M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
Article 2
M. Louis Vogel. Au-delà des deux amendements déposés par le Gouvernement qui complètent les travaux de la commission mixte paritaire, je souhaite saluer cette proposition de loi et remercier toutes les parties prenantes pour la rapidité du travail qu’elles ont effectué.
Je remercie ainsi l’auteur et rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Alexandre Holroyd, les membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale, les membres des commissions des finances et des lois du Sénat, notamment Albéric de Montgolfier, rapporteur sur le fond.
En ce qui concerne les articles sur lesquels la commission des lois a bénéficié d’une délégation pour avis, la plupart des apports que nous avons proposés ont été adoptés par la commission mixte paritaire, ce dont je me réjouis.
À l’article 1er, nous avons renforcé certaines garanties pour les actionnaires, en complétant le champ des catégories de résolution pour lesquelles les droits de vote multiples ne s’appliqueront pas.
À l’article 10, nous avons renforcé l’opérationnalité des dispositifs de consultation dématérialisée des organes sociaux, tout en veillant à la sécurité juridique des décisions prises.
Le travail réalisé en parfaite intelligence avec l’Assemblée nationale a également permis d’aboutir à une rédaction satisfaisante. En particulier, Alexandre Holroyd m’a convaincu qu’il ne fallait pas prévoir de plafond aux ratios de droits de vote associés aux actions de préférence sur les marchés réglementés à l’article 1er. Il m’a aussi convaincu à propos de l’article 10, la préservation d’un droit pour tout membre du conseil d’administration de s’opposer à une procédure de consultation écrite, comme l’avait souhaité l’Assemblée nationale, paraissant constituer une garantie raisonnable dès lors que le dispositif, comme l’avait souhaité le Sénat, peut être appliqué dans l’ensemble des sociétés anonymes et n’est pas réservé à celles où la présidence du conseil d’administration et la direction générale sont assurées par des personnes différentes.
Ainsi que Mme la ministre l’a indiqué, cette proposition de loi doit nous permettre d’attirer de nouvelles entreprises, mais aussi, et surtout, d’empêcher le départ de certaines entreprises françaises vers des places pratiquant un droit beaucoup plus « agressif » que le nôtre.
Nous avons réussi à rendre notre droit plus attractif tout en maintenant un équilibre des droits des petits actionnaires par rapport aux investisseurs. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
– à la seconde phrase, les mots : « mentionnés au b du V ci-dessus » sont remplacés par les mots : « relevant des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de la sous-section 3 de la présente section ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Il s’agit d’un amendement de coordination rédactionnelle, mais j’ai à cœur de détailler son contenu.
À la suite de l’adoption de l’amendement n° 14 rectifié bis sur l’article 2, qui visait la suppression du b du troisième alinéa du V de l’article L. 214–164 du code monétaire et financier, la commission mixte paritaire a procédé à la suppression d’un renvoi à cet alinéa à la dernière phrase du 1° du VII de l’article L. 214–164.
Après discussion avec l’Autorité des marchés financiers (AMF), il s’avère que cette suppression technique soulève une insécurité juridique, puisqu’elle pourrait donner l’impression que les fonds communs de placement d’entreprise, s’ils sont souscrits via un plan d’épargne retraite (PER), ne pourraient plus investir qu’à hauteur de 10 % dans un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ou un fonds d’investissement alternatif (FIA) non ETF – Exchange Traded Fund –, contrairement aux pratiques de place actuelles.
C’est pourquoi nous vous proposons de corriger cette erreur légistique pour éviter tout risque juridique quant à l’application du droit commun pour les OPCVM. L’Autorité des marchés financiers est alignée sur cette nécessaire correction technique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, au nom de la commission mixte paritaire. La commission des finances ne s’est pas réunie et n’a pas pu se prononcer sur cet amendement non plus que sur le suivant. À titre personnel, toutefois, j’émets, sur l’un comme sur l’autre, un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 39
Remplacer les mots :
douzième ligne
par les mots :
treizième ligne
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Cet amendement rédactionnel vise à indiquer la bonne ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 742–8 et L. 743–8 de la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2, sur lequel la commission a émis un avis favorable.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.
Cette proposition de loi, soutenue par le Gouvernement puisqu’elle lui permet de s’extraire de l’obligation de publier une étude d’impact – c’est important de le préciser –, est présentée comme un outil indispensable pour renforcer la place financière de Paris et faciliter le financement des entreprises françaises.
