Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à permettre la prise en compte par les acheteurs publics des labels RSE mis en œuvre par les fédérations professionnelles. Ces dernières années, celles-ci ont mobilisé de nombreux moyens pour encourager le développement de labels sectoriels.
Les entreprises adhérentes se sont également impliquées de façon prononcée en faveur de l’effort relatif à la RSE. Elles craignent en effet que la loi relative à l’industrie verte ne tende à compromettre ces efforts, en faisant porter l’objet de la commande publique sur le marché et en excluant tout critère relatif aux entreprises soumissionnaires.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, pour présenter l’amendement n° 178 rectifié.
Mme Patricia Demas. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Comme je l’ai indiqué devant la commission spéciale, ces amendements nous semblent satisfaits, dans la mesure où l’article 53 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement précise déjà que l’État « soutiendra de la façon la plus appropriée […] les petites et moyennes entreprises qui s’engageront dans la voie de la certification environnementale ».
Cela peut inclure un travail gouvernemental à l’échelon européen. Il me semble d’ailleurs que Mme la ministre a évoqué tout à l’heure l’engagement européen de la France, afin de mieux prendre en compte les labels RSE au sein de la commande publique.
Dès lors, dans un esprit d’intelligibilité et de concision de la loi, un tel ajout semble inutilement alourdir le texte.
Par ailleurs, ces dernières années, de nombreuses avancées en matière de verdissement de la commande publique ont été mises en œuvre, ce qui montre bien la volonté de l’État et du législateur d’avancer vers une meilleure prise en compte de la démarche environnementale des entreprises.
Ajouter un article additionnel comportant une injonction à agir pour le Gouvernement serait peu opérationnel, d’autant que, je le répète, cette mesure est déjà en partie satisfaite.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement n° 47 rectifié bis, ainsi que sur les amendements identiques nos 57 rectifié et 178 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je vous l’accorde, mon propos manque un peu de précision, mais j’essaierai d’obtenir des informations plus complètes d’ici à demain. Comme je l’indiquais lors de l’examen de l’article 4, il est prévu durant cette mandature de revoir la directive sur la commande publique à l’échelon européen.
Ainsi que Mme le rapporteur l’a rappelé, la référence aux labels RSE est déjà clairement autorisée dans la définition des besoins si elle est liée à l’objet du marché et si les autres labels présentant des garanties équivalentes sont admis.
En revanche, outre que les dispositions proposées ne sont pas toutes d’ordre normatif, une telle modification du droit européen, qui viserait à prendre en compte la politique générale des entreprises dans l’attribution des marchés publics n’est pas envisageable aujourd’hui, dès lors qu’elle n’aurait pas de lien avéré avec l’objet du marché. Elle serait alors contraire au principe de non-discrimination issu des traités.
Pour cette raison, le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Un important travail a été réalisé sous l’égide de la plateforme RSE de France Stratégie, en particulier entre 2018 et 2021. Un certain nombre d’organisations professionnelles sont désormais engagées sur ce sujet, même si, il faut le reconnaître, le niveau de maturité des fédérations d’entreprises diffère selon les branches d’activité.
Toujours est-il que ce travail, qui a mobilisé plusieurs dizaines de branches, a livré des enseignements extrêmement intéressants.
Madame la ministre, les avis au sujet de la prise en compte de la politique générale des entreprises dans l’attribution des marchés publics sont en effet divergents. Certains juristes expérimentés défendent l’idée d’une réforme à la marge du code des marchés publics, quand d’autres estiment qu’il faut engager une révision de la directive du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.
Le cadre n’est donc pas définitivement stabilisé. En tout état de cause, nous devons soutenir les organisations professionnelles qui s’engagent à respecter ces labels, notamment dans les secteurs du bâtiment, des carrières et des matériaux, en fonction de leur degré de maturité. Les entreprises le demandent clairement, il faut pouvoir valoriser ces actions, pour soutenir efficacement les acteurs économiques des territoires.
Nous voterons donc en faveur de ces amendements, dont les dispositions permettent, dans l’attente d’une évolution du cadre européen, d’avancer concrètement pour reconnaître l’engagement de ces acteurs économiques. Ceux-ci doivent être avantagés dans le cadre de la passation des marchés publics.
M. le président. Madame Aeschlimann, l’amendement n° 57 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Do Aeschlimann. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 57 rectifié est retiré.
Madame Demas, l’amendement n° 178 rectifié est-il maintenu ?
Mme Patricia Demas. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 178 rectifié est retiré.
L’amendement n° 553, présenté par M. M. Weber, Mme Linkenheld, MM. Mérillou et Chaillou, Mme Conconne, MM. Fagnen, Ros, Kanner, Redon-Sarrazy et Bouad, Mme Canalès, MM. Darras, Jacquin, Pla et Uzenat, Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l’article 58 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, les mots : « les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements » sont remplacés par les mots : « les entités adjudicatrices soumises au code de la commande publique ».
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Les dispositions de cet amendement sont issues du rapport parlementaire de la mission d’information sur l’évaluation de l’impact de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour une économie circulaire, dite loi Agec, ainsi que du rapport d’évaluation adressé au Parlement par le commissariat général au développement durable relatif à l’article 58 de cette même loi.
Il s’agit d’étendre à tous les acheteurs soumis au code de la commande publique les obligations d’achats issues du réemploi, du don, du recyclage et de la réutilisation.
