M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en écoutant il y a quelques instants l’analyse de la situation politique par le président du groupe socialiste, j’ai brusquement fait une sorte de cauchemar éveillé… (Exclamations amusées.)
M. Bernard Jomier. Au lit !
M. Mickaël Vallet. Un Valium !
M. Claude Malhuret. Je me tenais ici, à cette tribune, et en face de moi, à la place où vous vous trouvez, monsieur le Premier ministre, ce n’était pas vous : c’était Lucie Castets. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)
Mme Marie-Arlette Carlotti. Jaloux !
M. Claude Malhuret. À ses côtés se tenaient Sandrine Rousseau, ministre des finances et de la décroissance ; Sophia Chikirou, garde des sceaux ;…
Mme Laurence Rossignol. Que des femmes !
M. Claude Malhuret. … Aymeric Caron, ministre de l’écologie et des insectes (Nouveaux rires sur les mêmes travées.) ; Sébastien Delogu, ministre de la mémoire et des anciens combattants (Mêmes mouvements.) ; Louis Boyard, ministre du développement durable du cannabis (Mêmes mouvements.) et Jean-Luc Mélenchon, ministre des affaires étrangères et de l’amitié avec la Russie, le Hezbollah et l’Alliance bolivarienne ! (Rires et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Cécile Cukierman. La gauche a voté pour vos députés !
Mme Silvana Silvani. Il y a du niveau…
M. Claude Malhuret. Lorsque j’ai rouvert les yeux, je me suis aperçu que j’étais en train de tomber de mon siège.
Mme Cécile Cukierman. Vous comptez ne parler que de la gauche ?
M. Claude Malhuret. Les propos du président du groupe socialiste montrent que l’on ne peut aborder ce débat sans faire d’abord table rase de l’invraisemblable campagne qui est menée depuis des semaines par le Nouveau Front populaire pour convaincre les Français que l’élection leur a été volée,…
M. Jérôme Durain. Et la France ?
M. Claude Malhuret. … que votre gouvernement est illégitime et que vous êtes l’otage du Rassemblement national.
Cette campagne va se poursuivre, plus virulente que jamais, comme le prouve le discours de fureur et de haine que Mme Panot a prononcé hier à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)
Le soir des élections, le 7 juillet dernier, à vingt heures zéro une, à la télévision, tous les chefs de partis ont été priés de passer leur tour pour permettre à celui de LFI de prononcer cette phrase : « Nous sommes arrivés les premiers, nous devons former le Gouvernement. » L’échec huit jours plus tard du candidat du NFP à l’élection pour la présidence de l’Assemblée nationale a démontré de manière évidente que cette intox constitutionnelle était une imposture. Mais la vague médiatique et les ragots sociaux se sont transformés en tsunami et le mensonge s’est changé en vérité.
Il faut donc le répéter : l’élection n’a été volée à personne ! (Mme Cécile Cukierman proteste.) Et si elle a été volée, c’est aux électeurs de gauche par les dirigeants de l’extrême gauche, qui ont joué une invraisemblable partie de poker menteur avec leurs partenaires, comme l’ont rappelé samedi dernier à Bram Bernard Cazeneuve, Carole Delga et Raphaël Glucksmann (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.),…
Mme Cécile Cukierman. Occupez-vous de la droite et laissez-nous gérer la gauche !
M. Claude Malhuret. … qui ne semblent – c’est étrange ! – pas du tout d’accord avec l’analyse de notre ami Patrick Kanner. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Patrick Kanner. J’y étais à Bram !
M. Claude Malhuret. Vous pouvez donc confirmer ce que je dis ! (Rires.)
M. Patrick Kanner. Vous en avez oublié deux !
M. Claude Malhuret. Pendant les quinze jours qui ont suivi le 7 juillet, le mot d’ordre fut : « Macron doit nommer immédiatement un Premier ministre du NFP. » Question des journalistes : « Qui est votre candidat ? » Réponse : « On ne sait pas, on n’arrive pas à se mettre d’accord. »
Après deux semaines de bras de fer et de crises de nerfs, une inconnue tombe enfin du ciel : pendant vingt-quatre heures, Huguette Bello devient le nouveau dalaï-lama (Rires et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.), jusqu’à ce qu’on découvre qu’elle n’est pas woke, mais alors pas woke du tout : elle est anti-mariage pour tous et tout le tralala. (Mêmes mouvements.)
Mme Céline Brulin. Diffamation !
