. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 154.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Une fois n’est pas coutume, monsieur le sénateur Gay, nous sommes d’accord.
Sortir les nouveaux réacteurs de l’emprise des sites nucléaires existants ne correspond pas à l’équilibre politique trouvé lors de l’examen de la loi Nouveau Nucléaire, adoptée en 2023.
Les sites nucléarisés bénéficient déjà de structures de concertation, qui permettent la bonne information des populations au sujet des risques. Ils disposent en outre de bassins d’emplois appropriés pour le développement rapide de nouveaux projets.
Le Gouvernement est défavorable à l’extension du périmètre retenu dans la loi Nouveau Nucléaire pour l’implantation des SMR.
Je vous propose donc, monsieur Gay, de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement. (Nouveaux sourires.)
M. Fabien Gay. Priorité au premier ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
Le critère d’implantation géographique défini à la première phrase du présent II n’est pas applicable aux petits réacteurs modulaires
par les mots :
La définition du critère d’implantation géographique des petits réacteurs modulaires est conditionnée à l’élaboration d’une doctrine d’emploi de ces nouvelles technologies nucléaires
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Nous nous opposons également à la mesure de simplification qui vise à élargir les critères d’implantation de ces nouveaux réacteurs, sans tenir compte de leur proximité avec des installations nucléaires existantes.
Nous ne souhaitons pas modifier la loi Nouveau Nucléaire, qui vient d’être adoptée en juin dernier.
Au contraire, nous souhaitons que la construction et l’implantation géographique des SMR soient avant tout conditionnées à l’élaboration d’une doctrine d’emploi de ces nouvelles technologies nucléaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Chauvet, rapporteur. Ces amendements visent à limiter ou à supprimer la dérogation permise pour la construction de petits rédacteurs modulaires au regard du critère d’implantation au sein d’une installation existante, issu de la loi Nouveau Nucléaire du 22 juin 2023.
Les amendements identiques nos 135 et 154 visent à supprimer la dérogation proposée, tandis que l’amendement n° 50 tend à la conditionner à l’élaboration d’une doctrine d’emploi.
L’adoption de ces amendements ne me semble pas souhaitable, pour les mêmes raisons que celles que j’ai déjà indiquées.
Tout d’abord, l’alinéa 4 de l’article 14 a fait l’objet d’une étude d’impact. Par ailleurs, cet alinéa n’est pas d’application directe. En outre, il répond aux besoins des acteurs économiques.
De plus, la référence à une doctrine d’emploi proposée par les auteurs de l’amendement n° 50 est en réalité satisfaite.
Enfin, la proposition de loi de Daniel Gremillet est un texte dual, qui porte à la fois sur la programmation et sur la simplification.
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.
De manière plus générale, en réponse aux blocages que nous percevons au sujet des SMR, il faut aussi considérer l’intérêt qu’ils peuvent présenter tant pour l’aménagement du territoire, notamment dans les territoires oubliés, que pour l’optimisation du réseau.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 50 ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Monsieur Michau, vous déclinez la doctrine d’emploi des petits réacteurs modulaires que vous appelez de vos vœux à toutes les sauces.
En l’occurrence, vous souhaitez qu’elle conditionne la dérogation des SMR à la loi Nouveau Nucléaire. Conformément à son avis sur cette doctrine d’emploi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 50.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 135 et 154.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 159 rectifié bis, présenté par Mme Berthet, MM. Anglars et Belin, Mme Belrhiti, MM. E. Blanc, Bouchet, Burgoa, Chatillon et Favreau, Mme Josende, MM. Karoutchi et Khalifé, Mme Lassarade et MM. Lefèvre, Milon, Panunzi, Pellevat, Piednoir, Sol et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un petit réacteur modulaire est un réacteur nucléaire d’une puissance thermique inférieure à 900 mégawatts. » ;
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Certains des petits réacteurs modulaires actuellement développés fourniront de l’électricité, d’autres de la chaleur. Tous doivent bénéficier de dispositifs d’accélération afin de favoriser la décarbonation de l’industrie.
L’objet de mon amendement reprend la définition, selon le consensus international, des petits réacteurs modulaires comme des réacteurs d’une puissance inférieure à 300 mégawatts électriques, soit 900 mégawatts thermiques.
Le choix de retenir l’unité de la puissance thermique plutôt que celle de la puissance électrique correspond à la législation fiscale française applicable aux installations nucléaires de base.
Par ailleurs, la puissance thermique des réacteurs calogènes et électrogènes est toujours mesurée, tandis que la puissance électrique d’un réacteur calogène n’est pas connue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Chauvet, rapporteur. L’amendement vise à ce que les petits réacteurs nucléaires dont la puissance thermique est inférieure à 900 mégawatts puissent profiter de droit des souplesses administratives issues de la loi Nouveau Nucléaire.
L’adoption de cet amendement ne me semble pas souhaitable pour deux raisons.
D’une part, les critères techniques de définition des petits réacteurs modulaires peuvent être précisés par voie réglementaire plutôt que par la loi. Ainsi, selon un décret du 28 décembre 2023, les petits réacteurs modulaires dont la puissance thermique est supérieure à 30 mégawatts bénéficient d’un soutien public dans le cadre d’un appel d’offres ou d’une qualification de projet d’intérêt général, et donc des souplesses administratives issues de la loi Nouveau Nucléaire.
D’autre part, il n’y a pas lieu d’instituer une différence de traitement entre les réacteurs de troisième génération et les petits réacteurs modulaires.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Les termes « petit réacteur modulaire » désignent des technologies nucléaires en cours de maturation, qui diffèrent non seulement par la puissance des réacteurs, mais également par les usages visés ou par une production plus aisée en usine.
Il convient d’attendre que ces technologies soient mieux définies avant de leur donner, le cas échéant, une définition légale.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Berthet, l’amendement n° 159 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Martine Berthet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 159 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 90, présenté par Mme de Marco, M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette concession ne peut être délivrée que si l’installation projetée n’est pas située dans une zone inondable ou ayant subi des inondations ou des submersions marines, telles que définies à l’article L. 566-1 du code de l’environnement.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement vise à reprendre une disposition adoptée par le Sénat lors de l’examen de la loi Nouveau Nucléaire en janvier 2023, sur laquelle Daniel Gremillet, alors rapporteur, avait émis un avis favorable.
Il s’agit simplement de prendre en compte le risque d’inondation ou de submersion marine avant d’autoriser une nouvelle installation nucléaire dans le domaine public maritime.
Au cours du siècle à venir, la fréquence et l’intensité des catastrophes climatiques ne cesseront d’augmenter. Les inondations et submersions marines se multiplieront et le trait de côte reculera dans de nombreux territoires. Dans l’estuaire de la Gironde, il pourrait ainsi reculer de 479 mètres.
En mars 2023, lors d’une audition au Sénat, Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, a souligné que les conséquences du changement climatique affectaient déjà, à des degrés divers, mais croissants, les réacteurs du parc actuel.
Il est donc primordial pour notre sécurité collective de prendre en compte cette réalité. Nous ne pouvons déplacer les réacteurs existants, mais nous pouvons garantir la sécurité des futures installations.
Monsieur Gremillet, vous estimiez d’ailleurs en janvier 2023 que cet amendement s’inscrivait dans la continuité de nos travaux, afin d’accélérer de façon responsable la production d’électricité nucléaire.
Mes chers collègues, j’en appelle donc à votre bon sens et à votre cohérence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Chauvet, rapporteur. Les dispositions de cet amendement sont satisfaites. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
En effet, la réalisation d’une démonstration de sûreté est prévue tant pour la délivrance de l’autorisation de création d’un réacteur électronucléaire, ainsi que l’établit l’article L. 593-7 du code de l’environnement, que pour le réexamen décennal des installations prévu à l’article L. 593-18 du même code.
Les auteurs de cet amendement ne tiennent absolument pas compte des apports du Sénat dans le cadre de la loi Nouveau Nucléaire du 22 juin 2023. Notre collègue Daniel Gremillet avait ainsi obtenu que les conséquences du changement climatique soient explicitement prises en compte lors de la réalisation de ces démonstrations de sûreté.
Enfin, l’adoption de cet amendement serait contre-productive, car sa rédaction présente un danger : les dispositions afférentes à la sûreté nucléaire figurent en effet dans le code de l’environnement et non dans le code général de la propriété des personnes publiques.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote sur l’article.
M. Stéphane Piednoir. L’Opecst a conduit une audition sur le développement des réacteurs innovants, à laquelle Mme la ministre avait participé.
Le champ des recherches relatives aux SMR est en évolution et en ébullition constantes. France 2030 a donné sa chance à douze start-up, qui développent des SMR de deuxième, de troisième et de quatrième génération.
Par définition, on ne sait pas quels modèles seront pertinents à l’avenir : c’est le principe de la recherche ! Décider quels projets sont susceptibles ou non de fonctionner avant même de mener les recherches correspond sans doute à la doctrine de certains pays totalitaires, mais pas à celle de la France ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Par définition, nous donnons leur chance à des projets qui tâtonnent ou qui vont avorter, mais d’autres vont aboutir.
J’appelle votre attention sur le contrat signé par Google avec Kairos Power pour accompagner le développement de SMR destinés à l’approvisionnement énergétique du numérique, élément important de la future consommation d’électricité.
En outre, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) prédit une multiplication par deux ou par trois du parc nucléaire global d’ici à 2050. Il faut prendre du recul et arrêter de se regarder le nombril.
On ne peut pas décider à l’avance quels projets de petits réacteurs réussiront et permettront d’alimenter des industries aujourd’hui grandement émettrices de CO2, mais j’ai la conviction qu’ils aboutiront un jour.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote sur l’article.
M. Yannick Jadot. Arrêter de se regarder le nombril : quelle excellente idée !
Regardons alors les pays voisins de la France : Belgique, Pays-Bas, Grande-Bretagne…
M. Stéphane Piednoir. Ils construisent des EPR 2 !
M. Yannick Jadot. Nous verrons combien coûtera la construction des EPR d’Hinkley Point. Je suis surpris que vous ne soyez pas gênés que ce soit à EDF et aux contribuables français de payer ce fiasco !
En Allemagne, en Espagne, dans tous ces pays, des investissements massifs ont lieu dans l’éolien et le photovoltaïque, mais également dans d’autres sources d’énergies renouvelables. L’éolien et le photovoltaïque produiront au moins 50 % de l’électricité de ces pays d’ici à 2030. En effet, il faut arrêter de se regarder le nombril ! (M. Stéphane Piednoir proteste.)
Nous sommes des responsables politiques. La question n’est pas de savoir si nous avons les moyens de financer tous les projets de recherche, même les plus farfelus, au prétexte que leur probabilité de réussite est de une sur mille !
Faire des choix est de notre responsabilité : nous ne pouvons allouer des dizaines de milliards d’euros d’argent public uniquement pour satisfaire notre appétit de tester tous les projets imaginables.
Compte tenu de l’urgence, fléchons la recherche et les investissements publics, en lien avec les investissements privés, vers ce qui fonctionne aujourd’hui.
Je suis pour la recherche en général, je n’ai pas de problème avec la recherche…
M. Stéphane Piednoir. Sauf sur le nucléaire !
M. Yannick Jadot. Toutefois, comme nous devons décider de l’utilisation de l’argent public, je préfère choisir des solutions ayant déjà fait leurs preuves.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Jacques Michau. Pour ma part, je ne suis pas opposé aux projets de SMR. Toutefois, les technologies ne sont pas encore abouties et nous ne connaissons ni les propriétaires des futurs réacteurs, ni les maîtres d’ouvrage des chantiers, ni leurs lieux d’implantation. Nous devons donc déterminer un cadre afin que les chercheurs fassent leur travail sans que des structures privées impossibles à contrôler s’immiscent au cœur des projets.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article 15
La loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes est ainsi modifiée :
1° Après le III de l’article 7, sont insérés des III bis et III ter ainsi rédigés :
« III bis. – Au sens du présent titre, la réalisation du réacteur expérimental de fusion thermonucléaire, dénommé projet ITER, comprend l’ensemble des constructions, des aménagements, des équipements, des installations et des travaux liés à sa création ou à sa mise en service ainsi que ses ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité. La réalisation d’un réacteur électronucléaire comprend également les installations ou les aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de la réalisation de celui-ci.
« III ter. – Le I, le premier alinéa du II et le IV de l’article 9, l’article 12 et l’article 13 s’appliquent à la réalisation du projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire, dénommé projet ITER, autorisé sur le territoire de la commune de Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône). » ;
2° L’article 9 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa du I et au IV, après le mot : « électronucléaire », sont insérés les mots : « ou du réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER » ;
b) Le II est ainsi modifié :
– au premier alinéa, le mot : « mentionné » est remplacé par les mots : « ou du réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER mentionnés » ;
– le premier alinéa du A est complété par les mots : « et dans le cas de la réalisation d’un réacteur électronucléaire » ;
3° À l’article 12, après les mots : « d’État », sont insérés les mots : « ou du réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER » ;
4° L’article 13 est ainsi modifié :
a) Au I, après le mot : « électronucléaire », sont insérés les mots : « ou du réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER » ;
b) À la première phrase du II, après les mots : « tels réacteurs », sont insérés les mots : « , par l’exploitant du réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER ».
Mme la présidente. L’amendement n° 91, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Le présent article vise à autoriser des dérogations pour le réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter). Le nucléaire marche tellement bien qu’il a en permanence besoin de régimes dérogatoires !
Régimes dérogatoires pour les investissements : les membres de la commission d’enquête sénatoriale sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ont entendu Patrick Pouyanné affirmer que jamais son entreprise n’investirait le moindre euro dans le gouffre financier du nucléaire, mais l’État le finance !
Régimes dérogatoires également dès qu’il s’agit de réglementations, y compris au sujet de l’environnement.
Mes chers collègues, vous avez lu les rapports de la Cour des comptes concernant Iter. Ce projet pose d’importants problèmes techniques et constitue un gouffre financier. Sans répéter les propos de Mme de Marco, les dérogations à la loi littorale sont-elles pertinentes compte tenu de l’élévation du niveau de la mer, du risque de vagues-submersion et du recul du trait de côte ? Est-ce là qu’il faut installer des réacteurs nucléaires, dont le réacteur à fusion ?
Faisons en sorte que le nucléaire respecte, au moins un peu, la loi et l’environnement.