Aujourd’hui, seuls les acheteurs de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements intercommunaux sont concernés par ces obligations, pour environ 46 % du montant total des marchés publics notifiés en 2021, soit un peu moins de 60 milliards d’euros.
Les autres acheteurs soumis au code de la commande publique, notamment les établissements publics, pourraient également devoir respecter cette obligation, afin de susciter un puissant levier de transformation de l’offre économique et d’aider à structurer l’offre économique circulaire. Cette préoccupation, me semble-t-il, est très largement partagée sur ces travées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. En effet, l’évaluation du dispositif adressée par le commissariat général au développement durable au Parlement en 2022 a permis de constater que cette nouvelle obligation a incité de nombreux acheteurs à investir le champ de l’achat durable, contribuant ainsi à leur montée en compétences dans ce domaine.
L’évaluation avance également plusieurs pistes d’évolution du dispositif, comme l’élargissement des obligations à d’autres acheteurs publics, la simplification des aspects techniques du décret d’application et le renforcement de l’accompagnement des acheteurs, afin de favoriser leur appropriation du dispositif.
Néanmoins, un tel élargissement pourrait supposer une évaluation plus complète. Il semble être un peu tôt pour tirer un bilan concret de cette nouvelle obligation.
De plus, la rédaction de l’amendement présente un défaut, me semble-t-il : les seules entités adjudicatrices sont soumises à son dispositif, alors qu’il est précisé dans l’objet de l’amendement que celui-ci vise à soumettre l’ensemble des acheteurs publics à l’obligation. Autrement dit, en l’état, le présent amendement ne vise pas à inclure tous les acteurs publics, contrairement à ce qui est inscrit dans son objet.
Une telle évolution du dispositif pourrait utilement s’appuyer sur des travaux préparatoires à plus long terme. Si je partage la volonté affichée par les auteurs de l’amendement, je vais donc, en raison de ce défaut de rédaction, m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vos préoccupations me semblent assez éloignées du cœur du texte.
L’État et les collectivités territoriales sont déjà soumis aux dispositions de la loi Agec, pour un montant de 58 milliards d’euros par an. Je pense que l’élargissement de cette mesure à d’autres organismes ne relève pas du cœur du projet de loi, qui est la simplification de la vie des entreprises.
Comme je suis en désaccord sur le choix du véhicule législatif choisi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 298, présenté par MM. Barros, Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour les marchés dont les montants n’excèdent pas les seuils mentionnés à l’article 4 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, les acheteurs publics peuvent, lorsqu’ils se fondent sur une pluralité de critères pour l’attribution d’un marché, prendre en compte la proximité des soumissionnaires du lieu d’exécution du marché et leurs engagements à cet égard dans l’évaluation de leur offre.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Il nous paraît fondamental d’intégrer un critère de proximité dans la commande publique, afin de véritablement favoriser nos PME-TPE et nos producteurs locaux dans le cadre des projets d’alimentation territoriaux.
Si cette disposition est contraire au droit européen, voire au droit constitutionnel, il est contradictoire de vouloir redynamiser nos territoires et préserver l’emploi comme le tissu économique local tout en donnant systématiquement la prévalence aux règles de concurrence.
Bien sûr, on peut avancer quelques exceptions, comme celles qui concernent la nécessité d’assurer une intervention rapide, de connaître l’environnement économique local ou encore de promouvoir des modes de production respectueux de l’environnement ou issus du commerce équitable, auxquelles on peut ajouter des astuces comme la « clause Molière ». In fine, il s’agit toujours de soutenir le tissu des PME locales. Mais nous sommes alors confrontés à une inutile complexité du droit.
Nous regrettons l’absence de mécanismes comparables au Small Business Act existant aux États-Unis, qui oblige l’administration à réserver une part de ses marchés publics aux PME, voire aux PME locales. En effet, il ne suffit pas de faciliter l’accès des PME à la commande publique : selon nous, il faut leur réserver une place dans cette commande.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ma chère collègue, nous ne pouvons que partager votre souhait de favoriser les entreprises locales.
Les collectivités souhaitent faire travailler les entrepreneurs locaux, c’est évident. Toutefois, comme vous l’avez vous-même indiqué, l’inclusion de critères de proximité est contraire à la directive européenne sur la passation des marchés publics. Même en demeurant en deçà des seuils fixés par l’Union européenne, il s’agirait là d’une discrimination entre les candidats.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir commencé la défense de votre amendement en reconnaissant qu’il était contraire au droit européen.
En la matière, il n’est peut-être pas impossible d’imaginer faire évoluer le droit européen… Je précise toutefois, car nous avons beaucoup discuté du plan national pour des achats durables (Pnad), qu’il est déjà possible de moduler la rédaction des cahiers des charges en fonction des spécificités locales.
Au sein des critères de choix, qu’il s’agisse des produits, de la performance des offres en matière de protection de l’environnement ou des circuits courts, des voies et moyens peuvent être utilisés pour parvenir à ces fins, sans contrevenir au droit.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance.
Nous avons examiné 36 amendements au cours de la journée ; il en reste 362 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 4 juin 2024 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de simplification de la vie économique (procédure accélérée ; texte de la commission n° 635, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 4 juin 2024, à zéro heure trente.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER