Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Solanges Nadille, rapporteure. L’amendement n° 1 vise à réserver la possibilité d’exercer la profession d’assistant familial aux seuls agents publics à temps partiel. L’amendement n° 2 tend à limiter les cumuls d’emplois aux seuls cas où le métier d’assistant familial serait exercé en relais d’un autre assistant pour une courte période. L’amendement n° 3 a pour objet de combiner ces deux propositions.

La commission a renvoyé à un décret les modalités d’encadrement du cumul d’emplois. Une définition a priori dans la loi paraît trop rigide et risquerait d’amoindrir la portée utile de ce texte. Le fait de travailler à temps partiel ne dit rien de sa disponibilité effective, et ne viser que les personnes à temps partiel risquerait d’interdire le cumul à des agents dont la situation concrète permettrait pourtant d’exercer le métier d’assistant familial.

J’en viens à la proposition de limitation de l’exercice du métier dans le cadre d’un accueil relais ; l’intention des auteurs de l’amendement est tout à fait louable, mais, là encore, inscrire cette mention dans la loi serait trop rigide, s’agissant d’un mode d’organisation qui est aujourd’hui à la main des conseils départementaux. Le décret pourra bien sûr préciser les circonstances dans lesquelles est indiqué un accueil en relais d’un autre assistant familial. J’ajoute que Mme la ministre s’est engagée clairement au cours de la discussion générale quant au contenu de ce décret.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Il n’y a pas de raison objective de créer une différence entre les salariés du privé et ceux du privé, et de l’inscrire dans le marbre de la loi.

Madame la sénatrice Poncet Monge, ce texte offre une possibilité nouvelle. Les règles y afférentes seront précisées par décret et je me suis engagée – Mme la rapporteure vient de le rappeler – à en discuter avec les conseils départementaux, les syndicats et les fédérations d’assistants familiaux. Nous prévoirons en outre une consultation des usagers, c’est-à-dire des enfants eux-mêmes, afin d’avoir une vision très complète et très claire.

En tout état de cause, il serait extrêmement réducteur de limiter dans la loi le champ d’application de cette mesure. Des réponses seront apportées aux demandes formulées, qu’il s’agisse des bébés ou des enfants en situation de handicap, c’est-à-dire vulnérables. Plus largement, nous veillerons à mettre en œuvre cette opportunité nouvelle dans de bonnes conditions, dans un souci de qualité, afin d’ouvrir plus largement ce magnifique métier à des familles ayant envie de s’engager auprès des enfants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. La mention du temps partiel qui figurait dans la proposition de loi initiale avait du sens, car on choisit d’être à temps partiel, et ce faisant on démontre sa volonté d’être accueillant familial ou de « tester » cette vocation avant de l’adopter. Il est donc important de réserver le cumul de l’activité d’assistant familial aux seules personnes à temps partiel, c’est pourquoi nous voterons l’amendement de notre collègue.

Au contraire, le temps non complet est un temps partiel subi. Or, depuis la loi du 2 août 2019 de transformation de la fonction publique, on peut entrer dans la fonction publique à temps non complet ; alors que, auparavant, seules les petites communes étaient autorisées à proposer ce type d’emplois, désormais, ce dispositif a été élargi. Nous ne pouvons pas le tolérer.

En outre, madame la ministre, vous nous dites qu’il n’y a pas de raison d’introduire de différence entre les salariés du public et les salariés du privé, mais, dans ce cas, supprimons la mention des fonctions accessoires autorisées dans la fonction publique et qui sont définies par décret, et les fonctionnaires feront ce qu’ils veulent, quand ils veulent ! Cela figurera d’ailleurs peut-être dans le prochain texte de loi de Stanislas Guerini…

Bref, l’idée initiale de M. Iacovelli était bonne, je ne comprends pas pourquoi on introduit la notion de temps non complet, voire de temps complet ; des fonctionnaires à temps complet pourraient ainsi accueillir des enfants de moins de 3 ans, qui ne sont pas encore scolarisés en maternelle. Ils pourraient même en accueillir plusieurs, puisque le verrou de la limitation à un seul enfant a été levé.

