M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. L’intention est louable, mais la prise en compte d’un plus grand nombre de sources de pollution, ainsi que des contaminations liées aux produits fabriqués à l’étranger, rendrait dans les faits une telle redevance inapplicable – cela supposerait en effet de connaître la composition de chaque produit mis sur le marché.
Un travail est déjà engagé à l’échelle de l’Union européenne pour mettre en œuvre une filière à responsabilité élargie du producteur pour les micropolluants. Il semble donc préférable de nous inscrire dans cette réflexion plus globale : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je n’entrerai pas dans le détail, car nous touchons là à la directive européenne sur les eaux usées.
La mise en place de la redevance est une première brique. Consolidons le socle avant de réfléchir à l’ajout d’autres dimensions et à leur imbrication : avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis
(Non modifié)
Les agences régionales de santé rendent publics le programme des analyses des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine ainsi que les résultats de ce programme sous la forme d’un bilan annuel régional. À partir de ces résultats, le ministre chargé de la santé publie chaque année un bilan national de la qualité de l’eau au robinet du consommateur en France au regard des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 17 est présenté par Mme Souyris, MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Première phrase
Après le mot :
humaine
insérer les mots :
et notamment les eaux conditionnées en bouteille destinées à la consommation humaine,
La parole est à M. Hervé Gillé, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Hervé Gillé. Cet amendement, que nous avions également déposé en commission, vise à rendre publiques les analyses effectuées par les ARS sur les eaux vendues en bouteille destinées à la consommation humaine.
J’ai rappelé en discussion générale la situation bien connue des eaux minérales et des eaux de source. Cet amendement est donc particulièrement important.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 17.
Mme Anne Souyris. Alors que l’Assemblée nationale a examiné la présente proposition de loi voilà deux mois, Le Monde et Radio France ont révélé que l’Anses avait détecté la présence de PFAS dans les sources utilisées par Nestlé Waters pour ses eaux en bouteille commercialisées sous les marques Hépar, Perrier, Vittel et Contrex.
L’inspection générale des affaires sociales (Igas) indiquait alors qu’il ne serait pas « prudent de conclure à la parfaite maîtrise du risque sanitaire ».
Eu égard à ces éléments, la commission des affaires économiques a créé une mission flash sur les politiques publiques en matière de contrôle du traitement des eaux minérales naturelles et de source, dont notre collègue Antoinette Guhl est rapporteure.
Il revient évidemment à la justice de déterminer s’il y a eu tromperie des consommateurs de la part des industriels dans le cas particulier de Nestlé Waters, mais il nous revient aussi de renforcer le contrôle de la présence des PFAS dans les eaux conditionnées en bouteilles destinées à la consommation humaine.
Ainsi, cet amendement vise à assurer la publication des analyses effectuées sur ces eaux par les agences régionales de santé.
M. Bernard Pillefer, rapporteur. Les agences régionales de santé sont chargées du contrôle sanitaire des eaux conditionnées en application du code de la santé publique.
Au regard de ces éléments, la commission émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 5 et 17.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements pour les mêmes raisons. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe GEST.)
Nous avons besoin d’un parallélisme des formes. Ces deux amendements permettent d’éviter des décalages dans la réglementation.
Nous faisons face à un enjeu de santé publique. Dès lors que nous adoptons cette mesure pour les eaux municipales, il n’y a aucune raison d’agir différemment pour les eaux conditionnées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 17.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L’article 2 bis est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par :
1° (Supprimé)
2° La création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par MM. Gillé et Ouizille, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° La création d’une taxe additionnelle d’un pour cent sur les bénéfices générés par les industries rejetant des substances per- et polyfluoroalkylées dans l’environnement parmi les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 000 000 euros ;
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Cet amendement vise à rétablir la création d’une taxe additionnelle sur les bénéfices générés par les industries rejetant des PFAS.
Cette disposition était présente dans le texte initial avant d’être supprimée à l’Assemblée nationale.
Cette taxe pollueur-payeur est importante. Nous proposons de la réintroduire à hauteur de 1 % des bénéfices enregistrés par les industries redevables de l’impôt sur les sociétés dès lors qu’elles réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Pillefer, rapporteur. La taxe que cet amendement vise à rétablir affiche deux principales limites. D’une part, elle ne présente pas de caractère proportionnel : son taux n’est pas corrélé au volume de rejet de PFAS, ce qui ne correspond pas à une logique de pollueur-payeur. D’autre part, elle vient s’ajouter à la création d’une première redevance, prévue à l’article 2 de la proposition de loi.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Nous créons déjà une redevance au travers de ce texte. En outre, les cas d’utilisation sont différents et, pour nombre d’entre eux, l’interdiction des PFAS n’est pas envisagée. En pharmacie, par exemple, certaines molécules, qui sont des PFAS, permettent de traiter des infections ou des pathologies particulières.
Monsieur Gillé, dans sa rédaction actuelle, le texte prend en compte un enjeu écologique, pose un principe de pollueur-payeur et contient des dispositions pour améliorer la santé et accompagner nos concitoyens.
À ce titre, il fait l’objet d’un large consensus. Ne basculons pas dans la facilité d’un impôt qui prêterait le flanc à la critique quant aux motivations réelles de ce texte.
Vous gagneriez à retirer votre amendement pour ne pas donner le sentiment que cette taxe sur les bénéfices est aussi importante que les dispositions constructives et consolidées que nous venons de retenir.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Nous y sommes !
Le Sénat, hier en commission, aujourd’hui en séance publique, a bien actionné son potentiel transpartisan constructif. Il a fait œuvre utile en marquant sa détermination à agir de manière cohérente pour lancer trois chantiers convergents qu’il faut maintenant conduire de front.
Le premier chantier est en amont : il faut mettre fin, au stade de la production, aux fuites et aux rejets industriels de PFAS dans les milieux. C’est ce que prévoit l’article 1er bis, qui dessine une trajectoire pour en finir, à terme, avec les rejets industriels de PFAS dans l’eau.
Le deuxième chantier concerne le marché. Il faut commencer à fermer le robinet qui déverse tellement de produits à PFAS sur le marché. À cet effet, l’article 1er vise trois usages très émetteurs : cosmétiques, farts de ski et textile.
En engageant ces premières interdictions, notre pays accélérera la prise de conscience par les industriels de la sortie programmée de l’utilisation des PFAS et encouragera le développement des solutions de remplacement. Ces dispositions serviront d’aiguillon pour la future réglementation européenne.
Enfin, le troisième chantier est en aval : il s’agit de mesurer, réparer et traiter les dégâts, de s’attaquer aux stocks accumulés dans nos déchets, dans la chaîne alimentaire et, en priorité – nous y avons consacré largement nos travaux du jour –, dans nos réserves d’eau. Tel est l’objet de la deuxième partie de l’article 1er et des articles 1er ter, 2 et 2 bis.
Il est important de le dire : le Sénat, chambre des territoires, a particulièrement rempli son rôle en améliorant ce texte pour aider et outiller les collectivités locales et leur donner des moyens.
Les acteurs des collectivités locales comptent sur les parlementaires pour faire face à l’enjeu colossal des contaminations aux PFAS, qui les concernent au premier chef en raison de leurs compétences en matière de gestion publique de l’eau.
Nous avons apporté une première réponse au travers de l’amendement « Michallet » sur le plan de financement de la dépollution de l’eau. Autant dire que la volonté est transpartisane.
S’il n’a pas été possible d’aller plus loin que la redevance aux PFAS pour les plus gros émetteurs de rejets industriels du texte initial, ce premier pas est significatif de la volonté d’actionner le levier pollueur-payeur.
C’est donc une belle étape. Merci à Nicolas Thierry, auteur de cette base de travail, sur laquelle nous nous sommes beaucoup appuyés.
Nous passons le relais à l’Assemblée nationale, pourquoi pas pour un vote conforme, de façon que nos concitoyens, nos milieux, nos collectivités et nos entreprises puissent profiter de ce bon travail. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous avons plutôt bien travaillé. Malgré nos divergences, qui font que ce texte présente quelques insuffisances, nous avons fait œuvre utile en cherchant à protéger la population des PFAS.
Ce texte est important pour notre santé à toutes et tous, ainsi que pour notre environnement.
Il l’est aussi pour certains de nos territoires. Je pense notamment aux habitants du Rhône et de la métropole de Lyon, et aux riverains des sites industriels, en particulier aux habitants d’Oullins-Pierre-Bénite et de la vallée de la chimie, qui manifestaient encore dimanche dernier pour réclamer sécurité sanitaire et transparence aux industriels.
Ce texte est important pour les salariés de ces industries, qui sont exposés à ces produits, parfois au mépris des règles de protection.
Il est important évidemment pour nos collectivités, qui sont confrontées à la pollution des eaux et des sols.
Certes, ce texte ne répond pas à toutes nos inquiétudes ni à tous les problèmes soulevés par les PFAS, mais il représente un premier pas dans la direction d’une économie plus responsable et d’une meilleure application du principe pollueur-payeur.
Enfin, nous n’aurions pas travaillé sur cette question aussi rapidement sans le travail essentiel d’importantes enquêtes journalistiques, souvent menées par un service public de l’audiovisuel indépendant et rigoureux. Dans le contexte actuel, nous devons aussi les saluer.
Merci à toutes celles et à tous ceux qui voteront en faveur de ce texte ; merci pour les habitants du Rhône et de la métropole de Lyon ; merci pour ce premier pas dans la bonne direction. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Mes chers collègues, je tenais très sincèrement à vous remercier.
Ce travail transpartisan débouche sur une première brique essentielle pour commencer à travailler en profondeur sur un plan d’action et de prévention, dont les objectifs seront de réduire la production des PFAS en amont, à la source, et en aval, dans l’ensemble des processus industriels.
Certes, nous pouvons être déçus des moyens qui y sont consacrés ; mais ce texte permet à la France d’envoyer un signal fort et très puissant, qui résonne avec son positionnement à venir à l’échelle européenne : il faut avancer le plus rapidement possible sur ce sujet.
Enfin, nous envoyons également un signal – à cet égard, je remercie M. le ministre de ses propos – aux industriels du secteur des eaux minérales et de source. Le sujet concerne l’ensemble des eaux destinées à la consommation humaine.
N’oublions pas, mes chers collègues, que les PFAS sont permanents : ils se concentrent dans les êtres humains, qui sont les derniers maillons d’une chaîne alimentaire.
Face au danger, il nous faut agir dès maintenant.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je salue le travail transpartisan qui a été réalisé, notamment en commission. Son rapporteur a été particulièrement constructif.
Je salue également le travail de l’ensemble des chefs de file, notamment Anne Souyris et Jacques Fernique.
Ce texte est le fruit d’un long cheminement, entamé grâce aux lanceurs d’alerte et ONG qui ont mis ce sujet sur la table.
Il faut dire que le scandale des PFAS a éclaté voilà vingt-cinq ans aux États-Unis. Il aura donc fallu attendre autant d’années pour débattre du sujet en France.
Je voudrais souligner également le travail parlementaire réalisé par Nicolas Thierry, à l’Assemblée nationale.
Beaucoup reste à faire, mais nous avons bien avancé.
Ce texte est particulièrement attendu, par chacun d’entre nous pour des questions sanitaires, mais aussi par les collectivités.
À cet égard, les apports de mon collègue Damien Michallet visant à soutenir les collectivités sont importants. C’est à elles qu’il reviendra en effet de gérer ces questions liées à l’eau.
Le texte issu de l’Assemblée nationale constituait déjà, sur cet aspect, une très bonne base, en ce qu’il indiquait des moyens de financement. Il faudra bien sûr compléter ces dispositions, car nous savons tous, vu l’ampleur du sujet, que ces moyens ne suffiront pas.
En tout état de cause, nous avons réalisé une belle avancée.
M. le président. La parole est à M. Damien Michallet, pour explication de vote.
M. Damien Michallet. Je perçois dans les propos de mes collègues une véritable admiration pour l’article que nous avons introduit afin d’accompagner les collectivités. (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
« Admiration », le mot serait-il trop faible ? (Nouveaux sourires sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Vénération !
M. Damien Michallet. Le texte transmis au Sénat était particulièrement dogmatique.
Je tiens à exprimer ma sincère amitié à notre rapporteur, car il a fait le job, et ce dans un temps très court. Ce texte est très technique, presque d’ordre scientifique. Nous avons réussi à l’amender, chacun a pu s’exprimer et nous sommes finalement parvenus à un consensus.
Celui-ci repose sur trois éléments clés.
Le premier, évidemment, c’est la protection des habitants. Il s’agit de les accompagner, de les écouter, d’observer ce qu’il se passe, et d’éviter les scandales, dans une démarche proactive.
Le deuxième élément concerne les entreprises. Nous avons réussi à ne pas les montrer du doigt. Comme le ministre l’a dit, nombre d’entre elles ont été proactives à bien des égards ; elles le sont déjà sur la question des PFAS, et elles continueront de l’être. Laissons-les faire ce qu’elles savent bien faire, poursuivre leurs efforts de recherche et de développement. C’est ainsi que nous avancerons ensemble, avec nos industriels, sur la bonne route.