Derrière ce discours lénifiant se cache une vision jusqu’au-boutiste de la financiarisation de l’économie, qui nous a envoyés plusieurs fois dans le mur, mais que certains continuent de vénérer comme un totem.
La proposition de loi comporte plusieurs mesures contestables, dont la plus symbolique est sans doute l’autorisation des actions à droits de vote multiples. Cette mesure, censée faciliter la levée de capitaux, risque en réalité de concentrer le pouvoir entre les mains d’une poignée d’actionnaires, fragilisant ainsi la gouvernance des entreprises et marginalisant les actionnaires minoritaires.
Mettre fin au principe « un homme, une voix » sans étude d’impact nous paraît dangereux, mais la course à la concurrence entre places financières justifie tout.
D’autres mesures, comme l’assouplissement des règles d’augmentation de capital et la dématérialisation des titres transférables, visent à accélérer les mouvements de capitaux et à fluidifier les marchés financiers. Or cette obsession de la vitesse et de la performance financière ne tient aucun compte des enjeux sociaux et environnementaux qui devraient pourtant désormais guider notre politique économique.
La commission mixte paritaire n’a rien changé à cette équation. La seule modification notable du texte porte sur le plafonnement des indemnités de licenciement des traders et de leurs responsables directs. Ce plafonnement s’applique désormais à la rémunération prise en compte pour le calcul des indemnités et non plus aux indemnités elles-mêmes. Autant dire que ce n’est pas un changement d’ampleur par rapport à la philosophie du texte.
C’est en effet sa philosophie même qui nous pose problème. La proposition de loi reste aveugle face aux défis majeurs auxquels notre société est confrontée. La transition écologique, qui doit impérativement se concrétiser dans les choix d’investissement des entreprises, est totalement absente du texte. De même, les questions de justice sociale et de répartition des richesses, qui sont au cœur des préoccupations des citoyens, ne sont pas abordées.
Derrière cette proposition de loi se dessine une vision sans limites de l’économie, où les entreprises ne sont que des instruments financiers à la merci des fluctuations des marchés. Les travailleurs, réduits à de simples ressources humaines, sont oubliés de l’équation, tout comme les limites planétaires.
Le Gouvernement, obsédé par l’attractivité de la place financière de Paris, semble prêt à tout sacrifier sur l’autel de la financiarisation à outrance. Je précise, comme je l’avais rappelé lors de l’examen du texte en première lecture, que la liquidité des marchés et la disponibilité des capitaux figurent en queue de classement du baromètre d’Ernst & Young sur les critères d’attractivité de la France. La qualité de la main-d’œuvre, des infrastructures et la stabilité de l’environnement juridique et réglementaire sont des éléments bien plus prépondérants dans le choix des investisseurs étrangers. Mais de cela, il ne sera pas question aujourd’hui.
Nous devons faire un choix de société. Voulons-nous une économie au service des hommes et de la planète, ou une économie soumise aux marchés financiers ? Le choix a été fait.
C’est pourquoi, comme en première lecture, mon groupe votera contre cette proposition de loi, qui ne répond ni aux besoins des entreprises françaises ni aux aspirations des citoyens, mais qui poursuit la course à la financiarisation du monde. Nous devons exiger une politique économique qui prenne en compte les enjeux sociaux et environnementaux de notre époque. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rappelons deux faits : Paris est devenu la première place financière de l’Union européenne ; et la France, singulièrement les métropoles, est plus attractive pour les investissements étrangers. Cela rassure…
M. Pascal Savoldelli. Toutefois, l’examen de cette proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France est rattrapé par l’actualité : l’agence ultralibérale Standard & Poors, en service commandé, vient de dégrader la note de la dette de la France.
Nous assistons à un jeu de dupes, qui permettra au Gouvernement de justifier les prochains rationnements des services publics. (Mme la ministre déléguée le conteste.) Pas une seule fois le lien n’a été fait entre les niveaux records de déficit et les baisses d’impôt de 60 milliards d’euros, et il faudrait aller encore plus loin dans la dérégulation et la déréglementation ?
Une action ne vaudrait plus une ou deux voix, mais bien vingt-cinq. Cela revient à soumettre un peu plus l’économie réelle au pouvoir de la finance.
Dans un monde en mutation accélérée, cette proposition de loi va-t-elle renforcer la démocratie dans l’entreprise, déjà fortement entravée par la financiarisation de l’économie ?