M. Claude Malhuret. Panique au NFP ; exit Huguette ! (Mêmes mouvements.)
Quelqu’un propose alors Laurence Tubiana, organisatrice de la COP21.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’avez rien à dire sur le Gouvernement ?
Mme Audrey Linkenheld. Ce n’est pas sympa pour Barnier…
M. Claude Malhuret. Horreur, on s’aperçoit que Macron l’a nommée à l’Unesco. Une macroniste Première ministre du NFP ? La « fisha » absolue… Exit Laurence !
Au bord du gouffre, alors qu’il n’allait plus rester que Ségolène Royal (Rires sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.), on finit par débusquer dans les combles de la mairie de Paris une sémillante fonctionnaire jamais élue nulle part et coanimatrice de l’incroyable dette de 10 milliards d’euros de la capitale. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Patrick Kanner. Parlez du Gouvernement, c’est mieux !
M. Claude Malhuret. Par miracle, cet Annapurna de la pensée politique, auprès de qui les Bertrand, Cazeneuve ou Barnier ne sont que des billes, accepte de faire bénéficier les Français de son inexpérience. (Rires sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.) Le NFP tient sa Première ministre. Du moins, c’est ce que croient les socialistes, les écolos et les communistes. Ce qu’ils n’ont pas compris – et l’on s’étonne d’une telle naïveté –, c’est que jamais Mélenchon n’a envisagé un Premier ministre de gauche.
M. Mickaël Vallet. Macron non plus !
M. Claude Malhuret. Jamais ! Au moment même où le nom de Lucie Castets est prononcé, une fatwa vient la faucher en quelques mots : « Le programme, rien que le programme, mais tout le programme ! »
Mme Céline Brulin. Et quel est le vôtre ?
Plusieurs voix à gauche. Et Michel Barnier ?
M. Claude Malhuret. En bon français, cela veut dire que Mme Castets disposerait de 193 voix à l’Assemblée, et pas une de plus ! Exit donc Lucie… (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
En un mot, si vous avez compris le NFP, c’est qu’on vous a mal expliqué ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On n’est pas au cirque !
Mme Audrey Linkenheld. Parlez-nous de la droite !
M. Claude Malhuret. La gauche responsable, celle qui est largement représentée dans cet hémicycle – du moins c’est ce que je pensais jusqu’à il y a quelques minutes –, fait une tentative désespérée en proposant le nom de Bernard Cazeneuve. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Laurence Rossignol. Commentateur de la vie politique !
Mme Céline Brulin. Quelle est la feuille de route d’Horizons ?
M. Claude Malhuret. Cette fois, Mélenchon n’a même pas besoin de lever le petit doigt, Faure le socialiste se charge lui-même du sale boulot en déclarant que nommer un Premier ministre socialiste serait une « anomalie ».
M. Patrick Kanner. Et Barnier, il est quoi ?
M. Claude Malhuret. Cazeneuve est des nôtres, il sera censuré comme les autres ! Exit Bernard !
Un jour, dans les manuels de sciences politiques, on expliquera dans un long chapitre comment, en 2024, la gauche s’est vendue pour un plat de lentilles à une secte gauchiste en pleine dérive islamiste et antisémite, dirigée par un ancien du lambertisme (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.), que les communistes eux-mêmes qualifiaient il y a quelques années encore d’hitléro-trotskisme ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Quant à l’extrême droite, qui prétend elle aussi qu’on a volé l’élection à ses 11 millions d’électeurs, elle oublie de dire que 20 millions d’autres ont décidé d’associer leurs voix au second tour pour lui faire barrage devant la radicalité de ses positions, un programme économique qui nous mènerait droit vers l’abîme et une flopée de candidats imprésentables, entre les casquettes nazies et les propos antisémites sur les réseaux asociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Elle n’est pas plus légitime à gouverner et elle le sait très bien. Elle attend son heure, et si cette heure vient un jour, elle aura été soigneusement préparée par la folie de l’extrême gauche et la capitulation du premier secrétaire du parti socialiste, l’homme-caoutchouc. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Vient enfin le dernier mensonge, monsieur le Premier ministre : vous seriez l’otage du Rassemblement national. L’extrême droite compte 142 députés. Ils ne peuvent faire tomber votre gouvernement qu’en bande organisée avec le NFP.
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. Claude Malhuret. J’attends avec impatience qu’ils expliquent cela à leurs électeurs, et surtout qu’ils expliquent comment ils comptent composer, pour vous succéder, un gouvernement lepéno-mélenchoniste. Mélenchon ne veut pas de Premier ministre de gauche et Le Pen sait que son parti est incapable pour l’heure de gouverner.