Le dernier élément a trait aux collectivités territoriales. Celles-ci étaient les grandes absentes de la proposition de loi ; elles en constituent désormais quasiment la colonne vertébrale. N’oublions pas, monsieur le ministre, que ce sont elles qui auront, à la fin, la charge de mettre en œuvre cette politique. Il convient donc de ne pas les laisser seules et de les accompagner jusqu’au bout. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. Nous étions favorables à un texte qui encadre et accompagne, mais qui n’ait pas d’effet guillotine pour l’industrie et pour les emplois. Le texte auquel nous sommes parvenus nous semble équilibré et c’est pourquoi les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, dans leur très grande majorité, le voteront.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents, moins une abstention. (Applaudissements sur toutes les travées.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à saluer, comme vous l’avez fait, monsieur le ministre, le travail constructif que nous avons réalisé. Il montre la volonté de la majorité sénatoriale de travailler dans l’intérêt général et d’être à l’écoute de l’opposition. Cette dernière a d’ailleurs reconnu, notamment le groupe GEST – et je l’en remercie – que le rapporteur a tenu compte des avis de tous les groupes.
Je tiens ensuite à féliciter notre rapporteur de son travail, qu’il a réalisé dans des conditions qui n’étaient pas simples. Avant qu’il ne soit désigné pour occuper cette fonction, je lui avais indiqué que ce dossier était complexe.
Monsieur le rapporteur, vous venez de réaliser votre premier rapport législatif au Sénat, alors que vous avez été élu récemment. Vous avez réussi votre examen de passage avec brio et effectué un travail constructif, chacun l’a reconnu. Bravo pour ce premier rapport ! (Applaudissements.)
Je remercie aussi le Gouvernement, qui a soutenu cette proposition de loi très importante pour nos concitoyens et nos entreprises. Ce texte démontre qu’il est possible d’articuler de manière constructive nos politiques en matière d’environnement et d’économie. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Le Sénat a démontré une nouvelle fois que la sagesse qu’on lui prête parfois est une réalité. Ce texte est opérationnel, concret. Il permettra d’articuler plus facilement les différents niveaux d’action entre eux – territorial, national et européen –, tout en envoyant le signal clair qu’il ne faut pas tout attendre des échelons supérieurs.
Je me réjouis de l’adoption de ce texte. L’action à l’échelon européen sera facilitée, tandis que le rôle de l’échelon territorial est affirmé. Nous pourrons donc collaborer et avancer. Bravo et merci à toutes celles et à tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, ont permis d’aboutir à ce résultat.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Retrait-gonflement de l’argile
Rejet d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarités et Territoires, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile (proposition n° 513, résultat de travaux n° 614, rapport n° 613).
Discussion générale
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime CatNat, créé en 1982, a indemnisé en quarante ans plus de 3,3 millions de sinistrés en France, pour un montant total proche de 45 milliards d’euros.
Dans ce cadre, 800 000 assurés ayant subi des dégâts matériels liés à des phénomènes de sécheresse ont bénéficié d’une couverture assurantielle, assortie d’une réassurance publique, pour un montant de 16 milliards d’euros.
Permettez-moi donc de rappeler, à titre liminaire, que ce régime est l’un des plus généreux et des plus protecteurs au monde face aux effets des catastrophes naturelles.
La France est d’ailleurs le seul pays dans lequel les dommages liés au retrait-gonflement des argiles font l’objet, de manière obligatoire, d’une couverture assurantielle.
Ce régime peut être considéré comme une fierté nationale, un modèle pour la résilience de notre société face au changement climatique. C’est aussi un exemple d’articulation réussie entre les mécanismes de marché et l’intervention de l’État, dont s’inspirent actuellement plusieurs pays.
Pour autant, ce régime demeure perfectible et a fait l’objet de nombreuses adaptations ces derniers mois. Lors de l’examen de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, le 6 avril 2023, le Gouvernement avait détaillé les travaux en cours pour renforcer le cadre d’indemnisation des sinistres liés à la sécheresse, à la suite de la promulgation de l’ordonnance du 8 février 2023.
Nous avons respecté nos engagements.
L’assouplissement des conditions de reconnaissance des phénomènes de sécheresse a été confirmé dans une circulaire signée le 29 avril 2024. Le Gouvernement a introduit un nouveau critère : la succession anormale de sécheresses d’ampleur significative. Une commune limitrophe d’une commune reconnue en état de catastrophe naturelle à la suite d’une sécheresse pourra également bénéficier, sous certaines conditions, de la même reconnaissance.