La réponse est non : toutes nos propositions en ce sens ont été balayées.
Permettre aux travailleuses et aux travailleurs par le biais de leur comité social et économique de s’opposer à une introduction boursière ou à une ouverture du capital ? Pas retenu !
Réserver l’octroi des actions à droits de vote multiples aux fondateurs et aux salariés ? Pas retenu !
L’obligation de proposer aux salariés au moins la moitié des actions de préférence lors d’une ouverture de capital ? Pas retenu non plus !
Faut-il encore rappeler qu’il n’y a pas d’entreprise sans travailleuses et travailleurs et que les richesses sont produites par la force de leur travail et non par les actionnaires, n’en déplaise au capitalisme sans limites ni considération pour l’humain ?
Les entreprises protègent leurs actionnaires en maintenant les dividendes, quitte à comprimer les effectifs. Il est vrai que l’on atteint tout juste moins 100 milliards d’euros de dividendes et en rachats d’actions, plus du double qu’en 2012 ! C’est cela, le coût humain du capital, le coût de la prétendue attractivité.
Pourtant, en 2005, des économistes se revendiquant comme libéraux, Augustin Landier et David Thesmar, écrivaient que « les mutations du capitalisme ont exposé les salariés à des risques dont ils s’étaient protégés jusqu’à présent ». Cela n’a jamais été aussi vrai. TotalEnergies en fournit à ce titre un exemple caricatural : sur 21,4 milliards de dollars de bénéfices net, 9 milliards ont débouché sur des rachats d’actions, et 7,79 milliards ont été distribués en dividendes. Soit 70 % pris par les actionnaires !
Le déménagement de la cotation principale du groupe serait finalement, selon les dires de son PDG, presque abandonné : un séisme financier sans impact pour ses activités. Aucun chantage ne doit être accepté par le Gouvernement. Madame la ministre, il faut de la fermeté, rien que de la fermeté, face à ceux qui quittent la France ou menacent de le faire.
Le ministre Lescure avait pourtant estimé indispensable d’affirmer que « le secteur financier n’est pas une fin en soi », mais est « surtout un moyen de financer au mieux l’économie productive, notamment dans nos territoires ». Belle citation, mais c’est une fable : la sphère financière est bel et bien décorrélée de la sphère productive. Le taux de retour aux actionnaires est le seul indicateur qui motive les décisions d’investissement. Il suffit pour s’en convaincre de voir la volatilité des valorisations boursières.
Où sont donc passées les PME dans cette proposition de loi ? Quelle mesure les concerne vraiment ?
M. Pascal Savoldelli. Il n’y en a que pour les gros.
M. Pascal Savoldelli. Revenant sur les principes du droit financier, cette proposition de loi est même contre-productive. Elle majore les seuils des titres détenus dans les plans d’épargne en actions, déroge au droit de préférence en risquant de menacer les actionnaires existants, ou encore en favorisant la publicité commerciale aux personnes physiques émanant de l’étranger.
En définitive, ce texte crée quatre risques : une éviction des PME et des ETI ; un affaiblissement des sociétés non cotées vis-à-vis des sociétés cotées ; une fuite du territoire de l’épargne française ; une concurrence exacerbée entre les actionnaires historiques et les nouveaux actionnaires.
Que dire enfin du projet de faire de tous les citoyens des actionnaires en puissance, en leur donnant par ordonnance – Mme la ministre l’a indiqué avec une certaine fierté – la possibilité d’acheter des quarts ou des dixièmes d’actions ? Le projet politique est clair : que chaque centime aille à la finance. (Mme la ministre déléguée proteste.)
Comme vous considérez que les personnes privées d’emploi et les retraités sont improductifs, leur épargne ne peut que l’être également. C’est un projet au service du capital face auquel les sénatrices et sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky s’opposent, comme ils s’opposent à la plupart des mesures contenues dans cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord en commission mixte paritaire sur cette proposition de loi faisait peu de doute. Si ce texte passe inaperçu aux yeux du grand public et pour la presse généraliste – mais non pour la presse spécialisée –, il comporte des mesures non négligeables pour le secteur financier et le financement des entreprises.
Je ne reviens pas en détail sur l’interrogation que j’ai eue en première lecture quant au fait d’utiliser l’initiative parlementaire pour traduire des annonces gouvernementales.