Ce n’est pas une assurance-vie, mais votre gouvernement est loin d’être condamné d’avance. (Mmes Céline Brulin et Silvana Silvani s’exclament.) Vous êtes légitime. Vous n’avez pas de majorité absolue, mais vous rassemblez tous ceux, de la droite républicaine au centre et à la gauche modérée, qui ont fait le choix de la responsabilité. Ils sont le camp de la raison que notre groupe Les Indépendants appelle de ses vœux depuis des mois. Et vous êtes, après deux ans d’Assemblée nationale transformée en zone à délirer, le Premier ministre de l’apaisement.
Quelles sont les priorités ? Mais il n’y a que des priorités : le budget, le déficit, la dette, la Nouvelle-Calédonie, le logement, l’agriculture, l’immigration, la transition écologique, sans oublier l’Ukraine, le Moyen-Orient et toutes les crises dans le monde que la France ne peut ignorer. Ces priorités étaient au cœur de votre discours et de ceux de tous mes collègues ; je n’y reviendrai pas à mon tour.
M. le président. Il faut conclure !
M. Claude Malhuret. Qu’il me soit seulement permis de dire que nous soutenons votre engagement dans cette démarche difficile et courageuse. Vous disposerez d’une large majorité au Sénat, qui tentera de compenser l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale et de combattre les tentatives des populistes pour saper notre démocratie.
Les Français sont fatigués de la révolution permanente ; ils sont fatigués de la ZAD qui s’est reconstituée hier à l’Assemblée nationale dès l’ouverture de la session ; ils sont fatigués des démagogues qui promettent la lune et sèment la ruine partout où ils sont au pouvoir. Votre programme, avec humilité et responsabilité, en est l’exact contraire. C’est une raison supplémentaire pour que nous le soutenions. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. Emmanuel Capus. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de changer de ton après ce numéro clownesque et de vous rappeler que nous sommes ici au Sénat. (Marques d’approbation sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Les mois qui se sont écoulés depuis la brutale décision prise par Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale ont été marqués par une violence institutionnelle, par une violence démocratique dont votre nomination à Matignon est, que vous l’acceptiez ou non, monsieur le Premier ministre, le symbole.
M. Yannick Jadot. Bravo !
Mme Cécile Cukierman. Faisons simple : les perdants des élections législatives ont fait fi du suffrage universel et se sont alliés pour préserver coûte que coûte la politique libérale dévastatrice que subit notre pays depuis sept ans. Seul le front républicain a permis à la Macronie d’éviter la déroute totale et à votre parti, monsieur le Premier ministre, de préserver, souvent grâce aux voix de gauche, quarante-sept députés, malgré son score de 5,4 % au premier tour.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
Mme Cécile Cukierman. Le 18 juillet dernier, celui qui est devenu votre ministre de l’intérieur affirmait dans cet hémicycle ne pas croire à « une grande coalition », qui serait selon lui « le mariage des contraires, la parousie du “en même temps” », avant de conclure que « c’est dans la clarté que nous devons travailler pour la France ».
Et pourtant, vous avez rejoint Emmanuel Macron en acceptant de vous asseoir sur le vote des électeurs et, pire encore, en vous plaçant de fait sous la surveillance du Rassemblement national. Par un tour de passe-passe institutionnel, le Président de la République a dissous l’Assemblée nationale et renversé le Sénat. Vous m’accorderez qu’il y a de quoi être quelque peu désenchanté par la vie politique.
Monsieur le Premier ministre, on ne joue pas avec la démocratie. Vous avez reçu le mandat de gouverner de la part d’Emmanuel Macron, c’est incontestable, mais vous ne l’avez pas reçu du peuple. De quelle majorité êtes-vous donc le chef ?
Hier, vous n’avez pas engagé votre responsabilité devant les députés. Mme Le Pen n’a donc pas eu à se prononcer sur votre programme. Elle s’est contentée de reporter la censure à plus tard, affichant un soudain esprit républicain.
Monsieur le Premier ministre, mon groupe conteste avec la plus grande force le choix d’Emmanuel Macron d’écarter le Nouveau Front populaire, c’est-à-dire la coalition qui est arrivée en tête au second tour des élections législatives du 7 juillet dernier. C’est non pas la gauche qui a refusé toute coalition, mais bel et bien le Président de la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Céline Brulin. Exactement !