Ces améliorations, qui étaient attendues par de nombreux élus et sinistrés, permettront d’augmenter en moyenne de 17 % chaque année le nombre de communes reconnues, selon les études d’impact réalisées par Météo-France et la Caisse centrale de réassurance.
Le décret publié le 5 février 2024 renforce la prévention contre de futurs sinistres en précisant les conditions de mise en œuvre de l’obligation d’affecter l’indemnité d’assurance, perçue au titre d’un sinistre reconnu catastrophe naturelle, à la réalisation effective des travaux de réparation durable de l’habitation.
Le décret prévoit toutefois, à titre d’exception, que cette obligation ne s’applique pas lorsque le montant des travaux de remise en état du bien est supérieur à sa valeur avant le sinistre. Cette exception répond à l’article 2 bis de la proposition de loi.
En outre, l’indemnisation est désormais centrée sur les sinistres susceptibles d’affecter la solidité ou d’entraver l’utilisation normale du bâtiment endommagé. Il s’agit d’accompagner en priorité les sinistrés confrontés à des dommages matériels affectant leur habitation et qui sont susceptibles d’entraîner, à terme, des dommages graves sur celle-ci s’ils ne sont pas traités précocement. Comme nous nous y étions engagés, les « petits » sinistres qui peuvent s’aggraver et entraîner des désordres affectant l’habitation restent donc inclus dans le périmètre de la garantie.
L’information des citoyens, en tant que futurs acquéreurs, est également renforcée : lors de la vente d’un bien immobilier assuré, le vendeur devra informer l’acquéreur, dans l’état des risques annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente, si le bien a subi des désordres qui ont été indemnisés ou qui sont indemnisables.
Par ailleurs, le Gouvernement a consulté de nombreuses parties prenantes dans le cadre de l’élaboration en cours du projet de décret encadrant les experts d’assurance intervenant après une sécheresse. Le texte sera bientôt finalisé et sera mis en consultation dans les prochaines semaines, en vue d’une publication d’ici à la fin d’année.
Enfin, le Gouvernement a décidé de relever, à compter de 2025, le taux des surprimes CatNat. Cette mesure vise à rétablir l’équilibre du régime et à financer les évolutions récentes introduites par la loi. Ces ressources complémentaires ne permettront nullement cependant de compenser le surcoût induit par les dispositions de la présente proposition de loi.
Le Gouvernement a aussi missionné, à l’été 2023, trois experts pour qu’ils formulent des propositions afin d’adapter le système assurantiel français face à l’évolution des risques climatiques. Leur rapport, public, a été remis à Bruno Le Maire et Christophe Béchu en avril dernier. Il contient de nombreuses recommandations visant notamment à maintenir une offre d’assurance accessible à tous ou à renforcer la prévention des risques naturels et l’adaptation face au changement climatique. Certaines recommandations constituent des priorités pour le Gouvernement et feront l’objet de consultations approfondies d’ici à l’été.
Le Gouvernement prévoit en outre de mettre en œuvre les orientations et les mesures retenues dans le troisième plan national d’adaptation au changement climatique.
Les nombreuses adaptations du régime CatNat réalisées au cours de l’année écoulée répondent ainsi à certaines des interrogations et des demandes formulées dans la proposition de loi examinée aujourd’hui.
Sur le fond, le Gouvernement est défavorable à ce texte.
En premier lieu, le Gouvernement a d’ores et déjà répondu à l’essentiel des dispositions figurant dans la proposition de loi, notamment à l’article 1er, par la circulaire du 29 avril dernier.
Nous considérons, en outre, que la définition des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle doit continuer de relever du niveau réglementaire, compte tenu de leur technicité et de la nécessité de les faire évoluer régulièrement à la lumière de l’amélioration des connaissances scientifiques sur les phénomènes considérés.
En second lieu, les dispositions de cette proposition de loi n’ont pas été préalablement chiffrées ni a fortiori financées. Loin d’être indolore, comme cela a pu être indiqué dans la presse, cette proposition de loi représente pour le régime un surcoût annuel estimé à un milliard d’euros par le Gouvernement.
Il faut être clair : ce sont les assurés qui, collectivement, paieront, chaque année, ce milliard d’euros additionnel, car le régime CatNat est fondé sur le principe de solidarité et de mutualisation entre les assurés.