On peut encore discuter de la cohérence entre l’intitulé de la proposition de loi et son contenu effectif, qui porte presque exclusivement sur l’attractivité financière et bancaire, et non nécessairement sur l’économie en général.
En l’espèce, la volonté est clairement de tirer le meilleur parti des effets du Brexit et de mener une bataille pour la compétitivité avec les autres pôles financiers européens : Francfort, Amsterdam ou Luxembourg.
Je me dois toutefois de rappeler mon appréhension quant à l’objectif de financiarisation des petites entreprises.
Un des objectifs affichés du présent texte est de renforcer les moyens de financement des PME et des ETI par les marchés, tout en leur garantissant une protection adéquate, sous l’égide d’autorités telles que l’AMF ou l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Ainsi, veillons à trouver un mix de financements qui préserve ce qui fait l’identité et les intérêts de nos entreprises françaises et européennes.
Le financement de marché reste peu développé en France, en comparaison avec les pays anglo-saxons. La certaine libéralisation que sous-tend ce texte ne doit pas nous conduire à nous jeter à corps perdu dans des modes de financement plus risqués ou à négliger les droits des actionnaires minoritaires.
C’est la raison pour laquelle les autorités de régulation gardent un rôle essentiel. La version de l’article 1er retenue en commission mixte paritaire réserve ces actions de préférence, avec un ratio élevé de vingt-cinq pour un, aux sociétés dont les titres sont admis à la « négociation sur un système multilatéral ».
La commission mixte paritaire a également retenu l’augmentation du seuil de capitalisation pour l’éligibilité d’une société au PEA-PME. Elle assouplit aussi les augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription.
Une disposition importante du texte, constituée par l’article 4, avait été adoptée conforme dès la lecture devant le Sénat : elle lève des restrictions initialement prévues par la loi du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dite loi de blocage, vis-à-vis des autorités étrangères de supervision. Je rappelle néanmoins notre attachement à cette loi ancienne, qui vise à protéger notre souveraineté économique.
Le texte prévoit la dématérialisation des assemblées générales d’actionnaires et autres organes de décision, ce qui va, pour ainsi dire, dans le sens de l’Histoire, tout en comportant, comme dans d’autres domaines, des enjeux de cybersécurité.
Enfin, retenons que plusieurs mesures seront prises par voie d’ordonnance : la réforme des organismes de placement collectif et la simplification du régime des nullités. Le Parlement devra remplir sa mission de vérification et de ratification de ces ordonnances.
Rappelons donc les principaux enjeux auxquels doit répondre cette proposition de loi : satisfaire les besoins d’investissement, en particulier dans la transition écologique, mais aussi dans l’industrie de défense ou encore dans la transition numérique.
Cela est compréhensible, à l’heure où nous savons que la transition ne reposera pas sur l’investissement public. La mobilisation de l’épargne des Français doit être un outil majeur de cette transition. Espérons aussi des retombées positives en matière de créations d’emplois, et pas seulement dans le secteur financier à Paris.
Ainsi, ce texte, appelé de leurs vœux par les professionnels, nous semble aller dans le bon sens. Malgré les quelques points de vigilance évoqués, le groupe RDSE se montre favorable à l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si les jeux Olympiques et Paralympiques débutent bel et bien dans cinquante-trois jours, la France a pourtant déjà gagné une belle médaille : celle de l’attractivité en Europe.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Médaille d’or !
M. Bernard Buis. Comme toute médaille, elle ne tombe pas du ciel : elle est le fruit d’un travail de longue haleine.
Grâce aux réformes menées depuis 2017 sur la fiscalité, sur le foncier, sur notre marché du travail – je pense par exemple à la création du prélèvement forfaitaire unique – et grâce au dynamisme de notre tissu entrepreneurial, notre pays a su se démarquer et tirer son épingle du jeu parmi les nations européennes. Je dirai même que la France a su saisir l’opportunité du Brexit pour accroître ses avantages comparatifs, en attirant les acteurs financiers souhaitant sécuriser leur accès au marché unique.
Voilà les raisons qui font que notre pays, notamment grâce à la place de Paris, est aujourd’hui en tête des classements européens en matière tant de capitalisation boursière que d’investissements étrangers.
Cependant, nous ne sommes pas le seul État de l’Union européenne à tirer profit de la situation. Si nous étions hier en concurrence avec Londres, nous le sommes désormais avec d’autres places européennes, à l’image d’Amsterdam, qui offre aux investisseurs et aux acteurs économiques une réglementation plus souple que celle qui est en vigueur dans notre capitale, raison pour laquelle nous devons aller encore plus loin pour renforcer le financement des entreprises et l’attractivité de la France.