Mme Cécile Cukierman. Nous connaissons tous le ciment de votre nouvelle alliance : le libéralisme, la défense acharnée du monde de l’argent et des intérêts privés contre l’intérêt général. Pourtant, le rejet qui s’est exprimé par trois fois dans les urnes puise sa source dans les dégâts occasionnés par les politiques libérales, lesquelles s’attaquent aux fondements sociaux de notre République.
Le bilan d’Emmanuel Macron est terrible. Ce bilan terrible, ce sont les 1 000 milliards d’euros supplémentaires de dette accumulés depuis 2017.
Ce bilan terrible, c’est la casse du service public, du secteur de la santé, de l’éducation, pour satisfaire au dogme de la réduction de la dépense publique. L’échec est également total en matière de logement.
Ce bilan terrible, c’est un déficit public qui risque de dépasser les 6 % du PIB, la progression de la pauvreté, la précarisation de l’emploi et le recul flagrant du pouvoir d’achat.
Ce bilan terrible, ce sont ces zones de non-droits sociaux, ces campagnes et ces quartiers délaissés, dévastés par la désindustrialisation. Ce sont ces zones rurales, où les habitants assistent, impuissants, à une perte de sens et s’effraient des lendemains incertains.
Ce bilan terrible, ce sont ces agriculteurs éreintés par leur travail pour faire face à la mondialisation. Monsieur le Premier ministre, inscrirez-vous à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale le texte qui mettra un terme à l’accord économique et commercial global (Ceta) ?
Alors que le peuple aspire à plus de justice sociale et de justice fiscale, à une sécurisation globale de l’existence, la ficelle est bien connue pour le détourner du combat pour le progrès : le diviser ; jeter en pâture des boucs émissaires ; agiter les peurs. Ainsi, depuis votre nomination, pas une journée, pas une heure ne passe sans une saillie contre l’immigration.
Oui, je le dis ici : il faut assurer la sécurité de la population. À cet effet, qu’attendez-vous pour relancer la police de proximité ? De même, il convient de créer les conditions d’accueil propices à une bonne et nécessaire intégration des étrangers. Mais nous savons tous que celle-ci ne pourra pas advenir sans une harmonisation globale de notre société, fondée sur plus de justice et sur une meilleure redistribution des richesses.
C’est parce qu’ils aspirent à une autre politique que 80 % des Français souhaitent taxer les riches. Mon groupe défend donc une autre voie, crédible et sincère, pour une France progressiste. Elle consiste à toujours faire prévaloir l’intérêt général. Cela suppose, pour commencer, de reconstruire les services publics.
L’État doit assumer ses responsabilités et cesser de se défausser sur les collectivités territoriales. L’hémorragie financière doit être stoppée. Alors que les collectivités assument leurs dettes et soutiennent l’investissement, les propos honteux de MM. Le Maire et Cazenave, qui leur font porter la responsabilité de l’accroissement de la dette nationale, doivent être condamnés !
Nous soutiendrons les réformes, qu’elles concernent le ZAN, le maintien de la compétence eau et assainissement aux communes ou encore la mise en place d’un statut de l’élu, mais elles ne suffiront pas à redonner un sens à l’engagement des élus locaux, notamment à l’échelle de la commune, qui est la cellule de base de notre République.
Mme Silvana Silvani. Bravo !
Mme Cécile Cukierman. Les ressources financières nécessaires pour faire redémarrer la France doivent être trouvées grâce à une nouvelle fiscalité et à une relance du pouvoir d’achat. Nous ne sommes pas dupes, monsieur le Premier ministre : derrière une taxation a minima des entreprises et des plus riches, vous préparez une punition collective par des coupes budgétaires massives, faute de recettes suffisantes !
L’urgence économique et sociale exige que l’on en finisse avec la confiscation des richesses par l’optimisation fiscale, l’évasion fiscale et un droit des successions source de privilèges insensés.
Nous sommes de ceux qui veulent répondre à l’urgence sociale, abroger la réforme des retraites, bloquer les prix des produits de première nécessité et augmenter les salaires. Votre fausse annonce sur le Smic n’est pas à la hauteur des attentes.
L’urgence sociale impose aussi bien évidemment de répondre à la situation explosive dans nos outre-mer. Le dialogue et le respect doivent être de retour en Nouvelle-Calédonie-Kanaky.