Ce texte va un peu trop loin. Nous étions prêts à avancer sur ces questions, mais uniquement si les actions envisagées étaient circonscrites aux familles ayant réellement la possibilité de cumuler.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Il y aura un décret !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. En effet, l’article 2, qui autorisait l’accueil d’un enfant au maximum, âgé d’au moins 3 ans, afin d’exclure les nourrissons, par des personnes cumulant ainsi un emploi, a été supprimé, au profit d’un renvoi au décret.

La décision de la commission, que j’ai soutenue, va dans le bon sens. L’idée est en effet de renvoyer les modalités d’accueil à un décret d’application qui soit concerté à la fois avec les départements, mais aussi avec les associations et les fédérations d’assistants familiaux.

Je précise d’ailleurs, madame Poncet Monge, que ces associations et fédérations, avec lesquelles je travaille depuis sept ans, ont été consultées avant et après les auditions de Mme la rapporteure, et qu’elles soutiennent cette proposition de loi dans son ensemble. Peut-être qu’elles soutiennent aussi vos amendements, mais en tout état de cause elles soutiennent ce texte, parce qu’elles se rendent compte qu’il leur permettra d’obtenir un « droit au répit », en élargissant les possibilités de recrutement.

Je veux bien que l’on se batte pour le droit au répit des assistants familiaux – et il le faut –, pour lequel nous avons tous voté, mais comment sera-t-il applicable si nous n’arrivons pas à recruter ? Voilà l’impasse dans laquelle se trouvent aujourd’hui un certain nombre de départements. Nous avons donc besoin d’ouvrir le champ des recrutements.

Ce décret d’application, que Mme la ministre s’est engagée à prendre rapidement si la loi est votée dans les deux chambres, fournira un cadre à la fois pour le secteur public, mais aussi pour le secteur privé. En effet, si nous n’arrivons pas à recruter aujourd’hui dans le secteur privé, c’est aussi par méconnaissance et par manque de cadrage national. Nous avons donc besoin d’un droit commun entre secteur public et secteur privé.

En outre, peut-être Mme la ministre indiquera-t-elle dans le décret que l’accueil ne concerne pas les nourrissons et les enfants jusqu’à 3 ans, c’est-à-dire avant l’âge de la scolarisation obligatoire.

Par conséquent, attendons le décret d’application. Fixons le droit commun et laissons se faire la concertation avec les départements et les fédérations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il existe un pool de remplaçants pour les enseignants. Je proposais simplement de nous en inspirer, comme nous l’ont suggéré les fédérations, en constituant la centaine de nouvelles recrues que vous allez obtenir en un « pool de répit ».

Vous vous dites favorable au temps de répit, mon cher collègue, mais comment ferez-vous avec seulement quelques centaines d’assistants familiaux nouveaux qui, venant s’ajouter aux anciens, n’auront pas plus de répit qu’eux ? Mes amendements visaient à bloquer le phénomène, à cadrer le dispositif, à lui donner du sens et à créer un vrai droit au répit.

Je ne comprends donc pas que vous refusiez cette proposition, qui émanait des syndicats et des associations, car l’effet quantitatif que vous visez au travers de ce texte sera très insuffisant.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Madame la sénatrice, pour qu’ils puissent intégrer un pool d’assistants familiaux, ils doivent être assistants familiaux. C’est le cas pour les enseignants : ceux qui sont intégrés à un pool de remplaçants sont enseignants eux-mêmes !

Cette proposition de loi constitue une avancée et offre une réelle opportunité. Le décret, je l’ai promis, sera concerté. D’ailleurs – preuve de notre bonne volonté –, nous venons d’engager la procédure accélérée sur ce texte, afin de l’examiner plus rapidement à l’Assemblée nationale et de rendre le dispositif opérationnel plus vite. Cette proposition de loi ne suffira bien sûr pas à assurer à elle seule la protection de l’enfance, mais elle constitue une première brique permettant peut-être l’émergence de nouveaux profils dans cette magnifique profession des assistants familiaux, au bénéfice des enfants accueillis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

accessoire

par le mot :

complémentaire

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. La sémantique est très importante. Cet amendement vise à remplacer le mot « accessoire » par le mot « complémentaire ». Le terme « accessoire » sous-entend que la profession d’assistant familial ne serait pas un métier à part entière et essentiel ; il comporte une connotation dépréciative.

Parmi les raisons qui ont engendré l’écriture de la présente proposition de loi se trouve la chute constante du nombre d’assistants familiaux, laquelle est liée à la baisse de l’attractivité de la profession. Résoudre la crise d’attractivité d’assistant familial exige de sécuriser le statut et de valoriser la profession.

L’Ufnafaam souligne que, malgré la professionnalisation croissante du métier d’assistante familiale, ce métier du « prendre soin », très qualifié, souffre d’une représentation simpliste bien vivace et ancrée au sein de la population.

Or il s’agit d’un métier à part entière et non d’une activité « accessoire ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Solanges Nadille, rapporteure. Cet amendement vise à préciser que l’agent public pourra exercer le métier d’assistant familial à titre « complémentaire » plutôt qu’à titre « accessoire ».

L’emploi du terme « accessoire » ne vise pas à déprécier le métier d’assistant familial qui constitue, bien entendu, une profession à part entière et reconnue par l’existence d’un diplôme d’État. En commission, nous avons d’ailleurs veillé à ne pas créer une profession « à deux vitesses » en maintenant les mêmes garanties de formation pour tous les assistants familiaux.

Le terme « accessoire » est tout simplement celui qui est employé par le code général de la fonction publique et renvoie à un sens juridique précis. Afin de maintenir la lisibilité du dispositif, il est donc préférable de ne pas le remplacer.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article 2

(Supprimé)

Vote sur l’ensemble

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 1er.

L’article 2 ayant été supprimé par la commission, le vote sur l’article 1er vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Corinne Bourcier, pour explication de vote.

Mme Corinne Bourcier. Le manque d’assistants familiaux est aujourd’hui criant, et ce sont des enfants fragiles, ayant besoin de protection, qui en pâtissent. Alors que cette pénurie va s’aggraver du fait de la démographie vieillissante des assistants familiaux, tous les leviers doivent être utilisés pour attirer de nouveaux candidats.

Cette proposition de loi y contribuera, en conférant aux agents publics la possibilité qu’ont les salariés du privé de cumuler leur emploi avec une activité d’assistant familial. Elle rétablit, ainsi, une égalité entre ces deux statuts. Bien sûr, ce cumul devra être soumis à une autorisation préalable de l’autorité hiérarchique de l’agent concerné.

Pour ma part, comme mes collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, je me félicite que les conditions du cumul soient renvoyées à un décret plutôt que fixées dans la loi. Cela offrira davantage de souplesse aux territoires, en l’occurrence aux départements, qui peuvent connaître des réalités très différentes, dans l’intérêt des enfants.

Dans le territoire dont je suis élue, le département de Maine-et-Loire, 2 983 enfants sont placés dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, mais beaucoup d’autres attendent une place. Il est urgent de les aider. Cette proposition de loi crée un dispositif simple et que nous pensons efficace. Adoptons-le et, surtout, mettons-le rapidement en place, dans l’intérêt des enfants et des agents.

Certes, ce texte n’est pas une révolution, mais c’est un pas. Surtout, comme l’ont dit certains de mes collègues, il met en lumière la protection de l’enfance.

Je le répète, notre groupe votera pour ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Nous connaissons tous ici l’engagement, sur cette question, de notre collègue Xavier Iacovelli, que j’ai d’ailleurs eu l’occasion de recevoir au conseil départemental des Landes sur ce même sujet.

Toutefois, comme ma collègue, je ne comprends pas que la première version de la proposition de loi, telle qu’elle a été déposée par notre collègue, ait été remise en question par la commission : elle était intéressante et instaurait des garde-fous qui nous paraissaient suffisants.

Surtout, j’avoue que je suis quelque peu étonnée par certains arguments avancés ici.

J’entends, par exemple, qu’un enfant placé dans une famille d’accueil où le parent assistant familial travaille dans la fonction publique aurait, par là même, une meilleure appréhension de la valeur travail ; c’est ce que Mme la rapporteure a dit. Est-ce à dire qu’un enfant placé dans une famille où l’assistant familial n’a pas d’autre profession ne pourrait pas comprendre la valeur travail ? Un tel argument me surprend.

Par ailleurs, j’entends que pourraient être intéressés par ce métier certains fonctionnaires qui travaillent un peu moins que d’autres, qui ont des horaires plus souples, et de citer les enseignants. J’avoue que cela aussi m’interpelle. Franchement, je veux bien que l’on cherche des solutions et que l’on approuve celle qui nous est proposée par ce texte, mais permettez-moi de dire, chers collègues, que je trouve de tels arguments simplistes, voire dangereux.

Mme Monique Lubin. Si nous manquons aujourd’hui d’assistants familiaux, c’est parce que le métier est dévalorisé. Or je ne pense pas que l’on concourra à le revaloriser de cette façon. C’est certainement parce que les rémunérations ne sont pas suffisantes, parce que la situation des enfants placés est de plus en plus difficile et parce que les familles d’accueil sont démunies. C’est sur ces facteurs que nous devons travailler !

Le renvoi à un décret achève de semer le doute chez moi.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Monique Lubin. Nous connaissons tellement de textes pour lesquels les décrets n’ont jamais été publiés !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Je souhaite m’exprimer une dernière fois avant le vote du texte.

Je veux remercier mes collègues et tous ceux qui ont pris la parole pour défendre cette proposition de loi.

En effet, c’est une petite brique dans la protection de l’enfance, mais je pense qu’elle pourra être utile, à la fois pour assurer plus d’égalité entre le secteur privé et le secteur public, mais aussi pour accroître le nombre d’assistants familiaux.

Il y a tout de même un vrai chantier à mener, en particulier pour répondre à la question du temps consacré à leurs fonctions par les assistants familiaux, notamment en journée. Nous devrions déjà collectivement poser comme principe, dans nos départements, que les visites médiatisées, les rendez-vous médicaux, les rendez-vous avec les référents ASE ne devraient pas se faire sur le temps scolaire. De fait, la question de la scolarité des enfants de l’ASE est primordiale. Que 70 % des enfants de l’ASE sortent sans diplôme est un vrai problème ! Que seuls 13 % d’entre eux accèdent au brevet des collèges, alors qu’ils sont plus de 80 % dans la population dite « non protégée », en est un autre. Fixons donc collectivement comme règle que le temps administratif ne soit pas organisé sur le temps de l’enfant. La scolarité doit, à mon sens, être sanctuarisée pour les enfants protégés.

D’autres chantiers doivent être lancés, notamment celui de l’attractivité du métier d’assistant familial. Madame la ministre, vous vous êtes engagée à ouvrir la concertation avec les parties prenantes. Je pense que c’est nécessaire, et j’espère que nous serons nombreux à participer à ces travaux.

Enfin, nombre de mes collègues ont estimé qu’il était important de pouvoir évoquer de nouveau la protection de l’enfance, dont on ne parle pas assez. Mes chers collègues, je vous invite donc, comme nombre d’entre vous l’ont fait, à soutenir la proposition de loi que j’ai déposée tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l’enfant. Et, si cela ne passe pas par la loi, j’invite le bureau du Sénat à créer une telle délégation. Elle est indispensable pour pouvoir traiter de ces sujets transversaux sur le long terme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le président de la commission applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Premièrement, nous avons entendu plusieurs fois qu’il fallait aligner le privé sur le public, mais être fonctionnaire, ce n’est pas être salarié du privé ! Inclure dans les activités accessoires des fonctionnaires la possibilité dérogatoire d’exercer la fonction d’accueillant familial n’est pas obligatoirement rétablir une équité. Au reste, il n’y a pas d’obligation de tendre vers l’équité ! Les fonctionnaires et les salariés de droit privé sont traités différemment.

Deuxièmement, dans l’exposé des motifs, les auteurs de la proposition de loi avouent à demi-mot qu’il s’agit aussi de favoriser une meilleure stabilité économique aux familles d’accueil, ce qui prouve bien que le péché originel est aussi dans le manque de reconnaissance, de rémunération et de protection des assistants familiaux. Les choses doivent aussi accélérer sur ce plan.

La rédaction initiale du texte aurait pu convenir à notre groupe, parce qu’elle découlait d’une intuition, d’une attention, à partir desquelles nous aurions peut-être pu travailler avec Xavier Iacovelli. Cependant, les amendements de Mme Poncet Monge n’ayant pas été adoptés, tous les verrous ont sauté : sur la question du cumul avec un emploi à temps complet, sur l’accueil de plusieurs enfants, y compris de moins de 3 ans…

M. Xavier Iacovelli. Personne n’a dit cela !

Mme Marion Canalès. La suppression de l’article 2 sème le doute, mon cher collègue.

Et, comme l’a dit Mme Lubin, certains des décrets d’application de la loi Taquet n’ont toujours pas été publiés, deux ans et demi après l’adoption du texte, alors qu’ils ne posaient pas de difficulté particulière. La présente proposition de loi nécessitera un décret monstrueux. Tant mieux si Mme la ministre parvient à le rédiger ; c’est tout ce que je lui souhaite !

Nous ne voterons pas contre ce texte, mais nous nous abstiendrons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Je remercie mon groupe de me permettre d’être une non-alignée ce soir.

Même si je n’ai pas le monopole du cœur, je recherche toujours l’intérêt de l’enfant dans les politiques publiques qui le concernent. Or il vaut généralement mieux qu’un enfant soit placé dans une famille plutôt que dans ces foyers dont on connaît les travers.

Je salue donc l’ouverture du champ des possibles et l’extension à davantage de personnes de la possibilité d’exercer le métier d’assistant familial. Il ne faudrait d’ailleurs presque pas parler de métier… Il est vrai que c’est un emploi, pour lequel on est rémunéré, mais, si l’on n’a pas de cœur, si l’on n’aime pas les gens, on ne fait pas ça !

Il faut de la tendresse,…

Mme Catherine Conconne. … il faut du cœur, il faut de l’amour – osons le mot – pour exercer ce métier, qui n’est pas n’importe quel métier. Quand on n’aime pas les gens, on ne fait pas ça. Quand on n’a pas l’amour en soi, on ne fait pas ça !

Parmi les arguments avancés, j’ai entendu que les enfants pourraient ne pas être très bien éduqués par des parents fonctionnaires, car ils n’auraient pas le temps de s’occuper d’eux. On a l’impression que la fonction publique serait une espèce de succursale du musée Grévin (Sourires.), où tout serait figé, arrêté, où l’on ne pourrait rien bouger. Pourtant, la fonction publique n’a jamais cessé d’évoluer ! Hier, on ne pouvait même pas faire de la politique quand on était fonctionnaire ; aujourd’hui, les choses ont changé. Allons donc vers ce possible !

Pour ma part, je pense très fortement à ces dizaines et dizaines d’enfants qui, aujourd’hui, dans mon pays, attendent d’être placés dans des familles pour évoluer dans un cadre familial agréable et y trouver de l’amour et de l’attention. Si cette fonction peut être assurée par des fonctionnaires, tant mieux pour l’enfant ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Mes collègues du groupe Les Républicains ont excellemment expliqué les raisons pour lesquelles notre groupe votera pour cette proposition de loi.

Je veux à mon tour dire quelques mots à mon collègue Xavier Iacovelli, qui est élu du même département que moi, et dire quelques mots de l’action de ce territoire pour l’accueil des enfants pris en charge dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance.

D’abord, j’ai beaucoup apprécié les propos de notre collègue Catherine Conconne : l’accueil familial, c’est un devoir de solidarité, de fraternité à l’endroit d’enfants qui, pour des raisons variées, n’ont pas eu la chance de grandir dans une famille, auprès de leurs parents biologiques. À ces enfants, nous devons une attention particulière.

Comme ma collègue l’a également dit, être assistant familial, ce n’est pas seulement exercer un métier, c’est aussi assouvir une vocation, pour des personnes qui ont envie de s’occuper des autres. C’est un métier du soin, comme l’on dit. Cela peut être aussi, parfois, une façon de prolonger sa fonction parentale, pour celui dont les enfants ont quitté le nid.

Il est vrai que cette fonction connaît une pénurie de recrutement. À cet égard, cette proposition de loi est un petit pas, mais un pas important. Elle ne règle pas tous les problèmes, mais elle en règle un certain nombre.

Pour rebondir sur une autre observation qui a été faite, je veux dire que les conditions d’attractivité de cet emploi sont elles aussi importantes, et je pense notamment à la rémunération. Je veux, à cet égard, souligner l’action de mon département, les Hauts-de-Seine, qui, souvent, fait les choses bien.

Mme Cécile Cukierman. Tout le monde n’a pas son budget !

Mme Marie-Do Aeschlimann. Dans les Hauts-de-Seine, où le nombre d’enfants accueillis a été divisé par deux en six ans, une délibération du conseil départemental a permis, en 2022, de créer deux primes pour améliorer l’attractivité de l’emploi d’assistant familial. Je pense que c’est de nature à aider.

Merci pour cette proposition de cette loi ! Merci pour tous les enfants qui vont en bénéficier ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires va s’abstenir sur ce texte ; ce n’est pas une surprise, puisque j’avais annoncé que le sort réservé à nos amendements déterminerait notre position.

Je veux revenir sur les dernières interventions.

Il a été dit qu’une assistante familiale qui exerce également un métier d’agent administratif offrirait, plus qu’une sensibilisation à la valeur travail, la représentation de ce qu’est une situation normale. Cela me paraît dingue ! Cela veut-il donc dire qu’un enfant pris en charge par une assistante familiale à temps plein, qui ne fait que cela – on parle beaucoup de l’intérêt supérieur de l’enfant –, ne serait pas dans une situation de normalité ? Ce raisonnement est étonnant.

On dit toujours que les métiers du « prendre soin » sont des vocations, mais je tiens à rappeler que ce sont d’abord des métiers ! Ces femmes travaillent ; elles ont une formation. D’ailleurs, nous demandons qu’elles aient un statut et qu’elles entrent dans des cadres d’emploi. J’y insiste, c’est un travail !

Si vous voulez que ce métier, comme celui d’aide à domicile ou beaucoup d’autres, soit attractif, parlez un peu moins de « vocation » – tous les métiers demandent une appétence, une envie de faire –, et parlez plus de « métier » ! Les assistantes familiales qui travaillent à temps plein apportent à l’enfant des conditions de normalité et un sens de la valeur travail tout autant que quelqu’un qui travaille en dehors du foyer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Même si nous allons évidemment nous abstenir sur cette proposition de loi, je tiens à remercier à mon tour notre collègue Xavier Iacovelli. Je sais combien il est engagé sur la question de l’enfance et je l’en remercie.

Oui, c’est un sujet qui nous interpelle tous, puisque nous sommes confrontés, dans nos départements, à la même situation ; pas un département ne va mieux que les autres. Nous sommes tous confrontés à une explosion des besoins, avec les départs à la retraite en cours et à venir ; j’ai évoqué tout à l’heure le cas de mon département. Nous essayons donc, dans les départements, de trouver des solutions, avec les élus communaux et départementaux.

Vraiment, je veux m’ériger contre l’argument qui a été avancé, selon lequel certains, ici, auraient du cœur, quand les autres n’en auraient pas. (Sourires sur les travées du groupe RDPI.) De tels propos me dérangent : ce n’est pas juste de présenter les choses de cette façon ! Nous avons le droit de nous exprimer.

Je m’abstiendrai sur cette proposition de loi, parce que je pense qu’elle ne va pas assez loin et que l’État se défausse sur nos départements en ne nous présentant pas un projet global sur la question de l’aide à l’enfance.

Oui, nos enfants ont besoin d’être protégés. Oui, nos assistantes familiales et nos assistants familiaux ont besoin d’avoir un statut et une rémunération qui soient à la hauteur. C’est parce que cette question n’est pas abordée dans sa globalité que nous nous abstiendrons.