Même si cette attractivité est une réalité palpable dont les effets se font ressentir sur notre économie, nous devons rester vigilants et ne pas nous reposer sur nos lauriers. Nombreux sont les obstacles qui perdurent et nuisent à la compétitivité de la France. Un assouplissement est donc plus que nécessaire, et je me réjouis de l’accord trouvé en commission mixte paritaire.
Cette proposition de loi reprend de nombreux apports du Sénat, d’abord en matière de recours contre les décisions de l’Autorité des marchés financiers. Le délai laissé à la juridiction pour statuer sur un recours contre une décision individuelle de l’AMF est fixé à cinq mois pour les décisions les plus complexes. Il sera maintenu à trois mois pour les recours formés contre des décisions de moindre complexité, dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’État.
Ensuite, soulignons également que le plafonnement des indemnités de licenciement des preneurs de risques est restreint aux seuls traders et à leurs responsables directs, ainsi qu’aux seules indemnités octroyées par le juge pour des licenciements sans cause réelle et sérieuse. De plus, le plafonnement porte non plus sur les indemnités de licenciement, mais sur la rémunération prise en compte pour le calcul desdites indemnités, afin de mieux tenir compte de l’ancienneté.
Enfin, notons que le champ de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, afin de renforcer l’adéquation du droit des organismes de placement collectif avec le droit des sociétés, a été précisé ; nous serons donc attentifs au contenu de ces ordonnances.
Pour conclure, le renforcement des capacités de financement de marché et en fonds propres des entreprises sera non négligeable, dans la mesure où le nombre d’entreprises dont les titres seraient éligibles aux fonds communs de placement à risque augmenterait de plus de 21 %.
Tout cela constitue autant de retombées économiques positives pour nos emplois, et donc pour nos territoires.
Mes chers collègues, pour une France plus attractive, où les entreprises se sentent libérées et accompagnées, où la réindustrialisation devient un peu plus, chaque jour, une réalité retrouvée, notre groupe RDPI votera pour l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Michel Canévet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous achevons l’examen de cette proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France, les réserves du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’ont pas été levées.
Ce texte apporte une réponse insatisfaisante au problème du sous-financement de nos entreprises à forte croissance, notamment de nos start-up.
Je reviendrai d’abord et encore une fois sur la forme choisie.
Le ministre de l’économie avait promis un texte sur l’attractivité ; pour finir, nous avons dû nous contenter d’une proposition de loi composite, inscrite à l’ordre du jour du Sénat en pleine semaine gouvernementale. Nous regrettons ce choix, qui prive les parlementaires d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État ; cela nuit à la qualité de nos débats, et n’a pas aidé à lever nos doutes sur ce texte. Plus largement, nous regrettons que ce genre de pratique soit devenue monnaie courante.
Pour ce qui est du fond, nous partageons le constat, mais pas les réponses apportées.
Oui, il y a un problème de financement des entreprises en France. Oui, les épargnants se méfient des marchés financiers et des placements en actions. Oui, cela freine notre économie.
Cependant, pour répondre à cette problématique, vous recourez toujours aux mêmes recettes : vous vous alignez sur les standards de la dérégulation internationale, espérant y trouver une source de compétitivité face aux autres grandes places financières, notamment face à Amsterdam.
Au contraire, la régulation est gage de sécurité pour les investisseurs et nous regrettons, tout comme M. le rapporteur, que cette proposition de loi ignore cette dimension de l’attractivité.
Même mieux encadré par les rapporteurs, dont nous saluons le travail, ce texte sera-t-il efficace ? Nous en doutons fortement. À part quelques mesures techniques et utiles, comme la simplification du fonctionnement des organes sociaux, la dématérialisation des activités de financement du commerce international ou encore l’élargissement du PEA-PME, ce texte nous laisse perplexes.
Nos préoccupations principales, soulevées lors de la première lecture au Sénat par mon collègue Rémi Féraud et moi-même, restent intactes.
L’article 1er, qui concerne les actions à droits de vote multiples, concentre nos inquiétudes. Le texte permet toujours l’octroi de vingt-cinq droits de vote pour une seule action, permettant un contrôle de la société avec seulement 4 % du capital !