Vous avez enfin décidé de renoncer à convoquer le congrès pour lui soumettre le projet de dégel électoral. Tant de morts, tant de destructions auraient pu être évités si Emmanuel Macron avait écouté au printemps la voix de la raison ! Je vous alerte, monsieur le Premier ministre, sur le danger que constituerait tout report hâtif des élections sans consultation de l’ensemble des acteurs politiques locaux.
Avant de conclure, comment ne pas évoquer notre angoisse et celle de tous face à la guerre et à la violence dans le monde ?
Si l’agresseur russe doit être repoussé, il faut trouver le chemin de la paix en Ukraine, où les morts s’accumulent dans une folle spirale.
À quelques jours du terrible anniversaire des attentats terroristes du 7 octobre, comment ne pas espérer le retour de la paix sur ces terres du Proche-Orient, qui ont, cette nuit encore, été maculées de sang ?
La violence de l’action de Benyamin Netanyahou et de son gouvernement est insupportable. Des dizaines de milliers de morts à Gaza, un Liban agressé sans relâche et des attaques iraniennes en réaction : voilà qui laisse augurer un avenir bien sombre dans cette région du monde.
La France doit agir pour que la paix et la sécurité au Proche-Orient soient assurées pour tous les peuples. Elle doit retrouver sa place essentielle et se faire entendre dans le concert des nations.
Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté, hier et aujourd’hui. Votre programme est celui d’un ancien monde, celui, sans surprise, de M. Macron et de ses amis les riches.
Une chose est certaine : nous mettrons, avec mon groupe, toute notre énergie à faire triompher les aspirations profondes de notre peuple au bonheur et à la paix ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, vous avez insisté pour placer le respect au cœur de votre méthode. Nous souscrivons à votre point de vue et considérons qu’il aurait en premier lieu fallu respecter le choix des urnes, lequel aurait dû vous conduire à refuser le poste de Premier ministre. (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Votre présence devant nous cet après-midi est une anomalie, pour ne pas dire un affront démocratique. (Protestations sur les mêmes travées.)
Dans une démocratie parlementaire digne de ce nom, Emmanuel Macron aurait dû confier la charge de réussir ou d’échouer à former un gouvernement au Nouveau Front populaire, formation arrivée en tête du scrutin législatif – n’en déplaise à l’affligeant M. Malhuret ! (Mêmes mouvements.) Au lieu de cela, le prince-président, s’appropriant un principe christique cher au ministre de l’intérieur, a fait des derniers les premiers en confiant cette tâche aux Républicains, qui n’ont obtenu que 5,4 % des voix…
M. Guillaume Chevrollier. Il a de l’humour !
M. Guillaume Gontard. Confier cette responsabilité à un homme et à une formation politique ayant refusé d’appeler au front républicain est une insulte pour le peuple souverain, qui a fait le choix indiscutable de faire barrage à l’extrême droite – un choix sans appel exprimé lors d’un scrutin marqué par un taux de participation historique.
Ce front républicain a permis au parti présidentiel d’éviter la débâcle : l’ignorer et se maintenir au pouvoir constitue un déni de démocratie sans précédent. Plus que jamais, la proportionnelle s’impose. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.) Vous avez défini une méthode. Nous sommes volontaires, et nous mettons sur la table la proposition de loi de Mélanie Vogel visant à instaurer la proportionnelle aux élections législatives.
Pis, former un gouvernement qui n’existe que grâce à la bienveillance du Rassemblement national est un nouveau coup de canif porté à notre pacte républicain. Monsieur le Premier ministre, vous témoignez votre respect à l’héritière d’un parti d’anciens Waffen-SS, dont le fondateur chantait des chants nazis le week-end dernier à Montretout au lieu de se présenter devant la justice…
Vos actes confirment vos mots, comme en témoigne la nomination de Bruno Retailleau au ministère de l’intérieur, dont le compagnonnage d’extrême droite aux côtés de Philippe de Villiers n’est un secret pour personne. Or, si l’on peut reconnaître une qualité à M. Retailleau, c’est celle de ne jamais « se renier », comme il le dit lui-même. Ainsi, singeant le chancelier Palpatine proclamant l’empire sur les ruines de la république galactique, il plastronne en répétant que sa seule mission est « de rétablir l’ordre » !
M. Olivier Paccaud. Ce n’est pas si mal que ça !
M. Guillaume Gontard. Avant votre déclaration de politique générale, vous le laissez exprimer sans tabou le fond de sa pensée – qui n’est pas franchement républicaine. Quelques morceaux choisis : « On ne doit protéger les libertés individuelles que si elles ne menacent pas la protection des citoyens », « La source de l’État de droit […] c’est le peuple souverain », ou encore : « L’immigration n’est pas une chance ».
Auparavant, il s’était déjà distingué en glorifiant notre passé colonial ou par différentes sorties racistes, comme celle sur les « Français de papier ». L’objectif est atteint : votre ministre de l’intérieur est adoubé par l’extrême droite (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui ne lui reproche que son entrisme au sein de la droite dite républicaine ces quinze dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.) Vous échapperez ainsi à la censure immédiate.
Mais demeureront ses propos scandaleux sur l’État de droit, par lesquels il ruine les efforts des bâtisseurs de la République d’après-guerre (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), qui ont mis en place tous les garde-fous nécessaires pour éviter l’effondrement de la démocratie sur elle-même, tel que celui qu’a connu l’Allemagne en 1933. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
Face aux velléités réactionnaires de votre encombrant ministre, vous vous sentez obligé, monsieur le Premier ministre, de nous rassurer sur le fait que vous ne reviendrez pas sur la loi Veil, sur le mariage pour tous ou sur la PMA pour toutes, ce qui ne fait que nous inquiéter davantage.
M. Alain Milon. C’est caricatural !
M. Guillaume Gontard. Alors, monsieur le Premier ministre, pourquoi ce pacte faustien avec les admirateurs de la Hongrie d’Orban, qui rêvent de défaire l’Europe humaniste si chère pourtant à vos yeux comme aux nôtres ?
M. Jean-François Husson. C’est sûr que Mélenchon, c’est mieux !
M. Guillaume Gontard. Comme dans un passé pas si lointain, la réponse est tragiquement évidente : pour préserver les intérêts des classes dominantes et faire perdurer les cadeaux fiscaux des sept dernières années, qui ont permis aux cinq cents plus grandes fortunes du pays de doubler leur patrimoine, au détriment, bien entendu, d’une vie meilleure pour tous.
Nous vous reconnaissons cependant un peu moins de dogmatisme que vos prédécesseurs puisque l’état calamiteux de nos finances publiques vous oblige à mettre temporairement à contribution les plus aisés. Mais vous prévoyez surtout 20 milliards d’euros de baisse de la dépense publique en 2025 et 60 milliards d’euros en quatre ans. Naturellement, vous n’évoquez aucune piste concrète pour dégager de telles sommes.
Seule proposition : la réforme de l’État. Mais c’est un marronnier ! Ubu n’a jamais gouverné la France. Aucune de nos dépenses publiques n’est une aberrante gabegie. J’en veux pour preuve la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la modernisation de l’action publique, qui n’ont permis en une décennie de réaliser qu’une quinzaine de milliards d’euros d’économies. La sobriété administrative ne peut pas suffire et le rabot généralisé, contrairement à ce que vous dites dans vos beaux discours, viendra taillader nos services publics, nos politiques sociales et écologiques, et, finalement, la vie des gens.
Votre discours écologique, je l’avoue, est mieux écrit que celui de vos quatre prédécesseurs, mais il sonne faux. Vous voulez démagogiquement revenir sur le ZAN et limiter l’installation d’éoliennes. Les lettres plafonds budgétaires sont affolantes : elles prévoient 1,7 milliard d’euros en moins pour la rénovation thermique, 1,5 milliard d’euros en moins pour le fonds vert, un demi-milliard en moins pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et 25 % en moins pour la biodiversité, qui n’a même plus de secrétariat d’État – de même, d’ailleurs, que la politique de la ville, mais on a bien compris que, dans les quartiers populaires, le seul enjeu est de « rétablir l’ordre ». (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)
Monsieur le Premier ministre, la trajectoire que vous ambitionnez pour nos finances publiques est incompatible avec l’économie de guerre dans laquelle notre nation est engagée pour soutenir l’Ukraine et celle qui s’impose pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique et investir dans l’avenir de notre pays.
Votre déclaration d’amour aux collectivités locales, à qui vous promettez des trésors de concertation pour négocier la pénurie, sonne tout aussi faux. Vous êtes tellement à court de solutions pour nos services publics que vous nous proposez, de manière totalement incongrue, de rappeler médecins et enseignants à la retraite. Ce n’est pas sérieux ! Nos collectivités ont besoin de moyens bien plus que de votre respect. Les maisons France Services, qui font votre admiration depuis que vous les avez découvertes en Savoie, sont financées à 80 % par nos collectivités.